• Il a fait bon se balader hier après-midi. Le temps s’y prêtait. Soleil radieux, voire trop ardent pour les tonsures et calvities non couvertes. La grisaille de ce vendredi et le léger rafraîchissement ne changent rien à l’affaire.  Le printemps est là et bien là. En tout cas, on veut y croire.

    Dans les jardins le gazon repousse à vue d’œil. Comme s’il ne pouvait pas lui aussi prendre son temps. Pour laisser souffler les tondeuses. Chiendent, liseron, mouron ne sont pas en reste. Arrachage, sarclage, bêchage en vue.

    Il fait bon désormais se promener dans un hameau qui semble sortir de sa torpeur. Sur le chemin, en boucle, plus de visages, plus de sourires que les jours derniers. Comme si de rien ? Bien sûr que non ! Une liberté recouvrée pour partie, appréciée, mais limitée dans le temps et soumise aux gestes barrières.

    Ni bises, ni serrages de main. On se croise, chacun sur son côté du chemin. On prend le temps d’échanger sans s’approcher. Cordialité distanciée. Rude apprentissage pour vivre différemment le voisinage. Se côtoyer autrement.

    Les masques ? Ne nous voilons pas la face ! Même si les petites mains du village s’attèlent encore à la tâche, on n’en a guère l’usage ici. Les masques, c’est pour la ville, les courses, le marché. Partout où cela est vraiment nécessaire. Mais sur notre éperon rocheux, face au grand air du large ?  Avec la gravité, les postillons ne restent pas en suspension en l’air, ils tombent et se dispersent. Méfiance cependant. Ne baissons pas la garde !

     

    Le jour du rossignol

     

    Ce vendredi, 39e jour du confinement. Dix sept jours à vivre encore à ce régime. Supportable à bien des égards. Ici on peut respirer à pleins poumons, mais on aspire à mieux !

    Dans une semaine on fêtera le travail. Combien de nouveaux chômeurs d’ici là ? Autre source d’inquiétude pour des millions de personnes.

    Le muguet est abondant, mais les clochettes blanches n’auront pas leur fragrance habituelle. A leur toxicité naturelle va s’ajouter l’effluve imperceptible de cet autre poison, le coronavirus. Mais rappelons tout de même que vous pouvez, sans attendre, leur faire l’honneur d’un vase. Ce dimanche sera le  septième jour du mois de Floréal. Les Révolutionnaires fêtaient le muguet ce jour là (Chronique du lundi 20 avril).

    Ce vendredi, le cinquième jour de ce mois de Floréal, c’est le rossignol qui est à l’honneur. Un jour où il ferait bon réécouter Luis Mariano nous chanter Rossignol, rossignol de mes amours. Que de fois ai-je entendu ma grand-mère se lancer dans un karaoké qui ne disait pas encore son nom.

    Une complainte du confinement, puisqu’elle nous raconte l’histoire d’une princesse, au cœur plein de tristesse, enfermée nuit et jour, au sommet d’une tour. Mais un jour, prenant son vol, un gentil rossignol lui apporta l’espoir. Et c’est pour le revoir qu’elle chantait le soir « Rossignol, rossignol de mes amours ». La suite, vous la connaissez certainement. Si tel n’est pas le cas, je vous la laisse découvrir.

     

                                                                                                     Claude Tarin

                                                                                         Vendredi 24 avril 2020

     

       Le haïku du 39e jour

     

     Sur le sentier

    Gémissement d'un arbre-

    Séparation

     

    Le jour du rossignol


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  • Faîtes vous partie des courageux qui peuvent jouer les noctambules pour regarder le spectacle que nous offrent les Lyrides, depuis le jeudi 16 avril ? Un phénomène observable jusque la fin du mois.  Ce jeudi matin, il fallait, paraît-il, plutôt être du genre lève-tôt pour s’émerveiller devant ce qui s’apparente à une  « pluie » d’étoiles filantes. N’étant ni noctambule, ni lève-tôt, je ne peux donc partager votre éventuel ressenti. A regret, car on gagne beaucoup à se moucher dans les étoiles. Tout particulièrement par ce temps de confinement où moucher devient un geste barrière et où il nous faut saisir toutes les opportunités pour nous évader, pour ne plus penser à ce maudit Covid19 qui tarde, quant à lui, à s’éclipser.

    Fort heureusement, ce coronavirus ne hante pas mes nuits. Y penser le jour, c’est déjà suffisamment oppressant, exténuant. Car on a beau dire et faire comme si de rien, il nous pourrit la vie quotidiennement. Vivement l’après !

    Quel sera l’après ? That is the question !

    Quel sera notre après à nous qui vivons confinés dans un endroit que bien des gens sont en droit de nous envier. Le hameau, la commune, la presqu’île peuvent avoir présentement l’allure d’un paradis comparé au purgatoire des mégalopoles. Ici, la distanciation qu’il convient de respecter peut se faire plus facilement. Il n’empêche, là aussi, nous ne pouvons que nous interroger sur ce qu’il va advenir.

     

    Notre voix compte !

     

    « Conscient de la lassitude éprouvée par chacun d’entre nous, je demande encore à tous les habitants des efforts supplémentaires » Tel est le message que vient de nous adresser, par voie de presse, Marcel Turuban, toujours en charge des affaires de la commune, grâce ou à cause de l’épidémie.

    Je ne viens pas ce jour disserter sur cette situation paradoxale qui est la nôtre, à nous Lézardriviens, mais cette invite à rester mobilisés m’offre l’opportunité d’une chronique prospective.

    Paradoxale, la situation de Lézardrieux l’est assurément, même si les exemples qui font que des communes sont toujours gérées par des maires sortants n’ayant pas obtenu la majorité des suffrages ne manquent pas. De l’autre côté de la rive du Trieux, il en est de même. A ceci près qu’ici l’affaire se joue à une voix près.

    Il appartient au juge du tribunal administratif de Rennes, devant lequel un recours a été déposé, de dire si l’élection d’Henri Parenthoën doit être invalidée. La seule chose que je peux rappeler, c’est que, constat on ne peut plus évident, chaque voix compte devant les urnes. Si d’aucuns en doutaient encore, ils ont la preuve que tout bulletin à son poids. Tous les 393  électeurs et électrices  qui ont accordé leur suffrage à la liste menée par Henri Parenthoën peuvent se dire que c’est leur voix, la leur, qui a fait pencher la balance.

    Mais au-delà de ce qui, bientôt, ne sera plus qu’une péripétie électorale, la question, la vraie et unique question, est de savoir comment la commune va pouvoir faire face à cet après coronavirus.

    Rien ne sera plus comme avant ? C’est ce que l’on nous répète à satiété dans nos journaux et sur nos écrans ; c’est ce dont on se persuade nous-mêmes ; c’est ce qu’il nous faut, peu ou prou, espérer. Que ce soit pour un renforcement du lien social, dont la solidarité qui continue à se manifester semble porteuse ; que ce soit pour une meilleure prise en compte des impératifs environnementaux ; que ce soit pour un autre mode de développement économique permettant à tous les acteurs locaux de tirer leur épingle du jeu.

    Le chantier qui s’ouvre est colossal, terriblement complexe à résoudre. Il subsiste tant d’inconnues. Une chose est sûre : du plus haut sommet de l’Etat jusque qu’au coin de notre rue, il va falloir cogiter sec, il le faut déjà, et se retrousser les manches.

    Les maires, donc notre maire quel qu’il soit, auront incontestablement du pain sur la planche. A Lézardrieux, pour en rester à ce niveau, les adjoints, les colistiers et les « opposants » aussi. Mais pas qu’eux !

    Si chaque voix compte dans l’issue d’un scrutin, notre voix doit continuer à porter tout au long d’un mandat.

     

    Conseil citoyen

     

    Les maires réclament au pouvoir central, non sans raison,  plus de liberté d’action. Ils sont en effet souvent les mieux placés pour dire ce qu’il convient de faire pour que, tout en défendant les intérêts supérieurs, leurs administrés puissent se sentir « bien gouvernés ». Mais notre vie citoyenne ne peut se résumer au dépôt d’une enveloppe dans une urne.

    Les maires savent déjà, et les circonstances n’ont de cesse de le démontrer, qu’ils ont besoin des autres. Les associations d’aide et d’entre aide ne manquent pas. Elles sont sur le pont, face à la tempête. Mais si l’après ne doit plus être comme l’avant, il serait temps de réfléchir à une nouvelle organisation de la vie municipale.

    Sur de grandes problématiques comme celles de l’école, de la santé, de l’environnement, de l’économie locale, de l’animation culturelle, il serait judicieux de favoriser l’émergence de ce qu’il est convenu d’appeler des conseils citoyens. Personne n’a la science suffisamment infuse pour avoir un avis sur tout.

    Ces conseils pourraient se tenir bien en amont du temps de la décision. Autour de l’équipe municipale pourraient ainsi être réunis des experts mais aussi les personnes directement concernées ainsi que les citoyens intéressés par le sujet. Prendre le temps dès maintenant de réfléchir à la forme que devraient prendre de tels conseils et à leur articulation avec le conseil municipal ne me semble pas relever de l’impossible.

    « Il est évident que nous changeons d’époque. Il faut faire notre bilan. Nous avons un héritage, laissé par la nature et par nos ancêtres. Des paysages ont été des états d’âme et peuvent encore l’être pour nous-mêmes et ceux qui viendront après nous ; une histoire est restée inscrite dans les pierres des monuments ; le passé ne peut pas être entièrement aboli sans assécher de façon inhumaine tout avenir. Les choses se transforment sous nos yeux avec une extraordinaire vitesse. Et on ne peut pas toujours prétendre que cette transformation soit un progrès. Nos belles créations se comptent sur les doigts d’une main, nos destructions sont innombrables »

    C’est ce qu’écrivait Jean Giono en 1988, dans La chasse au bonheur.  Cette quête du bonheur,  nous pouvons espérer lui donner plus de consistance dans le monde d’après.  Il faudra continuer à conjuguer nos efforts. La commune est la cellule de la démocratie. Sachons lui redonner vigueur !

     

                                                                                                             Claude Tarin

                                                                                                     Jeudi 23 avril 2020

     

     

    Haikus, du soir, du matin

    et d'un lointain passé

     

    L'après,  après l'entre deux maires?

    L'après,  après l'entre deux maires?

     

    On doit ces instantanés d’un brocard  à Chantal et Philippe Barbier, confinés aux confins sud de Kermouster, spectateurs privilégiés, en ce jeudi matin, d’une scène de vie dont on ne peut se lasser. Un chevreuil marquant son territoire à l’heure où les premiers rayons de soleil transpercent le brouillard. Une aubaine pour un haïku de l’aube, taillé à même l'écorce.

     

    Bois contre figuiers

    Un brocard en son jardin-

    Distanciation

     

    xxx

     

    L'après,  après l'entre deux maires?

     

    Cette belle photo d’Olivier Missenard date du mois de février 2019. Mais ce cliché n'en conserve pas moins toute sa charge poétique. Ce qui nous vaut un haïku du soir signé Claudie.

     

    Lumières à Loguivy

    Ma tête est dans la lune-

    Mes pieds sont confinés

     

    xxx

     

    Les Lyrides sont observées depuis plus de 2600 ans. En l’an -687 du calendrier julien proleptique , calendrier qui démarre 45 ans avant Jésus-Christ, elles font l’objet d’un commentaire dans Les annales des printemps et des automnes publiés sous le règne du roi Zhuang , 15e souverain de la dynastie Zhou. De ce commentaire, que l’on attribue à un certain Zuo Qiuming, nous en tirons la substantifique moelle, sous la forme d’un haïku gravitant dans la constellation de la Lyre.

     

    Tombée de la nuit

    Jour d’été du Xin-Mao-

    Pluie d’étoiles

     

     

    L'après,  après l'entre deux maires?

    Constellation de la Lyre

     

    L'après,  après l'entre deux maires?

     

     

     


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  • La guêpe, les fourmis, les têtards…et nous !

     

    La loi de la jungle de l’autre côté de la vitre. Une guêpe gisant sur la terrasse, inerte, assurément morte. Autour d’elle, des fourmis. Point de lamentations. Plus que de la curiosité. Une aubaine. Voici de quoi calmer l’appétit, sans avoir à courir au diable vauvert. Quelle bonne idée a eue cette guêpe de s’en venir mourir à deux pas de la fourmilière. Très certainement victime du froid. Les matinées sont encore fraîches au sortir de la période de l’hibernation. Un peu folle la guêpe de quitter si tôt son confinement hivernal. Qui sait d’ailleurs si ce n’est pas une reine ? Donc un festin amélioré.

    Le microcosme est sans pitié. Et nos fourmis nécrophages, visiblement, peu reconnaissantes. Ingrates ? En tout cas, oublieuses.

    Qui leur a donné raison dans la fable Les frelons et les mouches à miel ? Oui, qui ? La guêpe,  que La Fontaine a affublée de la robe du juge. Certes, un juge, comme le Perrin de L’huître et des plaideurs, qui n’a d’abord pensé qu’à faire son miel d’un contentieux. L’impartialité ? «  Connais pas ! » chez les petits amis de notre moraliste national. Reste la sentence. Plus que défavorable pour les frelons.

    La nature a ses lois. Impitoyables le plus souvent.

    « Forban toujours en quête de butin, la fourmi le rencontre (un cadavre de cigale) ; Elle dépèce la riche pièce, la dissèque, la cisaille, la réduit en miettes qui vont grossir son amas de provisions  Il est de bon ton de vanter l’acharnement des fourmis au travail. Mais ces stakhanovistes de la mandibule sont d’insatiables et redoutables dévoreuses, comme le souligne, ici, Jean Henri Fabre, célèbre entomologiste.

    On retient surtout de Jean Henri Fabre ses Souvenirs entomologiques, dont cette citation est d’ailleurs extraite. Une œuvre colossale rédigée entre 1879 et 1907. Un travail de fourmi en quelque sorte. 4000 pages publiées en 10 séries. Une mine de savoirs, dont le monde entier a pu faire son miel. Jean Henri Fabre (1823-1915) demeure une référence planétaire plus d’un siècle après sa mort. Au Japon il est toujours considéré comme le modèle accompli de l’homme de sciences et de l’homme de lettres réunis.

    Voici un virus, celui du savoir, dont on ne doit pas craindre la propagation. Bien au contraire. Ce sont les efforts conjugués des virologues des deux hémisphères qui mettront fin à la ronde infernale du Covid19. La mondialisation n’est pas que néfaste. Un pays qui se confinerait trop longtemps derrière ses frontières se mettrait désormais en danger.

    Il y a cinquante ans, jour pour jour, un Américain, sénateur du Wisconsin, Gaylord Nelson proposait d’organiser une Journée de la Terre pour sensibiliser les responsables politiques de son pays aux questions environnementales. Vingt ans plus tard, un autre Américain, l’écologiste Denis Hayes réussissait à en faire un événement mondial, en réunissant quelque 200 millions de personnes dans 141 pays. Pas sûr du tout que ce rendez-vous annuel du 22 avril soit inscrit sur l’agenda de Donald Trump ! Pas sûr non plus que la fête aura battu son plein, en France comme ailleurs. Encore un discrédit à mettre au compte du coronavirus.

    A kermouster, dans le cadre contraint du confinement, il aura fait bon, ce mercredi, se dégourdir les jambes dans le périmètre autorisé. Comme la veille, pas le moindre papillon à placer sous l’objectif. Mais un petit monde en ébullition.

     

    La guêpe, les fourmis, les têtards…et nous !

    La guêpe, les fourmis, les têtards…et nous !

     

    Sous les paillis, les verres de terre s’en donnent à cœur joie. Est-ce que celui qui se tortillait sur le bitume de la rue de l’école aura eu plus de chance que la petite couleuvre qui, quelques mètres plus loin, tout comme la guêpe, sera passée, ce jour là,  de la vie à trépas ? ’Une voiture ? Il en passe quelques unes.  Un geste délibéré ?  Pour le plaisir de lui ôter le plaisir de vivre ?

     

    La guêpe, les fourmis, les têtards…et nous !

     

    Notre rapport à la nature, à l’heure du réchauffement climatique, est au cœur des débats. Mais je ne prends pas le risque de m’engager, ce jour, plus avant.  

     

    La guêpe, les fourmis, les têtards…et nous !

    La guêpe, les fourmis, les têtards…et nous !

     

    Je me borne à signaler que j’ai retrouvé mon âme d’enfant, quelques instants durant, en haut de la côte de Pors Gwen. Dans l’eau stagnante d’une mare, une joyeuse bande de têtards. Tout juste sortis de l’œuf. Futures grenouilles ou rainettes ? Dans quatre mois, ceux qui auront survécu – car le danger guette là aussi- pourront coasser à qui mieux mieux.

    Quatre mois ! Je n’ose imaginer qu’il nous faille attendre aussi longtemps pour clore ce long chapitre de la pandémie.

     

                                                                                                               Claude Tarin

                                                                                                  Mercredi 22 avril 2020

                         

     

    Pour en savoir plus sur Jean Henri Fabre

    https://www.e-fabre.com/biographie/catalogue.htm

     

     

    Haikus du confinement

     

    La guêpe, les fourmis, les têtards…et nous !

     

     Il faut croire que tous les adhérents du KPH (club des Kermoustériens des passionnés du haïku)  ont décidé de mettre à profit cette Journée de la Terre pour rechercher de nouvelles sources d’inspiration. Il est vrai que l’exercice n’est pas aussi facile qu’il y paraît, même libéré de la règle de 5/7/5 syllabes. Un jour de repos sera-t-il suffisant pour retrouver le plaisir de les lire ? Espérons le !

     Pour vous aider à réamorcer le mouvement :

     

    Jour de la Terre

    Au rendez-vous du printemps-

    Confinement

     

     

    xxx

     

    Méditation

    Au ras des pâquerettes-

    La mer est belle

     

    La guêpe, les fourmis, les têtards…et nous !


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  • Un lever de soleil fantastique. L’étoile ronde et rouge vif jaillissant d’au-dessus les arbres de l’île à Bois, déchirant une couverture nuageuse d’un rose pâle. Un merle bravache qui s’en vient m’interdire de rentrer dans la maison, jaloux, qui sait, de la priorité que j’accorde chaque matin au canard que je récupère dans la boîte aux lettres, à l’entrée du jardin. Bravache ? Plutôt joueur. En tout cas peu farouche. Un face à face d’une bonne minute.

    Tout semblait réuni pour donner à cette nouvelle journée une coloration réjouissante. Et puis, patatras ! L’agacement. Au sortir de la lecture du journal.

     L’après confinement ? La question existentielle du moment. Terrifiante pour les plus pessimistes, angoissante, à des degrés divers, pour tous les autres. "Il n’y a plus d’après" chantait Juliette Gréco sur un texte très poétique de Guy Béart. Cet après ne concernait que celui de Saint-Germain des près dont elle aura été l’égérie. Pour nous, il y aura un après. Mais lequel ? Et qui doit nous dire ce qu’il sera ?

    Je ne peux taire mon agacement de lire et entendre celles et ceux qui n’ont de cesse de ne parler que de l’avant, pour se mettre eux-mêmes en avant. Pas assez de masques ! Manque de tests ! Insuffisance du nombre de lits dans les hôpitaux ! Mauvaise anticipation pour les Ehpad, etc, etc. On le sait. Et alors ?

     A tous ces radoteurs, il est bon de rappeler qu’il y aura bien un après et que viendra le temps de tirer les leçons. Pour savoir ce qui nous a conduit à vivre de cette façon un tel épisode dramatique. Les stratégies mises en place depuis des décennies, les pénuries révélées, tout devra et sera passé au peigne fin.

    Beaucoup de ceux qui se drapent aujourd'hui dans la toge du procureur pourraient ainsi se retrouver à la barre, devant des juges impartiaux. Pour expliquer l’incurie qu’ils n’ont pas su voir, qu’ils ont pu provoquer par l’inaction dont ils se sont rendus coupables dans les domaines de la santé. Pour l’heure, la priorité des priorités est de définir la meilleure méthode pour se sortir de ce mauvais pas,  le plus vite possible. Les chicaneries de la sphère politique, toutes empruntes d’arrière-pensées,  ne font que freiner le processus de remise en marche du pays.

     

    L'effet papillon

     

     

    Il aura fallu que je m’en aille, cet après-midi, à la chasse aux papillons pour taire cette mauvaise humeur. Pourquoi les papillons ?

    C’est une vidéo, que vous avez certainement déjà vue, qui m’a donné cette envie de profiter de la balade quotidienne pour, appareil photo à la main, tenter de saisir sur le vif ces butineurs sortis tout juste de leur chrysalide. Vue ou pas vue, je ne peux que vous inviter à visionner ou revoir Butterfly de Johannes Stötter. Vous trouverez cette vidéo  facilement sur la toile et, si vous poussez plus avant la curiosité à travers d’autres réalisations de cet artiste, vous découvrirez un maître de la métamorphose. Certes, je ne m’attendais pas sur le chemin à retrouver la féerie d’un tel spectacle, mais à l’air libre, sous un soleil bien établi, je pouvais espérer, à l’orée du village, en retrouver un peu la magie.

    Hélas ! Est-ce le souffle de vent un peu trop puissant ou tout simplement la saisonnalité, mais je suis revenu bredouille de la chasse. Impossible de fixer les quelques papillons blancs rencontrés, peu empressés qu’ils étaient de se poser.  Les piérides, comme on les appelle, ne sont pas assurément les plus beaux. Ils font pâle figure comparés au Paon du jour, à Robert le diable, à la Belle Dame et à la Petite Tortue. Les piérides du chou ont même mauvaise réputation car au stade le chenille ils font des ravages dans les champs et potagers.

     

    L'effet papillon

     

    Point de papillons donc, mais, avec ma  Cendrillon, ravis que nous étions d’être sortis de notre cage, nous avons vécu un bon moment de décompression. Ces premiers jours de Floréal ( précédente chronique), il aura fait bon se promener. Que de beaux tapis à regarder. Le jaune du colza sur le bleu violet de la phacélie, une œuvre d’art. Mais la balade bouclée, je n’en avais pas fini avec les papillons.

    Je ne suis pas lepidoptérophile. Mais, ayant ressenti l’intérêt qu’il y avait à en savoir un peu plus sur les papillons, j’ai appris que les piérides pouvaient prendre une majuscule, le petit chemin de Kermouster m’ayant ramené au fin fond de la mythologie. Les Piérides sont les neuf filles du roi Piéros, roi d’Emanthie, auxquelles il a donné le nom de muses. Une légende qui a inspiré de nombreux peintres dont Gustave Moreau (1826-1898) et Jean-Pierre Norblin de la Gourdaine (1774-1783). En butinant sur la toile j’ai fini par repérer ces deux tableaux que je soumets à votre appréciation.

     

    L'effet papillon

     Les piérides (1889) de Gustave Moreau (1826-1898)

     

    L'effet papillon

     Métamorphoses de Piérides en pies (1779) de Jean-Pierre Norblin de la Gourdaine (1774-1783). Musée de Varsovie

    L’effet papillon aura donc quand même joué à plein. Oublié ce moment d’agacement. Mais une question sans réponse. Les filles du roi Piéros, étant d’excellentes chanteuses, ont voulu défier les Muses dans une épreuve musicale. En essayant de les imiter. Ce qui a fortement déplu aux Muses. Et, à leur demande, Apollon changea les Piérides en pies et autres petits oiseaux. Pour les punir.

    Ce n’est pas une pie qui se trouvait devant ma porte ce matin. Mais était-ce une Piéride qui se pavanait sous le plumage d’un merle ? Allez savoir ! Ce qui est sûr, c'est que préfère de beaucoup entendre le merle siffleur que les jacassements de la pie bavarde.

     

     

                                                                                                                                       Claude Tarin

                                                                                                                          Mardi 21 avril 2020


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  • En bons républicains, nous sommes sensés ne pas l’ignorer. Ce 20 avril nous fêtons la rose, premier jour du mois Floréal, huitième mois  du calendrier révolutionnaire. Floréal car, selon Fabrice d’Eglantine, le bien nommé, il marquait l’ouverture de la période de l’épanouissement des fleurs. Demain, nous fêterons les chênes. Mercredi, ce sera la fougère, jeudi l’aubépine. Mais vendredi, cinquième jour de Floréal, honneur au rossignol.

    Dans tout mois républicain, les jours se terminant par un 5 portaient le nom d’un animal, les 10e, 20e et 30e quant à eux avaient un rapport avec le travail des paysans. Ainsi le mercredi 29 avril prochain, 10e jour de Floréal, nous fêterons les râteaux. 

    Mais dès  dimanche 26 avril, nous  serions en droit de fêter le muguet, soit cinq jours avant la tradition bien établie du 1er mai, du calendrier grégorien.

     

    Ce jour, on peut fêter la rose

    Selon le calendrier républicain le 11 mai sera la fête de la fritillaire

     

    Le lundi 11 mai, jour du possible déconfinement, jour où l’on fête, comme je l’ai récemment rappelé, Saint Mamert, le premier des trois saints de glace,  sera aussi, tous calendriers confondus, celui de la fritillaire. Sera-ce la fleur du renouveau attendu, d’une liberté de mouvements retrouvée ? Edouard Philippe, notre Premier ministre n’a pas fermé totalement la porte à l’espoir, mais tout laisse à penser qu’il nous faudra encore faire preuve de patience. Et quoi de mieux, dès lors,  qu’une immersion dans un savoir encyclopédique à portée de la main pour nous aider à tenir le coup.

    Nombreux sont celles et ceux qui connaissent mes insuffisances en matière de jardinage. Je les conforte tout de suite. Elles demeurent. Les quelques lignes qui précèdent sont des fleurs cueillies ce matin même sur la Toile. Elles sont les fruits d’une soudaine curiosité que je résume en une phrase : quels sont les  20 avril historiques?

    « Le but d'une Encyclopédie est de rassembler les connaissances éparses sur la surface de la terre, d'en exposer le système général aux hommes avec qui nous vivons et de le transmettre aux hommes qui viendront après nous ; afin que les travaux des siècles passés n'aient pas été des travaux inutiles pour les siècles qui succéderont, que nos neveux, devenant plus instruits, deviennent en même temps plus vertueux et plus heureux, et que nous ne mourions pas sans avoir bien mérité du genre humain. » Plus personne, en dehors des historiens patentés, ne s’amuserait à consulter L’Encyclopédie de Denis Diderot et Jean d’Alembert, mais ce texte, extrait de la préface de ce colossal travail totalement achevé en 1780, garde tout son sens à l’heure de Wikipedia. Il pose le principe intangible de la démarche encyclopédique.

    On peut, souvent à raison, maudire l’intrusion d’Internet dans notre vie de tous les jours, mais force est de reconnaître qu’il nous ouvre plus facilement, et plus complètement, que l’Encyclopédie originelle aujourd'hui obsolète, toutes les pistes du savoir d’hier et d’aujourd’hui.

    Un écran d’ordinateur ne remplacera jamais une fenêtre grande ouverte, mais, en l’utilisant à bon escient, il peut, durant ce confinement, nous instruire, tout en nous divertissant. C’est cet aspect qui m’amène à satisfaire cette curiosité du moment et qui me permet ainsi, au gré de  mes humeurs, d’étaler des connaissances nouvelles ou revisitées. En voici quelques unes.

    Vendredi 20 avril 1534. Ce jour là, il n’est pas idiot de penser qu’un paysan,  travaillant la terre à même les hauteurs qui surplombent l’estuaire du Trieux, ait pu voir au loin, entre Bréhat et la pointe de l’Arcouest, les voiles de deux caraques filant vers le soleil couchant. Impossible d’en repérer les noms de si loin, mais il se trouvait être le témoin d’un événement historique.

     

    Ce jour, on peut fêter la rose

     

    Quelques heures auparavant, ces deux voiliers, dont je n’ai toujours pas réussi à trouver les noms, même sur Wikipedia, avaient quitté Saint-Malo. Ils s’en allaient à la découverte des Indes, par la route du  nord. Une expédition placée sous le commandement d’un certain Jacques Cartier. Une soixantaine d’hommes armaient ces bateaux d’une soixantaine mètres. Après vingt jours de navigation, Jacques Cartier mettait le pied sur une nouvelle terre, Terre Neuve. Et le golfe Saint Laurent. Il y reviendra dès l’année suivante.

    L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert évoque le nom de ce découvreur dans un article se référant à la ville de Saint Malo : « Elle a formé d’illustres pilotes, entre’autres Jacques Cartier, célèbre navigateur, et qui découvrit le Canada en 1534. On sait qu’elle est la patrie de M du Gay du Trouin, un des grands hommes de mer de notre siècle. »

    Mais j’entends déjà une objection ! « Vous, vous faîtes erreur ! Car le calendrier de l’époque est alors en retard sur le calendrier grégorien instauré en 1582. Donc, l’anniversaire exact du début de la traversée tombe le 30 avril au lieu du 20. » Objection retenue, mais pour notre paysan d’alors, et à vrai dire pour nous aussi, cela ne change pas grand-chose car dix jours plus tard il pliait encore le dos sur la terre, ne s’accordant le droit d’admirer le paysage que par intermittence.

     

    Ce jour, on peut fêter la rose

     Les adieux, à Fontainebleau, de Napoléon 1er à la garde impériale par Horace Vernet (1789-1863)

     

    20 avril 1814. Midi. L’heure est grave et solennelle dans la cour du cheval blanc du château de Fontainebleau. Contraint d’abdiquer, Napoléon, portant l’habit de colonel des chasseurs de la garde, fait ce jour là ses adieux à ses soldats. Neuf jours plus tard, il embarquera à Saint Raphaël, sur la frégate anglaise Undaunted à destination de l’ïle d’Elbe. Terre d’exil.

    20 avril 1962. Au rez-de-chaussée du 25 rue Desfontaines à Alger, bureau du général Raoul Salan. Deux autres hommes sont dans le bureau quand on frappe la porte. Les gardes du corps postés devant l’immeuble n’ont rien pu faire. Le quartier est encerclé. Le chef de l’OAS, l’Organisation armée secrète, est arrêté.

    Trois dates parmi tant d’autres qui mériteraient, elles aussi, d’être citées, mais je vous laisse le soin d’aiguiser votre propre curiosité et, pourquoi pas, de vous « amuser » à agir de même au fil du temps. Manière comme une autre de « tuer » les temps morts du confinement.

    Mais je ne peux faire l’impasse sur un quatrième 20 avril ayant eu, il y a peu, des conséquences néfastes sur le destin de l’humanité. Pas plus que l’on n’a vu venir ce virus qui nous vaut de vivre « terrés » entre quatre murs, pas plus le meilleur des augures aurait pu prédire que les germes d’une destruction massive venait d’éclore, le 20 avril 1889, à Braunau-sur- Inn, une petite ville d’Autriche située près de la frontière avec l’Allemagne. C’est ce jour là qu’Adolphe Hitler a poussé son premier cri.

    Peu après l’Anschluss, le 4 avril 1938, devenu le maître de l’Allemagne, Hitler est fait citoyen d’honneur de sa ville natale. Les virus de la haine, du racisme de l’antisémitisme vont alors se propager sur tout le vieux continent, la grande dépression économique leur offrant le meilleur des terreaux. Ne l’oublions jamais ! Mais ne réduisons pas le 20 avril de chaque année à cela.

    Il y a en effet des 20 avril qui peuvent et doivent nous réconcilier avec le plaisir de la vie. Comme ce 20 avril 1535. Un an tout juste après le départ de Jacques Cartier.

    Je ne reviens pas sur le possible décalage déjà évoqué  par rapport au calendrier grégorien et prends pour argent comptant ce qu’il nous est donné de savoir.

     

    Ce jour, on peut fêter la rose

    Parhélie au-dessus de Stockholm (1636)  par Jacob Heinrich Elbfas. Photo Magnus Aronson

     

    Je pense que, tout comme moi je pouvais l’être à l’heure du petit déjeuner, vous ignorez tout du Vädersolstavlan. Il s’agit d’un tableau attribué à un peintre suédois Urban Mâlare dont subsiste une copie réalisée en 1636 par un autre artiste, Jacob Heinrich Elbfas. Cette peinture représente un parhélie observé au-dessus de Stockholm le 20 avril 1535.

    Mais qu’est-ce qu’un parhélie ?  

    Ce nom, peu courant, signifie littéralement « la peinture du soleil du temps ». Il s’agit de la représentation d’un phénomène optique, appelé également « faux soleil », « soleil double », voire « œil de bouc » ou « chiens du soleil ». Ce phénomène se produit lorsque le soleil est assez bas sur l’horizon et que l’atmosphère est chargée de cristaux de glace présents dans les nuages de haute altitude. L’œil peut voir dans le halo deux répliques de l’image du soleil, placées horizontalement de part et d’autre de celui-ci.

    Le soleil n’a pas attendu de passer au-dessus de Stockholm pour impressionner de cette façon les Terriens, mais ce tableau a pour mérite de nous donner une date. Et, la découvrant, j’en viens à me dire que nous avons peut-être raté d’assister à un tel spectacle ces jours derniers. Il se trouvera peut-être quelques Kermoustériens pour nous dire qu’ils en ont déjà été témoins. Ce phénomène est, dit-on, plus fréquent dans les zones polaires, mais n'est pas rare à notre latitude.

    Tout laisse à penser que ce n’est pas ce jour, où nous sommes invités à fêter la rose, que nous pourrons le vérifier. Une seule consolation en ce 110e jour de l’année : il pleut. C’est bon pour les roses, les chênes, le muguet et les potagers. Demain sera un autre jour.

    Vous y apprendrez que c’est un 21 avril que les femmes françaises ont obtenu le droit de vote par une ordonnance du Comité français de la Libération nationale, signée par Charles de Gaulle depuis Alger. Que le camp de Ravensbrück a été libéré. Autres faits marquant : le putsch des généraux d’Alger, le coup d’Etat des colonels à Athènes. Mais aussi : première parution du journal Spirou. Côté naissance, saluons celle de la reine Elisabeth II.

    Ce mardi 21 avril, le soleil, avec ou sans parhélie, fera son retour. Apprécions l’alternance entre pluie et soleil !

     

                                                                                                             Claude Tarin

                                                                                                    Lundi 20 avril 2020

     

    Un haïku circonstancié

     

     

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    Ce jour, on peut fêter la rose


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