• Ce jour, on peut fêter la rose

    En bons républicains, nous sommes sensés ne pas l’ignorer. Ce 20 avril nous fêtons la rose, premier jour du mois Floréal, huitième mois  du calendrier révolutionnaire. Floréal car, selon Fabrice d’Eglantine, le bien nommé, il marquait l’ouverture de la période de l’épanouissement des fleurs. Demain, nous fêterons les chênes. Mercredi, ce sera la fougère, jeudi l’aubépine. Mais vendredi, cinquième jour de Floréal, honneur au rossignol.

    Dans tout mois républicain, les jours se terminant par un 5 portaient le nom d’un animal, les 10e, 20e et 30e quant à eux avaient un rapport avec le travail des paysans. Ainsi le mercredi 29 avril prochain, 10e jour de Floréal, nous fêterons les râteaux. 

    Mais dès  dimanche 26 avril, nous  serions en droit de fêter le muguet, soit cinq jours avant la tradition bien établie du 1er mai, du calendrier grégorien.

     

    Ce jour, on peut fêter la rose

    Selon le calendrier républicain le 11 mai sera la fête de la fritillaire

     

    Le lundi 11 mai, jour du possible déconfinement, jour où l’on fête, comme je l’ai récemment rappelé, Saint Mamert, le premier des trois saints de glace,  sera aussi, tous calendriers confondus, celui de la fritillaire. Sera-ce la fleur du renouveau attendu, d’une liberté de mouvements retrouvée ? Edouard Philippe, notre Premier ministre n’a pas fermé totalement la porte à l’espoir, mais tout laisse à penser qu’il nous faudra encore faire preuve de patience. Et quoi de mieux, dès lors,  qu’une immersion dans un savoir encyclopédique à portée de la main pour nous aider à tenir le coup.

    Nombreux sont celles et ceux qui connaissent mes insuffisances en matière de jardinage. Je les conforte tout de suite. Elles demeurent. Les quelques lignes qui précèdent sont des fleurs cueillies ce matin même sur la Toile. Elles sont les fruits d’une soudaine curiosité que je résume en une phrase : quels sont les  20 avril historiques?

    « Le but d'une Encyclopédie est de rassembler les connaissances éparses sur la surface de la terre, d'en exposer le système général aux hommes avec qui nous vivons et de le transmettre aux hommes qui viendront après nous ; afin que les travaux des siècles passés n'aient pas été des travaux inutiles pour les siècles qui succéderont, que nos neveux, devenant plus instruits, deviennent en même temps plus vertueux et plus heureux, et que nous ne mourions pas sans avoir bien mérité du genre humain. » Plus personne, en dehors des historiens patentés, ne s’amuserait à consulter L’Encyclopédie de Denis Diderot et Jean d’Alembert, mais ce texte, extrait de la préface de ce colossal travail totalement achevé en 1780, garde tout son sens à l’heure de Wikipedia. Il pose le principe intangible de la démarche encyclopédique.

    On peut, souvent à raison, maudire l’intrusion d’Internet dans notre vie de tous les jours, mais force est de reconnaître qu’il nous ouvre plus facilement, et plus complètement, que l’Encyclopédie originelle aujourd'hui obsolète, toutes les pistes du savoir d’hier et d’aujourd’hui.

    Un écran d’ordinateur ne remplacera jamais une fenêtre grande ouverte, mais, en l’utilisant à bon escient, il peut, durant ce confinement, nous instruire, tout en nous divertissant. C’est cet aspect qui m’amène à satisfaire cette curiosité du moment et qui me permet ainsi, au gré de  mes humeurs, d’étaler des connaissances nouvelles ou revisitées. En voici quelques unes.

    Vendredi 20 avril 1534. Ce jour là, il n’est pas idiot de penser qu’un paysan,  travaillant la terre à même les hauteurs qui surplombent l’estuaire du Trieux, ait pu voir au loin, entre Bréhat et la pointe de l’Arcouest, les voiles de deux caraques filant vers le soleil couchant. Impossible d’en repérer les noms de si loin, mais il se trouvait être le témoin d’un événement historique.

     

    Ce jour, on peut fêter la rose

     

    Quelques heures auparavant, ces deux voiliers, dont je n’ai toujours pas réussi à trouver les noms, même sur Wikipedia, avaient quitté Saint-Malo. Ils s’en allaient à la découverte des Indes, par la route du  nord. Une expédition placée sous le commandement d’un certain Jacques Cartier. Une soixantaine d’hommes armaient ces bateaux d’une soixantaine mètres. Après vingt jours de navigation, Jacques Cartier mettait le pied sur une nouvelle terre, Terre Neuve. Et le golfe Saint Laurent. Il y reviendra dès l’année suivante.

    L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert évoque le nom de ce découvreur dans un article se référant à la ville de Saint Malo : « Elle a formé d’illustres pilotes, entre’autres Jacques Cartier, célèbre navigateur, et qui découvrit le Canada en 1534. On sait qu’elle est la patrie de M du Gay du Trouin, un des grands hommes de mer de notre siècle. »

    Mais j’entends déjà une objection ! « Vous, vous faîtes erreur ! Car le calendrier de l’époque est alors en retard sur le calendrier grégorien instauré en 1582. Donc, l’anniversaire exact du début de la traversée tombe le 30 avril au lieu du 20. » Objection retenue, mais pour notre paysan d’alors, et à vrai dire pour nous aussi, cela ne change pas grand-chose car dix jours plus tard il pliait encore le dos sur la terre, ne s’accordant le droit d’admirer le paysage que par intermittence.

     

    Ce jour, on peut fêter la rose

     Les adieux, à Fontainebleau, de Napoléon 1er à la garde impériale par Horace Vernet (1789-1863)

     

    20 avril 1814. Midi. L’heure est grave et solennelle dans la cour du cheval blanc du château de Fontainebleau. Contraint d’abdiquer, Napoléon, portant l’habit de colonel des chasseurs de la garde, fait ce jour là ses adieux à ses soldats. Neuf jours plus tard, il embarquera à Saint Raphaël, sur la frégate anglaise Undaunted à destination de l’ïle d’Elbe. Terre d’exil.

    20 avril 1962. Au rez-de-chaussée du 25 rue Desfontaines à Alger, bureau du général Raoul Salan. Deux autres hommes sont dans le bureau quand on frappe la porte. Les gardes du corps postés devant l’immeuble n’ont rien pu faire. Le quartier est encerclé. Le chef de l’OAS, l’Organisation armée secrète, est arrêté.

    Trois dates parmi tant d’autres qui mériteraient, elles aussi, d’être citées, mais je vous laisse le soin d’aiguiser votre propre curiosité et, pourquoi pas, de vous « amuser » à agir de même au fil du temps. Manière comme une autre de « tuer » les temps morts du confinement.

    Mais je ne peux faire l’impasse sur un quatrième 20 avril ayant eu, il y a peu, des conséquences néfastes sur le destin de l’humanité. Pas plus que l’on n’a vu venir ce virus qui nous vaut de vivre « terrés » entre quatre murs, pas plus le meilleur des augures aurait pu prédire que les germes d’une destruction massive venait d’éclore, le 20 avril 1889, à Braunau-sur- Inn, une petite ville d’Autriche située près de la frontière avec l’Allemagne. C’est ce jour là qu’Adolphe Hitler a poussé son premier cri.

    Peu après l’Anschluss, le 4 avril 1938, devenu le maître de l’Allemagne, Hitler est fait citoyen d’honneur de sa ville natale. Les virus de la haine, du racisme de l’antisémitisme vont alors se propager sur tout le vieux continent, la grande dépression économique leur offrant le meilleur des terreaux. Ne l’oublions jamais ! Mais ne réduisons pas le 20 avril de chaque année à cela.

    Il y a en effet des 20 avril qui peuvent et doivent nous réconcilier avec le plaisir de la vie. Comme ce 20 avril 1535. Un an tout juste après le départ de Jacques Cartier.

    Je ne reviens pas sur le possible décalage déjà évoqué  par rapport au calendrier grégorien et prends pour argent comptant ce qu’il nous est donné de savoir.

     

    Ce jour, on peut fêter la rose

    Parhélie au-dessus de Stockholm (1636)  par Jacob Heinrich Elbfas. Photo Magnus Aronson

     

    Je pense que, tout comme moi je pouvais l’être à l’heure du petit déjeuner, vous ignorez tout du Vädersolstavlan. Il s’agit d’un tableau attribué à un peintre suédois Urban Mâlare dont subsiste une copie réalisée en 1636 par un autre artiste, Jacob Heinrich Elbfas. Cette peinture représente un parhélie observé au-dessus de Stockholm le 20 avril 1535.

    Mais qu’est-ce qu’un parhélie ?  

    Ce nom, peu courant, signifie littéralement « la peinture du soleil du temps ». Il s’agit de la représentation d’un phénomène optique, appelé également « faux soleil », « soleil double », voire « œil de bouc » ou « chiens du soleil ». Ce phénomène se produit lorsque le soleil est assez bas sur l’horizon et que l’atmosphère est chargée de cristaux de glace présents dans les nuages de haute altitude. L’œil peut voir dans le halo deux répliques de l’image du soleil, placées horizontalement de part et d’autre de celui-ci.

    Le soleil n’a pas attendu de passer au-dessus de Stockholm pour impressionner de cette façon les Terriens, mais ce tableau a pour mérite de nous donner une date. Et, la découvrant, j’en viens à me dire que nous avons peut-être raté d’assister à un tel spectacle ces jours derniers. Il se trouvera peut-être quelques Kermoustériens pour nous dire qu’ils en ont déjà été témoins. Ce phénomène est, dit-on, plus fréquent dans les zones polaires, mais n'est pas rare à notre latitude.

    Tout laisse à penser que ce n’est pas ce jour, où nous sommes invités à fêter la rose, que nous pourrons le vérifier. Une seule consolation en ce 110e jour de l’année : il pleut. C’est bon pour les roses, les chênes, le muguet et les potagers. Demain sera un autre jour.

    Vous y apprendrez que c’est un 21 avril que les femmes françaises ont obtenu le droit de vote par une ordonnance du Comité français de la Libération nationale, signée par Charles de Gaulle depuis Alger. Que le camp de Ravensbrück a été libéré. Autres faits marquant : le putsch des généraux d’Alger, le coup d’Etat des colonels à Athènes. Mais aussi : première parution du journal Spirou. Côté naissance, saluons celle de la reine Elisabeth II.

    Ce mardi 21 avril, le soleil, avec ou sans parhélie, fera son retour. Apprécions l’alternance entre pluie et soleil !

     

                                                                                                             Claude Tarin

                                                                                                    Lundi 20 avril 2020

     

    Un haïku circonstancié

     

     

    Le calendrier

    Premier jour de Floréal

    Révolution

     

    Ce jour, on peut fêter la rose


  • Commentaires

    1
    Elisabeth
    Lundi 20 Avril 2020 à 20:34

    Merci beaucoup à vous deux, Claudie et Claude pour ces lectures et haïkus quotidiens, très instructifs et divertissants.

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