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    Ciel sans nuages au matin de ce vingt-quatrième jour de confinement. Soleil prometteur. Mais une Lune qui commence à se voiler la face. Beaucoup moins majestueuse que les jours précédents. En route pour un nouveau cycle autour de la Terre. Indifférente apparemment aux tracas qui sont les nôtres. Pauvre de nous !

    Cela dit, je ne suis pas convaincu par la justesse de cette exclamation. Même s’il n’a pas fallu attendre que le Covid19 s’en vienne peser sur notre entendement pour le savoir, les informations et les images, qu’il nous  a été donné de lire et de voir ces dernières heures, nous font craindre que l’après Coronavirus soit marqué par des difficultés accrues pour des milliards d’être humains qui vivent dans des contrées lointaines. Loin de nous !

    Insupportables ces images d’enfants venant, avec leurs parents, picorer dans une immense décharge à ciel ouvert de New Delhi. Tout sourire quand ils dénichent un morceau de pain rassis sous les ordures. Heureux d’avoir brûlé la politesse aux vaches sacrées qui broutent, elles aussi, dans cette prairie de détritus.

    Insupportable cet effet loupe sur les dégâts que provoque le virus du racisme au pays de la Liberté éclairant le monde. Les statistiques liées à l’évolution de la pandémie aux Etats-Unis sont sans appel. Ce sont les noirs qui subissent de plein fouet cette malédiction. Le Covid19, natif de Chine, ne fait peut-être pas de distinction entre les couleurs de peau, mais c’est dans le lit de la pauvreté, incontestablement qu’il trouve le meilleur tremplin pour continuer à nuire. Or, chez l’oncle Sam, les communautés afro-américaines sont assurément les moins bien loties. Nous le savions. Nous le déplorions. Nous aurons encore à le déplorer. Tout laisse à penser que ce terrible constat n’empêche pas les suprématistes blancs de dormir sur leurs deux oreilles.

    Cette déplorable actualité, qui ne peut nous laisser indifférents, doit nous conduire à relativiser la situation que nous traversons sur notre bon vieux continent. A fortiori dans des pays et dans  des régions comme les nôtres.  Mais, là aussi, on ne peut masquer notre regard. La pauvreté est également présente. Endémique ?  Alors ? Demain ?

     

    « Il se faut entraider, c’est la loi de la nature »

     Octavie en son royaume (Photo Jean-Pierre Rougié)

     

    Même si, dans les bras de Morphée, le subconscient joue toujours son rôle de vigie, ce n’est cependant pas cette préoccupation majeure qui m’a perturbé, ce vendredi matin, lors du passage du gué entre sommeil et réveil. Malgré les effets supposés d’une Lune, je venais de dormir d’une seule traite. Une nuit comme on les apprécie, mais qu’une pensée lancinante, en plein sommeil paradoxal, est venue gâcher. Qu’est-ce qui peut expliquer que je me suis retrouvé, une fois débarrassé des mes gesticulations cérébrales,  pestant contre Octavie, cette petite tortue qui, la veille, m’avait fait la leçon ? Allez savoir pourquoi ! Nous sommes ainsi faits. Nous ne maîtrisons pas nos pensées en permanence.

    Je venais de passer une période indéterminée à chercher le nom de l’auteur de cette maxime :

     « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage ». La nécessaire patience avait été au cœur de notre échange. Je sais bien que c’est moi qui ai rompu brusquement l’entretien. Par peur du gendarme ? N’exagérons pas ! Le gendarme a, lui aussi, du cœur. Mais je me voyais mal palabrer avec la maréchaussée pour justifier ma présence dans la rue, passé le temps autorisé réglementaire. Je me dis qu’Octavie, compte tenu de la vénération qu’elle lui porte, aurait pu m’éviter cette fatigue cérébrale si elle m’avait rappelé que l’auteur n’était autre que  Jean de La Fontaine.

    Encore lui, me direz-vous ! Hé oui ! Qu’y puis-je ?  Jean de La Fontaine  s’avère être incontournable. Il revient en boucle, au fil des chroniques.

    Là il s’agit de la fable Le Lion et le Rat. Je ne sais trop combien de fois, mais le roi Lion aura fortement inspiré notre grand fabuliste. Contrairement au dromadaire (sujet de l’une des toutes premières chroniques quotidiennes de cette période de confinement) qui peut légitimement en baver de jalousie.

    A la réflexion, je me dis que Jean de La fontaine, compte tenu de l’ampleur de son œuvre, doit certainement nous avoir déjà proposé des solutions à tous nos problèmes existentiels. Donc, ne vous étonnez pas s’il m’arrive de le ramener encore et encore à la surface. Lire ou relire ce sujet du Roi Soleil ne peut que renforcer un regard citoyen

    Concernant la patience, je n’y reviens pas. Préférant ce jour évoquer la notion de courage, tout aussi vertueuse. Car du courage, il nous en faut. Pour faire face à une situation qui modifie profondément notre façon de vivre. Mais il nous en faudra encore plus quand nous serons confrontés, au sortir de ce confinement, à un monde profondément chamboulé.

    Le « big bang » provoqué par le Covid19 va mettre à bas nombre de dogmes et de certitudes. Dans un monde, où l’on continuera, toute naïveté mise à part, à fonctionner sur le registre « Je te tiens, tu me tiens, par la barbichette. Le premier de nous deux qui rira… » Il nous faut espérer que ces dépendances réciproques finiront par avoir le goût et la saveur d’une plus grande solidarité.

    Il faudra du courage aux dirigeants de tous les pays pour se remettre eux-mêmes en question et taire les égoïsmes nationaux qu’il est difficile de juguler. Cela n’est pas encore acquis. Mais attendons de voir !

    Tout en rebâtissant, comme les dysfonctionnements de la chaîne médicale en révèlent la nécessité, une économie de proximité pour tout ce qui concerne les produits et services de première nécessité, la planète aura toujours besoin de se serrer les coudes pour endiguer cette pandémie de la pauvreté, beaucoup plus dévastatrice que ce virus malfaisant.

    Mais, ce louable objectif, nous oblige nous même à nous remettre en question. Même quand on est traversé par ce sentiment que l’on ne peut porter sur soi tous les malheurs du monde. D’un civisme contraint, généré par la peur, il nous faudra passer à un civisme totalement assumé par notre seule volonté. En esprit libre !

    « Il se faut entraider, c’est la loi de la nature ». De qui ce sage conseil que le hameau a fait sien et auquel il faudra continuer de se référer passée la période de confinement? Je vous le donne en mille….

    Incontournable je vous le dis !

     

                                                                                                             Claude Tarin

                                                                                                   Vendredi 10 avril 2020

     

    Les haïkus d’Octavie et de Claudie

     Tout comme Benjamin Rabier a su faire rire la vache, Jean de La Fontaine aura su faire parler les animaux. Donc je ne pouvais être surpris d’entendre Octavie la petite tortue me faire la leçon. Mais ce matin, force est de constater que la belle a un sacré talent, puisqu’elle m’a adressé un haïku bien ficelé, que je me dois de reproduire, photo à l’appui.

     

     

    Merci joli gars

    Qui bravas l’interdit

    Pour m’interviewer

     

     

    « Il se faut entraider, c’est la loi de la nature »

                                                                                                               (Photo Jean-Pierre Rougié)

     

    J’y adjoins une nouvelle contribution de Claudie, désormais très au point sur cette technique d’écriture. N’hésitez pas à en faire de même. Avec photo si possible.

     

    Tout est silence

    Seulement les oiseaux

    L’éternité

     

     


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  • Ce jeudi matin, avant que le Soleil ne soit levé, c’est vers la Lune qu’il fallait poser son regard. La couverture nuageuse de la veille nous avait empêché de contempler la « Super Lune », la plus grosse de cette année 2020. Séance de rattrapage, donc, dans un ciel sans tâche. Avec en sus, le plaisir renouvelé d’écouter la célèbre Ode à la Lune du compositeur tchèque Antonin Dvorak, dont tant de belles voix – en l’occurrence celle de Renée Fleming – ont su maîtriser les harmonieuses tonalités. Emotion garantie. 

    Ce sont de tels moments, ô combien fugaces, qu’il nous faut saisir, pour nous aider à ne pas sombrer dans la sinistrose du temps présent. Et, dussé-je le réitérer jusqu’au dernier jour du confinement, nous qui vivons loin des concentrations urbaines disposons d’une situation enviable.

    Certes, les règles de la distanciation sociale, qu’il nous faut, nous aussi, respecter,  ne sont pas sans nous affecter dans notre quotidien, mais bien avant qu’elles nous soient imposées nous savions, ici, pouvoir tirer bénéfice de la géographie.

    Pensez donc !  Les gens des villes en viennent à redécouvrir le chant des oiseaux. Qu’ils en profitent, car il ne fait malheureusement aucun doute que, passée cette période de confinement, les agglomérations ne pourront échapper aux travers que générera, à nouveau, leur concentration structurelle. Puissent-elles avoir appris entre-temps  à en juguler les effets !

    Ce plaisir d’être au cœur de la nature, je l’ai personnellement pleinement éprouvé hier après-midi. Grâce à une hirondelle, mais, grâce aussi, à une tortue. N’ayez crainte, je ne vais pas ce jour prendre le risque de plagier notre fabuliste national de dimension universelle ! Bien que, autant le souligner d’emblée, cette énième chronique du temps contraint, va m’amener à tirer les leçons de ces deux rencontres. Chasser le naturel, il revient au galop !

    Mais avant toute chose. Une brève incursion dans l’univers de la géométrie.  Pour vérifier que le vaccin du savoir de base n’est en rien altéré.

     

    π et R

     Ce mercredi, l’ami Gérard Penhoat nous a transmis une application par laquelle il nous est possible de visualiser notre aire de déplacement autorisé. Evidemment, celles et ceux qui ont maison à proximité de la chapelle disposent d’un avantage, puisqu’ils sont au centre d'une aire couvrant tous les points remarquables. Ils peuvent donc y rayonner en en couvrant toute la surface, sans avoir à presser le pas, c’est-à-dire sans prendre le risque, selon la boucle du jour, de dépasser les fatidiques soixante minutes qui nous sont chichement octroyées.

     

    https://carte-sortie-confinement.fr

     

    L'hirondelle, la tortue et la mesure du temps

     

    Amusez-vous à visualiser, si ce n’est déjà fait, celle qui vous révélera votre propre aire de déplacements. Et profitez en, sans vous mettre le compas dans l’œil, pour calculer le périmètre et la surface de cette aire, qui, de toute façon, sont les mêmes pour tous !

     Deux indices de base :  π et R. Je n’en dis pas plus.

     Ne doutant pas une seconde  de votre célérité à régler ce problème, j’en reviens à mon hirondelle et à ma tortue.

    Mon hirondelle ? Peut-être l’avez-vous vue vous-même, mais je me l’approprie car c’est la première hirondelle de l’année qu’il m’a été donné d’entrevoir. Chose étrange, dès que je l’ai aperçue, la chorale des oiseaux siffleurs s’est brusquement tue. Je veux croire que les hôtes du jardin l’ont fait spontanément pour saluer cette congénère, oiseau emblématique du cycle des saisons. Le réchauffement climatique, aux dires de nombreux observateurs, fait peser une lourde menace sur ces oiseaux migrateurs.

    Le réchauffement climatique ? A l’heure du Covid19 on finirait par l’oublier. Qui dit que ce Coronavirus n’est pas lui-même un des fruits de ces bouleversements au plus profond de la nature ?

    Je suis persuadé que la petite tortue « savante », dont j’avais croisé la route quelques minutes auparavant, n’aurait pas été sans me rappeler l’adage selon lequel une hirondelle ne fait pas le printemps. L’avenir pourrait, peut-être lui donner raison, mais, assis à même la terrasse, quelque peu épuisé par cette promenade effectuée sous un chaud soleil, le foulard, à défaut de masque, voilant la face,  je me suis accroché à cette idée que le printemps était bien là.

     

    L'hirondelle, la tortue et la mesure du temps

     

    « En avril ne te découvre pas d’un fil ! » Sans nul doute, si j’avais pris le risque de prolonger notre impromptu, Octavie - c'est son joli prénom -n’aurait pas manqué de me ressortir ce sage conseil. Visiblement, elle porte en elle un sacré bagage. Car c’est un curieux personnage dont j’ai fait la connaissance, ce mercredi, en foulant la pelouse de ces voisins auxquels elle tient compagnie. Au motif louable, je précise, de m’assurer de visu, avec la distanciation nécessaire, que tout allait bien pour eux.

    Cette rencontre a failli commencer par un drame. Faute d’avoir vu Octavie venir à moi. Pour un peu, je lui écrasais une patte. Au pire, je lui broyais la carapace. In extremis, ce drame n’a pas eu lieu. Comme quoi, il ne suffit pas de mettre un pied devant l’autre. Il faut voir où l’on met le pied. On ne gagne rien à écraser plus petit que soi. La raison du plus fort n’est pas toujours la meilleure.

    Le plus curieux dans cette histoire, c’est la curiosité dont cette attendrissante tortue a fait preuve à mon encontre. Visiblement, sans la moindre rancune, Octavie n’a eu de cesse de vouloir - Ne riez pas ! J’ai des témoins - vouloir engager le dialogue. J’ai, je le reconnais, mis un peu de temps à le comprendre.

    L’échange a été bref, car il me fallait me carapater au plus vite. Nous, nous ne portons pas notre maison sur le dos. Echange bref, certes, mais ô combien précieux. Reste maintenant à vous en faire partager la teneur.

    Dame tortue, car c’est surtout Octavie qui a parlé, m’a d’abord rappelé la reconnaissance éternelle qu’elle et ses congénères vouent à Jean de La Fontaine.

    - Il a su voir en nous l’expression de la sagesse. Or, par les temps qui courent, j’ai comme l’impression que vous autres, les humains, avez quelque peu oublié la nécessité qu’il y a à vous tenir debout. 

    - Debout ?

    - C’est-à-dire, maîtres de vous-mêmes. De vos peurs. De vos angoisses. Vous en êtes encore à confondre vitesse et précipitation.

    - Mais il y a urgence. Le péril est grand. Même ici le Covid19 pourrait nuire.

    - Evidemment, mais, regardez moi ! Au moindre danger je me confine sous ma carapace. Et je ne sors la tête que si le danger est écarté.

    - Mais ne vous ai-je pas mis en danger, tout à l’heure ?

    - Si, mais par simple inadvertance. Pas pour me nuire. Si telle avait été votre intention, pensez bien je ne serais pas là à traîner entre vos pieds ! Mais, puisque je vous sais pressé, je vais droit au but. L’urgence à laquelle vous vous trouvez confrontés ne doit en rien vous faire oublier qu’en toute chose il faut savoir prendre la mesure du temps. N’est-ce pas Miguel Cervantès qui, avec son Don Quichotte vous a donné ce conseil que nous tortues appliquons depuis la nuit  des temps : il faut donner du temps au temps ?

    - Bien sûr, je connais cette citation. Mais Don Quichotte se battait contre un ennemi virtuel. Le Covid19, lui, il est bien réel et, qui plus est, insaisissable.

    - En fait ! Tout ceci révèle votre manque de confiance. En vous-mêmes. Mais aussi envers ceux qui travaillent d’arrache-pied pour démasquer ce Coronavirus qui vous cause tant d’ennuis. Pas de confiance sans connaissances ! Pour l’heure elles sont fragmentaires, mais sachez écouter ces hommes de science qui, tout en ayant l’humilité de reconnaître que leurs travaux n’ont pas encore abouti, savent qu’ils finiront par gagner le combat

    Quelques tours d’horloge après cet échange, auditeur spectateur d’une émission diffusée sur un canal où l’on accorde du temps à la réflexion, ces propos, qui se voulaient rassurants, ont trouvé une plus forte résonance. Des hommes de savoir, conscients bien évidemment du devoir qui est le leur de nous rassurer au plus vite, nous on dit et redit, qu’au-delà de certaines controverses, toute la communauté scientifique mondiale travaillait d’arrache-pied, sans tenir compte des égoïsmes nationaux,  à circonscrire ce nouveau Coronavirus « tueur. »

    Ils m’ont personnellement convaincu. Nous devons leur faire confiance, donc faire preuve de patience. Le temps médiatique, surtout celui des réseaux dits sociaux toujours aussi prompts à véhiculer des rumeurs nauséabondes, n’est pas celui de la science. Ce n’est que par cette connaissance scientifique que l’on mettra un terme à cette calamité.

     

    L'hirondelle, la tortue et la mesure du temps

    L'hirondelle, la tortue et la mesure du temps

                                                                                                                      (Photos Anne Sophie Pommeré)

     

    Ce jeudi, c’est donc nourri par cet espoir que je vais prendre plaisir à revoir mon hirondelle virevolter au-dessus du jardin. Elle ne sera peut-être plus seule. Mais comment pourrais-je taire ce paradoxe qui, en ces temps de confinement, prend un relief particulier : on peut apprécier le retour des hirondelles tout en regrettant que le temps passe trop vite.

    Je ne m’en retournerai pas saluer Octavie. Un autre jour peut-être.

    Mes pensées s’envoleront vers tous ces gens qui ne sont pas confinés et qui sont sur le front. Avec, ce jour, une pensée toute particulière pour celles et ceux qui ont le nez collé sur un stéthoscope d’où jaillira un nouveau savoir.

    Face à cette mobilisation, nous pouvons nous sentir coupables de ne pas apporter une contribution plus forte. Mais tous ces grands esprits nous le disent et le redisent. Accepter le confinement, c’est leur permettre de gagner du temps.

    Alors contentons nous d’agir là où nous sommes !

    Il aura suffi d’un mail d’alerte pour que les Kermoustériens s’en viennent à trouver les élastiques qui vont permettre de confectionner des masques faits maison.

    La presse de ce jour nous apprend que Benjamin Charpentier et Kristelle Le Moal ont, sans attendre de pouvoir prendre possession  d’une Cambuse toujours en travaux, offert des crêpes aux soignants de l’Ehpad.

    Chacun, à sa façon, peut mettre la main à la pâte.

    Il faut encore amplifier le flot de solidarité que le Covid19 a engendré.

    La victoire sera collective.

     

                                                                                                                  Claude Tarin

                                                                                                         Jeudi 9 avril 2020

     

     

    Haïkus et photos

    L'hirondelle, la tortue et la mesure du temps

     

    Claudie Missenard a adressé ce jour un nouvel haïku de sa composition. En y adjoignant une photo. Fallait y penser ! Vous pouvez, de chez vous, en faire autant. En ne tenant plus compte de la fameuse règle du 5/7/5 puisque pour se confronter à cet exercice Claudie s’inspire d’un livre savant sur le sujet qui fait fi de cette règle. A chacun ses sources. L’essentiel est de s’en tenir à trois vers.

    Boueuse

    Sans prendre garde à la barrière

    L’eau est montée

     


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    Quand la mer nous est inaccessible

                                                                        Soleil levant, un jour de grande-marée (photo Anne Sophie Pommeré)

     

    Coefficient 112, ce matin, 115 ce soir ; 117 et 116 demain jeudi. Tout au long des prochaines quarante-huit heures, la marée sera belle…à regarder de loin.

    « Homme libre, toujours tu chériras la mer ». Baudelaire, encore et toujours. Libres ! Le sommes nous vraiment, alors qu’il nous est interdit d’aller traquer les homards, les étrilles et autres crabes ? Dans les failles et sous les cailloux, les ormeaux vont pouvoir brouter sans craindre de se retrouver au fond d’un panier. Coques, praires et palourdes ne vont pas avoir à s’ensabler plus profond que d’habitude pour échapper aux griffes et aux râteaux.

    Mortes eaux pour les amateurs de la pêche à pied. Maudit Covid19. Il va nous empêcher de profiter d’une bonne conjonction des éléments : le beau temps, les hautes pressions et un vent oscillant entre est et nord-est, gage d’un marnage amplifié à marée basse. Donc d’une gourmandise de plein air. Rageant !

    Voilà, c’est dit ! Ce regret, je le sais largement partagé, mais il en est ainsi. Il faut nous faire une raison. C’est d’ailleurs à la raison, dans ce flot d’incertitudes qu’il nous faut affronter, qu’il nous faut sans cesse recourir, pour taire nos regrets, nos ressentiments, nos craintes et nos angoisses. Des grandes marées il y en aura bien d’autres. Même si personne n’est en mesure de dire quand cessera cette calamité du Coronavirus, il serait irraisonnable de penser que nous vivons, là, les prémices d’une apocalypse évoquée par des esprits fanatiques, encalminés dans la paranoïa. La pandémie cessera. L’humanité vaincra ! Mais ne baissons pas la garde !

    Cette mer qu’il nous faut chérir a inspiré grand nombre de penseurs. Même condamnés à tourner en boucle sur les routes du hameau, elle demeure, pour nous aussi, source d’évasion. Qu’importe si aujourd’hui et demain il nous faut laisser les cuissardes dans la remise, la mer, reste à portée du regard, si ce n’est de la main. Mesurons bien le privilège qui est le nôtre !

     

    Il nous reste le livre

     

    Et puis, quand la mer nous est rendue inaccessible, il nous reste le livre. Fouillez bien les armoires ! Il s’en trouvera peut-être au moins un qui respirera les embruns. La liste des écrivains et des poètes qui ont trempé leur plume dans le grand bleu sont légion.  

    Charles Baudelaire, le Parisien, venait tout juste, quant à lui, de franchir le cap de ses vingt ans et celui de Bonne Espérance quand il a trouvé en la mer matière à exprimer son vague à l’âme. Devant cette pointe sud du continent africain, dont j’ai récemment parlé, le navire (Paquebot des Mers du Sud), sur lequel il s’était embarqué pour rejoindre Calcutta, fut malmené pendant cinq jours et cinq nuits. Baudelaire ne verra pas Calcutta.  C’est à Port-Louis, île Maurice, archipel des Mascareignes, que  cessera ce voyage, qu’un beau-père, détesté, lui aura imposé.

    Une contrainte dont il va se nourrir pour faire éclore, entre autres écrits, Les Fleurs du mal. Faut-il ici souligner l’impact qu’a eu sur nous tous L’Albatros, à même les bancs de l’école ? Nous avons tous eu, un jour, l’opportunité de confronter notre diction à cet autre poème du grand large.

    Mais, c’est encore à Albert Camus que vont prioritairement mes pensées matinales. Pour lui aussi, la mer aura été source d’inspiration. D’abord la Méditerranée. Celle du Maghreb et de la Grèce. Mais aussi, l’océan Atlantique, traversé plusieurs fois dans les années 1940. Avec à la clef, La Mer au plus près, un court récit sous forme journal de bord. Ecrit quelques années plus tard après  La Peste dont le sillage vient de resurgir, tant nous apparaît grande sa dimension prophétique. 

    « J’ai grandi dans la mer et la pauvreté m’a été fastueuse, puis j’ai perdu la mer, tous les luxes m’ont paru gris, la misère intolérable. » (Camus, La Mer au plus prés).

    Au risque de tuer votre envie de lire ou relire La Peste, je crois nécessaire de reproduire les dernières lignes de ce récit qui, de fait, raconte ce que nous vivons présentement.

     La peste qui a confiné la ville d’Oran pendant de long mois semble vaincue. Camus écrit :

    « Ecoutant, en effet, les cris d’allégresse qui montaient  de la ville, Rieux (le personnage central du médecin) se souvenait que cette allégresse  était toujours menacée. Car il savait que cette foule en joie ignorait, et qu’on peut lire dans les livres, que le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais, qu’il peut rester pendant des dizaines d’années endormi dans les meubles et les linges, qu’il attend patiemment dans les chambres, dans les caves, les malles, les mouchoirs et les paperasses,et que, peut-être, le jour viendrait où, pour le malheur et l’enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse. »

    Nous n’en sommes pas encore à nous réjouir d’avoir vaincu le Covid19. Loin s’en faut.

    Ne cédons pas trop vite à de coupables intentions !

    Respectons, ces deux jours, cette entrave à notre liberté de s’en aller cueillir les fruits de la mer ! Pour l'exemple.

    Donnons de l’écho à ce cri d’alarme, plus que de colère, que lance ce matin, telle une bouteille à la mer,  Elisabeth Rougié !

    Camus ne dit pas autre chose. Notre liberté ne peut s’éprouver et se vivre pleinement que si nous agissons en responsabilité. Vis-à-vis de nous-mêmes et vis-à-vis des autres.

     

                                                                                                        Claude Tarin

                                                                                                 Mercredi 8 avril 2020

     

    Entre déception et colère

     

    En ce temps de confinement où le personnel médical est applaudi tous les soirs pour son travail, je tiens à exprimer ma profonde déception et ma grande colère face à l’attitude de certains Français qui ne respectent pas les consignes.


    Nous avons une fille soignante qui continue à se rendre à son poste de travail. Elle côtoie des malades atteints du Covid19 tous les jours. Elle met sa vie et celle de toute sa famille en danger. Tout cela sert à quoi si des personnes inconscientes bravent les consignes et continuent à vivre comme s’il ne se passait rien.  

    Les touristes partis en vacances, les joggeurs... et autres. Tout ça me semble irresponsable.

     

                                                                                                         Elisabeth Rougié 

     

    Le haïku du jour

    Grande marée

    Alors que sévit l’ interdit

    L’ormeau sourit

                                                                                                         Claudie Missenard


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  •  A Kermouster, le beau temps est revenu : soleil et douceur. Comme les escargots, mais montés à l’envers, les Kermoustériens ressortent avec enthousiasme, dans le respect des règlements en vigueur. Une heure d’exercice physique quotidien, en solitaire, en couple, voire en famille est autorisée : il faut en profiter.

     Nous choisissons bien sûr les heures chaudes de l’après-midi pour nous mettre tous en mouvement, notre attestation en poche, dûment remplie - à l’encre - et sans oublier l’heure de départ et la signature.

    C’est parti pour notre heure de marche ! Comme sentiers et grèves sont interdits, on marche sur la route. On fait le petit tour de Kermouster.

    Départ par une route et retour par l’autre. Mais là, attention : il faut choisir son camp ! Il y a ceux qui tournent dans le sens des aiguilles d’une montre et ceux qui tournent dans l’autre sens. Question de sensibilité personnelle.

    Bien entendu, vous ne verrez jamais ceux qui tournent dans le même sens que vous, sauf si l’envie vous prend de piquer un sprint. Par contre, vous pourrez saluer et papoter (pas trop longtemps, l’heure tourne) au moment du croisement, avec ceux qui vont dans l’autre sens. En respectant bien sûr les distances réglementaires. Et en évitant bises et poignées de mains. D’ailleurs maintenant plus personne ne sait vraiment en quoi ça consistait.

    Le village est ainsi transformé quotidiennement en une espèce de manège géant, où tous les habitants sont animés soudain d’un mouvement circulaire.

    Les quelques sédentaires qui nous regardent passer de derrière leur portail et agitent la main de loin pourraient peut-être installer un poste de ravitaillement, ou bien accrocher une peluche sur notre passage, histoire de nous faire retrouver les sensations anciennes, quand on attrapait en hurlant la queue du Kiki pour gagner un tour gratuit. Cela nous consolerait de l’absence de fête foraine à Lézardrieux cette année pour Pâques…

    Le confinement à Kermouster a des charmes secrets. Qui l’eût cru ?

     Il suffit, pour profiter d’un semblant de vie sociale en plein air, de tourner dans le bon sens, le sens contraire à celui de vos amis.

    Etonnant, non ?

     

                                                                                                                              Claudie Missenard

                                                                                                                       Mardi 7 avril  2020

     

     

    Ecouter lire Marion

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    Le bon sens près de chez vous

     

    Le confinement nous offre l’occasion de jouer les  passe-muraille et, ceci, grâce à ces technologies qui nous permettent d’être présents avec les autres tout en n’y étant pas physiquement. Et qu’importe la distance qui nous sépare ! Marion Cousineau nous en offre une parfaite illustration.

    Marion vit désormais, depuis dix ans, à Montréal, au Québec. Dans le quartier Lafontaine, près du vieux port, sur la rive du Saint-Laurent. C’est au Canada qu’elle a décidé de donner corps à sa passion pour les mots et la musique.

    Marion est une Kermoustérienne de cœur, mais sa carrière d’artiste lui a donné des ailes pour s’envoler vers des ailleurs, portée par le vent de la poésie. On aimerait la croiser plus souvent quand elle revient au pays. Le confinement a déjà un mérite : il nous apprend à être patient. Aussi, tel le furet du bois joli, nous savons qu’elle repassera par là.

    Auteur compositrice elle-même, Marion n’en oublie pas moins de se ressourcer auprès de tous ceux qui, comme elle, veulent nous faire partager le goût de la chose écrite. Elle nous revient, ce jour, en « lectrice »

    Marion a  toujours aimé les livres audio, « pour accompagner une marche, du ménage, ou un temps de repos. Cela faisait longtemps que j'avais envie d'en faire moi-même et ce temps de confinement aura eu le mérite de me faire franchir le cap. Je ne détiens absolument aucun droit sur les textes que je lis, il s'agit juste pour moi d'un partage quotidien de mots qui me font quelque chose. Ces lectures ont déjà le mérite d'accompagner mes journées confinées, si elles peuvent aussi accompagner les vôtres, ce n'en est que mieux. Plaisir partagé... Plaisir doublé. » ! »

    Vous pouvez retrouver ces lectures, chaque jour, sous forme de vidéo sur sa page Facebook et ensuite sur son site Internet :

    "Marion Cousineau ♫" <marioncousineau@gmail.com> 

     Vous venez de vous dégourdir les jambes, dans votre jardin où sur les routes du hameau. Prenez maintenant le temps d’écouter Marion vous emporter vers de nouveaux horizons.

     

                                                                                                                                 C.T


    3 commentaires
  • Qui sera saura !

                                                                                                                           (Photo Anne Sophie Pommere)

     

    Au lever du jour, ce lundi matin, un constat : il a plu pendant la nuit. Voilà de quoi réjouir les agriculteurs et tous ceux qui se sont escrimé ces jours derniers à faire la toilette de printemps de leur potager. Mais, les pros et amateurs de la bêche et du croc vous le diront, le ciel n’est pas suffisamment généreux. C’est déjà ça de pris, mais les semences et les plants réclament plus d’eau. Les prévisions météorologiques laissent à penser qu’il faudra attendre une grosse semaine pour que se déverse sur la terre un flot plus régénérateur.

    Encore faut-il avoir pu jardiner, car il m’est revenu à l’oreille qu’il en va pour l’approvisionnement en plants et en semences comme dans bien d’autres domaines. Il faut pouvoir s’en procurer  et le confinement pèse là aussi sur la relation entre les magasins spécialisés et leur clientèle.

    A la lecture du journal, il apparaît que la difficulté qu’éprouvent les ensemenciers et les pépiniéristes à écouler leur production est en passe de se résorber, grâce à la « magie » d’Internet. Tout le monde n’a pas le savoir faire de celles et de ceux qui ont, par atavisme, cultivé le bon réflexe, celui qui consiste à produire, année après année, ses propres semences. Le recours aux magasins spécialisés est désormais incontournable. Or le temps presse. Les légumes, les fruits et les fleurs ont leurs propres exigences.

     

    Plants et semences par Internet

     

    Dans ce domaine comme dans tant d’autres, le confinement a donc contraint tous les acteurs de cette filière à se repenser. Des pépiniéristes du secteur, comme des ostréiculteurs et des maraîchers, se sont donc saisis du numérique pour pouvoir sauver leur saison. Là, il s’agit de trouver la parade à une conjoncture que les plus pessimistes n’auraient même pas imaginé pensable voilà deux mois à peine. Mais demain, qu’en sera-t-il ?  Va-t-on prendre l’habitude de se faire livrer à domicile tout ce dont nous avons besoin ?

    Dans de nombreuses régions, bien avant que le Coronavirus ne s’en vienne jouer les empêcheurs de tourner en rond, on a vu refleurir les camions épiceries, comme cela se faisait dans des temps pas si lointains que ça. Des initiatives prises, la plupart du temps, pour contrer la hausse du prix des carburants qui pesait sur les consommateurs de ces charmants villages campant dans leur superbe isolement.

    Présentement, tous les consommateurs n’ont pas en main les clefs pour investir la toile et passer commande. Il va en être ainsi encore pas mal de temps. Nous vivons une période de transition phénoménale. Mais, et on en mesure chaque jour les effets, viendra, peut-être plus rapidement qu’on ne le souhaite,  l’époque où le recours au numérique, pour un oui pour un non, sera un réflexe naturel. Même pour des services de proximité qu’assureront des entreprises et des fournisseurs ayant pignon sur rue à quelques kilomètres seulement de notre domicile.

    Certes, je ne puis croire qu’on en viendra à tuer l’envie d’aller flairer au-dessus des étals pour s’assurer, par soi-même, la fraîcheur des produits, mais la mise en place de nouveaux systèmes de distribution pourrait révéler bien des avantages. Prenons l’exemple des bouteilles d’eau !

     

    La bouteille d’eau sur le pas de porte ?

     

    Nous aussi nous avons besoin de boire de l’eau. Nous avons celle du robinet à portée de la main. Cela peut suffire à nos besoins, mais l’habitude de nous approvisionner en bouteilles d’eau, fleurant quant à elles le goût des terroirs, est désormais trop bien ancrée. Elle ne se résorbera pas. Même si la question de l’emballage plastique ne sera pas sans se poser.

    Juste une incise ! A la lecture de certaines informations, j’apprends ce jour que dans certaines régions, tout particulièrement dans les secteurs de grandes villes, le taux de chlore dans l’eau du robinet a été augmenté. Par crainte du Covid19 ? A priori, non, si on en croit les autorités compétentes.

    L’augmentation du taux de chlore obéirait à une raison simple : garantir la qualité microbiologique de l’eau. La fermeture de nombreuses entreprises et la baisse de certaines activités a eu pour conséquences de voir l’eau rester plus longtemps que d’habitude dans les canalisations. L’ajout de chlore permet d’augmenter, par ailleurs, la probabilité de tuer le virus lorsqu’on se lave les mains, en plus du savon.

    Mais j’en reviens à l’exemple des bouteilles d’eau.

    Celles et ceux dont la colonne vertébrale souffre déjà d’avoir passé trop de temps à butter les pommes de terre ne pourront qu’être d’accord. C’est galère que de faire transiter les packs d’eau dans le caddie. Le drive se pose déjà en alternative, d’ailleurs de plus en plus appréciée, puisque l’on vous dépose ces produits lourds directement dans votre coffre. Mais demain, n’apprécierions nous pas de pouvoir récupérer la marchandise sur la pas de la porte, comme au temps de la bouteille de lait ?

     

    « Demain n’est jamais bien loin »

     

    Les grandes surfaces, devenues, par la force des choses, des entrepôts de redistribution,  pourraient y trouver avantage. Il leur suffirait de grouper les commandes, secteur par secteur, et même pour un village de la taille de Kermouster. D’autant qu’aux bouteilles d’eau viendraient s’ajouter d’autres produits faisant du poids. La fonction des caissières, aujourd’hui considérée comme nécessaire, aura, dans ce cadre, très certainement évolué. Mais je veux croire, que dans leur environnement professionnel profondément modifié, les personnels de ces grandes sociétés continueront à prouver qu’ils jouent un rôle de première nécessité.

    Loin de moi l’idée de jouer L’Homme qui en savait trop, mais au terme de cette nouvelle élucubration, c’est l’envie de siffler sur l’air de Que sera, sera qui me prend soudainement. Que sera sera ? Une musique de ce film d’Alfred Hitchcock interprétée par Doris Day, mais que d’autres chanteuses, telle Line Renaud, ont inscrite dans le répertoire français.

    Sur le fond, rien à voir avec le sujet, mais bon…Le refrain de cette ritournelle nous rappelle que « Demain n’est jamais bien loin. Laissons l’avenir venir ! Qui sera saura ! Qui vira verra!»

     Bref ! Un encouragement à calmer notre impatience.

     

                                                                                                               Claude Tarin

                                                                                                     Lundi 6 avril 2020

     

     


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