• Nous irons tous au Paradis

     

    Je n’ai pas résisté à la tentation, quitte à prendre le risque de vous glacer le sang, mais, ce vendredi midi, après le journal de 13 h sur France 2, c’est ce film d’Yves Robert, sorti en 1977, qui était programmé et c’est ce titre qui m’a inspiré cette nouvelle chronique. Si d’aucuns en arrivent à penser que je pousse le bouchon un peu loin, j’en accepte le reproche, mais qu’ils se ressaisissent. Je n’ai cherché qu’à tirer profit de ce télescopage dans le temps pour conjuguer l’humeur avec l’humour.

    Car ce film, que j’ai fortement apprécié en son temps, n’avait pour seul objectif que de nous faire marrer. Il est représentatif de son époque. Les quatre mousquetaires de la gaudriole, Jean Rochefort, Guy Bedos, Claude Brasseur, Victor Lanoux, sur des dialogues de Jean Loup Dabadie, s’en donnent, ici, à cœur joie. Un an après avoir campé les mêmes personnages dans Un éléphant ça trompe énormément, même réalisateur, même dialoguiste, ils se la jouent machos à un niveau tel que ce film ne pourrait peut-être plus désormais être conçu, tant le puritanisme s’est à nouveau inséré dans les esprits.

    Ce n’est donc pas une prophétie pour le court terme que je lance aujourd'hui. Le Covid 19 n’a pas encore frappé dans le secteur. Du moins à ma connaissance. Mais pour ce qui est du Paradis, c’est autre chose. Un jour viendra, si tant est que l’on y croit…mais oublions ça ! Nous ne sommes pas pressés. Vivons que diable !

    Et vivre aujourd'hui, c’est d’abord combattre sa peur, ou plutôt, ses angoisses.

    Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, à qui l’on doit le concept de résilience, fait bien la distinction entre ces deux notions. Seule l’angoisse peut générer des séquelles psychiques et le confinement, dans des conditions autres que celles qui sont les nôtres, ne peut qu’accentuer cette menace, s’il s’inscrit dans la durée..

    Dans le cadre d’un entretien accordé à Ouest-France (édition de ce samedi 28 mars), ce sage parmi les sages fait part d’un sentiment qui ne peut, ici, qu’atténuer nos craintes : « J’ai le sentiment, dit-il, que les Bretons sont moins dans le « sprint » que les gens du Sud-Est - Boris Cyrulnik vit à La Seyne-sur-Mer, dans le Var – Ils ont bien raison. Peut-être y aura-t-il d’ailleurs moins de personnes contaminées dans l’Ouest qu’ailleurs en France. » On ne demande bien évidemment qu’à partager ce sentiment. Par sprint, il entend le « sprint culturel » qui, « au nom de la réussite individuelle, de l’argent, de la performance scolaire… » a distendu les liens qui doivent nécessairement nous relier aux autres. Le Covid 19 peut nous ramener à la raison.

    Mais sous le propos, nul angélisme. Borys Cyrulnik est un très bon observateur de ce qui fait notre vie. Il déplore les mauvaises attitudes que cette pandémie place sous les feux de l’actualité. Le Coronavirus ? D'abord la faute aux Chinois. Puis aux Asiatiques, à qui il faudrait désormais interdire le territoire. La peur des autres, la xénophobie, le racisme, le bouc émissaire, je n’aurai de cesse de le répéter, sont des virus autrement plus dangereux que le Covid 19. Et la Bretagne n’échappe malheureusement pas à leur propagation puisque, comme nous le rapporte la presse, il se trouve des esprits par ce mal infestés qui s’en prennent aux « Parisiens » qui ont eu le bon réflexe de se réfugier dans leur maison secondaire. L’imbécillité poussée à son comble.

    Balade dans le silence

    Voulant mettre à profit un ciel sans nuage, quoique légèrement, brumeux, je me suis empressé de quitter le fauteuil et d’abandonner ces quatre quadras alors désarçonnés par une capote de voiture récalcitrante qui rechigne à les protéger d’une drache. Pour une première balade hors le périmètre du jardin depuis le début du confinement. Avec à la main, un appareil photo pour fixer quelques images d’un jour pas tout à fait comme les autres. Quoique !

    En cette période de l’année, il n’est pas rare de se promener dans Kermouster sans rencontrer âme qui vive. En cela, le confinement ne change pas grand-chose. Le hameau campe dans le silence dont il sait apprécier les bienfaits.

    C’est ce silence que la bande des quatre du film d’Yves Robert pensait savourer en faisant l’acquisition, en pleine grève des pilotes, d’une maison…hélas située en bout de piste d’un aéroport. Et la grève ne dura qu’un temps. Aujourd'hui, peu d’avions prennent l’air. Le transport aérien de demain lance un nouveau débat qui rebondira au sortir de cette crise. Je ne fais, ce jour, que l’évoquer puisque, au cours de ma balade, le silence a été brièvement déchiré par le bruit d’un avion, format jet privé, volant à basse altitude. Une urgence vraisemblablement. Comme cela est désormais le cas pour assurer le transfert de malades d’une région à une autre avec les gros porteurs militaires.  

    Plagiant ainsi le titre d’une pièce de William Shakespeare, il conviendra, le temps de « paix » revenu, de prendre des mesures sur mesure pour le transport aérien. Mais n’en déplaise à ses détracteurs, je parle des plus dogmatiques, l’avion ne sera pas une victime expiatoire du Covid 19. Il se fera peut-être plus intelligemment porteur d’une mondialisation repensée de fond en comble. Réchauffement climatique oblige. En toute chose, il faut savoir prendre la bonne mesure.

    Cette balade, effectuée dans le cadre réglementaire, c'est-à-dire à moins d’un kilomètre de la maison et dans un temps limité à une heure, m’a tout d’abord amené jusqu’aux grèves de l’île à Bois. La mer était basse, mettant à nu le royaume des arénicoles dont on espère un jour tirer profit sur le plan médical. Un royaume présentement inaccessible du fait des barrières interdisant l’accès aux plages. A même les prés environnants, les poneys, apparemment indifférents à notre sort.

    Place du Crec’h, aucun bruit. Point d’ouvrier sur le chantier de La Cambuse. Tout au long du circuit, des maisons, volets ouverts. Satisfaction de savoir que « nos » Parisiens puissent partager le privilège qui est le nôtre d’un confinement supportable.

    Un vrai regret. Celui de devoir s’interdire la descente vers Goas Luguen et la remontée par Pors Gwen. Idem pour ces écarts situés au-delà de la frontière invisible de Kernahrant.

    Sur le lacet de Prat Maréchal, confirmation de ce qui était prévisible. Les goélands jacasseurs planaient comme des vautours dans les champs qui encadrent, non loin de là, la route départementale qui sépare Kermouster du reste du monde. Au croisement du cimetière, une seule direction possible, la rue Saint Maudez. Kerarzol, ce sera pour une autrefois.

    Le temps imparti ne le permettant pas, impasse pour le cimetière. Pour autant, à bien y penser, c’est dans un tel lieu qu’il y a matière à relativiser nos malheurs d'aujourd'hui. Le colonel Rémy, qui repose sous une stèle tout à sa gloire, n’est pas le seul ici à nous rappeler ces temps de disette nés de la guerre. Nous n’en sommes pas encore à connaître les tickets de rationnement comme ce fut le cas pour de nombreuses personnes enterrées en ce lieu. Et notre ennemi d'aujourd'hui, bien que plus sournois, ne provoque pas une déflagration aussi forte que les bombes. Nous déplorons déjà trop de morts et le décès de Julie, cette jeune fille de seize ans, nous révèle que si les statistiques dégagent une tendance, ce méchant virus peut malheureusement nuire à la génération montante.

    Au carrefour de la chapelle, Andréa n’était pas sur sa terrasse. Entre-temps, une seule rencontre. Quelques mots échangés à la va-vite, de part et d’autre de la route. Avec un nom qui jaillit. Celui de Trump. Donald Trump, l’oncle Picsou d’une mauvaise bande dessinée. Le peuple américain, à son tour submergé par la pandémie, ne méritait pas d’avoir pour barreur un hâbleur de cette trempe. L’empathie ? Connaît pas ! Le cynisme, si !

    Gardons nous, quand reviendra le temps où nous pourrons brasser le souffle démocratique à pleins poumons, d’installer aux affaires un de ses avatars. Ce mal est également endémique. Ne nous laissons pas surprendre ! A défaut de Paradis, nous risquerions de connaître l’Enfer.

     

                                                                                                             Claude Tarin

                                                                                                   Samedi 28 mars 2020

     

    Nous irons tous au Paradis

    Nous irons tous au Paradis

    Nous irons tous au Paradis

    Nous irons tous au Paradis

    Nous irons tous au Paradis

    Nous irons tous au Paradis

    Nous irons tous au Paradis

     Nous irons tous au Paradis

    Nous irons tous au Paradis

    Nous irons tous au Paradis

    Nous irons tous au Paradis

    Nous irons tous au Paradis

    Nous irons tous au Paradis

    Nous irons tous au Paradis

    Nous irons tous au Paradis

     


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  • Sans conteste, il y avait là matière à singer Jean de La Fontaine, mais n’est pas Jean de La Fontaine qui veut. Je me suis donc bien gardé de donner à ce « coucou quotidien » - car il ne s’agit que de ça avant toute autre considération -  la structure d’une fable. Mais en associant les goélands et les arénicoles, j’ai pensé qu’il y avait, comme pour Le chameau et les bâtons flottants de notre indétrônable fabuliste, deux pensées en une à mettre sur la table.

     Le goéland et l’arénicole ont un point commun : les sables vaseux de l’estran. Est-ce que le volatile  apprécie tout particulièrement ce gros vers annelé que l’on appelle buzuc en Bretagne ? C’est fort possible, car le goéland ne me semble pas très regardant sur la bouffe. Il est du genre à dire : « faute de grives on mange des merles ». Le goéland est omnivore. Il se nourrit d’animaux et parfois de charognes.

    Le mot est prononcé. Charognes ! De cela je vais m’expliquer.

    J’imagine, soleil aidant, que le nécessaire et obligatoire confinement ne vous pousse pas à un comportement extrême, c’est-à-dire à ne pas mettre le nez dehors pour pouvoir profiter de ses caresses. Par les temps qui courent, s’octroyer un moment de pause à l’air libre, le nez collé à l’azur, s’avère être un meilleur remède que celui qui consiste à chercher, tout au long de la journée, dans le bocal télévisuel un motif d’échapper à l’ambiance délétère des temps présents.

    C’est à cet exercice, d’ordre spirituel, que je me suis livré hier après midi alors qu’ Eliane, mon épouse, s’en était allée semer des fèves dans le potager, montrant ainsi qu’elle croyait dur comme fer que le cauchemar que nous vivons aura une fin.

    Evidemment, tout au long de cette séquence, mes pensées ont sans cesse virevolté. Le plaisir de pouvoir contempler la cime des arbres et la marche du soleil ne pouvait me faire oublier que de par ce vaste monde des milliards de gens n’avaient pas autant de chance. Pour certains, même pas un balcon.

    Mais revenons à ces goélands qui ont été les déclencheurs de cette divagation en ce jeudi 26 mars !

    Assis sur la terrasse, suffisamment couvert pour ne pas sentir les morsures d’un vent de nord-est bien établi, je me suis mis à les écouter jacasser au-dessus du jardin. Simple impression ? J’ai éprouvé la nette sensation que ce jour là, et il semble qu’il va en être de même ce vendredi, ils étaient redevenus les maîtres du ciel.

    Très peu de zébrures blanches sur la nappe bleue. Rares étaient les avions dont on perçoit le ronflement des turbines. On connaît les raisons qui contraignent ces grands oiseaux à rester au sol, toutes ailes déployées. Le tictictictic strident du merle noir et le tsip mélodieux de la grive siffleuse avaient, quant à eux, bien du mal à faire un contre-chant, tant les goélands tenaient à clamer haut et fort leur suprématie.

    Il n’était pas difficile d’imaginer que non loin de là un agriculteur travaillait sa terre et qu’il y avait une aubaine à saisir pour ces oiseaux mange-tout. Mais à les voir tournoyer au-dessus de la tête, ce n’étaient plus des oiseaux farouches que je regardais planer dans les colonnes d’air. Sous la lumière blanche du soleil, c’était comme si des vautours attendaient que la Coronavirus mette fin à son travail de sape.

    C’est fou ce que l’imagination peut vous amener à exprimer, mais il en est ainsi. Vous êtes là, tranquillement assis, savourant le plaisir d’être, et, soudain, vous voilà transporté vers cet ailleurs qui vous a contraint à vous délaisser de votre enveloppe charnelle. Cela dit, au dixième jour de confinement, pour ce qui nous concerne, rien ne dit que le Covid 19 ait réussi à franchir le seuil de notre forteresse. Evidemment, j’espère qu’il en va de même pour vous.

    La Presqu’île pourra-t-elle échapper au vent mauvais de la contamination ? Croisons les doigts ! Confinons-nous !

     

    El condor pasa

     

    Les goélands et les arénicoles

     

    Mais l’imagination a, pour elle, d’être fluctuante. De vous faire sauter du coq à l’âne. Il aura suffi qu’un de ces vautours s’en vienne côtoyer la grande boule lumineuse pour qu’une douce musique vienne me siffler aux oreilles et me rappeler que l’espoir n’est pas un vain mot.

    Souvenez-vous ! El condor pasa. Pour les fins connaisseurs de la musique andine, cet air folklorique est connu depuis la fin des années 1950. Personnellement, ce n’est qu’après le coup d’état au Chili du général Pinochet, le 11 septembre 1973, que les kenas, charangos et harpes andines des Quilapayun ont généré l’émotion. Ce groupe, exilé en France, aura été, à travers cette chanson, le meilleur des ambassadeurs, tout comme le duo américain,Simon et Garfunkel, pour dénoncer un confinement d’une toute autre nature.

    Le condor était à ce moment l’oiseau de la liberté. Et mon goéland, tel un phénix, s’est lui aussi paré de plumes lumineuses.

    Je ne puis cacher mon irritation d’entendre ou de lire ici et là des propos et des écrits qui osent comparer notre pays à une dictature. Je suis même, ce vendredi matin, très en colère contre ces instituts de sondage qui pensent encore que, dans de tels moments, il nous est primordial de connaître la côte de popularité de nos hommes politiques. Elle aussi fluctue au gré des jours. Point barre !

    Certains d’entre eux, je parle des politiques, en sont déjà à réclamer des commissions d’enquête. Il faudra effectivement tirer les leçons après coup, mais que ceux là même qui ne sont pas présentement au pouvoir se méfient des effets boomerang. L’incurie qu’ils dénoncent remonte à bien longtemps. Je les encourage donc, alors qu’une digue de solidarité se consolide au fil des jours pour contrer un tsunami force mondiale, à se la jouer plus modeste, plus humble, plus lucide.

    Quant à nous, citoyens de base, anticipons sur des lendemains qui chantent. Serons nous prêts à soutenir, par des espèces trébuchantes, tous ses services dont on mesure aujourd’hui l’incontournable nécessité. L’impôt a, lui aussi, des vertus.

    Et les arénicoles ?

    J’y viens.

    C’est la lecture d’une information publiée par l’hebdomadaire Le marin – Croyez moi sur parole, c’est un journal on ne peut plus sérieux ! – qui m’amène à vous en parler.

     

    Les goélands et les arénicoles

     

    Ce journal qui, comme son titre le laisse entendre, traite de l’actualité maritime, est condamné lui aussi à ouvrir ses colonnes aux différentes problématiques que le Covid 19 posent aux professionnels de la mer. Mise en marché du poisson, des huîtres ; livraison du pétrole et de gaz ; etc. La mer est par nature un espace ouvert aux quatre vents de la mondialisation. Et cela ne remonte pas à hier. Sans les navires, nos pays dits avancés ne seraient pas ce qu’ils sont. Le marin est là pour nous le rappeler chaque semaine.

    Dans son édition de ce jeudi 26 mars - assortie d’un supplément réalisé conjointement avec Ouest-France, la maison mère, qui nous parle d’un autre fléau : le plastique dans les océans -  c’est un article traitant du pouvoir inhibant les Coronavirus d’une algue rouge, la Griffithsia sp, qui a attiré particulièrement mon attention. On y apprend que cette algue n’est pas la seule à avoir un tel pouvoir parmi les organismes marins.

    Mais Coronavirus ne dit pas obligatoirement Covidis 19. Or, comme le souligne un additif à cet article, sous forme de brève, il se dit qu’une société basée à Morlaix, la société Hermarina, a une réponse toute faite à la pénurie des machines à respirer dans les blocs opératoires. Le ver marin arénicole, qu’elle chouchoute, est porteur d’une molécule Hermo2life qui transporte l’oxygène.

    Cette brève est trop brève. Elle nous met l’eau à la bouche. Elle aurait mérité d’être plus fournie, mais les pages d’un journal papier forment un espace contraint. Pour répondre à cette question : est-ce que les arénicoles sont une réponse immédiate à la détresse des hôpitaux ?

    J’ai donc cherché à en savoir plus en consultant directement le site de la société Hermarina. Voici ce qui s’y dit : « Dans le cadre de la pandémie du Coronavirus Covid-19, ces molécules peuvent être utilisées de façon à favoriser la diminution de l’état d’inflammation des cellules pulmonaires. Ceci pourrait permettre de favoriser le traitement du syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) qui entraîne de nombreux décès des patients les plus atteints par le Covid-19. Cette approche nécessitera toutefois de procéder à des essais expérimentaux dans le cadre d'un contexte de crise, cela sous suivi scientifique et médical pointu. »

    A l’heure où le monde médical se déchire sur le bien supposé de la chlorodine, dont le professeur Didier Raoult se fait le chantre, l’arénicole s’invite au débat. Mais là encore, il convient de laisser la parole aux experts. C’est à eux et à eux seuls de trouver les voies du consensus scientifique.

    D’où ce conseil d’ami. Ne vous précipitez pas, à marée basse, fourche à la main, sur les grèves de l’île à Bois ! Il faut donner du temps au temps. Laissez les chercheurs prouver que nos buzucs ont un autre rôle à jouer que celui de leurre au bout de l’hameçon !

    On n’a de cesse de le dire. Rien ne sera plus comme avant. Quand sera revenu le temps de pouvoir gambader sur les grèves, nous saurons peut-être encore mieux apprécier ces étendues de vase. 

    Mais il me faut conclure !

    A défaut de ne pas avoir voulu prendre le risque d’endosser la tenue du fabuliste, je vous propose cette maxime qui peut résumer en peu de mots ce que viens d’exprimer en abusant de votre patience :

    « Notre liberté d’agir et de penser est ce que nous avons de plus cher. Marchons, jour après jour, sur le chemin de la connaissance ! C’est uniquement par cette façon d’être que nous saurons braver, l’esprit libre, les autres défis à venir ».  

                                                                                                                                 Claude Tarin

                                                                                                                          Vendredi 27 mars 2020


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  •  

    Comme on le découvre à peine, que l’on en connaît pas encore précisément sa longévité ni sa dangerosité réelle, et que son traitement est tout juste à l’essai, la panique due au Covid19, mal invisible, s’est emparée du monde. Faut-il nous remémorer l’hivers 1969-70 quand le virus H3N2 tua 31.226 personnes en France selon le rapport de mon collègue Antoine Flahault.

    J’étais alors jeune étudiant en médecine à l’hôpital Necker. Cette pandémie meurtrière, surnommée « grippe de Hong Kong », fît un million de morts dans le monde et au moins 12 millions de français en furent atteints.

     Dans le sud-ouest les trains s’arrêtèrent faute de personnels valides, les administrations et les entreprises furent désertées. Les réanimations débordaient de malades, souvent assez jeunes, qui arrivaient suffoquant et cyanosés aux portes des hôpitaux, A Lyon, on entassait les morts au fond des salles de réanimation sursaturées de l’hôpital Edouard Herriot. On vaccinait à même la rue, sur le trottoir. Malheureusement l’antidote ne se révéla efficace qu’à 30%, la souche virale ayant muté. Et pourtant les journaux n’en faisaient pas leur Une, les radios et la télévision nationale évoquaient simplement « la grippe » sans plus alarmer la population.

    Les réseaux sociaux n’avaient pas encore couvert la planète de leurs fausses nouvelles anxiogènes circulant encore plus vite que l’agent infectieux lui-même. Le ministre de la santé de l’époque, Robert Boulin, ne fut pas inquiété par des leaders de groupements politiques revanchards. Le mal ne répandit pas la terreur, mais la mort roda, silencieuse.

    Même si aujourd’hui le pic d’épidémie n’est pas encore atteint, le Coronavirus n’entraînera pas la même hécatombe, mais ses conséquences économiques dues à l’immobilisation générale seront autrement plus lourdes. Les mesures sanitaires prises pour sauver des vies sont logiques, à moins de nous asseoir sur nos valeurs éthiques en reniant le serment d’Hippocrate.

    Les personnels sanitaires, les policiers, les pompiers, les militaires et tous les employés des diverses entreprises engagés dans la lutte contre le mal sont à saluer tous les soirs. Chacun d’entre nous doit les aider dans la mesure de ses capacités. Les administrations publiques font leur travail, prouvant qu’un Etat structuré peut être efficace en cas de crise grave. Les critiques sont faciles ! Qui a lancé une alerte à la pénurie de masques et de tests dès Janvier ? Personne.

    Ainsi, à cinquante ans d’intervalle, ces deux pandémies nous offrent des aspects diamétralement opposés. La plus ancienne, gravissime et passée quasiment inaperçue, sauf pour les familles endeuillées, et celle que nous vivons aujourd’hui, moins sévère mais saturant médiatiquement nos esprits apeurés. Dès lors, il s’avérait impossible pour les responsables politiques d’éviter les mesures de précautions drastiques imposées, le pays combattant un ennemi nanométrique aux risques encore mal évalués.

    Sur le seul plan sanitaire rien ne sera plus comme avant. Nous devrons repenser l’intégralité de notre système de soins et de prévention dans un esprit de collaboration beaucoup plus étroite entre les différents secteurs publics et privés. Nous aurons à réviser les modes et le niveau de financement des établissements de soins et des professionnels de santé.

    Les discussions de marchands de tapis pour savoir s’il faut augmenter de 0,1 ou 0,2 % le budget des hôpitaux ou des cliniques et les rafistolages à la petite semaine entre tutelle et syndicats devront céder la place à une prise en compte affirmée de l’urgence à parier sur l’économie de la santé comme un secteur d’avenir majeur en termes de création d’emplois et de développements technologiques de pointe.

    Il faudra multiplier le nombre des personnels infirmiers notamment ceux à responsabilité accrue et reconnaître enfin les médecins généralistes comme les pivots du système.

    Nous devrons aussi restructurer profondément nos organismes de recherche dans une approche beaucoup plus européenne en les gratifiant mieux. Cette crise dévoile en effet un déficit de collaboration criant entre les pays membres qui jouent à chacun pour soi. Enfin nous devrons reconnaître les industries médicales, tant des matériels que des médicaments comme de vrais partenaires au service des patients.

    A n’en pas douter, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) beaucoup trop étriqué sera l’ultime victime de la pandémie et cette fois tant mieux ! Que cette pandémie nous ramène à l’humilité face à une nature dont nous avions oublié la puissance, enfants gâtés vivant dans ce monde surprotégé du « tout à l’égo ».

     

                                                                                                          Guy Vallancien,

                                                                                                        Jeudi 26 mars 2020

    XXX

    De la machine à coudre aux robots

     

    Les épidémies passent et ne se ressemblent pas

     

    Guy Vallancien, chirurgien, spécialiste en cancérologie, universitaire, membre de l’Académie nationale de médecine, membre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, est une sommité du monde médica,l de réputation internationale. Pour celles et ceux qui l’ignoreraient encore, Kermouster est pour lui un lieu de ressourcement.

    C’est ici, le 6 décembre 2017, qu’il a mis la dernière main à un de ses récents ouvrages, Homo Artificialis, plaidoyer pour un humanisme numérique (Editions Michalon). Il nous avait fait l’amitié de venir parler de ce sujet, le 7 mai 2018, à La Cambuse. Aujourd’hui confiné, chez lui, à Paris, il reste bien sûr mobilisé pour contrer les malfaisances de ce Covid 19. A commencer, comme son propos le souligne, par celles des fausses nouvelles dont s’abreuvent tant de gens et qui auront, c’est prévisible, des conséquences désastreuses, notamment dans certaines familles dont l’espace vital se résume à peu de mètres carrés et qui sont peu enclines à croire les experts. D'un mal naîtra un mal.

    Comme nombre de ses collègues, Guy Vallancien porte sur la situation que nous traversons un regard lucide. Le savoir scientifique, c’est un peu comme ce soleil de ce jeudi matin, aux aurores. Il lui faut transpercer la brume, celle du scepticisme. Nous devons faire confiance à ces hommes de l’art qui savent que la recherche sur la santé demeurera un combat de tous les jours. Qui peut nier les progrès qui ont été accomplis depuis l’époque de Pasteur ? 

    En appeler à la raison et à l’humilité est le meilleur message qu’il convient de prendre en compte. Cloîtrés dans notre chez nous, il nous faut endiguer la peur en sachant écouter les voix qui ne nous manipulent pas. Guy Vallancien est une de ces voix.

    Quant à nous, sachons contourner les affres de notre impatience. La machine à coudre d’Elisabeth Rougié est là pour nous rappeler que nous pouvons tous nous serrer les coudes à l’heure où il nous est interdit de nous serrer les mains. Elisabeth s’est immédiatement lancée dans la fabrication de masques. Ces masques n’ont peut-être pas toutes les qualités requises pour pouvoir servir dans les blocs opératoires, mais c’est une protection supplémentaire pour celles et ceux qui se mobilisent dans le hameau pour s’en aller faire les courses, chercher des médicaments ou venir en aide d’une toute autre manière aux Kermoustériens les moins à même, malgré leur envie, de contribuer à cet élan de solidarité.

    La machine à coudre ? Si j’en crois ce qui se dit sur la Toile, la première machine à coudre véritablement pratique est attribuée à un tailleur français originaire de la région lyonnaise, Barthélemy Thimonier. C’est en 1830 qu’il a déposé son brevet « d’une mécanique à coudre ». Que de chemin parcouru depuis lors !

    De la mécanique au numérique, le monde a bien changé au fil du temps. Mais les images que nous contemplons chaque jour sur nos écrans soulignent ce fait : même dans les blocs opératoires, nos semblables, ayant la maîtrise du geste, sont et demeureront indispensables pour soigner les malades. Le robot n’est qu’un auxiliaire au service de la vie.

    Après avoir évoqué, dans une précédente chronique, le plaisir qui sera le nôtre, quand le Coronavirus sera vaincu, de pouvoir partager un cochon grillé sur le parking de l’île à Bois, je ne puis m’empêcher de rappeler à Guy Vallancien que l’une des toutes dernières phrases de son bouquin nous faisait, à l’avance, partager cet espoir. « Viendra le jour de nous rassembler pour chanter et danser, tapant dans nos mains en cadence autour d’un grand feu de bois sous les étoiles. » Le lieu est tout indiqué. Reste à fixer la date !

    Oui, ce jour viendra ! Et ce jour là, au cœur de notre village dit gaulois, nous ne serons pas sans trinquer, coupes en main emplies de cervoise, à la santé de René Goscinny et d’Albert Uderzo, aujourd’hui réunis dans nos subconscients. A travers nos travers, ils ont su nous faire comprendre que la potion magique du druide Panoramix était, avant toute autre chose, le meilleur antidote contre la morosité et l’anxiété. Cette potion médicinale, dont on ne connaîtra jamais le secret, n’a pas pu les empêcher de déposer les armes, mais leur humour sera éternel. Sachons en faire bon usage !

                                                                                                                                             Claude Tarin


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  • Croire ou ne pas croire?

     

    Belle photo de Filipe Mota. On a envie de s’exclamer : « Dieu que c’est beau ! ».

    Dieu ? Depuis longtemps déjà vous n’ignorez pas que je suis de ceux qui doutent de son existence. Pour autant, je me dois, pour être cohérent avec moi-même, de donner la parole à celles et ceux qui trouvent dans la foi la ressource nécessaire pour faire face à notre condition humaine. Surtout en ce mercredi 25 mars où l’Eglise fête l’Annonciation.

    Dans un message adressé par les services paroissiaux, que des amis de la rue Saint Maudez ont relayé, nous sommes conviés en ce jour à vivre « une journée avec Marie ».

      L’Annonciation à la vierge Marie ? Simple réminiscence d’une éducation religieuse : c’est la fête de l’Incarnation puisque Dieu commence en Marie sa vie humaine qui conduira Jésus à la Croix et à la Résurrection.

    A midi et à 18 h, vous avez encore la possibilité de vous associer à la prière de l’Angélus.

    L’Angélus ? Je ne vais pas ici me renier. Je suis de ceux qui aimeraient entendre sonner la cloche à l’heure de l’Angélus. Mais renégat je suis et le demeure ! Il ne s’agirait pour moi  que de revivre des souvenirs d’enfance débarrassés de toute implication religieuse.

    Cette suggestion n’a pas eu l’heur de faire l’unanimité. La cloche sera restée muette tout au long de la journée. Du moins jusqu’à la mise en ligne de cette chronique. L’Eglise ne convainc plus les foules.

    Croire ou ne pas croire ? Vaste débat. Celles et ceux qui me font l’honneur de suivre les humeurs de ce blog se souviennent peut-être de ce que j’avais écrit au lendemain du pardon de l’été dernier.

    Flash back !

    Le dimanche 25 août, nous étions nombreux sur la terrasse de La Cambuse. Le traditionnel pot du maire après l’office, ça ne se rate pas. Mais ce n’est pas de la pluie et du beau temps qu’il m’a fallu débattre avec un général en retraite affichant ouvertement ses convictions religieuses. Sur fond de brouhaha, le verre de Kir à la main, nous devisions sur le thème de la foi et de la nécessaire religion. 

    Arguments contre arguments. Dans une écoute réciproque. Sincérité toutes voiles dehors, alors que sous nos yeux, dans le cadre majestueux de l’estuaire du Trieux, se disputaient les dernières manches de la 41ème régate des Lilas blancs. Bataille était alors livrée dans les parages du phare de La Croix, le bien nommé en cette circonstance.

    C’est sur cette belle image, assortie d’une question piège,  que notre échange s’est achevé. « Ne peut-on voire la main de Dieu dans cette beauté  qu’il nous est donnée de contempler? »

    Aujourd’hui, pas plus que ce jour là, je n’ai pas trouvé la parade susceptible d’ébranler la foi de mon interlocuteur. Je suis même certain qu’il ne serait pas sans trouver la riposte si je tirais profit de la situation pour lui dire que son Dieu prend un malin plaisir à nous faire des misères. Ce Dieu tout clément a la main lourde par les temps qui courent. J’aurais beau jeu de dire que c’est suite à une réunion d’évangélistes que le Coronavirus s’est propagé sur l’ensemble du territoire national et bien au-delà. Mais je me garde de ne pas extrapoler plus qu’il ne le conviendrait.

    Si Dieu existe et si c’est lui le grand architecte de tout, pourquoi avoir créé les virus ? A cause du péché originel ?  

    Sur la terrasse de La Cambuse, il y avait au moins un terrain d’entente ce jour là. Lui comme moi, comme tous les invités du maire, nous savourions un double plaisir : celui de tremper nos lèvres dans le breuvage d’un chanoine hors norme tout en contemplant un spectacle magnifique. On ne se lasse pas d’admirer ce paronama. Chaque jour, chaque heure, c’est un plaisir renouvelé. Merci Filipe !

     

    Croire ou ne pas croire?

     

    Mais je saisis la perche qui m’est tendue ce jour d’Annonciation pour évoquer à nouveau – décidément le désert est riche en sables mouvants dont je ne peux m’extirper – un vécu ayant un rapport direct avec cette question de la foi.

    Durant les quatre jours de treck dans le sud marocain, à l’heure du bivouac, nous avons pu voir nos accompagnateurs dans l’exercice de leur foi. Nous les avons vus s’éloigner du camp, grimper aux sommets de dunes pour s’y agenouiller et, dans un silence de cathédrale, implorer la clémence d’Allah !  Même si Saïd, le guide qui a organisé ce treck, nous glissait subrepticement dans l’oreille les préceptes de la religion, tout ceci s’est déroulé dans une tolérance réciproque.

    Personnellement, j’ai, à l’occasion de cette solitude dans les grands sables, renforcé ma conviction que cette question de la foi relève de l’individu et de lui seul. J’en avais l’expression sous les yeux. Il y a des lieux, des instants où l’on côtoie l’indicible. Là et seulement là se trouve le mystère de la foi.

    Sur la crête des dunes, le bédouin est seul face à son dieu, face à lui-même. Il est en prise directe. Il n’a pas besoin d’un prêche. Certes ce n’est pas cela qui a dû lui manquer dès son plus jeune âge. Lui aussi a été conditionné. La mosquée,  comme l’église pour les catholiques, le temple pour les protestants, la synagogue pour les juifs,  est un lieu où les musulmans viennent renforcer les convictions. Quitte à se faire sermonner.

    Un Dieu unique, mais de multiples religions dont notre histoire est riche en querelles. Là encore, pourquoi ce Dieu ne règle-t-il pas ce problème ?

     

                                                                                                                 Claude Tarin

                                                                                                      Mercredi 25 mars 2020


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  • Plein soleil en ce mardi 24 mars. Depuis quatre jours, l’astre solaire a changé d’hémisphère après avoir traversé le plan équatorial. Nous vivons l’équinoxe de printemps. Un moment clef pour le hameau, puisque c’est à cette période que le soleil se lève entre la pointe de l’Arcouest et l’île de Bréhat. Il jaillit de l’océan. Un régal pour les yeux. Qu’il est bon de pouvoir figer de tels instants par la photo !  Pour nous ce sera en septembre prochain, à l’équinoxe d’automne. Fort heureusement nous savons pouvoir compter sur nos proches voisins ayant vue sur mer pour nous faire profiter du spectacle…par écrans interposés.

    Si j’en viens de nouveau, immédiatement après Claudie et Filipe, à parler du soleil, cela tient au besoin que j’éprouve de vous faire partager le souvenir tout chaud d’un curieux télescopage. Ne serait-ce que pour vous aider à échapper, quelques instants durant, à l’attraction obsessionnelle de ce Coronavirus qui nous contraint à ne pas mettre le nez dehors. Or, dans ce que je vous propose de lire, le nez a toute son importance.

    Là encore, cela a trait au séjour marocain effectué avec ces amis qui sont aussi les vôtres. Au sens propre, comme au figuré, il m’a paru intéressant de vous mettre au parfum.

    Flash back !

    Mercredi 18 mars. Tout juste passé midi, l’avion qui nous transporte vers la France, Eliane, Christian et moi, a décollé, à l’heure pile, de Marrakech. Christian, c’est le seul membre du groupe qui n’a pas maison en Presqu’île, mais ce Manchot qui vit à Bréhal, près de Granville, est incapable de préciser le nombre de fois où il a mis les pieds à Kermouster. Ici, il est comme chez lui. Nos autres comparses, quant à eux, avaient décroché un billet retour dans un autre avion, parti, dans la nuit, aux toutes premières heures de ce mercredi.  

    Malgré les circonstances qui confèrent au Boeing 737-800 de la compagnie Transavia, filiale du groupe Air France, la charge de nous rapatrier, le personnel de bord, hormis le port du masque,  va faire comme à l’accoutumée. Vérification du bouclage des ceintures avant le décollage ; service déjeuner substantiel à mi parcours suivi, comme il est de tradition, de la vente de produits de luxe détaxés. L’avion qui survole les frontières à 10000 mètres d’altitude se fait l’ambassadeur du savoir faire national.

    Nous sommes quelque 180 passagers confinés dans cette carlingue. Côté confort, on a vu mieux car l’espace entre les sièges a été calculé au plus juste. Autant dire que nous sommes serrés comme des sardines, mais il ne nous viendrait pas à l’idée de nous plaindre. Nous faisons partie de ces chanceux qui ont pu saisir l'opportunité d’avoir une place.

    Nous avons il est vrai bénéficié de l’aide de Fred, je cite son nom, sans autre précision, pour lui renouveler ouvertement nos remerciements. Il finira bien par lire ces lignes. Explication :

    Pour décrocher un billet retour, il fallait rester en permanence scotché sur un écran pour cocher illico presto la case enregistrement, dès la mise en ligne par les compagnies de l’annonce d’un vol. Un exercice ô combien difficile avec un téléphone portable. Devant son écran d’ordinateur, à Cannes, Fred n’a pas compté ses heures pour permettre à l’ensemble du groupe de retrouver la terre patrie.

    N’y voyez pas là un refus dogmatique ! Mais pour ce qui est de l’achat de produits de luxe, dans un avion comme ailleurs, cela était et demeure à mille lieues de nos préoccupations. Disons que l’on en use à doses homéopathiques ! Sauf que, ce mercredi, j’ai soudainement été interpellé par la marque d’un produit dont je découvrais l’existence, puisque mis bien en vue sur le chariot de l’hôtesse de l’air : La vie est belle de Lancôme. Comment ne pas s’accrocher à cette vérité première quand vous voyez régner autour de vous une sourde inquiétude légèrement teintée d’espoir. Qu’importe alors si cette vérité a été récupérée à des fins commerciales. L’avion nous sauvait la peau. Lancôme nous invitait à y poser un subtil mélange d’iris et de patchouli. Pour nous faire oublier ce Covidis 19 invisible, sans odeur et sans saveur. Notre odorat, si sensible aux parfums, restera, tant qu’il sévira, aux abonnés absents.

     

    Lancôme et L'Oréal

     

    Lancôme ? Après une douche régénératrice, je me suis lancé, ce mardi matin, à la recherche d’informations concernant cette société, car c’est en regardant, de loin, le soleil couvrir d’or les eaux de l’estuaire qu’a germé l’idée d’établir un rapprochement circonstancié avec notre proche environnement.

    Il se peut qu’à Kermouster il y en ait encore quelques uns qui ignorent que la pointe de l’Arcouest est un haut lieu du monde de la fragrance. C’est ici, toutes fenêtres ouvertes vers le soleil levant, qu’Eugène Schueller, fondateur de l’empire des cosmétiques L’Oréal, a fait bâtir une maison. En 1920.

    Il se dit, que contrairement aux familles Curie, Joliot et Perrin, grands noms de la Recherche ayant, eux aussi, été subjugués par cet endroit , ce grand patron n’y séjournait que très peu de temps. Mais c’est ici, en tout cas, que sa fille Liliane, future épouse d’André Bettencourt, a passé moult vacances. C’est ici que celle qui fut la femme la plus riche de France aimait à se ressourcer, puis à s'y reposer. Je veux croire que cette femme discrète, oubliant, par moment, la cotation en bourse de son empire, aimait à se persuader, en regardant surgir le soleil, que la vie était vraiment belle par sa seule beauté naturelle.   

    Dans cet empire, une acquisition qui remonte à 1961, quand Armand-Marcel Petitjean, fils du fondateur de la société, cède Lancôme au groupe l’Oréal.. En 2012, L’Oréal ajoutait La vie est belle à la gamme des produits Lancôme, soixante-cinq ans après le lancement par Armand Petitjean, encore maître chez lui, d’un parfum nommé… Marrakech. Je boucle ainsi de cette manière cette digression parfumée.

    La vie est belle

     

    La boucle est bouclée, sauf que l’histoire continue. Oui, la vie est belle ! Pour tout le monde ? Cela devrait être. Même si, face à la menace que fait peser sur nos têtes la pandémie, nous sommes tous, riches, moins riches et pauvres, logés, à quelques nuances près toutefois, à la même enseigne, le plus grand nombre se trouve amené à penser que la vie pourrait être plus belle. D’abord en raison des aléas de santé que cette psychose du Coronavirus place en arrière plan des priorités alors qu’ils sont autant, sinon plus, source de préoccupations quotidiennes, mais aussi parce que cette égalité face à cette sournoise menace repose sur un différentiel de moyens de vivre frisant à l’indécence.

    Pour avoir épluché l’historique du groupe L’Oréal, je sais qu’un tel groupe n’est pas sans agir dans l’intérêt général par le biais de la Fondation Bettencourt Schueller. Celle-ci soutient ou a soutenu, entre autres, un laboratoire marseillais qui travaille sur le virus Chikungunya. Face à l’urgence, le groupe soutient peut-être des recherches ayant pour but de contrer le Covis 19

    A Loguivy de la mer, à Ploubazlannec, à l’Arcouest, bien des gens vous diront que l’on pouvait compter sur la générosité de Liliane Bettencourt. Les millions versés pour la rénovation de la cathédrale Notre Dame de Paris laisse à penser que cette société reste à l’écoute des soubresauts du monde. Mais, sans chercher à réveiller les polémiques des évasions fiscales qui émaillent son histoire, j’ai envie de dire que de telles fortunes peuvent encore mieux faire.

    A ces grands patrons qui, dès le réveil, jettent un œil sur la courbe des actions, il est l’heure de leur demander de prendre en considération le reste de l’équipage. Car nous sommes tous dans le même bateau. Le Covid 19 nous le rappelle. Dans le Titanic, il y avait les classes dites supérieures et des passagers de plus modestes conditions.  L’iceberg n’a pas fait le tri.

    C’est au petit matin que l’on se parfume. Shampoing, savon, mousse à raser et eau de toilette. Il y en pour tous les goûts. C’est un de ces moments privilégiés où l’on se regarde dans la glace. Le miroir reflète une apparence, mais il peut-être source de réflexion et de prise de conscience. Aujourd’hui, un fort courant de solidarité surfe sur ce tsunami mortifère. Puisse-t-il irriguer à terme toutes les consciences pour que la vie d’après, à défaut d’être totalement belle, soit désormais supportable pour tous.

    Être confiné n’empêche pas de rêver. Bien au contraire !


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