• L'effet papillon

    Un lever de soleil fantastique. L’étoile ronde et rouge vif jaillissant d’au-dessus les arbres de l’île à Bois, déchirant une couverture nuageuse d’un rose pâle. Un merle bravache qui s’en vient m’interdire de rentrer dans la maison, jaloux, qui sait, de la priorité que j’accorde chaque matin au canard que je récupère dans la boîte aux lettres, à l’entrée du jardin. Bravache ? Plutôt joueur. En tout cas peu farouche. Un face à face d’une bonne minute.

    Tout semblait réuni pour donner à cette nouvelle journée une coloration réjouissante. Et puis, patatras ! L’agacement. Au sortir de la lecture du journal.

     L’après confinement ? La question existentielle du moment. Terrifiante pour les plus pessimistes, angoissante, à des degrés divers, pour tous les autres. "Il n’y a plus d’après" chantait Juliette Gréco sur un texte très poétique de Guy Béart. Cet après ne concernait que celui de Saint-Germain des près dont elle aura été l’égérie. Pour nous, il y aura un après. Mais lequel ? Et qui doit nous dire ce qu’il sera ?

    Je ne peux taire mon agacement de lire et entendre celles et ceux qui n’ont de cesse de ne parler que de l’avant, pour se mettre eux-mêmes en avant. Pas assez de masques ! Manque de tests ! Insuffisance du nombre de lits dans les hôpitaux ! Mauvaise anticipation pour les Ehpad, etc, etc. On le sait. Et alors ?

     A tous ces radoteurs, il est bon de rappeler qu’il y aura bien un après et que viendra le temps de tirer les leçons. Pour savoir ce qui nous a conduit à vivre de cette façon un tel épisode dramatique. Les stratégies mises en place depuis des décennies, les pénuries révélées, tout devra et sera passé au peigne fin.

    Beaucoup de ceux qui se drapent aujourd'hui dans la toge du procureur pourraient ainsi se retrouver à la barre, devant des juges impartiaux. Pour expliquer l’incurie qu’ils n’ont pas su voir, qu’ils ont pu provoquer par l’inaction dont ils se sont rendus coupables dans les domaines de la santé. Pour l’heure, la priorité des priorités est de définir la meilleure méthode pour se sortir de ce mauvais pas,  le plus vite possible. Les chicaneries de la sphère politique, toutes empruntes d’arrière-pensées,  ne font que freiner le processus de remise en marche du pays.

     

    L'effet papillon

     

     

    Il aura fallu que je m’en aille, cet après-midi, à la chasse aux papillons pour taire cette mauvaise humeur. Pourquoi les papillons ?

    C’est une vidéo, que vous avez certainement déjà vue, qui m’a donné cette envie de profiter de la balade quotidienne pour, appareil photo à la main, tenter de saisir sur le vif ces butineurs sortis tout juste de leur chrysalide. Vue ou pas vue, je ne peux que vous inviter à visionner ou revoir Butterfly de Johannes Stötter. Vous trouverez cette vidéo  facilement sur la toile et, si vous poussez plus avant la curiosité à travers d’autres réalisations de cet artiste, vous découvrirez un maître de la métamorphose. Certes, je ne m’attendais pas sur le chemin à retrouver la féerie d’un tel spectacle, mais à l’air libre, sous un soleil bien établi, je pouvais espérer, à l’orée du village, en retrouver un peu la magie.

    Hélas ! Est-ce le souffle de vent un peu trop puissant ou tout simplement la saisonnalité, mais je suis revenu bredouille de la chasse. Impossible de fixer les quelques papillons blancs rencontrés, peu empressés qu’ils étaient de se poser.  Les piérides, comme on les appelle, ne sont pas assurément les plus beaux. Ils font pâle figure comparés au Paon du jour, à Robert le diable, à la Belle Dame et à la Petite Tortue. Les piérides du chou ont même mauvaise réputation car au stade le chenille ils font des ravages dans les champs et potagers.

     

    L'effet papillon

     

    Point de papillons donc, mais, avec ma  Cendrillon, ravis que nous étions d’être sortis de notre cage, nous avons vécu un bon moment de décompression. Ces premiers jours de Floréal ( précédente chronique), il aura fait bon se promener. Que de beaux tapis à regarder. Le jaune du colza sur le bleu violet de la phacélie, une œuvre d’art. Mais la balade bouclée, je n’en avais pas fini avec les papillons.

    Je ne suis pas lepidoptérophile. Mais, ayant ressenti l’intérêt qu’il y avait à en savoir un peu plus sur les papillons, j’ai appris que les piérides pouvaient prendre une majuscule, le petit chemin de Kermouster m’ayant ramené au fin fond de la mythologie. Les Piérides sont les neuf filles du roi Piéros, roi d’Emanthie, auxquelles il a donné le nom de muses. Une légende qui a inspiré de nombreux peintres dont Gustave Moreau (1826-1898) et Jean-Pierre Norblin de la Gourdaine (1774-1783). En butinant sur la toile j’ai fini par repérer ces deux tableaux que je soumets à votre appréciation.

     

    L'effet papillon

     Les piérides (1889) de Gustave Moreau (1826-1898)

     

    L'effet papillon

     Métamorphoses de Piérides en pies (1779) de Jean-Pierre Norblin de la Gourdaine (1774-1783). Musée de Varsovie

    L’effet papillon aura donc quand même joué à plein. Oublié ce moment d’agacement. Mais une question sans réponse. Les filles du roi Piéros, étant d’excellentes chanteuses, ont voulu défier les Muses dans une épreuve musicale. En essayant de les imiter. Ce qui a fortement déplu aux Muses. Et, à leur demande, Apollon changea les Piérides en pies et autres petits oiseaux. Pour les punir.

    Ce n’est pas une pie qui se trouvait devant ma porte ce matin. Mais était-ce une Piéride qui se pavanait sous le plumage d’un merle ? Allez savoir ! Ce qui est sûr, c'est que préfère de beaucoup entendre le merle siffleur que les jacassements de la pie bavarde.

     

     

                                                                                                                                       Claude Tarin

                                                                                                                          Mardi 21 avril 2020


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