• Avec Diogo, sous le charme de la musique séfarade

     

    « Un maillon dans la transmission de ces musiques anciennes et populaires vers les générations futures ». C’est ainsi que se présentent les musiciens qui forment le groupe Diogo. Jeudi 22 août, en la chapelle, la chanteuse Martine Meunier, la vielliste Ingrid Blasco, le percussionniste Mathias Mantello et le guitariste violoncelliste Gwen Tual nous ont gratifié d’un concert de très belle facture,  bâti autour de mélodies du Moyen Âge espagnol. Nous, car je suis en mesure d’affirmer que, parmi la soixantaine de spectateurs, pas une seule personne n’a pu échapper au charme d’une musique qui puise, pour l’essentiel, ses racines dans la culture séfarade

    Durant de longs siècles, avant que ne se lève le vent de l’Inquisition, le royaume ibérique aura été un formidable creuset œcuménique entre les musulmans, les chrétiens et les juifs. La marginalisation, l’épuration n’ont pas réussi à couper ces racines et il est heureux que nous ayons pu en savourer l’excellence à l’occasion de ce concert, dans le cadre d’une chapelle qui, comme cela va à nouveau se confirmer à l’occasion de la traditionnelle messe du Pardon, se fait, à son humble niveau, chantre de la réconciliation entre les hommes de bonne volonté.

    Diogo nous a proposé un prodigieux dépaysement à travers des thèmes musicaux chantant les souffrances de la vie, l’amour, la tristesse, l’éloignement. Ces trois musiciens, dont il nous a, déjà, été donné d’apprécier l’excellence au sein d’autres formations défendant elles aussi les répertoires anciens, sont à féliciter.

    Depuis 2003, Ingrid Blasco a jeté son dévolu sur la vielle à roue. Elle lui donne sa noblesse. Mathias Mantello révèle une maîtrise hors pair du tambour, du daf et du darbuka. Celle de Gwen Tual n’est pas en reste. Luthier de profession (à Trégrom), la guitare, le violoncelle et son « dessus de viole  à cinq cordes » lui ont livré tous leurs secrets. Il nous les fait partager. Martine Meunier, quant à elle, impressionne par l’amplitude de sa voix et cette gestuelle qui donnent corps à cette musique désormais intemporelle. Qui a déjà eu la chance de pouvoir visiter l’Andalousie retrouve, au travers d’un tel concert, ses émotions passées.

    Dans le petit dépliant (flyer) présentant ce concert, les membres de Diogo précisent les motivations qui sous-tendent cette performance musicale. Ils formulent le rêve « d’une Méditerranée qui soit autre qu’une barrière entre deux mondes, autre qu’un cimetière géant dans lequel tous les ans, sont engloutis des milliers d’êtres humains dans une indifférence assez générale ; mais au contraire un grand champ de possibles, une étendue d’espoir, un dialogue des cultures comme cela a été le cas jusqu’au XVème siècle ».

    Ayant déjà eu l’occasion d’aborder le thème de l’accueil des étrangers (Migrants : du Monde à la Commune, chronique du 4 février 2018), je ne peux bien entendu que partager ce rêve, tout en rappelant au passage, qu’une communauté de vie telle que Lézardrieux peut, à son niveau, apporter son concours à une noble cause.

    Tout comme ces artistes, je garde l’espoir que la raison l’emporte et que cette crise migratoire soit jugulée par l’esprit de solidarité entre les nations, à commencer par celles qui composent l’Union européenne. Mais, pour en rester sur un plan strictement culturel, comment pourrions nous encore douter, après un tel concert, que, loin de nous enfermer dans un carcan, la création artistique, dans toutes ses formes, révèle les bienfaits du brassage et du métissage.

     

    Avec Diogo, sous le charme de la musique séfarade

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  •  Un dimanche de plus à inscrire dans les annales du hameau. Ce 18 août de l’an 2019, le soleil, ingrédient ô combien indispensable pour ce type de rendez-vous, n’aura pas fait faux bond au traditionnel et toujours joyeux pique-nique des Kermoustériens. Joyeux, incontestablement, mais pas si traditionnel que ça, ne serait-ce déjà qu’en raison du lieu et de la date.

     Habituellement, les résidents du hameau se réunissent le premier dimanche d’août. Mais, les responsables de l’Amicale  ont tenu compte des dates du festival « Chant de marin », sachant, qu’ici, nombreux sont celles et ceux qui aiment s’immerger dans le flot des aficionados qui submerge les quais des bassins de Paimpol à cette occasion.

     Habituellement , c’est sur le terrain fleuri de Claudie Missenard, qu’elle se fait un plaisir de mettre à disposition pour la circonstance, que sont dressées les tables de la convivialité. L’idée est venue, cette année, de tester le parking de l’île à Bois.

     A même l’endroit où, dès dimanche prochain, les meilleurs boulistes du Trégor Goélo viendront s’affronter, l’esprit village a soufflé aussi fort que lors des précédentes éditions. Mais pas au point de tuer toute envie de remettre le couvert, l’an prochain, à même le point de vue. L’Amicale a tous les mois d’hiver pour soupeser les avantages et les inconvénients des deux sites.

     Mais l’événement de cette édition aura été, incontestablement, l’inauguration officielle de la Boîte à livres. Une inauguration marquée par la présence, et le discours, d’un écrivain  du cru, Gilles Hertzog dont certains découvraient, à cette occasion, la maîtrise du mot, pour ne pas dire du bon mot, du phrasé et de la diction.

     Autre cerise sur le gâteau, même s’il ne s’agit pas d’une première : le concours des énigmes mathématiques, organisé pour la deuxième année consécutive, sous un mode différent toutefois, toujours à l’intention des enfants… et des plus grands.

     Il est certain que le nombre de participants à ce concours, concocté par Claudie Missenard,  aurait été, au moins, multiplié par deux si le pique-nique s’était tenu durant la première quinzaine d’août. Passée la mi-août, l’évaporation des petits enfants se fait déjà sentir au sein des familles. Mais qu’importe ! Il y aura eu assez de « têtes chercheuses » pour donner un superbe point final  à cette journée parfumée d’amitié.

     Dans l’impossibilité de résumer en quelques lignes ce qui a donné à cette journée toute sa saveur, je vais, une nouvelle fois, dans la foulée de la précédente chronique traitant de la Libération de Kermouster en 1944, abuser de votre attention. En déclinant, tour à tour, les trois grandes séquences de ce 18 août mémorable.

     En y associant, comme de coutume,  les photos qui, à elles seules, sont révélatrices de l’ambiance joyeuse qui a marqué cette escale 2019. Je remercie bien évidemment les paparazzis qui ont, fort opportunément, apporté leur concours.

     Je vous invite donc à garder la souris bien en main pour aller jusqu’au bout de ce compte rendu qui se clôture par la mise en ligne de l’intégralité du « speach » de Gilles Hertzog.

     Bonne lecture !

     

    L’âme du village dans une Boîte à livres

     

    Joyeux pique-nique entre livres et mathématiques   

     

    « C’est un fétu de paille face à l’avalanche des nouveaux médias ». Invité à prêter son concours à l’inauguration officielle de la Boîte à Livres, Gilles Hertzog a su, non sans humour, trouver les mots pour prendre la défense du livre. Il a, en quelque sorte, enfoncé un clou dans cette Boîte que d’aucuns comparent à une cabine de plage, mais qui, dans cette circonstance, avait plutôt l’apparence d’une guérite, dressée face aux « progrès de l’ignorance » et  la menace « chronophage », que constituent les nouveaux médias que sont les smart phones, i.phones et autres tablettes numériques.

     Est-ce le vent ou l’émotion (ou les deux à la fois) qui a fait trembler le feuillet sur lequel Gilles Hertzog avait couché le texte de son allocution ? Le vent ?  Il y en avait. L’émotion ? On se plaît à le croire car, au-delà de l’honneur qui lui était fait, cette allocution de circonstances s’inscrivait en droite ligne d’une histoire familiale ayant un lien direct avec celle du hameau, son village à lui aussi. « L’entraide, l’échange, le don réciproque, l’amitié, voilà l’âme d’un vrai village, et cette Boîte à livres vient s’ajouter à tout ce qui lie les Kermoustériens et leurs amis entre eux » soulignera-t-il d’entrée de jeu. 

    Comme il faut toujours se méfier du « supposé connu », rappelons qui est cet écrivain qui, pour beaucoup, peut sembler camper dans sa tour d’ivoire quand il s’en vient se ressourcer à Kermouster. Image trompeuse, s’il en est une, puisque Gilles Hertzog ne manque pas, ici, d’amis avec qui palabrer et ripailler, ni sur les quais avoisinants. L’homme de plume aime, en effet, mettre les voiles sur le lit du Trieux. 

    Sa famille a des racines profondes dans ce petit bout du monde. De par sa filiation directe avec Marcel Cachin, le fondateur du Parti communiste français, directeur du journal L’Humanité, jusque sa mort en 1958.  

    Natif de Paimpol, Marcel Cachin est le grand père maternel de Gilles, de Daniel et de Sylvie Hertzog, eux aussi résidents de longue date à Kermouster. C’est à Lancerf que Marcel Cachin aimait, quant à lui, mettre de la distance avec la vie parisienne. Or, de Lancerf à Kermouster, il n’y a qu’un pas. Il aura suffi de franchir le pont.

     C’est au début des années cinquante que Paul et Marcelle Hertzog, le gendre et la fille de Marcel Cachin,  ont jeté leur dévolu sur ce bout du monde. C’est ici que leurs trois enfants ont passé de nombreuses vacances et perpétuent, depuis lors, une tradition familiale en y séjournant très souvent.

     Il y a tout juste quatre-vingt ans, leur père et leur mère, tous deux médecins, militants communistes, naviguaient vers le Chili, sur un navire qui transportait quelque 2000 camarades espagnols fuyant le régime de Franco. Le 3 septembre 1939, le Winnipeg de la compagnie France Navigation touchait au but, après un mois de bourlingue entre l’estuaire de la Gironde et la rade de Valparaiso, une longue odyssée via les Açores, la Guadeloupe, le canal de Panama et les Galapagos. Il est arrivé à destination le jour de la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne. Gilles Hertzog a raconté cette odyssée dans un livre – Les Brigades de la mer - publié chez Grasset en 1979

     De cette filiation communiste, Gilles Hertzog a conservé le sens de l’engagement. Mais, désormais, c’est aux côté de Bernard Henri Lévy, plus communément appelé BHL, peu complaisant comme chacun sait vis-à-vis des régimes totalitaires, qu’il continue à défendre des causes qui lui tiennent à cœur : les Kurdes, l’Europe, entre autres.

     Lors de son allocution, Gilles Hertzog a eu la modestie de s’effacer devant la grandeur de la cause que cette Boîte à livres va désormais défendre : le goût de la lecture. L’écrivain s’en est fait, ce dimanche, le porte-parole. Non sans cultiver un évident paradoxe.

     L’auteur de deux autres livres - Le Séjour des dieux (2004) et  Le dernier Vénitien (2018), publiés, eux aussi, aux Editions Grasset -  en vantant les mérites du papier n’en cultive pas moins le goût de l’écriture sur Internet. Il est l’un des chroniqueurs de La Règle du jeu, dont il fut un temps rédacteur en chef. Ce site a été fondé en 1990 par Bernard Henri Lévy. Fort du principe que la meilleure défense c’est l’attaque, Gilles Hertzog s’est emparé, comme tant d’autres penseurs, de l’arme du numérique pour défendre ses idées… par l’écrit.

     « Les livres s’ouvrent comme des boîtes au chocolat et se referment comme des coffrets à bijoux ». De qui cette citation ? De Bernard Pivot dont l’émission Apostrophes n’aura eu de cesse, par écran interposé, de chanter les louanges du livre. Les écrivains savent ce qu’ils lui doivent.

     Du grand écran jusque la plus humble boîte à livres, en passant par les rayonnages des librairies et les médiathèques, c’est le même combat qu’il convient de mener. Kermouster est désormais sur les rangs. En première ligne !

     * En toute fin de cette chronique le texte complet de l’allocution de Gilles Hertzog

     

    Joyeux pique-nique entre livres et mathématiques   

    Joyeux pique-nique entre livres et mathématiques   

    Joyeux pique-nique entre livres et mathématiques   

    Joyeux pique-nique entre livres et mathématiques   

    Joyeux pique-nique entre livres et mathématiques   

     Joyeux pique-nique entre livres et mathématiques   

    Joyeux pique-nique entre livres et mathématiques   

     

     

    La potion magique du pique-nique

     

    Joyeux pique-nique entre livres et mathématiques   

     En mettant l’accent sur ce qui caractérise l’âme d’un vrai village, Gilles Hertzog m’a offert une transition toute trouvée pour aborder le deuxième temps fort de ce dimanche 18 août : le pique-nique.

     Cette année, comme déjà souligné, c’est sur le parking de l’île à bois que les Kermoustériens se sont retrouvés. Et le moins que l’on puisse dire c’est que cela n’a en rien altéré l’atmosphère qui caractérise ce rendez-vous traditionnel de l’été.

     Comment aurais-je pu éviter, une nouvelle fois, devant cette grande tablée sur fond de baie du Paradis, de trouver un apparentement avec l’image qui clôture chaque album de notre BD nationale, Astérix le Gaulois ? D’autant plus difficilement que, depuis la veille, j’avais en tête un article publié par mon quotidien faisant référence à cette saga née des talents conjugués de René Gosciny et d’Albert Uderzo. Si cela vous a échappé – on ne lit pas tous les mêmes journaux – cet article soulignait la fierté que les gens d’Erquy – les Erquiais – éprouvent, quasi certains qu’ils sont que c’est leur rivage qui a inspiré les créateurs d’Astérix, d’Obélix et de tant d’autres personnages tout aussi désopilants.

     Loin de moi  l’intention de contrarier qui que ce soit, mais, comme il m’est déjà arrivé de le dire, je suis quand même prêt à parier mon équivalent en poids de sanglier que Gosciny et Uderzo ont dû passer par le parking de l’île à bois avant de partir à la conquête de leurs lecteurs. Cela fera tout juste soixante ans, le 26 octobre prochain, dans les colonnes du magazine Pilote. Je suis également prêt à affirmer que ces personnages de fiction ont du sang de Coriosolites dans les veines. Les Coriosolites (les troupes qui veillent), tribu gauloise, vivaient dans ce secteur de la Bretagne.

     Je parie et j’affirme parce que, en ce dimanche de l’an 2019, la preuve je l’avais sous les yeux. Par le cadre, mais aussi par cette manière de se mettre à table, entre rillettes et bonnes bouteilles. De la bonne humeur et de l’empathie pour seule potion magique. Ce n’est pas Panoramix, alias Gilles Hertzog comme vient de le baptiser La Presse d’Armor, qui me démentira.

     Je prolonge cette incise à l’intention des nouveaux Kermoustériens en rappelant que c’est en ce même lieu qu’un cochon grillé de derrière les fagots réunissait, voilà quelques années,  deux si ce n’est trois centaines d’amateurs de bonne chair, dont des célébrités du monde littéraire, fines gueules et plumes d’acier. De là à penser que la tradition remonte à bien plus longtemps !

     Rassurons tout de suite les Erquiais ! Les Kermoustériens ne leur disputeront pas leur fierté. Pas question de réveiller un combat des chefs entre Celtes et apparentés. Compte tenu des problèmes de stationnement qui ont mis sous tension le hameau ces dernières semaines, ce ne sont pas les caprices du  ciel qui soulèvent tant l’inquiétude, mais l’incapacité structurelle qu’il y a ici à accueillir, en même temps, des légions de visiteurs, casqués ou non. Faire citoyens d’honneurs Astérix et Obélix ne ferait qu’amplifier le problème et engendrerait la zizanie.

     On ne poussera pas les murs. Le bouclier de la loi Notre ne permettra pas que s’érige ici un énième  Domaine des Dieux. Le Kermouster  touristique  conservera son aspect bucolique, si ce n’est rustique. Et les Kermoustériens, en bon Coriosolites, veilleront à éteindre toute tentative de discorde. Par Toutatis !

     Mais recentrons le propos sur ce qui a donné à ce nouveau rendez-vous gargantuesque tout son intérêt! Hélas ! Mille fois hélas ! Tous les Kermoustériens n’ont pas pu l’honorer, mais la soixantaine de participants a savouré ces instants de partage. En toute simplicité. A la bonne franquette. A ce jour, il convient de le préciser, les effets de la potion magique se font encore sentir.

     Il est à espérer que la fête battra à nouveau son plein quand les ténors de la boule bretonne prendront possession des lieux, dès ce samedi 24 août. M’étant enquis sur les origines de ce jeu, voici ce qu’il convient de retenir : au VIe siècle av.J.-C. les joueurs appelaient cette pratique la « sphérique », du nom de la pierre sphérique que lançaient les Grecs. Puis le jeu fut pratiqué par les Romains, mais il prit surtout de l’ampleur chez les Gaulois. A conquérants, conquérants et demi !

     Mais rendons tout de suite à César ce qui lui appartient. C’est aux Romains que l’on doit l’apparition du but. Comprenez le petit, le cochonnet ! Pas de quoi en perdre la boule, ni son latin !

     

    Joyeux pique-nique entre livres et mathématiques   

    Joyeux pique-nique entre livres et mathématiques    

    Joyeux pique-nique entre livres et mathématiques   

    Joyeux pique-nique entre livres et mathématiques   

    Joyeux pique-nique entre livres et mathématiques   

     

    Un Kangourou sur le parking

     

    Joyeux pique-nique entre livres et mathématiques   

      Si à l’heure de l’apéro, on a beaucoup soupesé les vertus de la lecture, à la fin du pique-nique les mathématiques se sont rappelées à notre bon souvenir, du moins pour celles et ceux qui, n’ayant pas abusé outre-mesure de la potion magique, n’avaient pas oublié le rendez-vous que nous avait fixé Claudie Missenard.

     Là encore, quelques précisions sont nécessaires pour la compréhension du pourquoi et du comment. Tout le monde, même ici, ne sait peut-être pas que Claudie Missenard, Kermoustérienne de cœur, elle aussi, depuis plus de cinquante ans, a derrière elle une longue carrière de « prof de maths » et que cela l’a amenée à être une des chevilles ouvrières d’un concours qui passionne chaque année quelque 6 millions d’individus à travers la planète : le jeu concours Kangourou des mathématiques. Hormis le continent africain - mais il ne perd rien pour attendre -  tous les autres sont aujourd’hui « contaminés » ou, plutôt, « vaccinés » contre la peur des maths.

     L’an prochain on fêtera les 30 ans de ce jeu concours pensé par André Deledicq, un universitaire français, auquel Claudie Missenard a, d’emblée, apporté sa contribution. Mais pourquoi un tel nom ? « Parce qu’il existait déjà en Australie un concours de mathématiques, mais très scolaires. Kangourou, c’est d’abord un jeu, lequel fait découvrir les maths aux enfants par le plaisir. On privilégie ici l’aspect ludique. L’initiative est bien évidemment laissée aux professeurs, mais il y a des règles à respecter, comme pour tout concours. Le Kangourou des maths est la plus grosse interrogation écrite au monde ».

     Chaque année, courant de l’automne, Claudie s’en va poser sa valise dans une grande ville de ce vaste monde, le temps d’y préparer, avec d’autres mathématiciens, les modalités du prochain concours. Cette année ce sera Chicago, l’édition 2020 du concours devant se dérouler, quant à elle, le 19 mars prochain. « Le concours se déroule toujours le troisième jeudi de mars » précise Claudie. N’oubliez pas la date !

     Et puis, si vous voulez en savoir plus, cliquez immédiatement sur le site de l’association à l’adresse suivante :

     http://www.mathkang.org/concours/index.html

     Qui a dit qu’Internet, c’était le diable ?

     Notez déjà que Le Kangourou des mathématiques publie tous les ans, au printemps, Les Malices du Kangourou, une brochure que nous autres grands-parents et parents ne pouvons que mettre dans les mains de nos chères petites têtes blondes, brunes ou rousses.

     Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à ce Kangourou qui a prolongé la bonne ambiance qui a régné ce dimanche après-midi sur le parking de l’île à Bois. L’an passé il avait fait gambader les participants sur les chemins du hameau. Cette année, nouvelle formule. Plus statique, mais tout aussi énigmatique. Les concurrents n’ont eu qu’à s’asseoir sur l’herbe, les tables du pique-nique s’étant entre-temps volatilisées,  et à plonger dans les subtilités que Claudie avait glissées malicieusement dans ses questions.

     Je l’ai signalé en ouvrant cette chronique. Passé le 15 août, il y avait grand risque que toute la jeunesse qui rallie Kermouster chaque année ne soit plus très nombreuse. Ce ne sont malgré tout cinq équipes qui ont planché sur les dix énigmes, « rassemblées pour la circonstance », que Claudie leur proposait de résoudre… « en une demi-heure ». Ils ont eu à se creuser la tête autour du nez de Pinocchio, à trouver le poids d’une pomme en son équivalent de prunes, à décortiquer un chiffre et que sais-je encore. Bien évidemment, il aura fallu en découdre avec le nombre exact de kangourous.

     A ce petit jeu, il y eut des gagnants. Mais Claudie Missenard ayant réussi à mettre tout ce petit monde « dans sa poche », il ne lui restait plus qu’à distribuer puzzles et bonbons, le tout emballé dans une bonne humeur générale, attestée par le clapping final orchestré par Jean.

     Autant dire que les seuls perdants  sont ceux qui, soit par trouillardise, soit par simple oubli, ont brillé par leur absence.

     

    Joyeux pique-nique entre livres et mathématiques   

    Joyeux pique-nique entre livres et mathématiques   

    Joyeux pique-nique entre livres et mathématiques   

    Joyeux pique-nique entre livres et mathématiques   

    Joyeux pique-nique entre livres et mathématiques   

    Joyeux pique-nique entre livres et mathématiques   

     Joyeux pique-nique entre livres et mathématiques   

     

    Joyeux pique-nique entre livres et mathématiques   

     

    «Boîte à livres…Boîte à vivre»

     

    Pour conclure, voici le texte de l’allocution que Gilles Hertzog a prononcée devant la boîte à livres que l’Amicale de Kermouster a installée à même le point de vue.

     

    “Chers ami(e)s,

    L’Amicale de Kermouster m’a confié le soin de dire et d’écrire ces quelques mots pour l’inauguration de la Boîte à livres de notre village au bout des terres, et c’est pour moi, dont le livre est le métier, un vrai honneur et un vrai bonheur.

    Ce village au début de la mer a tant d’attraits, tant d’avantages ; en voilà désormais un de plus. Ses habitants et ses amoureux ont mille grâces au quotidien, en voilà une de plus. L’entraide, l’échange, le don réciproque, l’amitié, voilà l’âme d’un vrai village, et cette Boîte à livres vient s’ajouter à tout ce qui lie les Kermoustériens et leurs amis entre eux.

    Alors cette Boîte à livres ? D’abord, à l’heure où triomphent partout Internet, les réseaux sociaux, Facebook, Instagram, You Tube, les bouquets des télévisions, sans oublier nos portables et nos tablettes, j’en passe et des meilleurs, tous ces assassins du livre, de la lecture et du reste, ces chronophages sans pitié de notre temps libre, de nos loisirs, les livres, tout comme l’écrit, sont en grand péril. On lit de moins en moins. Après les journaux, tous sans exception en péril de mort, demain est-ce que viendra le tour des livres ?

    Je suis peut-être « Old School » mais toutes les richesses du savoir, les connaissances, les grandes et les petites histoires des hommes à travers les âges, les mille et unes aventures de l’aventure humaine, seuls les livres les transmettent pleinement, parce qu’ils font appel à notre intelligence, à nos facultés, à notre sensibilité, parce qu’ils mobilisent en nous notre curiosité, nos affects, suscitent notre jugement, parce qu’ils nous coupent un moment du monde environnant, nous demandent un effort d’attention, d’empathie, suscitent notre participation active, et c’est très bien ainsi. En bref, les livres sont meilleurs les amis du genre humain. Ils n’exigent rien en échange. Pas de Pub, pas de connaître votre email, pour vous vendre tout et n’importe quoi, non, les livres n’exigent rien. Un petit merci, à l’occasion, un revenez-y…

    Alors, cette Boîte à livres de Kermouster, c’est un fétu de paille face à l’avalanche universelle des nouveaux medias, comme on les appelle communément. Un tout petit fétu, certes, mais un fétu tout de même, et c’est un signe de résistance contre la déshumanisation du monde d’aujourd’hui et, plus encore, de demain, et les progrès de l’ignorance double Zéro.

    Je termine en posant une question. Cette Boîte à livres où chacun déposera les livres qu’il ou elle laisse à d’autres et où tout le monde pourra venir les emprunter, cette ronde sans fin ouverte à tous et à tous les vents, comment faire pour que ceux qui n’ont pas de livres chez eux, qui ne lisent guère de livres ou pas du tout, se sentent concernés, se sentent invités ? Là, les absents n’ont jamais tort. Un problème ici se pose : face à une masse de livres et d’auteurs, comment choisir dans l’inconnu, dans le maquis des livres ? Il y aura les livres sur l’Histoire, des livres pratiques, des romans, d’amour, d’aventure, des romans historiques, des Polars, des biographies historiques, politiques, des ouvrages, bien sûr, sur la Bretagne, mille autres familles de livres. Peut-on imaginer que les promoteurs de la Boîte à livres de Kermouster se fassent propagandistes, qu’ils fassent campagne auprès des non-lecteurs parmi leurs amis pour que ceux-ci tentent l’aventure sans peur et sans reproches, la belle aventure de lire. Qu’ils leur proposent, par exemple, un titre une fois par mois, en fonction de leurs goûts, de leurs centres d’intérêt, qu’ils les guident vers le bon livre, interrogent d’autres Boîtes à livres voisines s’il n’existe pas dans la notre. Car, bien choisis en fonction de son lecteur, de sa lectrice, un livre n’est jamais un ennui, un casse-tête. Au contraire, c’est une fête avec l’auteur, avec soi-même.

    La plus belle réussite de cette Boîte à livres serait que des non-lecteurs découvrent l’immense joie et l’enrichissement, le plaisir sans pareil, le sentiment de liberté que procure un livre qui vous parle. Il devient un ami. Et ces amis de demain sont innombrables. Ils vous attendent par dizaines désormais dans la Boîte à livres de Kermouster.

    Lecteurs, non-lecteurs, venez sans peur et sans complexe. Que les bons génies de Kermouster fassent que cette nouvelle expérience collective, si simple, si évidente, si nécessaire, soit couronnée de succès. Le votre à tous.

     Boîte à livres ? Non, Boîte à vivre ! Et vivre où ça ? A Kermouster, naturellement.”

    xxx

    Allez ! Encore un petit effort d’attention !

     

    Comme pour de précédentes chroniques, nous vous proposons de retenir des expressions extraites de ce qui vient d’être mis en ligne et de les traduire en Breton. De l’allocution de Gilles Hertzog nous avons retenu trois idées fortes :

     

    L’âme d’un village : Eneñv ur geriadenn

     

    L’entraide : Ar genskoasell

     

    L’amitié : Ar mignoniaj 

     

     

     

       

     


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  • Que faisiez vous le mercredi 16 août 1944 ? Qui peut encore répondre à une telle question ? Surtout quand on la formule ainsi : Vous souvenez vous de ce que vous faisiez le mercredi 16 août 1944… à Kermouster ? Yves Le Briand est, désormais, l’un des rares témoins à pouvoir y répondre. Il n’avait que 11 ans, mais l’impact de cette journée, où tout a basculé, reste vif. L’homme accompli n’éprouve pas trop de difficultés à se remémorer ce que le gamin a vu de ses yeux vu voilà soixante quinze ans, jour pour jour. Ce mercredi 16 août 1944, Yves Le Briand assistait à la libération de son village et de l’île à Bois, point ô combien stratégique pour l’Occupant.

    16 août 1944 : Kermouster libéré !

    Yves Le Briand avait 11 ans ce jour-là

     

     « La veille, raconte Yves Le Briand, nous étions partis à Pommelin. On nous avait conseillé de ne pas rester à Kermouster. Depuis plusieurs jours déjà, l’inquiétude allait grandissante. Nous sommes allés nous cacher dans le bois de Kermel, avec nos deux vaches et Pichard, le cheval, un trait breton, qui, de mémoire, n’a jamais été réquisitionné»

    La famille Le Briand demeurait alors à Ker Gwen (Ville Blanche), l’actuelle maison d’Elisabeth Crenn. Quelques jours auparavant des Résistants, du maquis de Plouisy, étaient passés par-là pour inciter les gens à prendre des précautions.

     « Nous venions tout juste de charroyer du blé. Le soir, avec mes parents, mes deux frères, mes deux sœurs, nous avons trouvé un abri chez des cousins à Pommelin. Mais, le lendemain, ayant appris que les Américains étaient entre-temps arrivés à Kermouster, nous n’avons eu qu’une hâte. Revenir chez nous. Moi je suis revenu en chevauchant Pichard. Nous étions de retour dans l’après-midi. J’ai tout de suite vu un char stationné devant l’ancienne école. Juste derrière la maison de Claudie.  Je me souviens très bien de mes premiers chewing-gums. Les Américains en distribuaient sans compter. Ils étaient très gentils. »

     

    16 août 1944 : Kermouster libéré !

     Yves Le Briand sur Pichard, un trait breton

     

     Drapeau blanc sur l’île à Bois

     La maison de Claudie Missenard appartenait alors à la famille Corlouër. Ce mercredi 16 août 1944, à 10 h du matin, le deuil avait frappé  cette demeure. Yves Marie Corlouër venait de succomber « victime d’une crise cardiaque » se rappelle Yves Le Briand. « Suite à une altercation avec un voisin ». Il venait de fêter ses 64 ans. Marie-Thérèse Le Rousseau se souvient, quant à elle, entendre sa mère, Rosalie Le Lay née Le Blouch, qui habitait en contrebas,  lui dire que, ce jour là, des Kermoustériens ont fait barrage à des hommes armés, « des résistants de la dernière heure », en leur demandant de respecter la maison d’un mort.

    Alors âgé de trois ans et demi, Yvon Corlouër se souvient bien de ce grand-père gisant sur son lit. « Je ne comprenais pas pourquoi il restait allongé ». C’était sa première vision de la mort.

     Avec sa mère et sa soeur, Yvon Corlouër avait rejoint Kermouster depuis quelques temps déjà. « Mon père, militaire, maître mécanicien était resté à Toulon. Il opérait sur le remorqueur de haute mer Le Lavandou. Il pressentait que la zone libre ne le resterait plus longtemps. Il a pensé que nous serions plus à l’abri en Bretagne, à Kermouster. Et puis, il y a eu le sabordage de la flotte en 1942. Avant de pouvoir nous rejoindre, il aura passé son temps à squatter des villas en ruine pour ne pas se trouver enrôlé malgré lui. Il n’aura donc pas vu son père sur son lit de mort. Je ne sais pas comment il a fait pour revenir jusqu’à nous. Il parlait peu de la guerre».

    Malgré son très jeune âge, Yvon Corlouër a conservé lui aussi le souvenir de ce char et de cette saveur venue d’outre Atlantique. Lui, il dit avoir entendu le char tirer vers l’île à bois, mais il se souvient surtout de la jeep dans laquelle il a pu monter avec sa soeur. Pour le reste, le garçonnet haut comme trois pommes qu’il était alors n’est guère en mesure d’en dire plus. Yves Le Briand si, même s’il ne se remémore pas, quant à lui, le coup de semonce. Pour être arrivé sur place après coup certainement, car les Allemands qui étaient encore sur l’île à Bois n’ont pas été sans en faire usage avant de déposer les armes.

     

     

    16 août 1944 : Kermouster libéré !

    Jean-Charles Parenthoën et la douille d'un des obus tirés par un char américain de la place du Crec'h vers l'île à Bois

     

    De fait, il y aura eu deux coups de canon aux dires de Marie Jospéhine Arzul. C’est ce que précisera sa belle mère à Jean-Charles Parenthoën. « Elle nous disait que les Américains lui ont conseillé de ne pas rester là car il y aurait certainement une riposte. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé. La maison de Claudie en portera l’impact. » Sur la cheminée de sa maison de L’Armor, l’ancien marin de la marine marchande conserve pieusement la douille d’un des deux obus qui ont été tirés. « C’est un soldat américain qui l’a donnée à ma belle-mère. »

    « De là où nous étions, précise, quant à lui, Yves Le Briand, nous avons pu voir le drapeau blanc flotter sur l’île à Bois. Il n’y avait pas autant d’arbres qu’aujourd’hui »

     

    Le 15th Cavalry de l'Armée de Paton

     C’est le15th Cavalry de la Task Force A de l’Armée de Patton qui a eu la charge de « nettoyer » le secteur. L’escadron avait quitté son bivouac à l’ouest de Lézardrieux à 8h30. Deux objectifs : s’emparer de l’île à Bois et du promontoire près du phare de Bodic, ou du moins de ce qu’il en restait, sur lequel les Allemands avaient installé quatre canons anti-aériens. Les dix soldats qui occupaient cette position se sont rendus non sans voir échangé quelques tirs « pour l’honneur ».

    La prise de l’île à Bois se sera avérée plus difficile. L’ennemi étant replié sur des positions bien préparées. « Il était impossible de progresser et nos armes n’avaient aucun effet sur leurs blockhaus » peut-on lire dans un rapport du 15th de Cavalry. Les chars obusiers vont pourtant donner tout le feu disponible.

    Conscients malgré tout  qu’ils se trouvent piégés sur cette île, les Allemands finiront par hisser le drapeau blanc, tout en restant aux abris. « Le S/Sgt Reinhardt de la compagnie A (du 15th Cavalry) dépose son arme et s’avance sur la chaussée, en pleine vue de l’ennemi et appelle jusqu’à ce qu’un officier sorte »  précise le rapport sus cité. Les négociations pour la reddition pourront alors s’engager.

    Côté 15t Cavalry on déplorera un seul blessé, le capitaine  Wheelock, commandant de la Compagnie A. Tandis qu’il dirigeait le tir des chars obusiers, ce capitaine s’était placé dans une position exposée. Il fut touché par les balles d’un tireur isolé. Les  FTP du maquis de Plouisy vont participer ce 16 août à l'inspection de l'île après la reddition. Les Allemands avaient piégé avec des grenades certains bunkers dont l'entrepôt des vivres.

    Sur la place du calvaire, raconte Yves Le Briand, j’ai vu les Allemands mains derrière la tête, puis allongés dans le champ, derrière la maison d’Andréa. » A cette époque, cette maison était un café, tenu par les grands parents Petibon d’Yvon Corlouër, grands parents qu’il n’aura jamais connus de leur vivant. Pierre et Marie Le Quellec née Petibon, en prendront par la suite la succession. « Marie  était la sœur de ma mère » précise Yvon Corlouër.

     

    « Ils étaient comme dingues »

     « On cherchait alors à reconnaître les auteurs du massacre de Crec’h Maout. » poursuit Yves Le Briand qui n’a pas oublié, non plus, ce jour du 6 août où il a vu des Allemands, en poste sur l’île à Bois, partir au pas de charge vers Pleubian. « Ils étaient comme  dingues. »

    Marie-Thérèse Le Rousseau et sa sœur Annie Coatanoan se souviennent, quant à elles, entendre leur mère dire qu’ils étaient « comme drogués », « méconnaissables ». Plus rien à voir avec ces soldats prévenants qui s’en venaient chercher de l’eau du lavoir. « Notre mère nous parlait surtout de celui qui, dès qu’il voyait Guy, notre frère aîné, alors tout petit, lui montrait des photos de ses enfants. »

    Depuis le début du mois, les Allemands, auxquels été associé, dans la garnison de l’île à Bois, un bataillon de l’est composé de soldats ukrainiens et polonais, ne savaient plus à quel saint se vouer. Compte tenu de l’avancée fulgurante des Alliés, après la percée du front de Normandie, le haut commandant de la Wehrmacht avait ordonné aux troupes stationnées dans le secteur de se replier sur Brest. Mais le contrordre, venu quant à lui de Berlin, du quartier général d’Hitler, avait mis aussitôt un terme à cette directive. Et alors que les soldats qui occupaient Pleubian et le sémaphore de Crec’h Maout avaient fini par céder à la fougue d’une vingtaine de jeunes patriotes, des soldats de la garnison de l’île à Bois et de Lézardrieux se sont empressés d’aller les délivrer. Ils vont alors prendre la direction de L’Armor, laissant au passage derrière eux effroi et désolation,  au lieu dit Kroaz Hent et au Carpont en Lanmodez. Puis ce sera le carnage du sémaphore de Crec’h Maout.

    C’est au lendemain de cette tragédie, qui aura coûté la vie à 33 habitants de la Presqu’île, que la terrible nouvelle va arriver aux oreilles des Kermoustériens. La peur va alors s’amplifier.  L’Occupant, sachant désormais les Américains à portée de fusil, n’allait-il pas faire, ici, table rase et résister la rage au ventre ?  Quid de l’intensité des combats à même le village?

    D’où ce départ précipité vers le bois de Kermel.

     

     Un cheval et un fusil Mauser

     L’île à Bois tout juste libérée par les Américains et les Résistants, Yves Le Briand se souvient s’y être rendu le jour même. Ce n’est pas tant la curiosité qui l’a poussé vers cette île, qui n’en était plus tout à fait une depuis la construction de la digue en 1942, mais bien cette préoccupation quotidienne de subvenir aux besoins immédiats de la famille. Il était l’aîné de la fratrie. Il n’avait alors qu’une idée en tête. Récupérer tout ce qui pourrait servir.

    Dès son plus jeune âge Yves Le Briand aura aidé ses parents à travailler la terre. Pour l’essentiel, du blé. « Pendant l’occupation on a surtout mangé de la bouillie de blé. Nous allions récupérer la farine au moulin de Traou Meur. Je revois les ballons de barrage qui flottaient au-dessus du Trieux. Pour empêcher les avions de survoler la ria. Nous avions un petit four pour faire notre pain.  Il n’était pas aussi blanc que maintenant. La patate était rare. Beaucoup de champs n’étaient pas cultivés. Il se disait qu’ils étaient minés. Les rutabagas, c’était pour le cochon du grand-père. Sa ferme et son café se trouvaient tout près de chez nous. A Ker Licher bihan. A l’endroit où vit ma cousine Mimie » Yves Marie Le Briand et son épouse Françoise, née Guillou, n’auront pas eu l’heur de fêter la Libération. Le grand-père d’Yves et de Mimie, Marie-Françoise Le Briand, née Séguillon,  est décédé le 22 février 1944, à 74 ans. Son épouse, le 3 mai de la même année, à 71 ans.

    Découvrant sur l’île un cheval, Yves Le Briand n’aura eu guère de scrupules à lui mettre la bride au cou. Une aubaine saisie dans une totale ignorance du danger encouru. Le gamin n’avait pas encore pris conscience que chaque pas sur l’île pouvait être le dernier. Mais c’est avec une autre prise de guerre beaucoup plus sulfureuse qu’il prendra, non sans fierté, le chemin du retour. « Dans un blockhaus, j’ai trouvé un fusil. Un Mauser. Mais sans penser à voir s’il y avait des cartouches. Nous n’avions pas de fusil chez nous. Nous chassions au furet. »

    Petit cousin de la belette, de l’hermine et du putois, le furet a depuis longtemps été domestiqué par l’homme. Il avait pour mission d’aller troubler la quiétude des terriers. « On mettait des bourses devant le trou et les lapins se prenaient dans les filets. » Le chasseur invétéré qu’il est devenu par la suite n’a pas oublié cette ancienne pratique,  ni cette « prise de guerre ».

    Qu’est devenu ce fusil ? Yves Le Briand  ne s’en souvient plus, mais pour ce qui est du cheval il lui aura fallu le rendre dès le lendemain à son  propriétaire d’avant réquisition.

     

    Les épluchures de patates

     A ces précisions d’un jour ô combien historique s’ajoutent alors au gré de la conservation des souvenirs plus diffus sur le temps de l’occupation.

    Yves Le Briand n’avait que 9 ans quand Hitler ordonna la construction du Mur de l’Atlantique, de la Norvège au Pays Basque. Les Allemands ont commencé à faire construire la digue à l’automne 1942. Elle allait leur permettre d’y installer une cinquantaine de blockhaus, casemates et tobrouks. Dans une étude  publiée récemment*, Alain Bohée précise que dix-huit mois auront été nécessaires à la mise sous béton du système de défense.

    Avant que les Allemands prennent possession de l’île, c’est la famille d’Eugène Perrot qui exploitait quelques arpents de terre sur l’île,  laquelle, bien que souvent entourée d’eau à marée haute,  ne méritait guère ce nom. Il y avait, comme l’a souligné Yves Le Briand, peu d’arbres sur le caillou. Ces cultivateurs, dont Georges, fils d’Eugène et futur mari d’Yvonne Derrien, en furent, bien évidemment, expulsés

     

    16 août 1944 : Kermouster libéré !

     L'île à Bois telle qu'elle était il y a trois quarts de siècle

     

    « A côté de la ferme de la famille Derrien, aujourd’hui Poney club, raconte Yves Le Briand,  il y avait des baraquements où logeaient les ouvriers. Des prisonniers, certainement. Je me souviens surtout qu’il y avait des Arabes. Des Algériens peut-être. Ils venaient à la ferme chercher du lait ribot. »

    Cette image d’un ennemi « inhumain », qu’ont renforcé les atrocités du Crec’h Maout et qui le marquent depuis son enfance, Yves Le Briand la pondère toutefois en soulignant le comportement correct de ces soldats. « Ils ne fouillaient pas toutes les étables et nous avons pu continuer à travailler avec notre cheval. »

    . « Je n‘ai jamais su quand et comment mon grand père, mon père et toute la famille ont été expulsés de l’île à Bois » regrette, quant à lui,  Pascal Perrot. «  Par contre, ajoute-t-il,  je me souviens que ma mère, nous disait que les Allemands s’étaient toujours montrés corrects avec la famille. »

    Même tonalité dans les propos de Jean Bourdon qui évoque, non sans émotion, le jour où un prisonnier allemand lui a offert un jouet ô combien extraordinaire.

    Jean Bourdon est le fils d’Auguste et Marguerite Bourdon qui habitaient la maison transformée en gîte par Pascal et Régine Perrot. « J’y ai vécu avec ma mère et ma grand-mère. Mon père était marin, sur la Jeanne d’Arc. Je ne l’ai vraiment connu qu’en 1945. »

    Si on n’a jamais su reconnaître les auteurs du massacre de Crec’h Maout, une partie des Allemands de la garnison de l’île à Bois ont été chargés de procéder, par eux-mêmes, à son déminage. « Un dépôt de pain avait été mis en place dans notre maison » raconte Jean Bourdon. « Les prisonniers allemands  venaient chercher le pain, avec de grands sacs en jute. Un jour, un Allemand a extirpé de son sac un jouet, une sorte de Jokari qu’il avait, me semble-t-il, lui-même confectionné. Il me l’a donné. Une boule pendait au bout d’une ficelle et quand on la faisait tourner, la petite poule taillée dans le bois faisait cot cot. »  Il y a des cadeaux qui vous marquent et qui ne se refusent pas.

    Point de cadeau par contre dans les souvenirs d’Yves Le Briand, si ce n’est ce fusil Mauser dont il a perdu la trace. Ces quatre années d’Occupation auront été, pour lui comme pour nombre de Kermoustériens, des années de survie. A la question « Avez-vous pu suivre l’avancée des travaux de la digue? », il répond « Pas vraiment. Je ne m’aventurais guère au-delà des baraquements. On voyait bien que cela se faisait, mais il aurait été dangereux de s’approcher. Par contre, j’ai vu mettre en place les tétraèdres sur la grève nord. Moi je descendais jusqu’aux baraquements pour récupérer les épluchures de patates. Pour manger » 

     

    Une noria incessante de charrettes

     Les dix-huit mois qui ont été nécessaires pour construire le système de défense auront profondément perturbé la vie des villageois sur toute la Presqu’île. Sur les routes et les chemins, ce sera une noria incessante de charrettes. « Il en venait de partout » se rappelle Andréa qui vivait alors à Pleubian, dans la ferme familiale. Andréa Riou, son nom de jeune fille à cette époque, pourrait, elle aussi, raconter « sa » guerre, mais ce n’est qu’en 1950 qu’elle s’installera à Kermouster, après avoir épousé Ernest Perrot. La guerre à Kermouster ? « Je n’y suis jamais venue pendant l’Occupation. » 

    Les maires de cette époque, sous l’autorité du gouvernement de Vichy, avaient ordre de fournir chaque jour des hommes pour la main d’oeuvre. « Dans chaque commune, le Maire procédera au recensement de tous les hommes valides de 17 à 55 ans, à l’exception de ceux travaillant pour l’Armée allemande (…) La Préfecture s’engage à ce que tous les hommes rentrant dans cette catégorie se présentent sans exception » (Extrait de l’étude d’Alain Bohée)

    Ce n’est qu’un an après la remise des pleins pouvoirs au général Pétain, que le conseil municipal de Lézardrieux avait été dissous et remplacé, suite à un décret du ministère de l’Intérieur, par une délégation spéciale. Au prétexte du nombre insuffisant de conseillers. Cette délégation va être présidée par Yves Jézéquel, épaulé par François Michel et Gaston Bardel (Registre de la délégation spéciale du 18 juillet 1941).

    A charge pour ce triumvirat, comme pour leurs collègues des communes voisines, de fournir, à l’automne 1942, la main d’œuvre nécessaire à la construction du système de défense  côtière de la Presqu’île, donc de l’île à Bois. C’est ainsi que nombre de Lézardriviens ont été sommés de s’en venir, associés à des prisonniers, construire la digue et les blockhaus. « Mon père, comme d’autres gars du village, semble y avoir échappé » pense pouvoir affirmer Yves Le Briand.

    Il en est allé autrement pour Yves Troadec, le père de Michel Troadec, qui tenait ferme au lieu-dit Kerriou. « Je me souviens de ce que m’a raconté mon père, dit-il. Il lui fallait rejoindre Kermouster avec la charrette.  Sur place, les Allemands avaient entreposé tout ce qu’il fallait, ferraille, ciment, etc. La charrette servait à trimballer les matériaux jusque sur la grève. Aussi, arrivait-il parfois qu’un sac de ciment s’en vienne à tomber et à crever sur le parcours. Mon père, comme tant d’autres gars, se débrouillait pour que cela arrive sans que les Allemands puissent se douter de quoi que ce soit. On laissait ce sac par terre, mais on s’arrangeait, avant de repartir à la ferme, pour récupérer du ciment. » 

    C’est également ce genre d’anecdote dont se souvient Pierre-Yves Le Goaster, dont le père Félicien aura du mettre la main à la construction des blockhaus, avant de filer s’engager dans la marine de la France Libre.

     

    Tommies boum boum

     Si Yves Le Briand affirme ne pas avoir connu réellement la peur, hormis cette semaine qui a précédé la libération, il n’en oublie pas moins ces jours où toute la famille se rassemblait « sous les plus grosses poutres » de la maison, ou «  dans le lit, à quatre ou cinq »,  lorsque les avions anglais s’en venaient bombarder les parages. « Dès la tombée de la nuit, les Allemands interdisaient toute lumière. Nous n’avions qu’une lampe à pétrole pour nous éclairer. Ma mère prenait soin de tirer les rideaux. Mais une fois ils sont venus, déchaînés, tapant du poing sur la table en hurlant : Tommies boum boum ! »

    Autre peur rétroactive, ce jour où il s’en est allé chercher du trèfle pour les lapins, en passant la main sous des barbelés. « Les Allemands avaient creusé une réserve d’eau pas très loin de chez nous. Sur le terrain où habite aujourd’hui Daniel Hertzog. Je me suis fait surprendre. Ce n’est que bien plus tard que j’apprendrai ce que voulez dire ces « raus ! » qui m’ont poussé à filer sans demander mon reste. »

    Il en allait de même à l’école, car école il y aura eu durant toute l’occupation. Mais dans un autre lieu que celle dont on a fêté le 110e anniversaire cette année. A Kernharand, dans la  maison de Félicien Le Goaster.

     « L’école de la place du Crec’h avait été aussitôt réquisitionnée par les Allemands » précise Yves Le Briand. De là où elle est située, ils disposaient d’un poste d’observation de premier ordre sur l’estuaire.  « A Kernharand, nous avions cours tous les jours, sauf le jeudi. Nous avions pour instituteur, Monsieur Le Cam. Quand sonnait l’alerte, nous nous précipitions dans un abri que nous avions creusé dans un champ d’à côté. »

    Pour ce qui est de la chapelle, les souvenirs de celui qui fut six années durant enfant de chœur se font plus vagues. « Je ne me souviens pas de messes les dimanches. C’est à Lanmodez que nous allions. Pour le catéchisme. »

    Faut-il préciser que le traditionnel pardon de la fin de l’été aura été suspendu pendant toute l’occupation ? Dans bien des maisons du hameau on conserve pieusement la photo du dernier pardon d’avant guerre, celui du premier dimanche de septembre 1938. Si Kermouster était un village de paysans, nombre de ses enfants ont souhaité faire carrière dans la marine. Sur cette photo prise au moment où la procession quitte l’église, cinq marins, cinq copains d’enfance, encadrent La Marya, cet ex-voto que l’on peut toujours admirer. Leurs noms flottent encore dans les mémoires : Edouard et François Petibon, Guy Le Blouc’h, François Sadou et Auguste Bourdon. Tous auront vécu la guerre loin de chez eux.

     

    16 août 1944 : Kermouster libéré !

     Pardon du dimanche 4 septembre 1938. Portant la maquette de la "Marya", Edouard Petibon, au premier plan, et Guy Le Blouc'h. A gauche, sur la photo, Auguste Bourdon. A droite, au premier plan François Sadou. Derrière, François Petibon. 

     

    Pitch, le conducteur du train

    Concernant la construction de la voie ferrée, par laquelle les Allemands vont transférer ciment, ferrailles et ravitaillement, Yves Le Briand confie ne pas avoir grand-chose à dire. Il ne se rappelle pas des sacs de charbon qui tombaient « miraculeusement » du train lors de son passage dans le hameau.  Ce train de l’île à Bois était relié, via Pleumeur-Gautier, à la ligne Paimpol Tréguier, elle-même reliée au réseau national

    Toujours à l’appui des dires de sa mère, Marie-Thérèse Le Rousseau précise que c’était à l’initiative d’un ingénieur allemand qui logeait dans la grande maison qui surplombe, rue Saint Maudez, le jardin paysager d’Yves et Annick Le Briand. « C’était la famille Le Razavet qui en était propriétaire. Elle avait été réquisitionnée »

     Mais il y a un nom qui revient instantanément à l’esprit d’Yves Le Briand : « Pitch ! » «  C’était, dit-il, un conducteur du train.». Le témoignage du Kermoustérien corrobore ceux que François Souquet, membre du Souvenir Français, avait recueillis  lorsqu’il s’est intéressé à l’histoire de ce petit train.

    François Souquet et Yves Le Briand n’ont jamais eu l’occasion d’échanger. François Souquet, ancien officier mécanicien de la marine marchande, qui aura vécu deux ans à Kermouster, non loin de Kerharzol Bihan, lieu de naissance d’Yves Le Briand, a puisé à d’autres sources, depuis lors décédées, pour asseoir ses recherches. On lui doit d’avoir pu retracer le parcours de cette voie ferrée étroite.

    « Une locomotive, rappelle François Souquet, était effectivement conduite par un Polonais, connu sous le nom de « Pitch. Il autorisait les enfants à monter sur les wagonnets quand les heures de passage le permettaient. » Yves Le Briand dit n’avoir jamais grimpé sur ce train. « Je n’étais peut-être pas aussi intrépide que les plus grands. » 

     

    16 août 1944 : Kermouster libéré !

    Tracé de la ligne de chemin de fer reliant l'île à Bois à Pleumeur-Gautier. Carte établie par François Souquet.

     

    Chez Chinie

     Mais il y a un souvenir dont il se rappelle bien. Il avait sept ans : « J’ai entendu l’appel du 18 juin, chez Chinie »,  Marie Virginie Petibon, née Le Minter, l’épicière. « J’allais avec ma mère chez Chinie écouter la radio. Ça se faisait discrètement. Les Allemands qui étaient juste à côté n’en ont jamais rien su. C’est chez Chinie qu’on pouvait acheter le pétrole pour la lampe. »

    Chinie, une femme de caractère inoubliable pour tous ceux qui ont grandi à Kermouster dans les années d’après-guerre. A fortiori ses petites filles, Danièle Michel, sa sœur Claudie, nées Petibon, et Marie-Claire Pochat, née Beauverger. « Effectivement, précise Marie-Claire Pochat, les grands parents avaient un poste à galène. La grand-mère avait même un téléphone mais qui ne fonctionnait plus, la ligne ayant été coupée. C’était un téléphone mural. Il servait alors de portemanteau. Après guerre, durant de longues années, c’est chez elle que viendront téléphoner les gens»

    Dans la chapelle, gravé dans le marbre, sous la plaque qui honore la mémoire des Kermoustériens morts lors de la guerre 14-18, un nom, celui d’Edouard Petibon, un fils de Chinie. Il a été tué lors de l’attaque de Mers El Kébir, le 3 juillet 1940. Il avait 21 ans et se trouvait à bord du cuirassé Bretagne quand celui-ci a explosé suite à une salve britannique. Combien de temps elle et son mari seront-ils restés dans l’ignorance de ce drame ? A cette époque, il pouvait se passer de longues semaines avant que la triste nouvelle ne s’en vienne bouleverser votre vie.

    Dans l’armoire aux souvenirs de l’ancienne épicerie, Danièle Michel a retrouvé une lettre - mais peut-on la qualifier ainsi - que la mère d’Yvon Corlouër, alors que la famille n’avait pas encore quitté Toulon, avait adressée à Chinie. Pour lui donner des nouvelles de son autre fils…François. Le père de Danièle et Claudie Petibon était  « sous-marinier ». Toulon était son port de relâche. Pour le père et la mère d’Yvon Corlouër, les frères Petibon et leur sœur Solange étaient des amis d’enfance.

    Cette lettre, datée du 21 octobre 1940, que Danièle Michel a transmise à Yvon Corlouër, aura, en peu de mots, rassuré, tout en n’effaçant pas le chagrin d’avoir perdu un autre fils. Comme l’illustre bien ce souvenir qu’évoque Marie-Claire Pochat « Coupez moi les deux jambes, mais rendez-moi mon fils ! C’est ce que notre grand-mère a supplié, aux dires des parents, quand il a fallu lui couper une jambe après une mauvaise chute de vélo, mal soignée puisque ayant engendré une gangrène »  

     

    16 août 1944 : Kermouster libéré !

    16 août 1944 : Kermouster libéré !

     

     

    Grenades et casques...à fleurs

     Le danger autour de l’île à Bois ne s’estompera pas au lendemain de la reddition des Allemands. Il demeurera de longs mois dans les blockhaus, sous la végétation ou enfoui sous le sable. Avec le recul, les souvenirs se teintent rétroactivement d’angoisse.

    Moult fois, Yves Le Briand aura, inconsciemment, frôlé la mort en s’adonnant au jeu du lancer de grenades. « Des grenades à manche et des grenades rondes. Nous les faisions exploser à Min Ru, près de la petite digue d’accostage qui fait face à l’estuaire. »

    Un jeu on ne peut plus dangereux qui aura fait une victime, le dimanche 11 mars 1945. « Je venais de revenir du catéchisme quand j’ai appris que Jean Derrien, le demi frère d’Yvonne Derrien, la mère de Pascal et d’e Médéric  Perrot, s’était tué. Par  une mine anti-char qu’il venait de dénicher. On m’a raconté comment cela s’est passé. Il a lancé l’engin. La mine n’ayant pas explosé, il s’en est approché. Et la mine a explosé. »

    Un drame qui n’aura en rien asséché la soif d’aventures des enfants du village. « Le jeudi et le dimanche, raconte Jean Bourdon, qui vivra ses dix premières années à Kermouster, nous n’avions qu’une seule idée en tête, aller sur l’île à Bois ». Une véritable caserne d’Ali Baba pour lui et ses copains « Maurice, Roger Ismaël Séguillon, les frères Jean et Yves Allain et tous les autres. On jouait avec tout ce qu’on trouvait. On s’amusait à faire tourner la tourelle d’un canon. Il faut croire que nous n’avions pas un mais une dizaine d’anges gardiens avec nous. Nos mères été terrorisées et, bien sûr, on avait souvent droit à une rouste. »

     « Fleurir sa maison n’était pas la préoccupation première, ni avant ni au lendemain de la guerre  poursuit Jean Bourdon.  Or, lors de nos pérégrinations  sur l’île à Bois, nous avons également découvert avec les copains un stock de casques allemands. On ne savait trop quoi faire de telles trouvailles jusqu’au jour où l’un d’entre nous à émis l’idée d’en faire des vases pour les fleurs. Il suffisait de les remplir de terre. Et c’est ainsi que nous sommes venus vendre cette idée aux Chevanton qui tenaient la ferme juste en face de chez nous, la grande longère qui jouxte la chapelle. Nous avons réussi à persuader. Et comme en retour on nous a donné la pièce nous avons poussé plus loin notre petit commerce. »

    Ce ne sont pas des géraniums qu’Yves Le Briand mettra dans le casque qu’il avait lui-même rapporté à la maison « mais de l’avoine, pour Pichard ».  Les quatre poneys d’un neveu qui broutent dans le champ derrière son potager, lui rappellent peut-être ce trait breton qu’il aimait chevaucher. Le casque a disparu, mais les fleurs sont devenues des compagnes de vie indispensables.

     

     16 août 1944 : Kermouster libéré !

     L'un des obus retrouvés au pied d'une falaise de l'île à Bois en août 2014

     

    Le travail de titan des opérations de déminage n’aura pas été mené à son terme dans les années qui ont suivi la Libération . Loin s'en faut !

    Le 30 août 2014, nous relations la destruction de deux obus que les démineurs, compte tenu de leur extrême dangerosité, firent  exploser sur place. Deux ans plus tard, le 5 septembre 2016, on découvrait encore un engin explosif à proximité de l’île à Bois, un obus de calibre 50 millimètres et d’une vingtaine de centimètres de long. Depuis lors, rien à signaler.

     Ce vendredi 16 août 2019, Yves Le Briand ne sera donc pas seul à laisser vagabonder sa mémoire vers cette île, terrain d’aventures d’après guerre que les jeunes du secteur ont investi malgré l’interdiction d’y mettre les pieds. Au lendemain des années sombres, il ne pouvait être question de lui redonner d’emblée sa vocation agricole. Même si les vaches  s’en vinrent elles aussi, comme les gars du village, à emprunter la digue pour s’en venir brouter. De longues années vont s’écouler avant qu’elle ne puisse recouvrer ce côté paisible qui lui va si bien.

    Yvon Perrot, le fils d’Ernest et d’Andréa, a gardé en mémoire ses deux ou trois coups de charrue qu’il aura été amené, non sans appréhension, à effectuer sur cette île devenue propriété privée. « La crainte de heurter un engin enfoui dans le sol avec les dents de la charrue 

    « Aujourd’hui, rassure Catherine Gaillemain la petite fille de Jacques et Maggy Walter, qui rachetèrent l’île en 1956, tout danger est définitivement écarté. Mais, effectivement, il aura fallu de longues années avant de pouvoir s’en convaincre. »

     

    « Bientôt la guerre finie »

     Bien plus jeune qu’Yves Le Briand, Jean Bourdon ne peut, pour sa part, évoquer l’Occupation qu’au travers des histoires qu’on racontait en famille. Il n’avait pas encore deux ans quand Kermouster et Pleubian, où il est né, ont été libérés. Notamment celle qui se rapporte à cet officier polonais que sa grand-mère et sa mère avaient été contraintes d’héberger dans leur maison de Kermouster. « Mes sœurs n’étaient pas nées. Nous n’étions donc que trois dans cette grande maison et ce Polonais. Ma mère nous a toujours dit combien il avait été correct en tout point. Il avait une radio dans sa chambre. Un jour, avant de partir pour l’île à bois il a dit à ma mère « Bientôt la guerre finie. Très bon pour vous. » Et, en se désignant du doigt : « Nicht, même chose. » 

    Impossible, pour lui, de croire que cet homme prévenant ait pu prêter son concours à la tuerie qui a ensanglanté et meurtri la Presqu’île. Etait-il encore là, ce jour où toute la garnison de l’île à Bois s’est rendue? « Tout laisse à penser, estime Jean Bourdon, qu’il avait été réquisitionné de force et qu’il n’aura pas attendu la fin de la guerre pour déserter. Ma mère l’a reconnu alors qu’il se promenait dans les rues de Saint-Brieuc quelques mois après.»

    Si tel est le cas, cet officier polonais aura donc échappé, ce 16 août 1944,  à la vindicte d’une foule toute à sa joie d’avoir recouvré la liberté ? Une liesse, soudainement teintée de haine pour certains après toutes ces années de soumission. Même si ce n’est qu’au lendemain de la libération du village que l’on découvrira l'ampleur du charnier de Crec’h Maout, l’heure n’était déjà plus au discernement. « Aux dires de ma mère, dit Marie-Thérèse Rousseau, ce ne sont pas les plus compromis qui ont été les derniers à cracher sur des hommes avec lesquels ils s’entendaient si bien quelques jours auparavant. » Il en a été ainsi dans toutes les villes et villages n’ayant plus à vivre sous le joug de l’ennemi.

    Comment Yves Le Briand a-t-il vécu la reddition de la garnison de l’île à Bois ? On peut comprendre son relatif silence sur ce qui s’est passé ce jour là. Il n’avait que onze ans. Soixante quinze ans, plus tard il ne peut toujours pas, lui aussi, s’arroger le droit de juger qui que ce soit. Le temps a fait son œuvre.

     

     Pieds de couteaux et fausses palourdes

     Ce vendredi 16 août 2019, il s’en viendra peut-être d’un coup de voiture, comme il le fait souvent en famille, jusque la rampe de la grève sud de l’île à Bois. La mer aura été de tout temps, pour cet ancien agent de l’administration pénitentiaire, un champ d’évasion.

    Connu pour son expérience quasi inégalée de pêcheur à pied, Yves Le Briand laisse entendre que le terrain sur lequel il s’est illustré depuis ces années sombres sera resté inaccessible pendant toute l’Occupation. Pas question d’aller farfouiller dans les rochers autour de l’île à Bois. Une tourelle de char contrôlait l’accès de l’île par la digue. Aux abords, les grèves et les vasières étaient jonchées d’obstacles et de réseaux de fils barbelés «  Aux grandes marées nous allions pêcher les pieds de  couteaux et la fausse palourde devant Roc’h ar Hon, sur la grève de Pors Gwen. Sinon, en dehors de ces périodes, on complétait le repas avec des berniques et des crabes verts. Pas question non plus d’aller ramasser le goémon autour de l’île à Bois »

    La guerre finie, il s’empressera, comme tous les gens du village, de reprendre pied sur le plateau rocheux de derrière l’île à Bois. Après une carrière professionnelle qui l’aura éloignée de Kermouster,  le retraité,  de retour au pays, recouvrera alors pleinement le plaisir que procure la traque du homard, du congre ou de l’ormeau. Yves Le Briand pouvait enfin revivre pleinement à l’heure de la marée.

     

    « La guerre, il en parle souvent »

     

    16 août 1944 : Kermouster libéré !

     

     Ce vendredi, s‘il s’en vient ranger la voiture au coin du mur qui enclôt le jardin de Maria Leuranguer, il pensera très certainement à ces parties de pêche « miraculeuses ». Ce n’est que très récemment qu’il a fallu composer avec les règles de préservation de la ressource. Mais les souvenirs des années sombres remonteront à la surface plus intensément que d’habitude. « La guerre il en parle souvent » souligne Annick, son épouse. Alors soixante-quinze ans jour pour jour après la Libération !

    Les trente deux années passées à garder des prisonniers pèsent aussi bien évidemment sur la mémoire. Yves Le Briand en aurait des choses à dire sur ce métier qui l’aura éloigné de Kermouster de longues années durant.

    Dès le mois de septembre 1944, la cour de l’ancienne école qu’occupaient les Allemands aura, à nouveau, respiré  joyeusement, à l’heure de la récréation. « Monsieur Le Cam était toujours en poste. Un jour, il m’a pris par l’oreille pour me faire comprendre qu’il me fallait penser au certificat d’étude. »

    L’école, la ferme, jusqu’au service militaire. Landau, Stuttgart, Baden Baden. L’occupé devient alors l’occupant. Deux ans et demi de service. « J’ai échappé à un an de plus vu mon statut de soutien de famille. La guerre s’était alors déplacée sur un autre front, sur le canal de Suez, avec l’arrivée au pouvoir de Nasser en Egypte. Deux autres sœurs et un troisième frère, tous trois nés après la guerre, un père à bout de force, Yves Briand aurait eu bien des raisons pour prendre la relève. « Mon métier je l’ai  choisi pour en finir avec la pénibilité du travail de la terre. Au grand dam de mon père, mais c’est ainsi. ». Yves Le Briand a voulu être l’acteur de son propre destin.

    Sur cette carrière au sein de l’administration pénitentiaire, il peut se montrer intarissable. Mais c’est une toute autre histoire qu’il faudrait raconter. Fontevraud, Rouen, Lorient puis Saint-Brieuc auront été les escales de cette vie professionnelle. Avec un temps particulièrement fort, les cinq mois passés, du 20 mai au 26 octobre 1961 à Turquant, entre Saumur et Montsoreau, un village de 400 habitants,  sur la rive gauche de la Loire. Là, dans le château de la Fessardière,  gardé par des CRS, il aura eu à veiller sur un prisonnier hors norme, Ahmed Ben Bella, le futur président de l’Algérie indépendante. Là, il s’agissait encore d’une guerre, une guerre qui ne disait pas son nom. Une sale guerre finira-t-on  par la qualifier. Comme s’il pouvait y avoir des guerres propres !

    C’est dans un champ où il aura été, tout jeune, confronté aux rigueurs de la vie, qu’Yves Le Briand a fait construire sa maison. Pour jeter l’ancre définitivement dans son village natal. Rue Saint Maudez, tout près d’une fontaine..

     Le champ de devant la maison est devenu depuis jardin paysager. Avec Annick, Yves Le Briand aura eu à cœur, comme bien d’autres voisins, de donner à Kermouster l’aspect qu’on lui connaît aujourd’hui. De ces années sombres ne restent que les blockhaus de l’île à Bois et les débris des tétraèdres. Toute trace du petit train a disparu.

     

    Le Typhoon de Reginald Gittus

     Du coin du mur de chez Maria Leuranguer, Yves Le Briand peut apercevoir les contours de Bodic où les Allemands avaient également installés une casemate. C’est au-dessus du Trieux qu’il a vu un avion anglais prendre feu suite aux tirs de la Flakartillerie et venir s’écraser sur l’autre rive. « Vers Ploubazlanec. Abattu par l’ennemi. Avec mon père, nous chassions au furet ce jour là ». Il n’apprendra que bien plus tard qu’il s’agissait d’un avion britannique, du type Typhoon, piloté par le sergent Reginald Gittus, âgé de 23 ans. L’avion, en torche, s’est écrasé dans le bois du Marquis près de Loguivy, le 31 octobre 1943,  

    Enterré à Paimpol, avec les honneurs militaires, son corps a été exhumé par une équipe du service des sépultures de l’armée américaine en septembre 1944. Il repose, depuis novembre 1945, dans le cimetière britannique de Bayeux. Une plaque sur le monument dédié aux aviateurs, près de la chapelle de Loguivy-de-la-Mer honore sa mémoire.

    Même s’il n’a pas été témoin de ce fait de guerre, Yves Le Briand sait aussi que c’est à hauteur du plan d’eau de Coatmer et de la balise des Perdrix que gît, par 20 m de fond, depuis le 23 mai 1944,  l’épave du M4623, ancien Ludwig Janssen, un chalutier réquisitionné par les Allemands et transformé en dragueur de mines. Il faisait partie d’un convoi, stationné dans le Trieux depuis la veille au soir. En fin d’après-midi, huit Hawker Typhon britanniques sont passés à l’attaque. Une bombe aura mis fin à la carrière du M4623. Ce jour là, les Tommies avaient atteint une de leur cible.

     

    16 août 1944 : Kermouster libéré !

     Le M4623, ancien Ludwig Janssen, suite à l'attaque d'une escadrille britannique. L'épave du dragueur de mines allemand gît, depuis lors,au fond du lit du Trieux.l

     

    Deux jours après la Libération de Kermouster, on retrouvait dans les parages du Moulin à mer le corps du flight-lieutenant Henry Joseph Meharry, un pilote néo-zélandais de la Royal Air Force dont le Spitfire avait été abattu le dimanche 5 août. Une stèle, dans le square du souvenir de Lézardrieux, honore également sa mémoire. Ce jeudi 15 août 2019 Lézardrieux lui a à nouveau rendu hommage ainsi qu’à tous ceux qui ont contribué à la libération de la Presqu’île.

     

    "Commémorer , c'est transmettre" 

    Soixante quinze ans ont passé. Ce vendredi 16 août 2019, le temps s’annonce incertain au-dessus du Trieux alors qu’une vague de chaleur submergeait tout le pays à l’heure où la Presqu’île recouvrait sa liberté. Sur toute la France, les températures dépassaient alors les 30°.

    Comme il le fait chaque matin, Yves Le Briand ne sera pas sans aller voir son potager, pour en récolter les fruits de son travail.  Bien que l’ayant délaissée à cause de sa pénibilité, il a toujours conservé le goût de la terre nourricière. Le temps où il fallait se contenter des épluchures de patates est révolu.

    Quel regard porte-t-il sur  son Kermouster ? Yves Le Briand n’est pas homme à se payer de mots. Il se contente d’une réponse laconique. « Ça a évolué !». Comprenons ! « Dans le bon sens. »

    Nous sommes nombreux ici à avoir fait revivre les anciennes fermes, devenues lieux de résidence, ou avoir investi un champ délaissé pour y construire notre maison. Kermouster regroupait une vingtaine d’exploitations avant que n’éclate la guerre. C’était encore un village, avec ses cafés, son épicerie, son école. Si on y a su, la liberté recouvrée,  protéger sa vocation agricole, il est devenu, au fil du temps, un lieu de villégiature. Yves Le Briand est bien à même d’évaluer le chemin parcouru depuis cet historique mercredi du mois d’août 1944. Même si, comme pour tout à chacun, la vie n’aura pas depuis toujours été un fleuve tranquille, il n’oubliera jamais  ce que la guerre signifie.

    Le 16 août 1944, Kermouster a donc retrouvé une raison d’être. « Je me souviens de ce qui se disait chez nous » raconte Marie-Hélène Costiou. « Les cloches de la chapelle se sont mises à sonner à la volée. Pendant de longues heures. Les gens se sont relayés pour tirer sur la corde. » « C’est vrai !», confirme Yves Le Briand. « Avec deux autres copains on a tellement tiré dessus que la corde à fini par faire un tour sur elle-même. » « Moi aussi j’ai fait sonner la cloche ce jour là, se souvient Andréa Perrot, mais celle de l’église de Pleubian. 

     

    16 août 1944 : Kermouster libéré !

    Jean Bourdon dans les bras d'un soldat américain. Photo prise le 16 août 1944, le jour de la libération de Pleubian

     

    S’il n’y avait cette précision écrite au dos du cliché, « Pleubian 16 août 1944 », Jean Bourdon aurait pu affirmer que cette photo où on le voit dans les bras d’un soldat américain, posant devant un char, représenterait celui qui a tiré sur l’île à Bois. Mais ce n’est pas le cas. Cette photo a bien été prise à Pleubian, où habitait sa grand-mère maternelle Marguerite Riou. C’est d’ailleurs dans cette maison de Pleubian qu’il est venu au monde, vingt mois plus tôt.

    Pour le fils d’Auguste Bourdon, Kermouster est resté une affaire de cœur. Il y aura vécu jusqu'en 1952. Il aurait certainement bien d’autres souvenirs à évoquer, se rapportant à ces dix années passées sur cette île aux trésors qui fut son premier terrain d'aventures. Ces souvenirs, que nombre de Kermoustériens de son âge ne pourraient qu'enrichir, nous éclaireraient sur ce que fut la vie de ce village dans la décennie d’après guerre. Il ne tient qu'à eux qu'il en soit ainsi. 

    Le jour où a été prise cette photo son père naviguait en Méditerranée. Sur la Jeanne, comme on a toujours appelé ce navire quasi mythique. Le croiseur école, après être resté à quai en Martinique jusqu’en juillet 1943, avait rejoint l’Armée française de la Libération. Il était alors engagé dans les opérations de soutien au débarquement en Provence. L’étau allait ainsi se refermer sur l’Allemagne. La Presqu’île libérée, il faudra cependant attendre près d’un an pour que l’hydre nazie soit éradiquée. L’Allemagne capitulera le 8 mai 1945.

     Il y a tout juste cent ans, le 28 juin 1919, elle avait déjà du se plier aux exigences de ses vainqueurs, dans la galerie du château de Versailles. Il aura suffi de vingt ans pour que ce Traité soit déchiré avec les conséquences que l’on sait. Sur les cendres de l’histoire saurons nous, ici comme ailleurs, protéger notre bien le plus précieux : la Paix, cette Paix qui a tant fait défaut à nos parents et grands parents, cette Paix que les soubresauts de ce monde peuvent encore mettre à mal ?

    Dans le discours du maire de Lézardrieux  Marcel Turuban, prononcé à la fin des cérémonies du souvenir, ce jeudi 15 août, un mot clef : transmission. « Commémorer, c’est transmettre. » Puissent ces quelques lignes y contribuer !

     

     

    * La défense des ports de Lézardrieux-Paimpol-Tréguier et la fortification de ce front de mer du 17 au 20e siècle, par Alain Bohée (2€

     


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  • Son… mon… votre… notre village

     

    Ce vendredi 16 août, je mettrai « en ligne » une chronique se rapportant à la Libération de Kermouster, il y aura 75 ans jour pour jour. Sans témoin oculaire de ce que fut cette journée du 16 août 1944, je ne pense pas qu’il me serait venu à l’esprit de donner corps à une telle démarche. On ne s’improvise pas historien du jour au lendemain, surtout quand il s’agit d’évoquer un événement où se sont entremêlés des sentiments aussi contraires que la joie et la haine, la crainte et l’espérance.

    Le 16 août 1944, je n’étais pas de ce monde. Mon témoin, lui, n’était encore qu’un adolescent. Mais à 11 ans, on se sent déjà concerné par les turbulences de la vie, même si on n’est pas encore en mesure d’en comprendre les causes et d’en soupeser les conséquences. A la veille de l’Armistice du 22 juin 1940, son village avait déjà ouvert un sombre chapitre de son histoire. Celui où je suis né à quelques lieues de là, cinq ans plus tard, aussi.

     Le 17 juin 1940, la Wehrmacht pénètre en Bretagne. Le lendemain, toute la Région est sous la botte du IIIe Reich. Lui, il aura vécu l’Occupation dans sa chair. Moi, comme tant d’autres lecteurs de cette chronique, après coup,  à travers les témoignages qui se seront égrenés au fil du temps, au sein de la famille, du quartier, du village.

    A l’orée des vingt ans de ce Kermoustérien pur jus, la réconciliation entre les nations belligérantes est déjà sur les rails, mais la cicatrice n’est pas encore totalement refermée. Loin s’en faut. Chez lui comme chez moi, le Boche, le Schleu, le Fritz est encore au cœur des conversations. Avec ici et là, progressivement, quelques infléchissements dans le commentaire, comme le souvenir évoqué, de plus en plus ouvertement, qu’il n’y avait pas sous tous les uniformes allemands une bête immonde, le nazisme, et que cette bête infâme pouvait avoir également entaché l’honneur de la famille, du quartier, du village.

    Ne rien oublier.  Même soixante quinze ans après. Mais avec la lucidité qu’apporte le recul du temps.

    A ce témoin qui m’a ouvert sa porte, en confiance, je dis ici toute ma gratitude. En m’appuyant sur son témoignage, tout en le complétant par des souvenirs que d’autres Kermoustériens ont recueilli de la bouche de leurs parents, il nous permet de situer un point d’étape important de l’histoire de ce village, de son village, de leur village,  de ce qui est désormais mon village, le vôtre, le nôtre. Même venus d’ailleurs, nous sommes d’ici. Un village ouvert sur les autres et sur le grand large. Un village trégorrois d’une Europe qui doit encore, trois quarts de siècle après ce mercredi du mois d’août 1944, s’arc-bouter pour défendre sa plus belle conquête : la Paix.


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  • Nous apportons d’emblée un rectificatif à notre chronique mise en ligne , ce jeudi matin, faisant état, à tort, d’un dégât des eaux à La Cambuse. C’est sur la foi d’un propos tenu à même la place du Crec’h, alors que l’on procédait à la vidange de la fosse septique que nous nous sommes autorisés à publier cette information. Peut-être nous aurait-il fallu entendre « Avec une fosse septique pleine à craquer, on risquait un dégât des eaux usées. » Dont acte !

    A l’origine de notre erreur, le glissement de la réponse de la mairie  à un questionnement, dépêché par mail, dans l’espace « indésirables ».

    Nous n’avons pu prendre connaissance de la réponse de Loïc Cordon, l’adjoint en charge des travaux, qu’en cette fin d’après-midi.

    «  Hier, mardi, disions nous ,dans un message adressé mercredi matin, La Cambuse était fermée, suite à une inondation par les eaux usées. Elle n'ouvrira ses portes que demain, au plus tôt. C'est ce qui nous est dit. Les vidangeurs étaient sur place pour vider la fosse. Celle-ci ne semble pas en mesure de faire face à l'augmentation des petits besoins. N'ayant pu assister au conseil municipal où vous avez évoqué les travaux à venir sur ce site, je voudrais savoir si le problème de la capacité de cette fosse a été évoqué.

    Une question se pose: est-ce qu'il ne va pas falloir la raccorder à l'ancienne fosse de l'école qui, de mémoire de Kermoustérien, se trouverait dans l'ancienne cour de récréation, donc sous la terrasse? 

    La stationnement et l'assainissement du hameau sont certainement les deux gros problèmes que rencontre Kermouster, tout particulièrement sur la place du Crec'h. 

     

    Voici la réponse que nous a adressée Loïc Cordon mercredi soir, réponse, répétons le, que nous aurions trouvée si nous avions le bon réflexe de vérifier nos « indésirables » 

    «  Si la Cambuse est fermée cela est du fait des gérants et non d'une quelconque inondation par les eaux usées. Nous avons profité de cette fermeture pour vidanger la fosse comme cela était prévu.

    Quant à l'ancienne fosse, elle ne se trouve pas dans l'ancienne cour de l'école, mais devant la salle communale sous la rampe d’accès.

    Je vous rejoins quant à la problématique de l’assainissement des eaux usées dans le hameau de Kermouster.

    Lors de la campagne électorale, les Kermoustériens nous ont souvent parlé que leur charmant et paisible hameau fleuri était trop méconnu des touristes voire de la population locale. Ces petits désagréments de stationnement sont peut être la rançon du succès. »

    Un succès ? On ne peut que se réjouir de voir un commerce faire des affaires et, comme nous n’avons eu de cesse de l’écrire, on ne peut que leur souhaiter de réussir dans le long terme. Que ce succès ne soit pas éphémère. Mais si rançon il doit y avoir, il faut que tout le monde y trouve son compte. Oui le problème du stationnement dans le hameau relève de la quadrature du cercle. Celui de l’assainissement aussi. Il en va du maintien du très bon état d’esprit qui règne depuis de longues années. Peut-être conviendrait-il, à l’instar de ce qui va se faire pour la place du centre bourg à Lézardrieux, de provoquer, à même Kermouster, une réunion publique pour que puisse s’échanger les points de vue et avis se rapportant à ces deux problèmes.

     


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