• Le vent s’en est allé, mais, ce vendredi 12 juin, les larmes du ciel ont continué de tomber drues jusqu’au milieu de la matinée. Les météorologistes ne se sont pas trompés. D’ailleurs, ils ne se trompent plus guère désormais, sauf à de rares, très rares exceptions, contrairement aux prophètes de tous bords. Mais quels que soient les progrès de la technologie, les Nostradamus des temps futurs ne disposeront jamais, quant à eux, d’une technologie suffisamment performante pour asseoir, avec une précision d’orfèvre, des prédictions qu’ils espèrent ou craignent voir être confirmées par les faits. On peut sonder le cœur des électeurs pour prévoir les résultats d’un scrutin, mais on ne pourra jamais prédire les moments où une sourde colère viendra tout chambouler.

    Qui aurait pu prévoir que la mise en lumière d’un acte criminel commis par un policier blanc américain aurait transformé en poudrière la planète toute entière, en l’espace de quelques jours ? Personne, même pas ceux qui, aujourd’hui, se réjouissent qu’il en soit ainsi. A commencer par ceux qui ne trouvent rien à redire au geste de ce policier connu pour son racisme viscéral.

    Ce vendredi 12 juin, j’ai l’humeur des mauvais jours. Tout est paisible ici, mais je pense ne pas être le seul dans cet état là. C’est comme si nous étions assis sur un volcan, certes, bien loin du cratère, alors que les premiers jets de lave commencent à se faire sentir. Cette colère, dont on ne peut guère discuter tout fondement légitime, est redoutable, car elle est devenue sourde et aveugle. Sourde aux appels à la raison. Aveugle sur les conséquences qu’elle risque de générer.

     

    Autant en emporte le vent

     Au temps d’harmonie (esquisse), Paul Signac (1863-1935). Huile sur toile, 1893-1895. Collection particulière. (Copyright  F.T.P.H. - C. Carpentier)

     

     Ô les hontes et les crimes des foules,

    Passant sur les villes comme des houles

     Prémonitoires, à plus d’un titre, ces vers d’Emile Verhaeren (1855-1916). Ce poète belge flamand d’expression française se sera fortement impliqué dans les questions sociales. Grande sera sa réputation internationale dans les milieux intellectuels. L’artiste peintre Paul Signac, à qui j’ai fait allusion hier, a fait partie du cercle rapproché de ce penseur proche de l’anarchisme, mais qui n’en demeurera pas moins chantre de la nécessaire harmonie. L’esquisse ci-dessus est le fruit de la relation étroite que les deux hommes ont tissée entre eux.

    Prémonitoires ? Parce que Emile Verhaeren, après avoir donné une conférence à Rouen, mourut accidentellement, ayant été poussé par la foule sur le quai de la gare alors que partait un train.

    Prémonitoires aussi, pour celui qui était un ami personnel du roi Albert 1er, troisième roi de Belgique, successeur de son oncle Léopold II dont la statue a été déboulonnée, ce mardi à Anvers, par des manifestants dénonçant le passé colonialiste du royaume ?

    Ce vendredi 12 juin, j’ai l’humeur sombre car la folie a, de nouveau, gagné le cœur des foules. Comment pourrait-on ne pas déplorer cet acte insensé qui a fait tomber de leur socle, à Fort-de-France en Martinique, deux statues honorant Victor  Schoelcher, ce politicien français qui a décrété l’abolition  de l’esclavage le 27 avril 1848 ?

    Cette « folie statuaire » a également pris racine aux Etats-Unis. Si de prime abord on peut arriver à expliquer les raisons qui ont poussé des afro-américains à descendre massivement dans les rues, face à un tel saccage  comment ne pas redouter le pire, c’est-à-dire la montée des totalitarismes désireux de faire de tout passé table rase ? Demain, qui sait, si les statues de Nelson Mandela ne vont pas à leur tour devenir les cibles toutes trouvées des suprématistes blancs. Œil pour œil, dent pour dent. Le cycle infernal.

    Si j’évoque ainsi le nom de celui qui aura été l’apôtre de la grande réconciliation, c’est parce que c’est un 12 juin (1964) que son nom est entré dans l’histoire. Ce jour là on le conduisait vers une geôle, dont il ne devait jamais ressortir. Il y restera vingt-sept ans et en ressortira pour devenir le premier président noir d’une nation arc-en-ciel, une icône internationale prônant le grand métissage des esprits.

    Nelson Mandela est mort voilà sept ans. La noblesse de ses engagements semble avoir été  balayée par les vents mauvais de l’ignorance, du révisionnisme et du racisme qui, malheureusement, continuent à souffler.

     

    Asimbonanga

    Asimbonang' u Mandela thina

    Laph'ekhona

    Laph'ehleli khona

     

    Il fait bon réentendre le regretté Johnny Clegg nous chanter ce refrain d’Asimbonanga,  cette chanson qui l’a rendu célèbre, dédiée à Nelson Mandela alors qu’il se trouvait encore en prison. Avec ses comparses du groupe Savuka, le « Zoulou blanc » aura voulu, lui aussi, apporter sa pierre à l’édifice d’un monde meilleur.

    Si on ne lui connaissait pas ce côté sulfureux du « réac » n’ayant pas peur de s’affirmer comme tel, votant sans état d’âme pour Donald Trump, je pourrais lui associer Clint Eastwood, le réalisateur d’Invictus, un film réalisé en 2009 sur la trame d’un livre – Playing the Enemy, Nelson Mandela and the Game That Made a Nation – de John Carlin, un écrivain journaliste anglais. Pour ce film, l’ex Inspecteur Harry, rôle du flic peu amène avec ses congénères, a incorporé dans la bande son de cette énième réalisation une chanson – The Crossing – que Jonnhy Clegg a écrite pour honorer la mémoire du percussionniste et danseur Dudu Zulu de Savuka, assassiné en 1992 de sept balles dans le dos lors de violences liées à l’apartheid.

    Clint Eastwood, l’archétype de l’ambiguïté faite homme. Faut-il s’interdire de voir ses films ? Car, on en est là, au lendemain de ces journées d’émeutes où l’on cherche à détruire tous les symboles se rapportant peu ou prou aux valeurs des ex-sociétés esclavagistes.

     

     Autant en emporte le vent

     

    Car il en va également des statues comme des livres. Le roman Autant en emporte le vent de Margaret Mitchell (prix Pulitzer 1937) est brandi comme un totem qu’il faut détruire. Ce roman mérite d’être critiqué  pour le regard qu’il porte sur les noirs, mais à travers la connaissance de son époque. N’oublions jamais que les Nazis se réjouissaient devant les flammes d’un autodafé!

    Je ne sais pas si ce roman a transité par la boîte à livres de Kermouster. Un temps donné il figurait encore sur une étagère de la bibliothèque. Il n’ y est plus. Nous nous en sommes peut-être séparé bien avant la mise en place de ce modeste carrefour de la culture. Publié dans la collection Le livre de poche, j’en garde surtout le souvenir d’un livre exotique. Je ne sais pas si son auteur avait pour intention d’endoctriner ses lecteurs. Si tel était son intention, c’est raté. J’y ai, au contraire, puisé cette conviction que, comme l’a si bien chanté Claude Nougaro (Chronique du 10 mai), que blancs et noirs sommes bien des gouttes d’eau du même nuage.

    Les nuages flottent au dessus de nos têtes.

    Alors, autant en emporte le vent!

                                                                                                                            Claude Tarin

                                                                                                                      Vendredi 12 juin 2020

     

    Haïkus du Spleen

     

    Le haïku capte l’instant présent, dans ce qu’il a de singulier et éphémère. J’aime assez cette définition qui en fait une «  peinture de l’ici et maintenant ». De peinture, il en était question précédemment. Une réflexion en prose que nous a proposée Claudine Vanlerenberghe. Le haïku qu’elle nous livre ce jour en est parfaite illustration.

     

    Sous la chape de silence ouaté 

    la rivière évanouie 

    Brume matinale; 

     

    Autant en emporte le vent

     

    Le poème à la mode japonaise ci-dessous est, quant à lui, le fruit des circonstances. Un instantané saisi par Pierre, mon petit-fils, qui provoque le besoin d’aller au-delà du regard. Trois vers dans le prolongement du spleen de la chronique du jour.

     

    Larmes du ciel

    Terre en ébullition-

    Ça’m fout le bourdon

     

     Autant en emporte le vent

     


    votre commentaire
  • Bientôt les musées vont rouvrir, et sans doute les expositions de peintures aussi. Il n’y a pas que les mots pour tenter de dire l’indicible. Il y a la danse, la musique et tant de formes d’art.

    J’ai envie aujourd’hui de parler peinture.

     

     Qui dira la force de la peinture? 

    L’explosion de couleurs 

    L’explosion de douleurs 

    La douceur d’un ciel 

    Le frisottis des vagues sur un fond outremer 

    La douleur d’un visage aux rides de charbon 

    Les champs labourés terre de sienne brûlée 

    Le sourire carmin d’un joli minois, 

    Les lignes acérées ou les angles gommés 

    Formes désarticulées 

    Atmosphère floutée 

    Taches successives qui se fondent et s’écrasent 

    Points de couleur  juxtaposés, 

    Illusion de relief, 

    Impressions de fraîcheur 

    de violence ou de peur 

    Tout est là, formes et styles si variés. 

    Le pinceau, la couleur, 

    le talent de l’artiste 

    recréent l’univers, son univers, et parfois le nôtre. 

    Communion par le regard, l’étonnement, 

    l’émotion 

    par delà les mots.

     

                                                                                                  Claudine Vanlerenberghe

     

     

    De la peinture…

    Le ramasseur de goémons, huile sur toile, (vers 1890) de Paul Sérusier (1864-1927), Museum of Art, Indianapolis, Indiana (Etats-Unis)

     

    Les expositions de l’été

     

    Rassurons tout de suite Claudine Vanlerenberghe ! Les portes de la salle des expositions de Kermouster ne resteront pas fermées durant l’été. La municipalité, tout en tenant compte des règles sanitaires qui seront peut-être encore imposées, vient de faire savoir qu’elle intégrait également le volet culturel dans ses priorités. Avec une idée en tête : donner un nom à cette salle. En associant l’entière population de Lézardrieux à ce choix.

    S’il s’agit de lui accoler le nom d’un peintre, ce n’est pas les « candidats » qui manquent. Il y a bien sûr Charles Thorndike, qui a longtemps habité Kermouster, mais aussi Paul Signac dont la célébrité n’est plus à faire. Paul Signac a beaucoup peint les rives du Trieux. Il a effectué plusieurs séjours à Lézardrieux. Mais il y a aussi Louis Marie Faudacq, le douanier, dont les dessins et les aquarelles ont fait vivre cette frange du littoral. Il effectua son métier en poste à Lézardrieux. A ces trois noms, peuvent peut-être s’en ajouter d’autres.

    Brassens (poésie)  et Paul Le Flem (musique) étant honoré par ailleurs, un peintre compléterait très bien la palette.

    Mais la municipalité peut légitimement penser à des personnalités extérieures n’ayant guère de rapport avec le monde des arts mais, dont on sait, que les noms feraient consensus.

    Enfin, rien n’empêche de solutionner le problème au travers d’une appellation plus généraliste.

    Cela dit, je saisis l’occasion pour rappeler le souhait exprimé par de nombreux exposants des saisons précédentes. Il conviendrait de repenser le système d’éclairage pour que celui-ci mette mieux en valeur les peintures ou les photos exposées. La peinture murale mériterait également d’être rafraîchie et repensée pour assurer un meilleur contraste.

    Sur le plan des expositions, il faudra attendre la fin du mois de juillet, sauf à ce que des candidats saisissent l’opportunité pour investir les lieux avant la mi-juillet. A cette date, le programme des expositions est ainsi établi :

    -          Michel Champion (20-26 juillet)

    -          M. Frémin (27 juillet-2 août)

    -          Michel Méar (3-9 août)

    -          Jacques Miquel (10-16 août)

    -          Jean-Marie Jacquot (17-30 août)

    -          M. Quéméner (31 août-6 septembre).

     

                                                                                                                        C.T.

                                                                                                               Jeudi 11 mai 2020


    votre commentaire
  • C’était prévu. Il pleut. Nul ne s’en plaindra. La terre en avait grand besoin. Reste à espérer que par ces temps de bruit et de fureur, qui tranchent considérablement avec celui de la sidération générée par le confinement, cela ne débouchera pas sur un déluge persistant. Les prévisions météorologiques ne sont guère rassurantes pour les prochains jours. Les occasions d’ouvrir le parasol seront rares durant toute cette fin de semaine. De quoi doucher les enthousiasmes, alors que la pression est retombée d’un cran côté coronavirus.

    Mais ce n’est pas pour parler de la pluie et du beau temps que j’ai eu envie de mettre en ligne cette énième chronique. Je m’étais mis en tête, la veille au soir,  de discourir, ce mercredi, sur le bruit grandissant qui rompt avec cette période où tout était silence. Ou presque, puisqu’il a bien fallu que les tracteurs s’en viennent préparer la terre et les tondeuses, les pelouses. Il faut toujours analyser une situation avec discernement. Entre l’incontournable, l’acceptable et le regrettable, quand ce n’est pas l’intolérable voire l’exécrable. C’est une pétarade, hier après-midi, qui m’a fait penser qu’il y avait là matière à digression.

    Un jeune gars, perché sur son deux roues, venait d’ébranler la quiétude de la rue Saint Maudez. Quiétude toute relative, puisque les voitures se font chaque jour plus nombreuses sur cette pénétrante menant aux grèves. Mais rien qu’à lui tout seul, ce petit pot d’échappement conféra au hameau, quelques instants durant, une allure de cluster de décibels.

    Le bruit, nul ne le contestera, est une malédiction. Non sans raison, on en parle, à juste titre, comme d’une pollution. Mais que ce jeune homme se rassure. Je ne viens pas lui jeter la pierre, même si je subodore qu’il aime allier vitesse et vrombissements. Il est loin le temps où, à son âge, je prenais plaisir à mettre des petits cartons sur les rayons de la roue arrière de la bicyclette. Tout le monde n’avait pas encore les moyens de s’offrir une Mobylette ou un VéloSolex. Il fallait coûte que coûte soutenir le comparaison. Il y a un âge où le bruit révèle votre fureur de vivre.

    Mais il y a un âge où l’on finit par admettre que le bruit à des effets sur la santé. Quand trouvera-t-on le juste compromis entre la nécessité de confier aux moteurs le soin de nous transporter à la bonne vitesse et celle d’un environnement sonore ayant recouvré un point d’équilibre ? Voici un domaine où il convient de faire fonctionner la matière grise pour redonner au monde d’après la saveur du monde d’avant la révolution industrielle, égayé par le chant des oiseaux.

    Pourtant, après avoir cédé à la tentation de la concordance des temps, c’est-à-dire après avoir consulté la liste des 10 juin mémorables, j’ai changé de braquet pour me remettre en selle sur le sujet de notre rapport à l’autre, de celui qui n’a pas la même couleur de peau. Sujet brûlant de l’actualité, auquel nul ne peut être insensible.

     

    Comme deux gouttes d'eau

    Mémorial Ray Charles à Albany. C'est dans cette ville de Georgie que naquit cet artiste compositeur interprète, le 23 septembre 1930. En pleine période de dépression économique et de ségrégation raciale (photo DR)

     

    J’ai déjà dit moult fois, hier encore, ma crainte de voir des idéologies racistes étendre leur imprégnation des esprits. Or, le 19 juin 2004 mourrait à Beverly Hills, en Californie, un chanteur noir qui a façonné, comme tant d’autres, ma façon de voir. Ce chanteur, c’est Ray Charles. J’aimais encore pédaler avec mes bouts de carton dans les rayons quand je me suis mis au rythme de What’d I Say. Un quarante cinq tours sur l’électrophone, composé en 1959, qu’il fallait retourner pour aller jusqu’au bout de cette musique envoûtante.

    Ray Charles ? L’enfant naturel de Louis Armstrong, d’Ella Fitzgerald, de Mahalia Jackson. L’enfant du gospel et du blues. Mais une touche de note innovante. Sous les mains d’un aveugle, depuis l’âge de sept ans,  à la voix aussi rauque et chaude que celle de son aîné Louis Armstrong, alias Satchmo. Un interprète inégalable de morceaux qui deviendront des standards. Avec à la clef une consécration mémorielle pour l’enfant d’Albany.

    Le 24 avril 1979, Georgia on my mind est devenu l’hymne officiel de la Georgie. Quelque vingt ans après que Ray Charles ait été considéré comme persona non grata sur sa terre natale. Pour avoir apporté son soutien à une manifestation contre des lois ségrégationnistes, en annulant un récital à Atlanta. Il venait d’apprendre que la salle était interdite aux noirs.

    Nous n’en sommes plus tout à fait là dans l’Amérique de Trump, mais le problème de fond demeure. La mort de George Floyd vient de nous le rappeler tristement.

    Il est heureux que les Afro-Américains sachent que, tout autour de la planète, des foules se sont également levées pour dire qu’il fallait mettre un terme à une telle aberration de l’esprit. Mais il serait bon dans ce domaine, là aussi, de faire preuve de discernement.

    Chez nous, le racisme anti-noir n’est pas mort. Les stades de football nous en donnent parfois un triste aperçu. Or, il n’y a pas que des policiers dans les gradins, loin s’en faut. Nier cette réalité, c'est accréditer de tels comportements . Pour autant, comment peut-on comparer la situation qui est la nôtre à celle du pays de l’Oncle Sam ? A chaque jour, le piège de l’amalgame et son cortège de récriminations qui font fi de l’esprit républicain qui anime une grande majorité de Français, du plus haut sommet de l’Etat jusque dans les recoins de cette presqu’île.  

    Je ne sais pas si un jour la suggestion que j’ai émise en matière d’accueil des étrangers se concrétisera dans les faits. La peur générée par le Covid 19 a relégué au second plan celle de l’émigrant, cet autre à la nuance de peau différente. Une peur qui, comme pour la coronavirus, confine elle aussi à l’irrationnel.

    Je reste persuadé qu’une commune de la taille de Lézardrieux serait en mesure d’apporter son concours à un problème planétaire qui nous concerne tous, en accueillant une famille de gens n’ayant pas notre couleur de peau. Pour celles et ceux qui découvrirait cette conviction, je rappelle cette chronique du 4 février 2018 : Migrants, du Monde à la Commune.

    Comment ne pas conclure en chanson cette invite à dépasser les barrières des couleurs épidermiques pour comprendre que le monde d’après mérite aussi de changer de peau.  

    Tout comme Ray Charles, Claude Nougaro a tiré sa révérence en 2004. Est-ce bien nécessaire de souligner les bienfaits qu’a apporté cet inoubliable artiste de scène ?

    Disons qu’en ce jour de pluie, et compte tenu des pensées du jour, il n’est pas inutile de réfléchir à la portée de ces deux strophes extraites de sa chanson dédiée à Armstrong, mais bien au-delà de sa seule personne.

     

    Armstrong, je ne suis pas noir
    Je suis blanc de peau
    Quand on veut chanter l'espoir
    Quel manque de pot
    Oui, j'ai beau voir le ciel, l'oiseau
    Rien, rien, rien ne luit là-haut
    Les anges zéro
    Je suis blanc de peau

     

    xxx

     

    Armstrong, un jour, tôt ou tard
    On n'est que des os
    Est-ce que les tiens seront noirs?
    Ce serait rigolo
    Allez louis, alléluia
    Au-delà de nos oripeaux
    Noir et blanc sont ressemblants
    Comme deux gouttes d'eau

                                                                                                    

     

                                                                                                                                   Claude Tarin

                                                                                                                    Mercredi 10 juin 2020


    2 commentaires
  •  

     

     

    "Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? Ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère ?
    - Je n'ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.
    - Tes amis ?
    - Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
    - Ta patrie ?
    - J'ignore sous quelle latitude elle est située.
    - La beauté ?
    - Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.
    - L'or ?
    - Je le hais comme vous haïssez Dieu.
    - Eh ! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
    - J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !"

                                                                     
    Charles BaudelaireLe Spleen de Paris

     

    Il ne faut pas compter sur le poète pour vous conforter dans vos certitudes. Dans L’Etranger,  poème en prose, Baudelaire nous invite tout bonnement à nous remettre en question. Nos rapports à l’autre ? A nous-mêmes ? Nos rapports aux soi-disant besoins matériels ? Notre rapport au pays qui nous a vu naître ? Notre quête de ce qui est beau ? Que de questions, mais une réponse : les merveilleux nuages qui nous déconfinent.

    Les nuages ont assurément cette capacité à nous ouvrir la voie de l’évasion. Il suffit de les contempler et d’assister à cette partie de cache-cache qu’ils offrent au soleil.  C’est un spectacle sans cesse renouvelé que tout un chacun peut apprécier. Qui plus est, sans bourse déliée !

    Hier j’évoquais les Frères Jacques et cette chanson A la Saint Médard qui confère aux nuages la possibilité d’assombrir l’horizon et de noircir le temps. Ce mardi, sous un ciel lumineux, dans le sillage du poème de Baudelaire, c’est un autre artiste qui refait surface en mémoire : Django Reinhardt, le manouche. Django Reinhardt et son célébrissime Nuages. Un standard composé aux heures les plus sombres, sous l’Occupation. Cela fait tout juste quatre vingt ans. Le guitariste est alors transporté sur son propre nuage. C’est une coqueluche de la vie parisienne. Les Allemands, eux aussi, apprécient cette musique officiellement « dégénérée ».

    Il aura fallu trois ans à Django Reinhardt pour redescendre sur terre. Réfugié à Thonon-les-Bains, il venait de réaliser qu’aux yeux des Nazis, l’étranger, qu’il soit juif ou tzigane, ne méritait pas de vivre.

    Je venais d’avoir l’âge de raison quand ce génial musicien autodidacte a tiré sa révérence, mais sa musique lui a survécu et cette musique a toujours le don de vous transporter vers l’ailleurs.

    Comme c’est souvent le cas, c’est à la suite d’un article lu le matin même dans le journal qu’est née cette idée de discourir sur ce thème des nuages. Et pourtant, ce nuage dont il est question n’a aucun rapport avec ces voyageurs de l’azur qui nous font rêver. Ce nuage, c’est le cloud, cet espace virtuel auquel nous sommes conviés de confier notre vécu numérisé, si ce n’est notre façon de concevoir la vie.

     Un hébergeur autrement plus impressionnant que celui qui accorde l’hospitalité à ce blog. Avec le cloud, nous sommes déjà dans le monde d’après, car ce système de regroupement de données fonctionne déjà. Nous y sommes déjà plus ou moins partie prenante. Mais le cloud dont nous parle ce journal c’est celui que l’Europe veut mettre en place pour créer une alternative aux géants américains et asiatiques qui fonctionnent déjà. Ce projet, qui voit une fois encore l’Allemagne et la France faire ensemble preuve d’initiative, a un nom : Gaïa X.

    Le X enlève sa charge poétique au nom de cette déesse grecque, mère de Rhéa, dont j’ai parlée dans la chronique de la fête des mères. Que l’on veuille s’amarrer au berceau de la démocratie est une bonne chose. Il est bon de garder ses repères. Pour autant, ces clouds posent de sérieuses questions : qui aura la main sur ces données confidentielles et qu’est-ce  qui en garantit la sauvegarde ?  Par expérience, on sait que les malfrats peuvent avoir le génie de percer les coffres-forts  les plus sécurisés.

    Que l’on me comprenne bien !  Sans de plus amples informations, je ne suis ni pour ni contre, comme je le suis pour l’application Covid 19. Tout repose sur la capacité que l’on aura à déceler à l’avance les effets pervers, donc à les juguler. Sans pour autant remettre en avant les bienfaits de cette marche en avant.

    L’actualité de ces derniers jours ne peut nous faire oublier que les idéologies nauséabondes continuent à germer dans les esprits. Oui, bien sûr, il y a des racistes dans les rangs de la police, mais nulle corporation, nul milieu social ne peut se targuer d’avoir éliminé en son sein ce virus mortifère. A tous les étages, la République doit faire preuve de vigilance.

    Qu’adviendrait-il de nous si les tenants de ces idéologies s’en venaient à mettre la main sur ces nuages virtuels ? Si ces intelligences artificielles avaient existé du temps du Nazisme triomphant, le monde ne serait pas celui qu’il nous a été donné de vivre. Une pluie acide aurait détruit l’humanisme. Django Reinhardt aurait peut-être connu les wagons plombés.

    Poser ces questions, c’est espérer que l’histoire ne se répète pas et que nous saurons au niveau européen mettre en place des garde-fous qui créeront la confiance. Pour que l’on puisse continuer à rêver sereinement en chevauchant, sous le soleil, les nuages blancs.                 

                                                                                                               Claude Tarin

                                                                                                     Mardi 9 juin 2020


    votre commentaire
  • Hier dimanche, dans nos chaumières ou dans les Ehpad ce fut bouquets de fleurs et petite larme au coin de l’œil, mais boudiou qu’est-ce qu’il a fait froid pour un 7 juin. Un temps à rester confiné, bien au chaud. Un froid de canard au passage des nuages, après une matinée on ne peut plus pluvieuse. Quel contraste avec ce plein soleil dont les habitants de nos grandes métropoles n’ont pas pu, quant à eux, profiter durant ces longues semaines de maintien à domicile. Et voici que l’on nous annonce une semaine digne d’un mois d’automne.

    De l’eau, nous en sommes d’accord, il en faut, pour que nous puissions savourer demain les nourritures terrestres, mais, comme pour bien d’autres choses, tout repose sur le point d’équilibre. Donc, point trop n’en faut!

    Il ne vous a pas échappé que, ce lundi, nous fêtons Saint Médard. Selon l’adage, voici que planait, ce matin, la menace d’un 18 juillet incertain sur le plan de la météo. Menace bien légère si elle ne concerne qu’un seul jour d’été et vite estompée puisque le soleil a été au rendez-vous. Mais, ayant en tête A la Saint Médard, comme l’ont si bien chanté les Frères Jacques, un quatuor ô combien mémorable, troubadours de la belle chanson durant les Trente Glorieuses,  je ne puis cacher que, si pluie il y avait eue, le moral serait au plus bas dans les chaussettes. Pour mémoire, ce couplet

     

    Quand il pleut le jour de la Saint Médard

    Pendant quarante jours faut prendr’ son riflard

    Les marchands d’pépins et de waterproufs

    Se frottent les mains, faut bien qu’ces gens bouffent !

     

    Ouf ! Le ciel s’est montré clément, mais les prévisions météorologiques n’engendrent pas l’optimisme. Pour ce mercredi et ce jeudi, jour de la Saint Barnabé, on nous annonce de la pluie. Il va falloir sortir le riflard si on veut mettre le nez dehors.

     

    Pas de riflard à la Saint Médard

     

    Pourquoi fait-on peser une telle charge sur les épaules de Médard (456-545), fils de nobles de la cour de Childéric 1er ? Né à Salency, non loin de Compiègne, Médard a étonné tout son monde, alors qu’il n’avait encore que dix ans. Ce gamin fort généreux, compatissant envers les plus pauvres, eut un jour l’idée de donner l’un des chevaux de son père à un pauvre homme qui venait de perdre le sien à la tâche. Nectardus, son père, Nectar pour les intimes, voyant cela, s’est empressé de lui courir après pour récupérer son bien, mais dut y renoncer en raison d’une soudaine pluie diluvienne. Or, pas la moindre goutte d’eau sur la tête de Médard, un aigle ayant déployé ses ailes au-dessus de lui.

    Autant dire que sa mère Protagia, qui affichait déjà une forte inclination religieuse, y vit un présage et n’eut guère de mal à convaincre son noble époux que leur fils était un protégé du ciel. Un fils qui allait, de fait, devenir évêque. A Noyon, c’est à dire à quelques kilomètres de son village natal.

    Le saint pluvieux, comme on le surnomme, patron des agriculteurs et des viticulteurs veille également sur les personnes atteintes d’une maladie mentale et les personnes emprisonnées. Rien à voir, bien évidemment, avec le confinement civique.  Mais il n’aura pas su ou pu se montrer protecteur, en sa terre natale, contre le Covid 19, puisque c’est dans l’Oise que sont apparus les premiers clusters.

    C’est à Crépy-en-Valois, à une soixantaine de kilomètres de Noyon, que le coronavirus a fait sa première victime le 26 février. Un professeur de technologie du collège de cette ville.   Les Oisillons – je trouve ce nom plus poétique que Oisiens – ont, certes, de bonnes raisons d’en vouloir à ce saint protégé par un aigle. Du jour au lendemain, ils ont fait figure de pestiférés  et viennent tout juste de retrouver leur dignité nationale. Mais il en va au ciel comme sur terre, à chacun son rôle.

     Dans la recherche des responsabilités, puisque commissions parlementaires il va y avoir, il serait bon de convoquer à la barre Saint Roch et Saint Sébastien, si ce n’est la Vierge Marie elle-même. Ce sont ces personnalités célestes qui sont supposées nous protéger de la peste et des épidémies. Leur vigilance a indéniablement été prise en défaut. Saint Médard a, quant à lui, suffisamment à faire avec la gestion du débit de l’eau.

    Mais quelles que que puissent être les incertitudes sur la couleur du ciel dans les semaines qui viennent, faisons preuve d’optimisme ! L’été sera beau et chaud. On sait déjà qu’il ne pleuvra pas le 18 juillet.

    C’est d’ailleurs cet optimisme qui donne à notre Saint Maudez l’occasion de se réjouir. La nouvelle municipalité, dans le sillage de ce qui s’est toujours fait, va recruter deux jeunes gens pour assurer les visites de la chapelle de Kermouster. A charge, peut-être, si la nécessité s’en fait encore sentir, de penser en amont le circuit de la visite.

    Reste maintenant à connaître le programme des expositions dans la salle communale. Ne serait-ce que pour rassurer les protégés de Saint Luc, patron des artistes peintres, qui ont déjà déposé leur caution.

     

                                                                                                 Claude Tarin

                                                                                         Lundi 8 juin 2020

     

     


    votre commentaire