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    Ramassage plutôt rassurant

     

    Le temps d’une pause, tout sourire. Mais sous les sourires, à ce moment là, une déception qui ne disait pas son nom. Pour la traditionnelle récolte des déchets sur l’estran, de Bodic à Poulopry en passant par l’île à Bois, les Kermoustériens venaient de mettre le paquet ce samedi 27 juin. Vingt-six volontaires pour cette énième mission de nettoyage des grèves et des rochers. Et ce n’est pas une soudaine drache digne du Déluge, à l’heure de la mise en route, qui aurait pu les pousser à remettre à plus tard l’opération. Rien ne pouvait plus freiner leur ardeur. Qu’importe les caprices du temps, il fallait, comme cela était ancré dans les esprits depuis plusieurs semaines, effacer la très probable spoliation de la laisse de mer.

    Il y avait chez eux un aspect anciens naufrageurs, venant récupérer au lever du jour les débris des navires attirés, en ces lieux, par des flammes assassines, Or, à l’heure du regroupement final, les mines de ces fraîchement déconfinés se sont avérées quelque peu déconfites. Des sacs aux trois quarts vides, deux ou trois poches à huîtres, guère plus de morceaux de ferraille, une palette, un bol à l’état de puzzle, un bout de tuyau faisant office de trophée, cette année la mer ne s’est pas montrée aussi pourvoyeuse en débris de toutes sortes que les précédentes. Tout ça pour ça ! Etait-ce bien nécessaire de déployer tant d’huile de coude et de genoux pour un tel résultat ?

    On peut avoir conservé en soi l’instinct de ses lointains ancêtres assurant leurs lendemains au gré des naufrages, il n’en reste pas moins vrai que la raison qui caractérise ces têtes chercheuses du bien être aura cependant très vite balayé ces quelques instants de déception. Les sourires légèrement accentués pour la photo souvenir se sont faits ensuite plus spontanés pour devenir immuables tout au long de cette première grande retrouvaille de l’année. A la satisfaction du devoir accompli s’ajoutait celle d’un ramassage s’avérant plutôt rassurant. Les usagers de la mer se feraient-ils plus respectueux de dame nature ?

    Force est, en tout cas, de constater que la tendance observée les années précédentes se confirme. Certes, toujours trop d’éclats de verre à ramasser, mais un estran de moins en moins agressé par le jemenfoutisme. Faut-il y voir un effet de la mise sous cloche des activités nautiques pendant les quatre derniers mois ? C’est effectivement une donnée à prendre en compte. L’effet confinement a joué incontestablement, mais la tendance à une amélioration se poursuit.

    Et puis, pourquoi le taire, il y avait cette satisfaction, non formulée, de savoir que ce qui est déjà devenu tradition à Kermouster a fait, cette année, tâche d’huile sur l’ensemble de la commune. Des Lézardriviens « de la ville » ont également retroussé leurs manches pour nettoyer les grèves du centre bourg. Peut-être pas aussi nombreux que souhaité, mais l’essentiel était d’enclencher le mouvement. Cela méritait bien un bon casse-croûte partagé aux frais de tous les contribuables, puisque c’est la municipalité qui invitait.

    Dire pour autant que les Kermoustériens se flattent d’avoir joué les poissons pilotes serait exagéré. Disons que tout autour du hameau, on cultive l’idée, peut-être plus de façon épidermique, qu’il faut trouver le point d’équilibre sur l’estran. Mais on y est conscient que ce point d’équilibre ne peut être atteint que dans un mouvement bien plus large. Les rivages du Trieux forment un ensemble naturel qu’il convient d’utiliser avec moult précautions. De ce côté de la ria, on se réjouit donc de savoir que les Loguiviens, dans le sillage de l’association Vieux gréements et tradition, ont eu à cœur de nettoyer leur port.

    Une question aujourd’hui sans réponse : Toutes ces forces vertueuses retrousseront-elles encore leurs manches, le 19 septembre prochain, date à laquelle est fixée la Journée mondiale des nettoyages des plages. Ce sera la troisième édition du World Clean up day, une manifestation créée en 2018 qui, dit-on, se serait inspirée d’une action, Let’s Do It !, menée en Estonie.

    Si ce jour là, c’est-à-dire à la clôture de la saison estivale, on tire le constat que le tsunami touristique s’est retiré en laissant derrière lui les grèves telles qu’elles sont en cette fin de mois de juin, nous serons en droit de penser que la prise de conscience est désormais bien réelle. Croisons les doigts !

                                                                                                         Claude Tarin

                                                                                                   Lundi 29 juin 2020

     

    Ramassage plutôt rassurant

     

     

     

     


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  • Sur la grève, un kayak jaune, pris de frayeur en voyant la marée haute, s’est réfugié dans les arbres. La SNSM a dû intervenir pour le ramener à la raison.

     Les poneys de l’Ile à Bois ont émis un préavis de grève. Ils veulent, comme tous les jeunes, disposer de leurs mercredis et de leurs dimanches. Ils veulent aussi aller à la grève quand ils en ont envie et non à heure fixe et à la queue leu leu. Une convention collective devrait être négociée. Mais, vues les revendications avancées, les négociateurs ont peu de chances d’arriver à un accord. De plus, ils ne parlent pas la même langue.

    Le panneau P de l’entrée du village, indiquant un possible stationnement à Poulopry a mystérieusement disparu. La municipalité dément être à l’origine de cette disparition. Comme le fait s’est produit aux alentours de l’Ascension, on peut supposer que le dit panneau est monté au ciel. Quoique, à la réflexion, cette hypothèse ne semble pas la plus plausible.

    Encouragés par la chaleur, de nombreux baigneurs se sont jetés à l’eau ces jours derniers. Le soleil leur ayant tapé sur la tête, on peut supposer qu’ils n’avaient pas toute leur raison. La preuve, les grands cris que poussaient certains, où dominait un “qu’est-ce qu’elle est bonne !” bien peu crédible.

    Quand on regarde depuis la mer, il y a chaque année davantage de maisons sur le littoral de la commune. Est-ce à dire que les contraignantes lois littorales ne seraient pas respectées chez nous ? Que la construction bat son plein ? Point du tout. C’est juste que les arbres sont assurément de plus en plus nombreux  à pâtir de notre désir de vue sur mer.

    Avec les beaux jours, la circulation redevient infernale rue Saint Modez. Plus moyen de s’arrêter pour papoter au milieu de la rue comme nous en avions pris l’habitude. On en serait à regretter l’heureux temps du confinement  kermoustérien, quand les visites quotidiennes de la maréchaussée veillaient à tempérer nos ardeurs de déplacements.

    Comme tous les ans, le traditionnel nettoyage des plages est en vue. Et ce n’est certainement pas le fait que les grèves soient actuellement d’une propreté sans égal qui va tempérer notre ardeur. Tremble, bouteille en plastique ! Frémis, triste délaissé ostréicole ! Sus à vous, débris de verre, témoins de beuveries antérieures. Nous ne manquerons pas d’exhiber fièrement devant la presse le plus minuscule résidu, en témoignage de notre bonne volonté écologique.

    Le silence du confinement nous a sans doute rendus plus sensibles au bruit.

    Avec ces alternances de pluie et de chaleur, la végétation s’en donne à cœur joie. Et avec la pousse revient le chant des tondeuses, la musique des tronçonneuses, le hurlement des débroussailleuses. Il n’y a pas à dire, le gazouillis  des oiseaux est plus mélodieux que celui des humains.

    Quelques-uns des meilleurs amis de l’homme divaguent parfois dans Kermouster. Pour éviter qu’ils ne s’attaquent à vos poubelles, détournez donc leur attention en accrochant quelques saucissons dans les arbres, un peu plus loin. Cela vous évitera d’avoir à rassembler vos ordures éparses sur la chaussée. Par contre, cela n’empêchera pas que vous puissiez vous fourvoyer dans les souvenirs glissants qui portent bonheur au pied gauche.

    Un peu comme les hirondelles ou les cigognes, les camping-cars sont de retour sur le parking qui leur est réservé, voire même un peu à côté de celui-ci. On ne peut que s’en réjouir. Comme dit le proverbe : camping-car du mois Juin annonce un été sans fin !

     

                                                                                                                 Claudie Missenard

                                                                                                           Jeudi 25 juin 2020


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    Il y a eu le premier.

    Il y aura le dernier.

    Chaque jour qui passe nous en rapproche

     Trois cent soixante cinq fois par an.

    Il y a celui d’avant et celui de l’après.

    Entre deux nuits.

     

    Celui du septième jour.

     Celui du premier de l’An.

    Celui du Seigneur, celui du repos.

     Le jour de gloire.

    Le jour de vérité.

    Révélée au grand jour.

     

    Il est tantôt mauvais, tantôt beau.

    On l’espère toujours bon.

    En toute sincérité.

    Par pure  politesse

     

    A chaque jour suffit sa peine.

    Qu’importe le faux ou  le contre-jour.

    Ainsi va la vie !

     

    Solstice d’Eté

     Jour de fête.

    En avant la musique !

    Carpe diem

     

     

                                                                                                           MdK

                                                                                                        Samedi 20 juin 2020


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  • Ti Skol, l’Ecole. Au cours des dernières quarante huit heures, cette suggestion a fait son chemin dans les rues du hameau. Certes, cela n’a pas valeur de sondage. D’ailleurs, personne ici ne se souvient d’avoir été questionné par un représentant de l’INSEE, d’Ipsos, d’Opinion Way. Désormais visage familier de nos petits écrans, Jérôme Fouquet de l’IFOP, l’auteur du best seller politique L Archipel Français : naissance d’une Nation multiple et divisée (Ed. Seuil, 2019) ne semble pas encore avoir eu l’heur de goûter aux charmes de la Presqu’île. Non, tout cela relève plutôt du micro-trottoir, si ce n’est du téléphone arabe : une tendance se dessine nettement à Kermouster autour de ce nom à consonance bretonne qu’il conviendrait de donner à la salle communale.

    Cette salle, dite  salle d’expositions par simple commodité, est une ancienne salle de classe, construite dans les années d’après-guerre. Elle venait compléter un ensemble scolaire dont la première pierre a été posée en 1909. Mais cette salle, qui fut aussi l’ancien bureau de vote du quartier, n’a pas seulement vocation à ouvrir ses portes à la belle saison, pour garnir les cimaises. Elle est, par exemple,  un « temple » du yoga. D’ailleurs, après trois mois de suspension pour cause de confinement, les cours de cette discipline de la maîtrise de soi ont repris cette semaine.

    A l’origine de ce mouvement d’opinion recueilli subrepticement, la confirmation par la presse  d’un souhait exprimé par la nouvelle équipe municipale : donner un nom à cette salle. Toute la population lézardrivienne est appelée à se prononcer, car cela ne peut pas être l’affaire des seuls Kermoustériens, même si, bien évidemment, il est à souhaiter que le choix définitif puisse leur convenir. Or, d’ores et déjà, il semble que la suggestion Ti Skol pourrait faire ici consensus.

    Evoquer cela, ce n’est pas fausser le principe démocratique. Après tout, quand il s’agit de voter pour un président, un député ou un maire, la pratique du sondage avant l’élection est autorisée par la loi. D’ailleurs, pour être totalement transparent, il me faut avouer que cette suggestion a modifié mon intention. Je venais tout juste de jeter mon dévolu sur le peintre Louis Marie Faudacq (1840-1916).

     

    Salle communale : « Ti Skol » ?

    Eté 2013: exposition Le Lézardrieux des peintres

     

    Si je me suis attaché au concept « salle d’expositions » la faute en revient très certainement à Thérèse Jamet, ancienne conseillère municipale alors en charge du volet culturel. Nul ici n’a oublié le plein succès de l’exposition qu’elle avait organisée au cœur de l’été 2013. J’en rappelle brièvement le principe : exposer des tableaux, propriété de particuliers, se rapportant à Lézardrieux. Cet événement avait révélé combien la peinture est consubstantielle à la vie de chacun et qu’elle gagne à sortir du confinement dans lequel certains aimeraient qu’elle ne sorte pas. Cette exposition s'inscrivait dans le sillage de celle qui avait donné à cette salle, en 1996, cette vocation de vitrine de l’art. Cette année là, c’est Charles Thorndike (1875-1935)  qui était à l’honneur.

    Un temps durant, j’ai pensé que c’est à cet Américain, qui avait maison à Kermouster, que revenait l’honneur de voir son nom gravé dans le pierre de l’ancienne école. Mais il y avait également Paul Signac (1863-1935), beaucoup plus célèbre et qui, lui, séjourna à plusieurs occasions à Lézardrieux. Mais finalement je m’étais rangé à l’idée que Faudacq était un meilleur choix. Parce que cet artiste peintre, douanier de profession, aura, à travers son œuvre, accompli un vrai travail d’ethnologue, rendant compte de la vie du littoral. Kermouster se situant sur le chemin des douaniers, mon choix s’est affiné en ce sens.

    Mais je me rallie ce jour à Ti Skol. Les quelques contacts de ces dernières quarante huit heures ont été déterminants. Imparable cet argument selon lequel avec Ti Skol on rend hommage à tous ces instituteurs, institutrices et toutes ces générations d’élèves qui ont donné à ce lieu une dimension humaine irremplaçable !

    C’est cette capacité à être au diapason d’un lieu de vie qu’il convient effectivement de mettre en valeur.

    Après tout, c’est quoi une école ? La réponse coule de source : la porte ouverte vers le grand champ des connaissances, celles-ci pouvant vous amener à apprécier ces moments où la contemplation d’un tableau, d’une photo, d’une poterie ou d’une sculpture vous font le plus grand bien. Avec les séances partagées de yoga, la maîtrise du soi crée du lien social. Bref ! Si, comme je l’espère désormais, une majorité de Lézardriviens en vient à se ranger à cette suggestion de Ti Skol, cela consistera  à jeter la meilleure ancre qui soit dans la mémoire collective.

    Faut-il pousser encore plus loin en accolant à ce nom celui de Ker Vouster ? C’est une suggestion dans la suggestion qui a ses partisans. Ti Skol Ker Vouster ! Cela ne manquerait pas d’interpeller le visiteur.

    Cela l’amènerait peut-être à apprendre que pour des générations de Kermoustériens, l’école de la République aura été vécue comme un lieu de souffrance. La nécessité de donner à la Nation une langue commune aura été vécue comme telle par nombre d’enfants qui ne savaient que parler breton. Or, avec Kermouster, on a, en quelque sorte, francisé un nom breton où le m se substitue au v, qui lui a pour effet d'adoucir la prononciation.

    Mais je n’insiste pas. A vous de faire l’effort de saisir la subtilité de cette transformation. Il ne manque pas de bretonnants dans le hameau. Et puis, en déposant votre bulletin dans les urnes qui vont être mises en place, agissez en votre âme et conscience !

     

                                                                                                                     Claude Tarin

                                                                                                            Jeudi 18 juin 2020

     

     

    Les billets de Maxime

     

    MdK ? Qui se cache derrière cette signature ? Un billettiste ? Une billettiste ? Car, malgré la présentation sous une forme poétique indépendante de sa volonté, c’est bien à la lecture d’un billet que cette personne nous invite à partager ses réflexions.

    Un billet, c’est tout au plus six ou sept lignes de texte. C’est trois fois plus de lettres que dans un tweet. On ramasse sa pensée en quelques mots. A la limite, c’est peut-être plus facile qu’un haïku, exercice qu’il convient de ne pas abandonner.

    Le blog, je le rappelle, est ouvert à toutes les formes d’expressions écrites : la chronique (d’humeur), la poésie, le texte en prose, le haïku et même aux énigmes mathématiques. A dater de ce jeudi, au billet.

    C’est sur ce registre qu'entend s'inscrire notre contributeur-trice qui, pour des raisons qui le ou la concernent, préfère avancer masqué(e) sous le pseudonyme MdK. Tout juste cette personne accepte-t-elle de préciser que MdK est une simple contraction de Maxime de Kermouster.

    Maxime ? C’est donc un homme, puisque on attribue, à tort, le seul caractère masculin à ce prénom ! Que nenni ! En effet, pour cette personne, le choix de Maxime repose sur cette idée que le billet est porteur d’un message, si ce n’est d’une maxime.

    De fait, elle affirme qu’elle ne prendra aucunement ombrage si d’autres venaient à prendre ce masque. Message transmis. En quelque sorte : l’appel du 18 juin.

     

    18 juin

     

    18 juin 1347,

    La Roche Derrien. Bretons et Anglais vainqueurs.

    La Tour de Londres pour Charles de Blois.

     

    18 juin 1815,

    Braine l’Alleud. Morne Plaine.

    Wellington, Blücher, tout sourire.

    Waterloo !

    « La garde meurt, mais ne se rend pas…Merde. ! » dixit Cambronne.

    Napoléon n’est plus en selle.

    Marengo, pur sang arabe, a perdu son maître.

    La France, son Empereur.

    Mais où était donc Grouchy ?

     

    18 juin 1940.

    Ici Londres.

     « La défaite est-elle définitive ? Non ! ».

    L’Appel d’un général.

    Inconnu du bataillon.

     De Gaulle !

    La défaite, la capitulation, l’humiliation

     La résistance, l’honneur recouvré.

     

    Une maille à l’endroit, une maille à l’envers.

    Les fils gris, noirs et blancs de l’Histoire.

     

                                                                                                    MdK

     

     

     


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     6 juin 1940 : la guerre frappe déjà à la porte de l’école

     

    On pourrait légender cette photo : De la vie à la mort. Juillet 1938, Bernard Edouard Francis Bereschel contemple amoureusement son fils qui vient de naître, également prénommé Bernard. Deux ans plus tard, presque jour pour jour, il décède sur un champ de bataille, dans la Somme. Deux ans ! Mais une seule année de vie commune, pour cause de guerre! A l’aube du 6 juin 1940, Anne Bereschel, l’institutrice de l’école de Kermouster ne sait pas que le cours de sa vie vient de basculer.

     Anna Bereschel, née Coadou, a accouché à Saint-Brieuc le jeudi 7 juillet 1938. Anna, 26 ans, et Bernard, 24 ans, se sont unis le 3 janvier précédent, à Lézardrieux, la ville natale de la mariée. Ils s’étaient connus à Trédias. C’est dans ce bourg proche de Jugon-les-Lacs qu’Anna a effectué ses premières années d’enseignante. Bernard, quant à lui, est né à Mégrit, commune voisine, dont son père était le maire. Lui, il visait une carrière d’inspecteur des contributions.

     Après avoir effectué son service militaire au Maroc, durant deux ans, il avait été affecté à Lyon, puis venait d’obtenir une mutation en Bretagne, pour pouvoir être auprès de sa nouvelle famille. Cette naissance était gage d’un avenir prometteur. D’autant plus que la prochaine affectation d’Anna la ramènerait à Lézardrieux, près de sa mère Maria et de sa jeune sœur Yvonne. C’est à Kermouster qu’Anna Bereschel allait poursuivre sa carrière. C’est ici que la Camarde a frappé à sa porte.

     Quand a-t-elle appris la terrible nouvelle ? Tout de suite ? Dès le lendemain ? C’est peu probable, compte tenu des conditions du moment,  mais il lui aura fallu, très vite, maudire encore plus cette guerre. Elle venait de lui enlever définitivement un mari et un père à ses deux garçons. Jean, leur deuxième fils, est né un an plus tôt, le 1er septembre 1939, le jour même de la mobilisation générale. Son père n’aura pas pu le voir, ni le tenir dans ses bras. Il venait d’être mobilisé, au sein d'un bataillon du 117ème  Régiment d’Infanterie.

     Après avoir combattu dans les Ardennes, l’Aisne, en Lorraine, dans la Sarre, en Alsace, son régiment tentait de résister à la percée des Panzers aux abords de Péronne, dans la Somme, haut lieu des combats de  la Première Guerre Mondiale. Il fallait tenir. Berny-en-Santerre. C’est là-bas que Bernard Bereschel va mourir le mercredi 5 juin 1940.

     Dès 3h30, son régiment a dû faire face à des vagues suggestives de blindés. Au-dessus, entre deux assauts, les Stukas s’en sont venus lâcher leurs bombes en piqué. Epuisées, encerclées, mitraillées de toutes parts, les unités du 117ème  résisteront toute la journée, mais le 6 juin à l’aube, ce qu’il en reste capitulera.

     Bernard Edouard Francis Bereschel, quant à lui, a définitivement fermé les yeux sur ce monde de feu et de sang. Il ne sera pas de ceux qui entendront leurs vainqueurs rendre un hommage aux survivants du 117ème  pour leur bravoure. Pour eux s’ouvrait ensuite le chemin de la captivité.  De Bernard Edouard Francis Bereschel, il ne reste que cette photo où on le voit tenir dans ses bras son fils aîné. De la vie à la mort.

     

    6 juin 1940 : la guerre frappe déjà à la porte de l’école

     Anna Bereschel, son fils aîné Bernard sur ses genoux, assise à côté de sa mère Maria Coadou

     

    Pour Anna, qui est en passe de clore sa première année scolaire à Kermouster, l’épreuve est rude. Sans pouvoir donner toutes les précisions datées, Anne Le Coq Bereschel, sa petite fille, fille de Bernard, aujourd’hui adjointe en charge des finances de la commune, se souvient que sa grand-mère s’est rendue sur place pour reconnaître le corps de son mari. « Une autre personne, Bretonne comme elle, l’y avait précédée, pour les mêmes raisons. J’ai souvenir d’un courrier de cette dame lui expliquant comment se rendre à Berny-en-Santerre et lui donnant quelques renseignements sur les circonstances de la mort de leurs époux. Le corps de mon grand-père a été rapatrié dans un cercueil plombé. Il est enterré au cimetière de Lézardrieux, avec ma grand-mère décédée en juin 1981. Le nom de mon grand-père est gravé sur le monument aux morts de Lézardrieux. »

     A Kermouster, Yves Le Briand est le seul témoin de cette époque. A regret, de sa première institutrice, il ne se souvient plus de rien. A l’occasion d’une chronique évoquant le jour de la Libération de Kermouster, (16 août 2019),  seul le nom d’Etienne Le Cam lui est revenu en mémoire. Etienne Le Cam et son épouse prirent la succession d’Anne Bereschel. « Un jour Monsieur Le Cam m’a pris l’oreille pour me faire comprendre qu’il me fallait penser au certificat d’étude. » Il y a des petits gestes qui vous marquent pour la vie.  

    Kermouster en avait alors fini avec le chapitre de la guerre et les écoliers avaient retrouvé la cour de leur ancienne école. Plus question d’entonner Maréchal nous voilà, cet hymne à la gloire du maréchal Pétain que tout maître d’école se devait de faire apprendre par cœur. Anna Bereschel, quant à elle, allait reprendre du service à Trédarzec, avant de s’en venir enseigner à Lézardrieux.  

    Anne Le Coq Bereschel n’a, malheureusement, recueilli, de la bouche même de sa grand-mère, que trop peu d’anecdotes pour que l’on puisse avoir une idée précise de ce que fût la vie de cette dernière durant toutes ces années de l’Occupation. Dans les registres communaux, un compte rendu d’une délibération du conseil municipal en date du 13 juillet 1947 indique que le conseil « décide le paiement de la location d’un appartement occupé par Mme Bereschel, institutrice à Kermouster, qui fut expulsée de sa maison par les Allemands. »  S’est-il agi, trois ans après la fin de la guerre, d’un arriéré sur émoluments ?

     

    6 juin 1940 : la guerre frappe déjà à la porte de l’école

     

    « Ma grand-mère, explique Anne Le Coq Bereschel, a occupé, au moins durant la première année, le logement des instituteurs. Le week-end elle rejoignait la ferme familiale à Lézardrieux. Chez mon arrière grand-mère veuve, quant à elle depuis 1930. Peut-être que la municipalité, qui devait loger les instituteurs, a estimé qu’il y avait lieu à dédommagements.» Anna Bereschel aura ainsi pu ainsi bénéficier du concours de sa mère et de sa sœur pour la garde de ses enfants. « La ferme, ajoute-t-elle, était un sacré terrain de jeu pour mon père et son frère. A cinq ans, Yvonne est arrivée à temps pour ôter une grenade des mains de mon père. Les Allemands avaient réquisitionné les granges pour les chevaux et les soldats. Les gradés logeaient au château de Kermarquer. Je pense que ma grand-mère aura dû, après la réquisition de l’école, faire un aller retour quotidien en vélo entre Kermouster et le bourg. »

     Avec son fils aîné sur le porte-bagages ? C’est ce qui est plausible, du moins durant l’année scolaire 1943-1944,  puisque le nom du père d’Anne Le Coq Bereschel figure sur le registre de l’école avant son départ pour Kermouster. « Ma grand-mère ne parlait pas beaucoup de l’Occupation. Comme si elle avait voulu occulter cette période douloureuse à bien des égards. De son passage à Kermouster, peu de gens sont à même d’en parler. Par contre, je pense que c’est un nom que n’ont pas oublié de nombreux Lézardriviens et Lézardriviennes nés dans les années d’après guerre, puisque c’est à l’école du bourg qu’elle aura enseigné quatre ans, avant de mettre fin à sa carrière ». Anne Bereschel est décédée en juin 1981, quarante et un ans après son mari.

    Ce qui est certain, c’est que les Allemands, qui ont envahi la Bretagne le 17 juin 1940, n’auront pas tardé à saisir l’intérêt qu’il y avait pour eux d’occuper les bâtiments de cette école de village pour en faire un poste de surveillance exceptionnel de la navigation. En aval d’un port en eau profonde qui plus est. C’est donc, dans un autre lieu-dit du village, qu’Anna Bereschel va être amenée à assurer les cours. A Kernharand, dans la maison de Félicien Le Goaster.

    « A Kernharand, nous avions cours tous les jours, sauf le jeudi. Quand sonnait l’alerte, nous nous précipitions dans un abri que nous avions creusé dans un champ d’à côté » se souvient Yves Le Briand.

    Ce n’est qu’un an après la remise des pleins pouvoirs au général Pétain, que le conseil municipal de Lézardrieux sera dissous et remplacé, suite à un décret du ministère de l’Intérieur, par une délégation spéciale. Au prétexte du nombre insuffisant de conseillers. Cette délégation va être présidée par Yves Jézéquel, qui a déjà exercé la fonction de maire à Trédarzec de 1919 à 1923. Il est épaulé par François Michel et Gaston Bardel (Registre de la délégation spéciale du 18 juillet 1941).

    A charge pour ce triumvirat, comme pour leurs collègues des communes voisines, de fournir, à l’automne 1942, la main d’œuvre nécessaire à la construction du système de défense  côtière de la Presqu’île, donc de l’île à Bois. Kermouster, on l’aura compris, était devenu dès lors un centre stratégique du fameux Mur de l’Atlantique.

     

    6 juin 1940 : la guerre frappe déjà à la porte de l’école

     Anna Brereschel avec sa mère et sa soeur Yvonne Coadou

     

    Comment évoquer le souvenir de Bernard et Anna Bereschel  sans citer Yvonne Coadou, la sœur d’Anna. De six ans plus jeune, Yvonne Coadou a certainement toute sa place dans les mémoires puisqu’ elle a occupé le poste de secrétaire de mairie durant une quarantaine d’années. Une fonction qu’elle a d’abord effectuée à l’accueil, la titulaire du poste, Mathilde Jacquet, venant d’être fraîchement nommée secrétaire générale.

    « Ma tante a été recrutée par Monsieur Jézéquel, raconte Anne Le Coq Bereschel. Elle, contrairement à ma grand-mère, m’a souvent parlé de ses conditions de travail pendant l’occupation. Au sortir de la guerre elle aura eu la rude mission de distribuer des bons d’alimentation. S’occupant de nombreux dossiers, portant notamment sur la retraite. Elle aura, de longues années durant, effectué un rôle d’assistante sociale auprès des Lézardriviens. Jusqu’à sa retraite en 1982 ».

    Anne Le Coq Bereschel ajoute : « Ma tante m’a surtout appris que rien n’est tout blanc, rien n’est tout noir. Elle a toujours trouvé injuste que l’on traite Monsieur Jézéquel de collabo, sachant qu’il avait eu deux enfants au sein de la Résistance, lesquels ont payé de leur vie cet engagement. »

     

    6 juin 1940 : la guerre frappe déjà à la porte de l’école

     

    Portant le même prénom que son père, Yves Jézéquel avait tout juste seize ans quand les Allemands ont occupé Lézardrieux. Il va très vite rejoindre la Résistance et devenir chef d’un réseau de renseignement, le S.R. Marine Turquoise, mission Blavet. Après avoir rejoint l’Angleterre en novembre 1943, à bord de La Horaine, le bateau des Phares et Balises, il débarque clandestinement, dès janvier 1944, sur l’île d’Er, près de Plougrescant. Sa mission : le renseignement et le sabotage d’Avranches à Saint-Malo.

    Yves Jézéquel va tomber dans les filets de la Gestapo, en avril 1944, sur un quai de la gare Montparnasse. Après un transfert par Rennes et Compiègne, il sera déporté le 28 juillet 1944 en Allemagne, dans la région d’Hambourg. Il est mort, suite d’une dysenterie, le 6 janvier 1945, à vingt et un ans.

    Egalement membre du réseau Turquoise, Simone Jézéquel, sa jeune sœur, sera arrêtée à la même époque puis déportée. Le 1er mars 1945, elle décèdera dans le camp de concentration  de Ravensbrück. Elle n’avait pas encore vingt ans.

    Ce n’est qu’un mois plus tard, suite à un décret préfectoral du 3 avril 1945, qu’Yves Jézéquel, leur père, recouvrera son entière honorabilité, après avoir connu, à la Libération, l’opprobre de ses concitoyens, pour avoir occupé la  fonction de premier magistrat pendant ces années de plomb. Pour cet ancien Poilu, revenu du front gravement blessé aux yeux, le prix de la réhabilitation aura été payé au prix fort. Deux enfants morts pour une France libre. On ne peut que partager a posteriori le sentiment d’Yvonne Coadou envers celui que les Lézardriviens finiront, quand même, par réélire maire. Fonction qu’il occupera d’octobre 1947 jusque sa mort le 17 septembre 1959.

    La guerre lui ayant, quant à elle, enlevé son fiancé, sous-marinier à bord du Protée, disparu en mer en décembre 1943*. Yvonne Coadou,  décédée en 2015, aura vécu célibataire.

    Le 15 juin 1940, cela fait tout juste quatre-vingt ans, un général de brigade inconnu du grand public, tout juste nommé Secrétaire d’Etat à la Guerre et à la Défense nationale dans le gouvernement Raynaud s’embarquait à Brest à bord du Milan, un contre-torpilleur de la Marine Française, qui va le transporter jusque Plymouth. Trois jours après, Charles De Gaulle lancera, de Londres, un appel à poursuivre le combat.

    Pour Bernard Edouard Francis Bereschel, le combat est terminé depuis neuf jours. Pour Edouard Petibon, marin à bord du cuirassé Bretagne, l’avenir est dès plus incertain. Positionné en Méditerranée, le Bretagne  a rejoint au mois de mai la Force X, une escadre de la Marine nationale réunie au début de la guerre en vue de parer à une intervention de l’Italie en Méditerranée orientale Depuis le 27 mai, le cuirassé est stationné à Mers El Kébir, dans le golfe d’Oran. C’est dans ce port d’Algérie que va être scellé le destin de ce Kermoustérien.

    Le 3 juillet 1940, ce ne sont pas les Allemands qui ont porté ce coup mortel à la Marine française, mais les Britanniques. Edouard Petibon n’aura pas la chance de faire partie du nombre des survivants. Son nom côtoie celui de Bernard Edouard Francis Bereschel sur le socle du monument dédié aux combattants des deux guerres. Dans la chapelle, une plaque à son nom rappelle cette tragédie.

     

                                                                                                                    Claude Tarin

                                                                                                          Lundi 15 juin 2020

     

    * Le Protée fera partie de la force X qui a choisi de reprendre la lutte aux côtés des Alliés en juin 1943, après plusieurs mois de négociations avec les forces françaises d'Afrique, pour former l'Armée française de la Libération. Le 18 décembre 1943, il part en mission au large de Marseille et disparaît. La Marine française a longtemps cru que la perte du Protée était la conséquence d'un combat en surface avec des navires allemands. Mais une plongée effectuée en 1995 a permis de localiser l'épave au large de Cassis et a confirmé la thèse avancée par la Marine américaine, depuis les années 1950, de l'explosion d'une mine, aucun combat avec un sous-marin allié ne figurant dans les archives allemandes.

     

    6 juin 1940 : la guerre frappe déjà à la porte de l’école

     Le Protée (photo Marine Nationale) 

     

     

      

     


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