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    La vieillesse ; être vieux ?  Se sentir vieux ? Vieux jeu ? Hors-jeu ?

    La vieillesse ? Le troisième âge ? Brûlante actualité pour nous autres enfants du Baby-Boom qui, déjà, pour beaucoup, orphelins de père et de mère, sommes désormais dépossédés, à minima, des sept-dixièmes de notre capital vie. Pour autant, toujours en capacité de recueillir les fruits d’un long cheminent entre rêves et réalités. Cultivons l’espoir que cela perdure le plus longtemps possible !

    Les vieux ne parlent plus

    Ou alors seulement parfois du bout des yeux…

    La petite aiguille de la pendule du salon a fait quelque 530 000 tours depuis ce jour où Jacques Brel m’a glissé cette chanson dans l’oreille, en frappant droit au cœur. Le compositeur Pierre Delanoé, l’ayant trouvée pour sa part trop désespérante, s’ingéniera, dix ans plus-tard avec ses Vieux mariés (1973), à rendre le salon commençant à sentir « le verbe d’antan » plus ouvert sur un futur lumineux…sans arriver à égaler l’évidente et profonde tendresse de Brel ; question de feeling.  Mais l’un et l’autre parlaient-ils de la même « tranche d’âge » ? Assurément, non.

    La vieillesse qu’évoque Jacques Brel est celle qui se fait à l’idée que la Camarde ne tardera plus à s’inviter prendre le thé dans ce salon prenant, au fil des heures, des allures de purgatoire ! Une vieillesse qu’il nous faudra – si le sort en décide ainsi – affronter, en espérant que notre « moi intérieur », ne pouvant plus guère s’exprimer par un « je » audible, n’en reste pas moins bouillonnant jusqu’au dernier souffle.

    N'en déplaise à Pierre Delanoé et à Michel Sardou - son interprète - la chanson de Brel était d’une force supérieure et demeure une émouvante ode à la vie ; un appel subliminal à vivre et partager pleinement ses rêves avant et après l’ultime et incontournable résignation, celle que nous imposera un corps qui n’en pourra plus, si tant est qu’il ait pu jouer le jeu bien au-delà du critère de la durée de vie moyenne.

    Je ne me souvenais plus de ce curieux télescopage. C’est en 1963, la même année que les Vieux de Brel, que Sheila a commencé à nous bassiner avec cette ritournelle T’es plus dans le coup papa.  Désolé pour ses fans, mais je fais partie de ces tristes sires qui se sont exclus, dès les premières mesures, du monde du Yéyé. Certes, Sheila se faisait, par le biais de paroles creuses, c’est le moins que l’on puisse dire, le chantre d’une jeunesse – la mienne – désireuse de bousculer un monde « tout habillé de raide « ; cinq ans plus tard, la jeunesse était dans la rue, bien décidée à rendre ce monde moins « con ». Force est de reconnaître que nous n’y sommes pas parvenus. La colère des agriculteurs qui vient de se manifester n’en est qu’une énième navrante et désolante illustration ; que dire de ce qui se passe en Ukraine, à Gaza et dans bien d’autres terres de la planète bleue…

    Le « vieux » que je suis pourrait digresser sur ce sujet, bien que ne saisissant pas toutes les subtilités de la mosaïque agricole. Je me contente de rappeler ce fameux slogan, qui date de 1974, selon lequel « La France n’a pas de pétrole, mais elle a des idées » et que c’est à cette même époque que Giscard d’Estaing, alors locataire de l’Élysée, affirmait que l’agriculture était le « pétrole vert de la France ». Depuis Maximilien de Sully, le chargé des Finances du roi Henri IV, et son fameux « Pâturage et labourage sont les deux mamelles de la France », le travail dans les champs n’a cessé d’évoluer au gré des évolutions technologiques, dont le tracteur est un puissant symbole ; la France de « la poule au pot » n’a toujours pas de pétrole, mais se torture encore les méninges pour que ses deux mamelles puissent donner tout leur jus, tout en contribuant au bonheur de celles et ceux qui ont la charge d’y veiller. Hélas, comme on ne peut que le regretter, le fossé des incompréhensions n’est toujours pas comblé, loin s’en faut, entre la ville et la campagne. Mais…

    Revenons à nos moutons ! Pour reconnaître qu’effectivement, bien qu’ayant encore le plein usage de toutes nos petites cellules grises, on peut, à notre tour, nous les séniors retraités, s’entendre dire que l’on n’est plus dans la coup. Et pour cela, pas besoin de sortir de chez soi. Cela vous siffle aux oreilles même dans le cercle familial, quand on a eu la chance d’avoir des enfants, qui plus est des petits-enfants. Simple constat ; tout juste, un zest de reproche.

    De la génération tic-tac – celui de la pendule d’une grand-mère bien aimée – à celle du Tik tok, cela n’aura été qu’une série d’adaptations à vivre dans un monde en perpétuel mouvement.

    Forcément, ce qui devait arriver est arrivé. Ce fut le cas pour nos grands-parents, pour nos parents, quand l’ordinateur est devenu notre compagnon de route. Aujourd’hui, notre façon de godiller sur l’océan virtuel du numérique et le peu d’énergie que l’on peut y consacrer pour ne pas décrocher définitivement, nous met bien souvent incontestablement hors-jeu ; ce qui nous vaut ce retour d’image, parfois accompagné de cette gratification : « Vieux jeu ». Même dit avec sourire, gentillesse, voire tendresse, la critique fait mouche quand le « je » qui est en vous est toujours à poste.

    « Je pense donc je suis ». Le Cogito ergo sum de Descartes ne souffre pas d’être contesté. Je peux donc admettre, puisque je pense, que je ne suis plus tout à fait dans le coup dans un monde qui a déjà mis un genou à terre face à la montée en puissance de l’Intelligence artificielle. Un autre monde se dessine et le vieux-je que je suis, que vous êtes, vous aussi, s’en désespère. Mais vous comme moi conservons encore notre capacité à agir pour éviter que les générations du futur ne s’embourbent définitivement dans un monde d’écranopithèques devenus irrémédiablement serviles.

    Agir par la parole, à bon escient, sans rabâcher ce sempiternel « c’était mieux avant », pour rappeler tout simplement ces bégaiements de l’histoire auxquels il faut s’empresser de mettre un terme. Nous sommes les témoins du passé, d’un passé récent, pas aussi radieux que certains se plaisent à décrire. En soulignant les erreurs, les fourvoiements d’hier, on peut aider à corriger des trajectoires que notre vécu nous fait craindre fatales.

    Vive les Vieux Je !

     

                                                                                                                       Claude Tarin

                                                                                                                  Lundi 5 février 2024

     

      


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    La Marseillaise ! En glissant l’hymne patriotique dans le package de survie de l’esprit civique, le Président de la République m’offre l’opportunité de discourir sur un débat qui me secoue les méninges depuis fort longtemps.

    D’abord, que cela soit bien clair ; je ne peux nier le trouble émotionnel que je ressens dès que sonnent les premières mesures ; côté cœur, les palpitations vont bon train. À quoi cela tient-il ?

     À l’école ?

    J’ai beau fouiller dans ma mémoire de vétéran, je ne me revois pas dans la cour de récréation, ni dans la salle de classe, répétant mes gammes, raide comme un piquet, blouse grise sur le dos et godillots bien cirés. Idem au collège ou au lycée.

    Sous l’uniforme, durant le service militaire ?

    Pour marcher au pas, il y a mieux et c’est sur des fanfares, agrémentées de paroles dont je n’ai jamais cherché à mesurer la supposée « incommensurable profondeur », que j’ai appris, fusil sur l’épaule, à mettre un pied devant l’autre, à la même cadence que mes compagnons d’arme. « Gauche ! Gauche ! Dans la troupe, y a pas de jambes de bois… »

    Alors ? Où et quand ?

    À doses homéopathiques très certainement.

    Dès mon plus jeune âge, aux côtés des parents, lors des commémorations des deux grandes guerres devant le monument aux morts de la commune ; émotion garantie avec la sonnerie Aux morts. Ici, pas besoin de paroles.

    À l’occasion des défilés du 14 juillet, l’incontournable rendez-vous patriotique.

    Mais toujours, sans en avoir été ni forcé ni contraint ; au fil des circonstances et des émotions partagées.

    Tel une boisson chaude qu’il faut laisser infuser, le son du clairon a fini par irriguer ce sentiment d’appartenance à une collectivité que j’ai appris à nommer Patrie ou Nation.

    L’esprit patriotique au forceps ?

    Contrairement à ce que pense le chef de l’État, vouloir contraindre gamins, élèves et potaches, tout juste sortis de l’apprentissage de l’alphabet, à ingurgiter la prose de Rouget de l’Isle risque fort de ne pas avoir les effets escomptés.

    D’ailleurs, il y a beaucoup d’hypocrisie sur les bancs de la classe politique. Combien d’élus siégeant à l’Assemblée nationale ou dans l’hémicycle du Sénat seraient capables, dans l’instant, à chanter, sans la moindre hésitation, les six couplets d’affilée, car six couplets, au moins, il y a ; auxquels s’ajoute celui destiné aux des enfants.  Je ne leur fais pas ici la leçon car je serai moi-même infichu de le faire, mais je les mets au défi de combler au plus vite cette lacune pour se montrer exemplaires. Chiche !

    Que l’on ne vienne surtout pas me reprocher de manquer à mes devoirs de citoyen en égratignant ainsi un symbole fort de la République !

    En me rafraîchissant la mémoire sur l’historique de La Marseillaise, j’ai réappris que cet hymne, enfant de la Révolution, a suscité, depuis lors, moult controverses ; je vous laisse le soin de valider cette affirmation en interrogeant, comme je l’ai fait, Wikipedia. Je ne fais donc ici que reposer les termes d’un débat que les propos d’Emmanuel Macron devraient nous conduire à mener.

    Cette émotion qui me saisit dès que s’élèvent les premières mesures de notre hymne national – il en va de même pour bien d’autres - s’estompe, pour ce qui me concerne, presque aussitôt, le refrain pas encore achevé.

    Si du temps de la Révolution, il était de bon ton d’en finir avec un pouvoir monarchique reposant sur un socle de courtisans au sang bleu puisqu’anoblis, ce sang impur dont il nous faut nous abreuver me reste dans la gorge. C’est quoi le sang impur ?

    Toujours celui des Autrichiens, comme en 1792 ?  Celui des juifs, des tziganes et autres soumis à l’ignorance populaire à travers les siècles et que les tenants du nazisme ont voulu exterminer une fois pour toute ? Celui des arabes ? Des Chinois ? Des Indiens ? Des Canaques ? Des Africains ?

    D’accord, ce sang qui est le nôtre est impur au regard de ces fanatiques sanguinaires brandissant l’étendard de la Charia. La tentation du « œil pour œil dent pour dent » est forte et il en va, en effet, de l’intérêt général de nous prémunir de ce fléau. Mais ne tombons pas dans le piège d’une vengeance aveugle et discriminatoire dont nombre de leurs coreligionnaires, mais concitoyens à part entière et républicains dans l’âme, en subiraient les conséquences. Le temps des croisades est révolu.

    Faut-il rappeler à certains tenants de « la France aux Français » qu’ils sont les héritiers, souvent en ligne directe, de citoyens qui, l’envahisseur ayant imposé ses vues, se sont empressés d’écrire un hymne de substitution -Maréchal nous voilà – tout en devenant complices d’une barbarie sans nom, si ce n’est celui de la Shoah.

    Cela fait tout juste cinquante ans, Giscard d’Estaing, prédécesseur d’Emmanuel Macron dans cette fonction élyséenne, avait exigé que l’on en revienne à une Marseillaise moins tonitruante, se rapprochant plus de la manière dont les anglo-saxons ont conçu leurs propres hymnes ; une Marseillaise moins martiale, plus lente dans son exécution. Peut-être, dans son for intérieur, souhaitait-il qu’on en vienne également à apporter quelques modifications au texte.

    Tous les gens de ma génération se souviennent également de La Marseillaise reggae de Serge Gainsbourg, gravée, cinq ans plus tard, dans le sillon de l’album « Aux armes et cœtera ». Un scandale innommable aux yeux des milieux les plus conservateurs. Le chef de l’État n’était encore qu’un poupon. Prendrait-il, aujourd’hui, la défense de ce « monstre sacré » de la scène internationale ?

    Deux « tempêtes » sans lendemain. Dès l’élection de François Mitterrand, la version IIIème République était rétablie dans son rythme, la prose n’ayant subi aucune modification entretemps.

    C’est sur ce point que notre Président, par ailleurs si soucieux, tout comme nous, de l’avenir de l’Europe, a manqué cruellement de jugeotte ou, dans son entourage, d’avis éclairés par l’esprit des Lumières. Tout en conservant cette sonorité martiale comme cela semble être dans ses intentions, il y avait là matière, pour lui, à faire d’une pierre deux coups : demander une réécriture du texte qui, tout en soulignant la fierté que l’on doit éprouver à être citoyen français, nous la fait partager avec tous les Européens et, à plus long terme, avec le reste du monde. Et laisser, au fil des manifestations, les mots vantant l’universalité diffuser dans les esprits, sans inutiles contraintes. Pour le rendez-vous des Jeux Olympiques, il n'est peut-être pas trop tard.

    Je ne peux croire qu’Emmanuel Macron ignore que La Marseillaise ne se limite pas aux six couplets de Rouget de l’Isle, qu’elle s’est « enrichie », du moins dans son amplitude, de huit couplets supplémentaires. Or, il s’en trouve un qui, moyennant un léger coup de gomme, pour effacer cette suffisance qui est la nôtre à nous croire le nombril du monde, aurait toute sa place dans une Marseillaise repensée et plus respectueuse.

     

     La France que l'Europe admire

    A reconquis la Liberté

    Et chaque citoyen respire

    Sous les lois de l'Egalité.

    Un jour son image chérie

    S'étendra sur tout l'univers.

    Peuples, vous briserez vos fers

    Et vous aurez une Patrie !

     

    Je ne mésestime en rien les problématiques qui se posent au plus haut sommet de l’État. Tant sur le plan intérieur qu’à l’international, cela équivaut à tenter de résoudre, jour après jour, la quadrature du cercle.

    Durant sa conférence de presse sur la thématique du réarmement, le Président a, comme il en a le droit, coiffé la casquette du commandant en chef ; des armées, mais pas seulement ; du bateau sur lequel nous sommes tous embarqués.

    Chacun à son poste, nous a-t-il fait savoir. Et tout se passera pour le mieux !

    Mais il semble avoir oublié qu’il y a une règle intangible en matière de navigation :

    s’il est trop tard pour faire marche arrière, il faut toujours faire face à la vague.

    Tribord ? Bâbord ? Gare à ce coup de barre trop prononcé qui, dans un sens comme dans l’autre, amènerait le navire au travers de la vague. Or, en appelant les Tribordais à souquer ferme sans compter sur les Bâbordais, Emmanuel Macron a pris ce risque. Pourquoi a-t-il fait fi de sa conviction première, son fameux « En même temps. »

    Nous nous sentirions rassurés si tous les partis de gouvernement soucieux du maintien de la démocratie avaient été sollicités pour faire face à la montée des périls. Cela s’appelle : l’Union nationale.

    Faut-il se faire du mauvais sang ? Le pire est devant nous, mais nous pouvons encore espérer « passer la vague »

    Enfants de la Patrie ! la partie n’est pas encore perdue

     

    Aux rames, citoyens !

    Souquons à l’unisson !

    Ramons ! Souquons !

     Sang-froid nous garderons

     Ensemble nous gagnerons !

     

     

                                                                                                                                     Claude Tarin

                                                                                                                    Samedi 20 janvier 2024


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    Récemment, dans le colonnes du journal Ouest-France, j’ai appris que les algorithmes d’Intelligence artificielle nous permettaient de décrypter très finement la teneur des discours politiques. Plus finement qu’un observateur attentif de la vie politique, comme tout bon citoyen devrait l’être ? Veillons à nous prémunir le plus possible de l’ingérence grandissante de l’IA dans notre vie de tous les jours ! Mais, apprenons, bon gré mal gré, à la maîtriser le mieux possible, pour, entre autres nécessités, « décortiquer  » la pensée de nos élus.  Comme nous l’a si bien conseillé Rabelais, en mettant ces mots dans la bouche de Gargantua : « Par une lecture attentive et une méditation assidue, rompre l’os et sucer la substantifique moelle ».

    Ce jour-là, Ouest-France, curieux de savoir ce qui se cachait sous le propos solennel du Président de la République, venu sur le petit écran nous présenter ses vœux, s’appuyait sur le savoir acquis par Damon Mayaffre dans le domaine de la logométrie, méthode analytique assistée par ordinateur. Alors que l’on découvre ce jour les nouveaux visages de la nouvelle équipe gouvernementale, telle que l’a voulue le Président lui-même, il est clair que celui-ci voulait déjà nous convaincre qu’il entendait passer de la parole aux actes, en s’appuyant sur un mot clef : le réarmement. La nouvelle équipe gouvernementale est-elle la meilleure qui soit pour faire face aux défis que notre nation doit affronter ? L’avenir proche nous le dira…

    53 ans, chercheur au CNRS, auteur de plusieurs ouvrages sur les discours français contemporains, analysés à l’aide de logiciels, Damon Mayaffare a noté qu’Emmanuel Macron avait, dans son allocution du dimanche 31 décembre, utilisé 7 fois cette notion de réarmement. « Avec cette métaphore guerrière, en concluait-il, le chef de l’État cherche surtout à imposer sa stature régalienne. C’est lui, le chef des Armées. Une manière d’affirmer : c’est moi ou le chaos, comme l’avait déjà fait François Mitterrand au cours de son second mandat ». Mais comme le soulignait Ouest-France, Damon Mayaffre s’est intéressé davantage à l’utilisation des préfixes « re » ou « ré » utilisés par la président de la République : réforme, réindustrialisation, relance, rebâtir, restaurer…

     « Ces préfixes, souligne Damon Mayaffre, visent surtout à séduire et rassurer les Français âgés, souvent de droite, nostalgiques de la France du passé où il n’y avait aucun problème d’autorité, où les services publics fonctionnaient… Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Éric Zemmour a baptisé son parti Reconquête fin 2021 ».

    Avant de « rebondir » sur cet article de Ouest-France, j’ai pris le soin de « réécouter » l’allocution d’Emanuel Macron, non pas que je doutais de la pertinence de cet observateur spécialiste du langage, mais pour vérifier si ma mémoire ne se montrait pas, quant à elle, quelque peu défaillante. Hélas, non ! Il y a pour le moins deux mots en R qui font défaut dans cette allocution présidentielle, et un troisième n’a été évoqué que d’une façon subliminale. À savoir : Respect, Reconnaissance et Responsabilité.

    Il en va des devises comme des mots. Elles peuvent, elles aussi, être utilisées à contresens. La période que nous venons de vivre nous en a fourni la parfaite illustration.

    Liberté, Egalité, Fraternité ! Le contournement sémantique de ces trois notions fondatrices de notre République ne peut nous surprendre, dans une France confrontée au vent mauvais d’une idéologie nauséabonde qui, sous couvert du bleu blanc rouge, n’a d’autre but que de fractionner, d’exclure et de s’opposer à celles et ceux qui entendent donner à cette devise son caractère universel.

    Nous avons pu éviter le pire. Mais le plus dur reste à faire. Il nous faut rapidement agir pour que ces idéologues ne puissent plus séduire tous ces compatriotes auxquels ils font croire qu’en renversant la table ils seraient assurés de pouvoir vivre des jours meilleurs. Tel doit être l’objectif premier de cette nouvelle équipe gouvernementale.

    Comme pour la République, ces trois autres mots en R peuvent avoir, eux aussi, valeur de devise et le Président aurait dû avoir la sagesse de les glisser dans son discours. Ils sont, pour nous, la condition sine qua non d’un possible regain de notre fierté nationale.

    Le Respect ! Il faut, en effet, commencer par se respecter les uns des autres, quelle que soit la place que nous occupons dans la société, quelles que soient aussi nos racines.

    La Reconnaissance ! Nous nous la devons mutuellement. Elle doit se vivre sans la moindre condescendance ou, à l’inverse, sans que l’on puisse de sentir redevable envers celle ou celui qui vous l’accorde. Il en va de notre dignité à tous.

    Reste la Responsabilité !

    A chaque instant, n’oublions jamais notre propre responsabilité ! Soyons les acteurs lucides et solidaires de notre destin ! Nous avons tous une ou des compétences à mettre au service du bien commun. Ne nous mésestimons pas ! N’exigeons pas de nos élus ce que nous nous refuserions de nous imposer à nous-mêmes ! Ne soyons pas les moutons de Panurge – Rabelais, encore Rabelais ! -  mais, au contraire, des citoyens d’une République en quête d’exemplarité !

     

                                                                                                                                    Claude Tarin

                                                                                                                     Vendredi 12 janvier 2004

     


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    Les vœux, l’échange des vœux, un pari sur l’avenir, pour le moins immédiat ? Une formule de circonstances « bien huilée » pour donner corps à la tradition ? Un espoir raisonné empreint d’affect, pour ses proches, ses amis, ses voisins, son pays, voire pour l’espèce humaine dans son entièreté, comme je me plais à l’espérer ?  Assurément, une gageure, compte tenu de l’état du monde.

    En ces tout premiers jours de cette nouvelle année, c’est à une chanson de Jean Ferrat que s’accroche mon espoir de voir le chemin s’éclaircir un tant soit peu. Une chanson qui date (1975), mais qui, un demi-siècle après avoir enchanté nos oreilles si ce n’est le cœur, n’a pas encore percuté dans bien des esprits, même dans ce pays de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il faut remettre le vinyle sur le tourne-disque.

    Je fais ici référence à La Femme est l’avenir de l’homme, une transcription que Jean Ferrat, grande voix de la chanson française, a tiré d’un poème (Le Fou d’Elsa) de Louis Aragon (1897-1982). C’est en pensant à cette préoccupation de notre avenir commun que, soudainement, je me suis surpris à fredonner cette chanson, qu’il faut croire bien ancrée dans mon subconscient. Il serait bon qu’elle tourne en boucle sur tous ces nouveaux supports numériques, pour qu’elle parvienne jusqu’aux esgourdes des machistes les plus endurcis et très mal embouchés. Oui Messieurs qui prétendez être du sexe dit fort, même si comme vous je ne peux que regretter le dogmatisme – comme tout dogmatisme - d’un certain féminisme, la femme est bien l’avenir de l’homme…de l’humanité.

     

    Le poète a toujours raison, qui voit plus haut que l'horizon

    Et le futur est son royaume

    Face à notre génération, je déclare avec Aragon

    La femme est l'avenir de l'homme

     

    Si on prend le temps de regarder dans le rétroviseur, nul ne peut contester le calvaire qu’ont enduré les femmes sous la coupe des hommes, dans un monde sous l’emprise des religions peu enclines à les entendre. Oui Monsieur Ferrat, le poète « qui détruit l’ancienne oraison » a toujours raison. Au diable, l’histoire fabriquée de toute pièce – on parle aujourd’hui de fake News – d’Adam et Eve.

     

    Pour accoucher sans la souffrance, pour le contrôle des naissances

    Il a fallu des millénaires

    Si nous sortons du moyen âge, vos siècles d'infini servage

    Pèsent encore lourd sur la terre

     

    Jean Ferrat a tiré sa révérence en 2010 alors qu’il s’apprêtait à franchir le cap de ses quatre-vingts ans. Tout comme lui, comment ne pas se réjouir des progrès qui ont été accomplis. Je n’ai pas oublié ces temps où la contraception faisait débat dans ce pays qui m’a vu naître. Je n’ai pas oublié ces veuves marchant vers le cimetière derrière le corbillard, contraintes de masquer leur chagrin sous une voilette de dentelle ; à cette époque les femmes françaises venaient tout juste d’obtenir le droit de vote, mais l’avis du mari conservait encore sa prépondérance. C’était hier !

    Le 10 mars prochain, cela fera quatorze ans que le chanteur poète a tiré sa révérence. Il nous faut, hélas, encore « réapprendre à vivre, ensemble écrire un nouveau livre ; redécouvrir tous les possibles. »

    Si je donne l’impression, une nouvelle fois, d’être un s’en va t’en guerre contre celles et ceux qui pratiquent leur foi, je m’empresse d’apporter un correctif. Mes profondes convictions ne m’ont pas rendu intolérant ni même aveugle. Au sein de la chrétienté, au sein même des couples de croyants, les lignes ont profondément bougé. Dans d’autres communautés aussi, mais d’une ampleur moins apparente.

     Dans le fracas humanitaire, brièvement étouffé par celui des feux d’artifice saluant le passage à la nouvelle année, je ne peux cependant oublier le courageux combat que mènent en Iran des femmes de confession musulmane. Certes elles ne sont pas les seules, car sous les tchadors, les burqas, les hijabs et niqabs, d’autres femmes de par ce vaste monde rongent leur frein d’impatience. Mais ce qui semble encore relever de l’impossible dans des Théocraties exacerbées doit pouvoir éclater au grand jour au pays de Marianne, icône de la République.

    Il appartient à nos concitoyens musulmans, à ceux qui n’ont pas encore compris que la laïcité est source de tolérance et de fraternité, de faire en sorte, qu’au sein de leur propre famille, la femme, leurs filles puissent s’affirmer au grand jour, sans ses attributs de soumission. Voyez le chemin accompli par les familles chrétiennes ! Emboîtez-leur le pas ! Vous n’avez rien à perdre ; bien au contraire.

    Peut-être le savent-ils, mais j’en doute, le texte dont s’est inspiré Jean Ferrat nous ramène dans une Andalousie sous domination musulmane. C’est dans Le Fou d’Elsa, recueil de poèmes publié en 1963, au lendemain de la guerre d’Algérie, que Luis Aragon écrit : « L’avenir de l’homme est la femme ». Pour les besoins de la rime, Jean Ferrat a procédé à une simple inversion, mais la motivation demeurait la même : prôner la coexistence respectueuse et mutuellement enrichissante des civilisations, en plaçant la femme à égalité de l’homme.

    Alors s’il y a un vœu qu’il nous faut émettre, c’est que nous puissions, ensemble, « redécouvrir les possibles ».

     

                                                                                                                                   Claude TARIN 

                                                                                                                        Lundi 2 janvier 2024


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    Hautbois et musettes résonnent déjà dans les cœurs. Les sapins sont décorés et la magie de Noël s’empare des esprits, petits et grands. Doit-on se sentir coupables de se laisser porter par cette tradition religieuse, en faisant fi des tragédies qui se nouent autour de nous ? Non, bien évidemment. N’est-ce pas tout au plus s’accorder un répit salutaire, une soupape de décompression avant de replonger dans l’atmosphère délétère d’une Terre qui ne tourne plus rond ? Mais a-t-elle déjà tourné rond, depuis ce fameux big bang auquel j’ai été amené à faire allusion dans ma précédente chronique ? Depuis la nuit des temps, la planète a été le théâtre de luttes intestines, bien avant l’apparition de l’homme. Cela n’a fait qu’empirer et les religions ne sont pas étrangères à ce regrettable état de fait ; loin s’en faut. La tragédie qui se noue sur les rives du Jourdain en est la énième illustration. Intégrisme contre intégrisme, fanatisme contre fanatisme... Et Dieu dans tout cela ?

    Hautbois et musettes sonneront très forts dans des chaumières ce lundi prochain, comme cela a été le cas depuis que les responsables de l’Église catholique ont décidé de célébrer la naissance du « divin enfant » chaque 25 décembre ; un « divin enfant » qui, quelques années plus tard, si on se réfère aux auteurs des Évangiles, n’aura eu de cesse de distiller ce message : « Aimez-vous les uns les autres ! » Force est de constater que cet « homme remarquable », comme le qualifiera le philologue Ernest Renan (1823-1892), n’a pas encore été entendu.

    Homme remarquable ? Donc en aucun cas fils de Dieu ; tout au plus un simple prophète parmi tant d’autres, mais qui, à l’instar de Moïse ou de Mahomet, pour ne parler que des religions monothéistes, peut se targuer d’avoir quand même réussi à imposer son emprise sur des pans entiers de l’humanité.

    Je n’ai pas attendu de lire Vie de Jésus de Renan pour rompre avec les dogmes de l’Église catholique - le destin m’ayant fait naître dans une paroisse - et n’ai eu depuis aucune intention d’adhérer à ces autres courants de pensées religieuses qui nous font croire, eux aussi, à un après enchanteur, sous le regard bienveillant d’un Créateur. La rupture s’est faite progressivement, par intuition, par empirisme, comme mû par la nécessité de se libérer d’un carcan.

    Avais-je commis un grave pêché pour avoir communié alors que je n’avais pas encore digéré le petit déjeuner ? Combien de fois suis-je rentré dans le confessionnal en essayant de me trouver une faute « mortelle » ou, pour le moins « vénielle », à avouer ? Assurément, un nombre incalculable de fois. Le confessionnal ? Un passage contraint au sortir duquel, immanquablement il fallait ânonner, à haute voix, trois « Notre Père » et trois « Je vous salue Marie », le prix à payer pour se sentir de nouveau en phase avec des principes supposés intangibles.

    Pour autant, s’agissant de ce rendez-vous de Noël, je ne peux nier avoir conservé le souvenir prégnant de cette voix qui s’élevait sous la voûte de l’église paroissiale, lors de la messe de minuit, pour annoncer la venue de « l’homme Dieu », le « Rédempteur ». À bien des égards, interprétant Minuit Chrétien, la voix du boucher du village, Ange, le bien nommé, ami d’enfance de mon père, aura eu plus d’impact que celle de l’incontournable Tino Rossi que distillait sur leurs antennes les stations de radio et que l’on recycle chaque année. Le lieu, l’église, n’y étant pas pour rien.

    Je n’ai pas non plus oublié l’émotion qui fut mienne quand, quelques décennies plus tard, je me suis retrouvé devant la tombe de Franz Xaver Gruber (1787-1863), creusée devant chez lui, à Hallein, ville du land de Salzbourg, en Autriche. Nous lui devons cette émouvante mélodie du Stille Nacht, Heilige Nacht, notre Douce Nuit, Sainte Nuit. Ce sera un plaisir renouvelé pour mon âme d’enfant – seule subsistance de mon éducation religieuse- que de l’entendre dans les heures qui viennent. Le 21 décembre 1914, dans les parages d’Ypres, en Belgique, des soldats allemands, du fond de leur tranchée, allumèrent des bougies et entonnèrent ce chant, aussitôt repris par des soldats anglais ; quelques heures durant les armes se turent…L’histoire va-t-elle se répéter sur les rives du Donest ? Des soldats russes oseront-ils braver les ordres du Kremlin en faisant ainsi entendre leur désarroi d’être conduits à faire usage de leurs armes contre les Ukrainiens, anciens frères d’arme de feue l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques ; une agression qui, ne l’oublions pas, a reçu la bénédiction des plus hautes autorités de l’Église orthodoxe russe ? Le sabre et le goupillon continuent à faire bon ménage. Et Dieu dans tout cela ?

    Je suis de ceux qui regrettent que l’on n’ait pas accordé suffisamment d’importance à cette année du bicentenaire de la naissance d’Ernest Renan. Ce grand penseur du XIXème siècle, ancien séminariste « défroqué », a pour lui d’avoir bâti une œuvre construite autour de cette idée d’un Dieu universel, débarrassé de tous les oripeaux des Églises temporelles. Certes, qu’importe cette notion d’anniversaire, la pensée demeure, mais il aurait été bon d’y revenir compte tenu de cette déflagration qui ensanglante la planète plus de vingt siècles après la naissance du « divin enfant ». Les Religions, mais aussi la Nation, la Démocratie, la Science, sur toutes ces thématiques Renan est une voix qu’il faut à nouveau entendre et, surtout, bien comprendre, sans lui faire dire ce qu’il ne dit pas.

    Bien évidemment, il n’est pas le seul, ni le premier, à avoir contesté la véracité des écrits bibliques. Dans sa toute dernière livraison, le romancier José Rodriguez dos Santos n’hésite pas à titrer : « Spinoza, L’homme qui a tué Dieu » ; un récit « romanesque » (Ed. Hervé Chopin) s’appuyant sur la vie de ce philosophe que d’aucuns considèrent comme le précurseur de la contestation des dogmes religieux. De fait, Baruch Spinoza (1633-1677) sera exclu de la communauté juive pour avoir émis le doute sur la véracité de la bible hébraïque et sera contesté par les Calvinistes dans son pays d’accueil, aujourd’hui Pays-Bas. Sa famille d’origine portugaise avait été amenée à fuir l’Inquisition qui régnait alors sur la péninsule ibérique. Là encore, il ferait bon de se ressourcer à ses écrits. Mais a-t-il vraiment tué Dieu ? Et si oui, lequel ?

    Dieu pour les chrétiens, Elohim, pour les juifs, Allah pour les musulmans…Un seul et même dieu ? Il est clair que pour une grande partie de l’humanité, l’idée d’un Dieu suprême demeure, mais, selon les sources auxquelles ils se réfèrent, les croyants n’interprètent toujours pas son message de la même façon. Inquisition, croisades, pogroms, génocides, guerres de religions, Saint-Barthélemy…que de massacres et de crimes contre l’humanité a-t-on commis au nom de cet être suprême invisible et visiblement indifférent.

    Depuis la monstruosité de l’acte commis par le Hamas et ses horribles conséquences, l’humanité replonge dans ses errements. Cette loi sur l’immigration qui vient d’être adoptée, qui n’honore pas un pays qui se vante d’être le berceau des droits de l’Homme, masque à peine la peur que génèrent les thuriféraires des sourates de Mahomet (570-632) ; non sans raison ; mais faut-il céder à la peur ? Les terroristes du Hamas peuvent se féliciter de nous avoir ramenés aux ténèbres. Dans le sillage d’Al-Qaïda et Daesh, ils sont devenus les porte-drapeaux d’un djihad revanchard et ont réveillé les vieux-démons du racisme anti-arabe.

    Pourquoi ce Dieu, dont les chrétiens vont fêter le fils, a-t-il voulu qu’il en soit ainsi ? L’agnostique que je suis, fortement athéiste, ne peut qu’émettre cette idée selon laquelle la foi n’a rien à faire dans la conduite du monde. On peut vivre sans un dieu, dans le respect de l’autre. C’est à chacun de s’en persuader.

     

                                                                                                                                         Claude Tarin

                                                                                                                    Samedi 23 décembre 2023


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