• Notre avenir...au travers d'une chanson d'hier

     

    Les vœux, l’échange des vœux, un pari sur l’avenir, pour le moins immédiat ? Une formule de circonstances « bien huilée » pour donner corps à la tradition ? Un espoir raisonné empreint d’affect, pour ses proches, ses amis, ses voisins, son pays, voire pour l’espèce humaine dans son entièreté, comme je me plais à l’espérer ?  Assurément, une gageure, compte tenu de l’état du monde.

    En ces tout premiers jours de cette nouvelle année, c’est à une chanson de Jean Ferrat que s’accroche mon espoir de voir le chemin s’éclaircir un tant soit peu. Une chanson qui date (1975), mais qui, un demi-siècle après avoir enchanté nos oreilles si ce n’est le cœur, n’a pas encore percuté dans bien des esprits, même dans ce pays de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il faut remettre le vinyle sur le tourne-disque.

    Je fais ici référence à La Femme est l’avenir de l’homme, une transcription que Jean Ferrat, grande voix de la chanson française, a tiré d’un poème (Le Fou d’Elsa) de Louis Aragon (1897-1982). C’est en pensant à cette préoccupation de notre avenir commun que, soudainement, je me suis surpris à fredonner cette chanson, qu’il faut croire bien ancrée dans mon subconscient. Il serait bon qu’elle tourne en boucle sur tous ces nouveaux supports numériques, pour qu’elle parvienne jusqu’aux esgourdes des machistes les plus endurcis et très mal embouchés. Oui Messieurs qui prétendez être du sexe dit fort, même si comme vous je ne peux que regretter le dogmatisme – comme tout dogmatisme - d’un certain féminisme, la femme est bien l’avenir de l’homme…de l’humanité.

     

    Le poète a toujours raison, qui voit plus haut que l'horizon

    Et le futur est son royaume

    Face à notre génération, je déclare avec Aragon

    La femme est l'avenir de l'homme

     

    Si on prend le temps de regarder dans le rétroviseur, nul ne peut contester le calvaire qu’ont enduré les femmes sous la coupe des hommes, dans un monde sous l’emprise des religions peu enclines à les entendre. Oui Monsieur Ferrat, le poète « qui détruit l’ancienne oraison » a toujours raison. Au diable, l’histoire fabriquée de toute pièce – on parle aujourd’hui de fake News – d’Adam et Eve.

     

    Pour accoucher sans la souffrance, pour le contrôle des naissances

    Il a fallu des millénaires

    Si nous sortons du moyen âge, vos siècles d'infini servage

    Pèsent encore lourd sur la terre

     

    Jean Ferrat a tiré sa révérence en 2010 alors qu’il s’apprêtait à franchir le cap de ses quatre-vingts ans. Tout comme lui, comment ne pas se réjouir des progrès qui ont été accomplis. Je n’ai pas oublié ces temps où la contraception faisait débat dans ce pays qui m’a vu naître. Je n’ai pas oublié ces veuves marchant vers le cimetière derrière le corbillard, contraintes de masquer leur chagrin sous une voilette de dentelle ; à cette époque les femmes françaises venaient tout juste d’obtenir le droit de vote, mais l’avis du mari conservait encore sa prépondérance. C’était hier !

    Le 10 mars prochain, cela fera quatorze ans que le chanteur poète a tiré sa révérence. Il nous faut, hélas, encore « réapprendre à vivre, ensemble écrire un nouveau livre ; redécouvrir tous les possibles. »

    Si je donne l’impression, une nouvelle fois, d’être un s’en va t’en guerre contre celles et ceux qui pratiquent leur foi, je m’empresse d’apporter un correctif. Mes profondes convictions ne m’ont pas rendu intolérant ni même aveugle. Au sein de la chrétienté, au sein même des couples de croyants, les lignes ont profondément bougé. Dans d’autres communautés aussi, mais d’une ampleur moins apparente.

     Dans le fracas humanitaire, brièvement étouffé par celui des feux d’artifice saluant le passage à la nouvelle année, je ne peux cependant oublier le courageux combat que mènent en Iran des femmes de confession musulmane. Certes elles ne sont pas les seules, car sous les tchadors, les burqas, les hijabs et niqabs, d’autres femmes de par ce vaste monde rongent leur frein d’impatience. Mais ce qui semble encore relever de l’impossible dans des Théocraties exacerbées doit pouvoir éclater au grand jour au pays de Marianne, icône de la République.

    Il appartient à nos concitoyens musulmans, à ceux qui n’ont pas encore compris que la laïcité est source de tolérance et de fraternité, de faire en sorte, qu’au sein de leur propre famille, la femme, leurs filles puissent s’affirmer au grand jour, sans ses attributs de soumission. Voyez le chemin accompli par les familles chrétiennes ! Emboîtez-leur le pas ! Vous n’avez rien à perdre ; bien au contraire.

    Peut-être le savent-ils, mais j’en doute, le texte dont s’est inspiré Jean Ferrat nous ramène dans une Andalousie sous domination musulmane. C’est dans Le Fou d’Elsa, recueil de poèmes publié en 1963, au lendemain de la guerre d’Algérie, que Luis Aragon écrit : « L’avenir de l’homme est la femme ». Pour les besoins de la rime, Jean Ferrat a procédé à une simple inversion, mais la motivation demeurait la même : prôner la coexistence respectueuse et mutuellement enrichissante des civilisations, en plaçant la femme à égalité de l’homme.

    Alors s’il y a un vœu qu’il nous faut émettre, c’est que nous puissions, ensemble, « redécouvrir les possibles ».

     

                                                                                                                                   Claude TARIN 

                                                                                                                        Lundi 2 janvier 2024


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :