• Edition: "Science et religion" de Marcel Cachin

    Marcel Cachin croqué par son ami Pablo Picasso. Ce dessin illustre, sur fond rouge, la couverture d’un livre que vient de faire paraître (Editions Le Temps des Cerises) Daniel Hertzog, petit-fils  du co-fondateur du Parti Communiste Français. C’est ce même portrait qui illustrait l’ouvrage que sa mère, Marcelle Hertzog-Cachin, avait publié aux Editeurs Français Réunis, en 1964, pour saluer la mémoire de son père.

     L’ancien directeur du journal L’Humanité  (de 1918 à 1958), par inclination personnelle, a su établir de solides  relations avec le monde des arts. A Paris, siège du journal, à Antibes, où une partie de sa famille résidait, mais aussi sur cette côte nord de Bretagne que chérissait ce Paimpolais. Marcel Cachin avait un pied-à-terre à Lancerf.  Sa mère, Marie-Louise Le Gallou était originaire de Frynaudour en Plourivo Picasso (qui a adhéré au PCF en 1944) ne sera jamais venu à Kermouster, mais Maximilien Luce et Henri Matisse ont été des familiers de la maison de Charles Thorndike, aujourd’hui propriété de Gilles Hertzog. Et que dire du lien qui s’est noué entre Marcel Cachin et Paul Signac, Charles Cachin, le fils, ayant épousé Ginette Signac, fille de ce peintre néo-impressionniste qui aura séjourné plusieurs années de suite à Lézardrieux, pour y peindre tout en s’adonnant aux plaisirs de la navigation.

    Edition: "Science et religion" de Marcel Cachin

     Marcel Cachin et son ami Pablo Picasso

    Marcel Cachin aura toujours été à l’écoute de ces artistes peintres qui ont bousculé l’Académisme et les conservatismes. Mais ce n’est pas pour nous parler de cette imprégnation que Daniel Hertzog nous invite à découvrir ou redécouvrir  la « densité » de ce grand-père qui sera resté fidèle à la pensée de Jaurès après lui avoir succédé à la tête de L’Humanité, et ce, malgré la scission du mouvement ouvrier en 1920, « Jean Jaurès, dira Marcel Cachin,  fut pour moi plus qu’un ami, presque un père. C’était un homme admirable, incapable de la plus petite mesquinerie, de la moindre rancune »

     Science et religion – c’est le titre de l’ouvrage – fait ressortir de l’oubli un essai écrit en 1943, dans une France alors soumise au joug du Nazisme. Marcel Cachin vit alors dans la clandestinité. Même si, comme le souligne, dans la préface, le philosophe Yvon Quiniou, le texte n’est pas exempt de « points théoriques ou politiques qu’on doit corriger ou enrichir », cet essai philosophique méritait effectivement d’être mis sous presse. Pour Daniel Hertzog, qui signe quant à lui la postface, il est clair que son grand-père apporterait lui-même des modifications à ce texte s’il devait l’écrire aujourd’hui. Mais il dénoncerait, tout comme lui, une situation qui n’a guère évolué sur le fond. Pour Daniel Hertzog la religion, plus précisément les religions, « appuyées par des forces capitalistes réactionnaires » continuent à peser sur les esprits. Pour preuve : la montée en puissance du courant « créationniste ». Entre science et religion, le débat n’est pas clos. Loin s’en faut !

    Fortement influencé par Ernest Renan

     Ce texte, court mais dense (une cinquantaine de pages), ne se limite pas à un réquisitoire contre l’opposition acharnée qu’aura eu l’Eglise catholique, en tant qu’institution, à combattre les progrès de la science - Souvenons nous de Galilée ! - il souligne l’impérieuse nécessité, qui demeure la nôtre, à croire au génie de la pensée humaine, libérée de toute entrave mystique.

    Comment ne pourrait-on pas évoquer ici le sort qui fut réservé, en 1924, au père jésuite Teilhard de Chardin, paléontologue émérite, condamné par ses pairs  à taire, au nom de sa foi dans le Christ,  sa croyance à l’évolution telle que l’a définie Darwin. « Malgré l’estime que j’avais et que je garde à ce grand prêtre et à ce grand savant qu’est le père Teilhard, je ne voterais plus pour lui s’il était candidat à une charge publique, parce qu’il m’est impossible d’admettre qu’un homme de science obéisse à des injonctions qui lui sont données par des sots et par des ignorants » dira, à la tribune du Palais Bourbon le 15 mars 1946, Paul Rivet fondateur du musée de l’Homme, naguère inspirateur du Front populaire.

     

    Edition: "Science et religion" de Marcel Cachin

    En plein coeur de Tréguier, statue d'Ernest Rénan aux côtés d'Athena. Cemonument, inauguré en septembre 1903 avaiy suscité la colère des Catholiques.

    Né dans une terre profondément religieuse, fils d’un gendarme et d’une fileuse de lin, « très religieuse et pratiquante » aux dires de Daniel Hertzog, Marcel Cachin ne s’est jamais affirmé comme un adversaire acharné du fait religieux. « Pourquoi voulez-vous qu’étant incroyant je déteste les religions et les croyants. Je ne puis en vouloir à un monde qui ne diffère de moi que par une manière autre d’arranger ses idées dans son cerveau ». Même s’il tire la conclusion selon laquelle il n’y a pas d’autre issue pour l’humanité douloureuse que de s’appuyer sur le communisme, il affiche ici, sans sectarisme, une conviction basée sur les progrès indéniables de la science. « On n’a pas le droit de prétendre que la poésie s’évanouit à mesure que la science prend le pas sur les mythes et sur les légendes des religions » écrit Marcel Cachin.

     Nous apprenons, à la lecture de ce livre, que Marcel Cachin, apôtre du matérialisme et thuriféraire du monde scientifique, a construit sa réflexion en se référant aux écrits d’Ernest Renan, grand spécialiste de l’histoire des religions. Séminariste destiné à la prêtrise, Renan perdra la vocation par la force de ses convictions forgées au fil de ses lectures bibliques et de ses recherches menées « en Terre Sainte». Nous ne pouvons, quant à nous, cacher l’importance que revêt la lecture de  La vie de Jésus, un ouvrage qui valut à cet esprit éclairé et bienfaisant de subir, lui aussi, les foudres d’une Institution arc-boutée sur les « vérités du Livre ». Vérités qu’Ernest Renan, homme de savoir, n’a guère eu de mal à en contester le bien fondé. Sans en arriver toutefois à dénier un rôle bénéfique à la religion. L’œuvre de ce Trégorrois mériterait d’être elle aussi d’être mieux connue. Elle n’a pas pris une ride.

     Le "Miracle" de Marie Curie

     Quinze ans durant professeur de philosophie (à Bordeaux) puis homme politique de premier plan, Marcel Cachin aura été un observateur attentif et un acteur passionné de son époque. Il a été notamment témoin des fabuleux progrès dus à des savants qui ont pour noms Louis Lapicque, Pierre et Marie Curie, Jean Perrin, Paul Langevin, Irène et Frédéric Joliot Curie. Nous ne citons qu’eux pour rappeler que ces personnalités  sont en quelque sorte des « pays ».. Toutes ces sommités scientifiques avaient trouvé un havre de ressourcement derrière cette pointe de l’Arcouest qui encadre, sur sa droite, le point de vue panoramique de Kermouster. Sorbonne Plage, Cachin était in familier du lieu.

     Dans son essai, incise sarcastique d’une plume que Daniel Hertzog et Yvon Quiniou qualifient, à raison, de « fine » et  de « superbe », Marcel Cachin n’hésite pas à utiliser le terme de « miracle » quand il évoque la découverte du radium par Pierre et Marie Curie. Miracle, car « un gramme de radium fournit autant d’énergie que 3000 tonnes de charbon » et d’affirmer qu’ainsi « l’humanité aura de l’énergie pour rien. On pourra fermer les mines de charbon et les puits de pétrole. Quel rêve ! Des savants intrépides ont entrepris de le réaliser. »  Nous l’avons déjà souligné, l’aspect visionnaire de ce texte philosophique est ici quelque peu contredit par la marche du temps. Le « miracle » se fait attendre. La radioactivité engendre aussi des craintes.

     

    Edition: "Science et religion" de Marcel Cachin

     Marcel Cachin sur un quai du port de Loguivy

     

    Einstein : « Dieu ne joue pas aux dés »

     Suite à une invite qui nous a été faite de réfléchir à cette citation d’Albert Einstein « Dieu ne joue pas aux dés », nous nous devions, dans la cadre de cet article, de suivre cette recommandation, ne serait-ce que pour nous ôter d’un doute : le père de la relativité croyait-il en Dieu ?  Nos recherches nous permettent d’affirmer qu’Albert Eisntein se définissait « comme un non croyant profondément religieux » mais ajoutait aussitôt « C’est en quelque sorte une nouvelle forme de religion ». Toute analyse faite, quand il déclare « Dieu ne joue pas aux dés », il n’affirme pas une croyance en l’existence du Dieu des croyants, mais que  « la nature suit des lois déterminées ».

     Cela montre bien que le débat « constructif » ne se situe peut-être plus entre Science et Religion mais entre Science et Ethique, hors de toute référence à une morale chrétienne figée dans le dogme. C’est au citoyen et à lui seul que revient le devoir de veiller à ce que la conquête du savoir soit, en permanence, bénéfique à l’évolution irréversible de l’humanité. Marie Curie pouvait-elle pressentir que ses découvertes sur la radioactivité, dont on a tiré tant de bénéfices, donneraient naissance aux bombes d’Hiroshima et de Nagasaki ?  Bien qu’ayant rompu définitivement avec la religion, suite au décès de sa mère, femme extrêmement pieuse, Marie Curie était profondément humaniste.

     Daniel Hertzog présentera « Science & Religion », le samedi matin 22 octobre prochain (à partir de 10h30), à la librairie « Bouquine » de Pleubian et le mercredi 26 octobre à la Maison de la Presse de Paimpol (mêmes horaires) 


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  • Ayant été amenés à arpenter d’autres chemins la semaine dernière, nous n’avons découvert les améliorations apportées à celui qui relie le hameau à la grève de l’île à Bois qu’une fois les pelles et pioches remisées. Une poignée de « mercenaires de la bonne cause » ont, en effet, procédé à des aménagements facilitant le passage, dans deux endroits précis. A mi-route, pour gommer la difficulté d’un trop grand dénivellement, ils ont aménagé un escalier. A même la grève, ils ont réorganisé le champ caillouteux, avec l’aide appréciée d’un tractopelle,  afin que l’on puisse sans difficulté aucune, hormis les heures de pleine mer lors des grandes marées,  accéder à l’estran (photos ci-dessous). L’heure n’est peut-être plus au farniente, sur un sable ayant quelque peu conservé la chaleur de l’été, mais voici une initiative  qui comblera les marcheurs de tout temps.

    Chemin rénové vers l'île à Bois

    Chemin rénové vers l'île à Bois


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  • Nous avons certainement les politiques que nous méritons. Cela dit, sans verser dans un « apolitisme primaire », nous ne pouvons que relayer l’invite qui nous a été faite de visionner une vidéo que des Kermoustériens de cœur  – on vous laisse le soin de les reconnaître – ont concocté pour fustiger la manière d’être de ceux qui aspirent à nous gouverner . Ces « Bobos des urnes » ont incontestablement du talent. Sur le même terrain, dont les politiques usent abusivement, celui de l’image, ils se servent à bon escient de la dérision pour « mettre en musique » le ras le bol du démocrate de base. Cliquez sur ce lien!

     

    https://youtu.be/DaZg5f23ZBk 


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  • Les sourciers

    Ce jour, on prend le risque de ne pas se faire que des amis, voire d’en perdre, mais comment pourrions nous taire encore notre scepticisme face à la pseudo science des sourciers. Et pourtant, nous ne pouvons le nier, nous avons été récemment bluffés par cette capacité qu’ont certaines personnes à capter, si ce n’est la présence d’eau souterraine, les effets des ondes électromagnétiques.

    Ainsi, le dimanche matin 18 septembre,  lors de la journée du patrimoine, c’est Robert Mouly qui s’est révélé maître en la matière. Devant un groupe de visiteurs médusés, il a sorti pendule et baguettes pour indiquer à son auditoire que sous cet édifice religieux il y avait des nappes d’eau tout autour de la chapelle.

    Nous en serions peut-être restés là si, quelques jours plus tard, un ami de l’Orne, venu nous rendre visite, n’avait pas révélé lui aussi son attrait pour les énergies telluriques et, par là-même, réveillé en nous l'envie de "creuser cette affaire"..

    Les sourciers

    André, que nous savions passionné par tout ce qui concerne les églises médiévales, aime savoir où il met les pieds. Depuis qu’il a mis le nez dans un livre d’Henri Vincenot, Le Pape des escargots, dont le personnage central, La Gazette, est un « trouveur d’eau », il trimballe toujours avec lui ses baguettes. Celles-ci, les mêmes que celles de Robert Mouly, n’ont plus rien à voir avec la traditionnelle branche de coudrier, en forme de Y. Ce sont des baguettes en laiton, avec poignée pivotante, que l’on tient à bout de bras, parallèlement, en serrant les coudes sur le torse.

    Aux endroits où Robert Mouly avait décelé la présence de l’eau, les baguettes de « Dédé » se sont elles aussi agitées. Mais, cette fois, la démonstration s’est poursuivie à l’intérieur d’une chapelle baignant dans le silence. Ayant pu récupérer les clefs pour permettre à ce passionné du Moyen Age d’en découvrir les richesses patrimoniales, notre ami ornais s’est empressé de sonder l’édifice. Et pour lui, baguettes frétillantes à l’appui, la chapelle est bien, comme il en était convaincu d’avance, sous influence des  réseaux Hartmann et Curry et là où il y a de l’eau le corps ressent plus fortement  l’effet des ondes électromagnétiques.  

    Nous ne sommes pas experts en géobiologie, la science qui étudie les influences des ondes électromagnétiques qui émanent de la terre, les fameux courants telluriques. Les noms d’Ernst Hartmann et de Manifed Curry nous étaient jusqu’à ce jour inconnus. Celui d’Yves Rocard, non. Et pour cause, le père de Michel Rocard est à juste titre considéré comme étant aussi le père de la première bombe atomique française. Son nom nichait dans un coin de la mémoire. Mais nous ignorions tout de ses travaux se rapportant aux sourciers. Avant d’écrire ces lignes, nous avons donc cherché à en savoir plus et si le sujet vous passionne n’hésitez pas à approfondir la question car il donne toujours lieu à débat si ce n’est à controverse.

    Nous retenons pour notre part une des conclusions du professeur Yves Rocard, qui figure, d après les sources consultées, dans un ouvrage qu’il a écrit en 1969 (Le signal du sourcier). Pour lui, ce n’est pas l’eau qui provoque la vibration de la baguette mais une perturbation locale du champ magnétique terrestre. Il ne fait aucun doute selon lui que nous n’avons pas tous la même  sensibilité à ces effets. Qui plus est, celle-ci varie selon les moments.

    Ainsi, là où notre ami sourcier a ressenti une forte « décharge » (à même le chœur), nous sommes navrés d’avoir à dire que nous n’avons pas senti les pulsions de la terre.  Aucune statue de Saint Thomas dans la chapelle, mais pour nous aussi le doute est consubstantiel à notre façon d’être. .

    Nous sommes convaincus que nos réserves ne suffiront pas à convaincre notre ami qu’il lui faut remiser ses baguettes dans l’armoire aux souvenirs. Nous manquons d’arguments pour cela. Nous le savons méthodique et rigoureux, ne confondant pas son art de la sourcellerie – on parle aujourd’hui de radiesthésie - avec la sorcellerie. Son érudition en matière de géologie et de l’histoire des sites religieux  est un gage de sérieux. Aussi nous ne demandons qu’à le croire quand il dit que la chapelle de Kermouster, du moins l’oratoire des débuts, a été construit sur un lieu où se trouvaient des vestiges d’un culte remontant quasiment au Paléolithique.

    En naviguant sur la toile nous avons capté plusieurs sources (écrites !) qui recoupent cette information. Dans les temps lointains, les hommes avaient déjà une connaissance intuitive dans le domaine du géomagnétisme et selon certains chercheurs dolmens et menhirs n’étaient pas implantés au hasard de l’humeur du jour. On peut même penser qu’à l’époque d’un César triomphant, il se trouvait ici un druide pour officier. Il y a peu encore, Kermouster cultivait la réputation de « village gaulois ». Voici une suggestion qui risque de conforter cette image.

    Qu’on se rassure toutefois ! Bien que militant pour la sauvegarde du patrimoine de cette chapelle, nous n’irons pas jusqu’à suggérer que l’on procède à des forages pour trouver une éventuelle trace de « potion magique », ni pour valider l’existence d’une  source d’eau. L’environnement immédiat (le lavoir, la fontaine) tend à prouver que cette hypothèse n’est en rien farfelue.

    Pour conclure voici deux autres ouvrages que notre ami sourcier recommande de lire, si tant est que vous ayez l’envie de devenir sourcier, vous aussi : Les réseaux géobiologiques du Docteur Ernst Hartmann par Gilbert Fleck et Jean-Pierre Garel (Editions 3 fontaines) et Le grand livre des sourciers par Anne Jaeger-Nosal (Editions de Vacchi)

     

    Les sourciers

     

     


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  • La chapelle conserve des secrets

     

     Quelque cent cinquante personnes ont mis à profit les journées du patrimoine pour découvrir ou revisiter la chapelle de Kermouster. Les membres de l’Amicale, qui ont assuré la permanence ces samedi 17 et dimanche 18 septembre, ont apprécié de pouvoir s’appuyer sur la présence et le savoir de Robert Mouly qui a, dans ce domaine, pris le relais d’Yvon Thomas (décédé en 2013), lui aussi rédacteur aux Cahiers de la Presqu’île.

    Dans le n°19 de cette publication * Robert Mouly a couché sur le papier les fruits de ses recherches concernant l’histoire de la chapelle. Nous disons chapelle car, comme nous allons le souligner un peu plus loin, il y aurait lieu à débattre sur le bien fondé de cette appellation. Mais, dans un premier temps, il convient de nous attarder sur l’histoire de cet édifice religieux. Les recherches menées successivement par Yvon Thomas et Robert Mouly ont considérablement déblayé le terrain, mais bien des questions demeurent sans réponse.

    Comme cela a été vérifié lors de ces journées du patrimoine, la chapelle – nous nous en tenons présentement à cette classification – conserve bien des  secrets. A commencer par la provenance des deux grandes statues polychromes qui encadrent le maître autel.

     

    La chapelle conserve des secrets

     Robert Mouly donnant des explications à ungroupe de marcheurs venus de Bourganuf (Creuse )

     

    D’où viennent les statues  de Saint Nicolas et Saint Modé ?

     

    La chapelle conserve des secrets

     A gauche, la statue de Saint Modé, à droite celle de Saint Nicolas

    Tout laisse à penser que ces statues, compte tenu de leurs imposantes dimensions, ont été récupérées sur d’autres sites n’ayant pas résisté à l’épreuve du temps. Proviennent-elles de l’abbaye de Beauport ? Robert Mouly n'écarte pas cette piste. Rappelons brièvement qui sont ces deux saints qui ont ici place d'honneur!

    Chronologiquement, sur le plan liturgique, le « bon » Saint Nicolas, protecteur des enfants, des avocats de Paris (tous les autres vénérant Saint-Yves), des célibataires mais aussi des prêteurs sur gages et des notaires, bénéficie de l’antériorité puisqu’il est né en 270 en Lycie, sur la côte sud de l’actuelle Turquie. Saint Maudez quant à lui, était un évangélisateur venu d’Ultonie (Ulster)  et qui a débarqué en Armorique au tout début du VIe siècle, en compagnie de sa sœur, désormais vénérée en Bretagne sous le nom de Sainte Juvette..

    Ce qui est définitivement acté est gravé dans la pierre. L’édifice qu’il nous est donné de connaître a d’abord été un simple oratoire, émanation de l’abbaye Saint Nicolas d’Angers, fondée, quant à elle, en 1020 par Foulques III dit Foulques Nerra (Noir), comte d’Anjou. Explication :

    Grand pèlerin de Palestine, Foulques Nerra, surnommé ainsi pour sa cruauté, a donné suite à un vœu qu’il avait fait alors que son bateau se trouvait au coeur d’une tempête. Or Saint Nicolas, nous ne l’avons pas encore dit, était aussi le protecteur des marins et des bateliers. Donc il n’y a pas lieu de s’étonner que cet évêque de Myre, que l’on fête à travers le monde, soit honoré dans un terroir de marins que ce comte venu d’outre Loire a disputé à ses voisins bretons et qui aura été un grand bâtisseur d’édifices religieux, histoire d’obtenir la clémence du Ciel après une vie, par ailleurs, riche en atrocités.

    On peut supposer que la chronologie a été également respectée en ce qui concerne la canonisation des deux saints de Kermouster, même si, comme la quasi-totalité des saints bretons, celle de Maudez (ou Modé, comme cela est écrit sur le socle de sa statue) n’a toujours pas bénéficié de l’onction papale. Le culte  de Saint Nicolas a  été introduit dès le VIIe siècle par des moines orientaux. Pour Saint Maudez, c’est la vox populi qui lui a donné son auréole.

     

    Keffieh ou simple voile sur la tête du Christ ?

     

     La chapelle conserve des secrets

    Est-ce un keffieh ou un simple voile qui couvre la tête du christ qui est suspendu au-dessus de la nef centrale ? Sur ce point de détail, il n’y a pas consensus. Les tenants du keffieh ne sont pas sans rappeler que la région a connu l’influence des Templiers, un ordre de chevaliers qui assurèrent la protection des pèlerins se rendant à Jérusalem au XIe et XIIe siècle et ont donc côtoyé des populations coiffées ainsi. D’où cette représentation peu orthodoxe.

    Reste à dater précisément la mise en forme de cette sculpture en bois. Pour Robert Mouly ce christ a été façonné dans le courant du XVe siècle

     

    Pourquoi les armoiries de Jeanne d’Arc ?

     

     La chapelle conserve des secrets

    Autre énigme : la présence d’un blason représentant les armoiries de Jeanne d’Arc. Comme on se perd en conjectures sur l’autre blason dont la facture est similaire, on ne dispose d’aucun indice fiable. Que cachent ce M et le A entrelacés de l’autre blason (photo ci-dessous) ? Robert Mouly pense que cela est en rapport avec la Vierge Marie, avec l’Immaculée Conception.  Mais ne peut-on y voir l’empreinte de  Marie-Anne-Renée de Bellingant de Penmarc’h, ancienne propriétaire des lieux. C’est elle qui décida, en 1740, de donner à l’édifice encore plus d’envergure,  quatre cents ans après que les chanoines de l’ordre de Prémontré, qui rayonnaient à partir de l’abbaye de Beauport, eurent procédé à une première modification sur la base de l’oratoire dédié à Saint Nicolas. Est-ce cette dame qui a voulu, de cette façon, honorer la mémoire de la Pucelle d’Orléans ? Si ce n’est elle, c’est donc qui ?

    La chapelle conserve des secrets

     

    Y a t il encore des gisants dans la chapelle ?

     

    La chapelle conserve des secrets

     

    Autre question sans réponse ? Sous certaines  dalles, dans la chapelle, trouverait-on les restes des personnalités dont les noms, difficilement lisibles, sont gravés dans la pierre ? De quelle époque est cette sépulture sur laquelle on peut lire « La tombe appartient à Béatrice Lavellu (u Lavell) ». Est-ce même encore une tombe ? Il se peut, bien que cette tradition moyenâgeuse, qui permettait aux hommes d’Eglise, aux nobles et autres personnages de la haute société de se faire enterrer à l’intérieur des édifices religieux,  a été interdite au XVIIIe siècle. « Nous avons retrouvé un acte royal de 1750 interdisant cette pratique dans la paroisse de Pleubian » souligne Robert Mouly. Toujours est-il  qu’un édit datant de 1776 a mis officiellement fin à cette pratique, pour d’évidentes questions de salubrité. Pour autant, il semble qu’elle se soit poursuivie plusieurs décennies durant.

     

    Mais est-ce une chapelle ?

     

    Voici une interrogation qui risque de provoquer débat mais que nous nous devons de répercuter, même si on a encore du mal, pour notre part, à admettre que « notre » chapelle est une église. C’est, en tout cas, ce que nous a affirmé Gilles Kervella, un Sarthois qui connaît bien Kermouster puisqu’il y séjourne souvent. Notamment les jours de grande marée, comme c’était le cas ce week-end d’équinoxe. Après avoir tourné moult cailloux, samedi après midi, derrière l’île à Bois,  Gilles Kervella a, comme qui dirait, lancé son pavé dans la mare.

    Juste avant la fermeture des portes, il franchissait le seuil de…l’église. Un édifice qu’il a maintes fois eu l’occasion de visiter, mais qui se pare aujourd’hui d’un nouveau vitrail. Et c’est ce vitrail qu’il lui fallait découvrir. Parce que tout ce qui concerne l’art religieux l’intéresse.

    Ancien photographe de presse puis éditeur et auteur de livres traitant de ce thème, Gilles Kervella a pour lui d’être un fin connaisseur de l’histoire des édifices religieux, même si ses travaux ne concernent que ceux de son département. Il le dit et redit : Kermouster est doté d’une église. Une église et non pas une chapelle du fait de la présence d’une chaire. Par ailleurs, il y avait aux abords de l’édifice un cimetière qui laisse à penser, selon lui, que le village a eu statut de paroisse.

    Jusqu’à ce jour, nous nous en tenions pour notre part à la notion de « frairie », c'est-à-dire une subdivision d’une trêve (celle de Lézardrieux), elle-même subdivision d’une paroisse (Pleumeur) . Kermouster était, avant la Révolution, une des frairies de la grande paroisse de Pleumeur. D’où la question : est-ce qu’une frairie pouvait avoir sa propre église ?

    Pour l’abbé Caous, le curé qui est en charge du secteur « La chaire ne suffit pas à faire une église. L’important, ce sont les fonts baptismaux, qui sont inexistants à Kermouster. Le cimetière peut aussi indiquer qu’il s’agit d’une trêve. » La trêve de Lézardrieux ayant son église, la trêve de Kermouster ne pourrait-elle pas avoir eu la sienne ?

    Documents à l’appui, Robert Mouly prêche non pas pour sa paroisse mais pour une approche plus objective, laissant à penser qu’il vaut mieux s’en tenir à la notion de chapelle. Si en 1840, la trêve de Kermouster regroupait quelque 650 personnes, il faut savoir, écrits à l'appui, que c’est à partir de cette époque que les habitants de Kerhamon, que l’on englobait dans la trêve, ont fait des pieds et des mains pour pouvoir n’assister à la messe qu’à Lézardrieux.

    Pour conclure (provisoirement ?) sur ce chapitre,  nous retenons cette suggestion émise par Yvon Le Bourva de Mihy-Tréguier , venu visiter « la chapelle » où un certain Pierre Boulé et dame Jeanne Le Guen, ancêtres de la famille, se sont mariés, le 17 octobre 1679. « Peut-être que ces notions de chapelle et d’église varient selon les régions ? ». Il est vrai que la Bretagne est riche de ses spécificités religieuses.

     

     Les vrillettes rongent la chaire

     

    La chapelle conserve des secrets

     

    La base de la chaire est rongée par les petits coléoptères, ce qui la fragilise au poin d'en interdire l'accès.

    La chaire ayant été placée au cœur de ce « débat » sémantique, notons ce passage extrait de l’article de Robert Mouly dans Les Cahiers de la Presqu’île n°19. « La paroisse de Lanmodez qui, jusqu’alors, faisait partie du diocèse de Dol, passa dans celui de Saint-Brieuc. C’est alors que s’ouvrirent  des relations assez logiques avec sa voisine Kermouster. Un prêtre de Lanmodez officia dans ce village et prétendit que la chaire empêchait les fidèles de voir l’autel, et voulu la supprimer, manière habile pour attirer ces derniers dans sa propre paroisse. Les fidèles de Kermouster comprirent sa stratégie et s’y opposèrent à juste titre. »

    On imagine aisément qu’il ne viendrait aujourd’hui à l’idée de personne  de vouloir dépouiller la chapelle de cette chaire qui date du XVIIIe siècle, sous prétexte que celle-ci fait actuellement les délices des vrillettes. Il y a quelques jours, les responsables de l’Amicale ont fait venir, pour avis, une société spécialisée dans l’entretien des édifices religieux. Le verdict a été sans appel. La chaire est « en danger ». Les larves des petits coléoptères se régalent avec l’aubier du bois.

    Alors ? Après s’être mobilisées pour donner plus d’éclat au vitrail de la façade ouest, les bonnes âmes vont-elles à nouveau cogiter pour favoriser la prise d’une décision qui éviterait l’irrémédiable ?

     * Robert Mouly nous fait savoir que le N° 19 des Cahiers de la Presqu’île est épuisé.


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