• Edition: "Science et religion" de Marcel Cachin

    Edition: "Science et religion" de Marcel Cachin

    Marcel Cachin croqué par son ami Pablo Picasso. Ce dessin illustre, sur fond rouge, la couverture d’un livre que vient de faire paraître (Editions Le Temps des Cerises) Daniel Hertzog, petit-fils  du co-fondateur du Parti Communiste Français. C’est ce même portrait qui illustrait l’ouvrage que sa mère, Marcelle Hertzog-Cachin, avait publié aux Editeurs Français Réunis, en 1964, pour saluer la mémoire de son père.

     L’ancien directeur du journal L’Humanité  (de 1918 à 1958), par inclination personnelle, a su établir de solides  relations avec le monde des arts. A Paris, siège du journal, à Antibes, où une partie de sa famille résidait, mais aussi sur cette côte nord de Bretagne que chérissait ce Paimpolais. Marcel Cachin avait un pied-à-terre à Lancerf.  Sa mère, Marie-Louise Le Gallou était originaire de Frynaudour en Plourivo Picasso (qui a adhéré au PCF en 1944) ne sera jamais venu à Kermouster, mais Maximilien Luce et Henri Matisse ont été des familiers de la maison de Charles Thorndike, aujourd’hui propriété de Gilles Hertzog. Et que dire du lien qui s’est noué entre Marcel Cachin et Paul Signac, Charles Cachin, le fils, ayant épousé Ginette Signac, fille de ce peintre néo-impressionniste qui aura séjourné plusieurs années de suite à Lézardrieux, pour y peindre tout en s’adonnant aux plaisirs de la navigation.

    Edition: "Science et religion" de Marcel Cachin

     Marcel Cachin et son ami Pablo Picasso

    Marcel Cachin aura toujours été à l’écoute de ces artistes peintres qui ont bousculé l’Académisme et les conservatismes. Mais ce n’est pas pour nous parler de cette imprégnation que Daniel Hertzog nous invite à découvrir ou redécouvrir  la « densité » de ce grand-père qui sera resté fidèle à la pensée de Jaurès après lui avoir succédé à la tête de L’Humanité, et ce, malgré la scission du mouvement ouvrier en 1920, « Jean Jaurès, dira Marcel Cachin,  fut pour moi plus qu’un ami, presque un père. C’était un homme admirable, incapable de la plus petite mesquinerie, de la moindre rancune »

     Science et religion – c’est le titre de l’ouvrage – fait ressortir de l’oubli un essai écrit en 1943, dans une France alors soumise au joug du Nazisme. Marcel Cachin vit alors dans la clandestinité. Même si, comme le souligne, dans la préface, le philosophe Yvon Quiniou, le texte n’est pas exempt de « points théoriques ou politiques qu’on doit corriger ou enrichir », cet essai philosophique méritait effectivement d’être mis sous presse. Pour Daniel Hertzog, qui signe quant à lui la postface, il est clair que son grand-père apporterait lui-même des modifications à ce texte s’il devait l’écrire aujourd’hui. Mais il dénoncerait, tout comme lui, une situation qui n’a guère évolué sur le fond. Pour Daniel Hertzog la religion, plus précisément les religions, « appuyées par des forces capitalistes réactionnaires » continuent à peser sur les esprits. Pour preuve : la montée en puissance du courant « créationniste ». Entre science et religion, le débat n’est pas clos. Loin s’en faut !

    Fortement influencé par Ernest Renan

     Ce texte, court mais dense (une cinquantaine de pages), ne se limite pas à un réquisitoire contre l’opposition acharnée qu’aura eu l’Eglise catholique, en tant qu’institution, à combattre les progrès de la science - Souvenons nous de Galilée ! - il souligne l’impérieuse nécessité, qui demeure la nôtre, à croire au génie de la pensée humaine, libérée de toute entrave mystique.

    Comment ne pourrait-on pas évoquer ici le sort qui fut réservé, en 1924, au père jésuite Teilhard de Chardin, paléontologue émérite, condamné par ses pairs  à taire, au nom de sa foi dans le Christ,  sa croyance à l’évolution telle que l’a définie Darwin. « Malgré l’estime que j’avais et que je garde à ce grand prêtre et à ce grand savant qu’est le père Teilhard, je ne voterais plus pour lui s’il était candidat à une charge publique, parce qu’il m’est impossible d’admettre qu’un homme de science obéisse à des injonctions qui lui sont données par des sots et par des ignorants » dira, à la tribune du Palais Bourbon le 15 mars 1946, Paul Rivet fondateur du musée de l’Homme, naguère inspirateur du Front populaire.

     

    Edition: "Science et religion" de Marcel Cachin

    En plein coeur de Tréguier, statue d'Ernest Rénan aux côtés d'Athena. Cemonument, inauguré en septembre 1903 avaiy suscité la colère des Catholiques.

    Né dans une terre profondément religieuse, fils d’un gendarme et d’une fileuse de lin, « très religieuse et pratiquante » aux dires de Daniel Hertzog, Marcel Cachin ne s’est jamais affirmé comme un adversaire acharné du fait religieux. « Pourquoi voulez-vous qu’étant incroyant je déteste les religions et les croyants. Je ne puis en vouloir à un monde qui ne diffère de moi que par une manière autre d’arranger ses idées dans son cerveau ». Même s’il tire la conclusion selon laquelle il n’y a pas d’autre issue pour l’humanité douloureuse que de s’appuyer sur le communisme, il affiche ici, sans sectarisme, une conviction basée sur les progrès indéniables de la science. « On n’a pas le droit de prétendre que la poésie s’évanouit à mesure que la science prend le pas sur les mythes et sur les légendes des religions » écrit Marcel Cachin.

     Nous apprenons, à la lecture de ce livre, que Marcel Cachin, apôtre du matérialisme et thuriféraire du monde scientifique, a construit sa réflexion en se référant aux écrits d’Ernest Renan, grand spécialiste de l’histoire des religions. Séminariste destiné à la prêtrise, Renan perdra la vocation par la force de ses convictions forgées au fil de ses lectures bibliques et de ses recherches menées « en Terre Sainte». Nous ne pouvons, quant à nous, cacher l’importance que revêt la lecture de  La vie de Jésus, un ouvrage qui valut à cet esprit éclairé et bienfaisant de subir, lui aussi, les foudres d’une Institution arc-boutée sur les « vérités du Livre ». Vérités qu’Ernest Renan, homme de savoir, n’a guère eu de mal à en contester le bien fondé. Sans en arriver toutefois à dénier un rôle bénéfique à la religion. L’œuvre de ce Trégorrois mériterait d’être elle aussi d’être mieux connue. Elle n’a pas pris une ride.

     Le "Miracle" de Marie Curie

     Quinze ans durant professeur de philosophie (à Bordeaux) puis homme politique de premier plan, Marcel Cachin aura été un observateur attentif et un acteur passionné de son époque. Il a été notamment témoin des fabuleux progrès dus à des savants qui ont pour noms Louis Lapicque, Pierre et Marie Curie, Jean Perrin, Paul Langevin, Irène et Frédéric Joliot Curie. Nous ne citons qu’eux pour rappeler que ces personnalités  sont en quelque sorte des « pays ».. Toutes ces sommités scientifiques avaient trouvé un havre de ressourcement derrière cette pointe de l’Arcouest qui encadre, sur sa droite, le point de vue panoramique de Kermouster. Sorbonne Plage, Cachin était in familier du lieu.

     Dans son essai, incise sarcastique d’une plume que Daniel Hertzog et Yvon Quiniou qualifient, à raison, de « fine » et  de « superbe », Marcel Cachin n’hésite pas à utiliser le terme de « miracle » quand il évoque la découverte du radium par Pierre et Marie Curie. Miracle, car « un gramme de radium fournit autant d’énergie que 3000 tonnes de charbon » et d’affirmer qu’ainsi « l’humanité aura de l’énergie pour rien. On pourra fermer les mines de charbon et les puits de pétrole. Quel rêve ! Des savants intrépides ont entrepris de le réaliser. »  Nous l’avons déjà souligné, l’aspect visionnaire de ce texte philosophique est ici quelque peu contredit par la marche du temps. Le « miracle » se fait attendre. La radioactivité engendre aussi des craintes.

     

    Edition: "Science et religion" de Marcel Cachin

     Marcel Cachin sur un quai du port de Loguivy

     

    Einstein : « Dieu ne joue pas aux dés »

     Suite à une invite qui nous a été faite de réfléchir à cette citation d’Albert Einstein « Dieu ne joue pas aux dés », nous nous devions, dans la cadre de cet article, de suivre cette recommandation, ne serait-ce que pour nous ôter d’un doute : le père de la relativité croyait-il en Dieu ?  Nos recherches nous permettent d’affirmer qu’Albert Eisntein se définissait « comme un non croyant profondément religieux » mais ajoutait aussitôt « C’est en quelque sorte une nouvelle forme de religion ». Toute analyse faite, quand il déclare « Dieu ne joue pas aux dés », il n’affirme pas une croyance en l’existence du Dieu des croyants, mais que  « la nature suit des lois déterminées ».

     Cela montre bien que le débat « constructif » ne se situe peut-être plus entre Science et Religion mais entre Science et Ethique, hors de toute référence à une morale chrétienne figée dans le dogme. C’est au citoyen et à lui seul que revient le devoir de veiller à ce que la conquête du savoir soit, en permanence, bénéfique à l’évolution irréversible de l’humanité. Marie Curie pouvait-elle pressentir que ses découvertes sur la radioactivité, dont on a tiré tant de bénéfices, donneraient naissance aux bombes d’Hiroshima et de Nagasaki ?  Bien qu’ayant rompu définitivement avec la religion, suite au décès de sa mère, femme extrêmement pieuse, Marie Curie était profondément humaniste.

     Daniel Hertzog présentera « Science & Religion », le samedi matin 22 octobre prochain (à partir de 10h30), à la librairie « Bouquine » de Pleubian et le mercredi 26 octobre à la Maison de la Presse de Paimpol (mêmes horaires) 


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