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    Le variant Omicron du Covid 19, qui vient de marquer son passage dans le hameau, semble prêt à tirer sa révérence. C’est ce qui ressort des dernières annonces gouvernementales. Mais, quitte à nous dire « Goobye », il le fait en frappant fort les imaginaires. Pensez ! Sans tambour ni trompette, il s’est invité au Palais de Buckingham, histoire de gâcher le jubilé de platine de la reine Elisabeth II.

    Deux semaines après avoir franchi le cap de ses 70 ans de règne, la souveraine, aujourd’hui âgée de 95 ans, a été testée positive. La faute en revient à son fils Charles qui lui a rendu visite alors que le virus lui collait aux basques. Fort heureusement, sa mère, d’équerre avec la règle des trois vaccins, ne souffre que de symptômes légers.

    Bien que n’ayant aucun lien avec la couronne d’Angleterre, quoique ayant une cousine franco britannique, je ne puis cacher que j’éprouve un profond respect pour cette dame qui devint personnage planétaire le 6 février 1952, en accédant, ce jour-là, au trône du plus grand empire du XXe siècle. Je venais tout juste de franchir la frontière qui mène à l’âge de raison ; autant dire que j’étais encore sous le charme de La Belle au bois dormant, donc toujours très sensible à tout ce qui tournait autour de la vie des châteaux. J’ai longtemps conservé ces cartes postales en noir et blanc qui nous contaient cette journée d’investiture historique.

    Le Covid 19, qui poursuit sous d’autres latitudes sa course folle, vient, ainsi, de nous rappeler qu’aucune forteresse, faute de vigilance constante, ne peut lui résister ; qu’il peut franchir toute enceinte, royale ou non. Je ne peux pas imaginer qu’il se trouvera une lectrice ou un lecteur de ce web log, plus communément dénommé blog, pour me reprocher d’entonner, en toute sincérité, un God save the Queen ! Ne serait-ce que pour conjurer, à travers cette royale personne,  un mauvais pressentiment.

     

    Eunice et Franklin

     

    Ces jours derniers, le vent a soufflé fort au-dessus de nos têtes. Coup sur coup, deux tempêtes, Eunice et Franklin. Fort heureusement, nous n’avons pas, ici, à déplorer des conséquences ravageuses. Au plus prés de nous, c’est à Ploumanac’h que les vents ont dépassé les 100 km/h. Pour autant on ne peut rester indifférent au sort que ces violentes bourrasques ont réservé un peu partout en Europe. Ce lundi matin nos pensées ont glissé sur le Ferlas pour se porter plus à l’est, vers Bricqueville-sur-Mer, au nord de Granville, où l’on a déploré la mort de deux septuagénaires piégés dans leur voiture alors qu’ils circulaient sur une route submersible.

    De mémoire de Kermoustériens, ces coups de tabac n’ont pas un caractère exceptionnel, mais ils renforcent cette idée selon laquelle notre planète est confrontée à un dérèglement climatique de grande ampleur. Le 16 février dernier, plus de 160 personnes ont trouvé la mort à Petropolis, au Brésil, suite à des glissements de terrain provoqués par des pluies diluviennes. Toutes les nations sont confrontées à ce colossal défi.

    Mais pour l’heure, c’est un péril d’une autre nature qui ajoute aux  difficultés que nous éprouvons à aborder, avec toute la lucidité requise, la complexité de notre monde. Il se profile aux frontières du puzzle européen, avec la décision prise par Vladimir Poutine d’envahir le Donbass, province que l’on dit sécessionniste de l’Ukraine. Le maître du Kremlin vient de jeter le masque. Il ne rêve que de reconstruire l’empire russe. Sa mégalomanie  le conduira-t-elle à appliquer la stratégie du pire ?

     

    7 novembre 1956

     

    Le monde d’après covid ressemble étrangement à celui d’avant. On se croirait même revenu à la rudesse d’une époque qu’un glorieux couronnement d’une jeune reine n’a pu gommer comme par enchantement. Quatre ans et demi après, le 7 novembre 1956, les chars soviétiques écrasaient dans le sang la révolte des Hongrois. Ils réclamaient tout simplement plus de liberté.

    Alors adolescent, j’ai gardé en mémoire le souvenir de cette terrible journée où les chars ont investi les rues de Budapest. Pas d’images, puisque pas de télévision ; rien que les commentaires de reporters, en direct ; des commentaires sur fond sonore, celui d’un roulement incessant. Un de ces instants où l’on se revoit comme si c’était hier ; capable de situer le lieu où vous vous trouviez et ce que vous y faisiez quand, soudain, la terreur s’est emparée de vous.

     Il n’y a plus de Soviets en Russie, mais la mauvaise graine du  « totalitarisme » s’est à nouveau ancrée dans l’esprit des dirigeants de ce pays qui fût, en un temps révolu,  un pôle culturel de premier plan. Jusqu’où cela va-t-il nous mener ? Nous, parce que cela nous concerne, quoi qu’on puisse en penser, et que cette incursion porte en elle le germe d’une destruction massive. L’Ukraine, c’est la porte à côté. L’Ukraine, même amputée, c’est un pays qui n’entend pas se soumettre. L’Ukraine est une pièce du puzzle européen.

    Ce mardi matin, au retour du marché de Paimpol – aller retour qui a permis de constater que la circulation sur le pont Saint-Christophe ne s’apparente pas, présentement, à un supplice insupportable*** – un camion a réussi, durant quelques instants, à gommer cette profonde inquiétude, car il y a de quoi être inquiet. Sur son flanc, un slogan : « La terre nous réunit ». Connaissant la nature même de la société à laquelle il appartient, il n’avait pas lieu à se tromper sur la signification de ce message. Il souligne l’intérêt qu’ont des agriculteurs bretons à se serrer les coudes. Forts du principe que l’union fait la force, les adhérents de cette coopérative entendent prendre en main leur destin.

    Ce principe, le nouveau tsar de Russie l’applique à sa manière, avec rancœur et cynisme. L’Europe des patries souhaite encore en protéger sa vertu démocratique.

    Ce slogan, je le fais mien, mais en mettant une majuscule à cette Terre qu’il convient de protéger contre toutes les malfaisances, qu’elles soient d’ordre climatique, santitaire ou géopolitique.

     

    Si tous les gars du monde

     

    En 1956, l’année même où les chars soviétiques écrasaient la révolte des Hongrois, sortait sur les écrans le film Si tous les gars du monde de Christian Jacques. Ce film nous racontait l’histoire de l’équipage d’un bateau de pêche de Concarneau victime d’une intoxication alimentaire alors qu’il se trouvait en pêche en mer du Nord. Seul le jeune mousse Mohamed, qui n’avait pas consommé de jambon, échappera au botulisme. Grâce à l’entraide qui va se nouer par radio-amateurs, les vaccins, après avoir transité par les mains de soldats américains et soviétiques, vont, via la Norvège,  parvenir à temps pour sauver l’équipage.

    Là encore, des images d’adolescent toujours gravées sur la rétine ; auxquelles s’ajoutent les paroles d’une chanson concoctée sur ce thème de la nécessaire solidarité par feus Les Compagnons de la chanson.

    Ce n’est pas la première fois que je fais allusion à ce film. Ce n’est pas la première fois, et certainement pas la dernière, que j’en viens à enfoncer le clou : la Terre peut et doit nous réunir car, que cela nous plaise ou non…nous sommes tous dans le même bateau.

     

                                                                                                                                        Claude Tarin

                                                                                                                        Mercredi 23 février 2022

     

    xxx Un témoignage recueilli quelques minutes avant la mise en ligne laisse entendre qu'à certaines heures de la journée, le temps de passage peut dépasser la demi-heure.

     

     

    I’m sorry Gracie !

     

    Grande surprise ce mardi matin. Mon hébergeur me faisait savoir que je venais de recevoir un nouveau commentaire. Surprise, puisque ce commentaire, émanant d’une personne que je subodore de nationalité britannique, est allé se nicher au bas d’une chronique publiée en mars 2014. Je vous le restitue tel quel :

    I was curious if you ever thought of changing the page layout of your website ? Its very well written; I move that youve got to say. But maybe, you could a little more in the way of content so people could connect with it better. Youve got an awful lot of text for only having one or two pictures. Maybe you could space it out better.”

    Signé,  Gracie

    Bien qu’ayant saisi le sens général de cette interpellation, mais me méfiant, comme de l’eau sur le feu, des faux amis qui peuvent s’incruster dans une traduction, je me suis empressé de contacter ma cousine britannique, à laquelle j’ai fait précédemment allusion, pour ne pas commettre d’erreur d’interprétation.

    Tout en me félicitant pour ma façon d’écrire, Gracie me suggère de changer la mise en page et de mettre plus de photos car elle trouve qu’il y a beaucoup de texte pour peu d’illustrations. Ceci, selon elle, permettrait au lecteur de « se connecter » plus facilement.

    Gracie n’est pas la seule à me faire de telles suggestions. Je suis bien évidemment conscient qu’à l’heure du texto roi écrire long peut créer d’emblée un frein à la lecture. Mais qu'y puis-je? Je ne me referai pas. Je laisserai courir la plume tant que j’en éprouverai, pour moi-même, la nécessité. Ce mardi, profondément meurtri par cette actualité mortifère, il me fallait partager ces événements de l’histoire dont on ne semble pas, partout, avoir tiré les leçons.

    I’m Sorry Gracie, je subodore  la difficulté qui peut être la vôtre. Grand merci pour l’attention que vous portez à cette chronique.  Pour être lu il convient de structurer au mieux ce que l’on pense devoir dire et cela ne peut se faire en quelques mots.

    Pour ce qui est des illustrations, il s’agit de s’en tenir aux règles des droits d’auteur. Ce jour aura été un jour sans


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    « A chaque jour suffit sa peine » ; « Ne remets pas au lendemain ce que tu peux faire le jour même » ; deux proverbes courants parmi tant d’autres qui nous aident, telles des béquilles, à nous situer dans la marche du temps. Évidemment, tout est lié à notre humeur du jour, plus précisément à nos humeurs car celles-ci peuvent varier au fil des heures ; parfois, au gré d’un trait d’humour.

     

     « Il ne faut jamais remettre au lendemain ce qu’on n’a pas fait le jour même, mais qu’on aurait pu faire la veille ou l’avant-veille du surlendemain ». Du Pierre Dac pur jus, faisant écho à cette maxime d’Alphonse Allais selon laquelle il ne faut pas remettre au lendemain ce que l’on peut faire après-demain. L’humour, si proche lexicalement, nous aide incontestablement à tempérer nos humeurs. Cela dit, ne pouvais-je pas suivre le conseil d’Alphonse Allais  en repoussant à après-demain cette Humeur du jour ?

     

    Le piège du chroniqueur est de se croire obligé d’ajouter son grain de sel, pour un oui pour un non ; d’endosser le costume du Monsieur qui sait tout. Un travers qui, soit dit en passant, peut se décliner au féminin. Suis-je tombé dans ce travers ? Si je réponds par la négative, j’espère que vous acquiescerez.

     

    Ce jeudi, je n’ai qu’une seule idée en tête : vous faire partager des savoirs fraîchement acquis la veille et qui prennent racine dans des notions au caractère historique.

     

    Si ce 17 février, 29e jour du mois de pluviôse dans le calendrier républicain français, est le jour de la chélidoine, l’histoire retiendra que c’est le 16 février 2020 qu’Olivier Véran enfilait quant à lui le costume de ministre en charge de notre santé. Alors que le Covid 19 nous plongeait dans la sidération, ce neurologue prenait la relève d’Agnès Buzin,  candidate à la Mairie de Paris, dans un climat on ne pleut plus délétère. Souvenons nous de la polémique sur les masques et du débat enflammé sur les effets supposés positifs de la chloroquine du professeur Didier Raoult!

     

    Avec Jean-Baptiste Courtol (1834-1902) nous ne quittons pas le domaine de la santé. Ce Parisien d’origine aura toute sa vie durant, après avoir participé à la guerre de Crimée, arpenté les forêts de la Haute-Loire. Pour y récolter des plantes médicinales et les revendre aux apothicaires qui en tiraient des potions miracles. Peut-être ramenait-il souvent de la grande chélidoine, une plante à fleurs dont le latex jaune orangé toxique sera utilisée pour éliminer les verrues. Deux ans durant, Olivier Véran aura du également se battre – excusez-moi chère lectrice ! – contre les remèdes dits « de bonnes femmes » en tout genre. Non pas qu’il faille nier les effets bénéfiques sur la chasse aux verrues de la chélidoine, mais force est de reconnaître qu’on prête outrancièrement aux plantes, trop souvent, des vertus qu’elles n’ont pas.

     

     

       Langue de vipère ?

     

    Cependant,  ce n’est pas cette qualité d’herboriste qui vaut titre de gloire à Jean-Baptiste Courtol. Cet aventurier de la nature avait un autre moyen pour trouver des subsides. À son époque, le terme biodiversité n’était pas dans le langage courant et les autorités n’hésitaient pas à mettre la main au gousset pour récompenser les chasseurs de vipères et couleuvres, jugées nocives. Jean-Baptiste Courtol en aurait tué quelque 40000, soit entre 2000 et 3000 par an. Cela méritait d’être rappelé, d’autant plus que cette passion pour les reptiles l’a amené, avec l’aide de sa femme, à confectionner des costumes en peaux de serpents. Celui qui est exposé au musée Crozatier au Puy-en-Velay a été confectionné en 1890 avec quelque 1000 pièces.

     

    Pour la petite histoire, on retiendra que le chasseur s’est fait lui-même apothicaire en concoctant un onguent extrait de ses proies. Il le pensait efficace, mais il succombera suite à une morsure d’une vipère aspic, le 12 juin 1902. Cela méritait d’être rappelé car la notoriété que ce costume en peaux de serpents lui a fait endosser s’est effilochée au fil de ces cent-vingt dernières années.

     

    Autre fait historique à remettre en lumière : c’est ce mercredi 16 février que toutes les gazettes de France auraient dû fêter le 90e anniversaire du moulin à légumes de Moulinex. Alors que l’on évoque la reconquête du tissu industriel, il y avait là matière à nous faire, a posteriori, pousser un cocorico.

     

       Langue de vipère ?

     

    « J’ai fait fortune parce qu’il y avait des grumeaux dans la purée de ma femme » s’amusait à dire Jean Mantelet (1900-1991). De fait cette invention, dont il déposa le brevet le 16 février 1932, va le propulser sur le devant de la scène. Dès sa sortie, c’est un succès. Entre 1933 et 1935, il va s’en écouler plus de 2 millions d’exemplaires. Il n’est pas sûr que ce moulin qui a tout de la silhouette d’un robot se posant sur la planète Mars gravite toujours autour des éviers des cuisines. Trop exigeant en huile de coude ? Un objet culte cependant qui peut, en cette année d’anniversaire, lui valoir un regain d’intérêt dans les brocantes.

     

    L’ Amicale de Kermouster organisera-t-elle cette année une brocante? À l’heure d’aujourd’hui cela n’est pas acté. Ce qui paraît cependant de plus en plus probable, c’est que nous approchons de la sortie du tunnel et que nous pouvons espérer, avec le retour du printemps, enfin reprendre le cours d’une vie normale. Et quoi de plus normal pour des élus que de prendre le pouls de leurs mandants.

     

    Ce n’est pas être une langue de vipère que de dire que le compte-rendu du conseil municipal, tel que publié dans la presse ce mercredi 16 février, nous laisse quelque peu pantois. Encore une fois il ne s’agit pas de tirer la couverture à soi, puisque nous ne doutons pas qu’il y a par ailleurs bien d’autres problèmes à résoudre, mais l’information, telle qu’elle nous est parvenue, est par trop sibylline, notamment pour ce qui concerne l’assainissement.

     

    Henri Paranthoën le dit : « le sujet n’est pas enterré ». On évoque une réunion au niveau de la Communauté de communes qui s’est tenue en novembre 2021. Lannion-Trégor-Communauté envisage, dixit, un aménagement collectif qui concernerait également Pleumeur-Gautier et Lanmodez. Soit ! Espérons que cela ne sera pas un serpent de mer !

     

    Est-ce qu’une réunion sur ce thème, permettant de recueillir les attentes, suggestions et appréhensions des résidents du hameau n’entre pas dans les prérogatives de la municipalité ? Histoire de conserver la main sur ce dossier et sonder les cœurs en amont pour éviter bien des rejets. Et là, pour espérer convaincre et apaiser les esprits, il convient de ne pas remettre aux calendes grecques ce qui pourrait se faire demain, après demain, voire le surlendemain.

     

       Langue de vipère ?

     

     

    Pour ce qui est du devenir de La Cambuse, on ne peut qu’attendre la décision du tribunal qui, au plus tôt, sera prise courant mars. Pour autant, comment ne pas faire cette piqûre de rappel, dépourvue de tout venin : il est grand temps de finaliser le chantier ouvert à ciel ouvert derrière l’ancienne école. Une verrue assurément, qui mérite un traitement de choc.

     

    Comme on se prend à l’espérer, nous approchons des « beaux jours », il convient que tout soit mis en œuvre place du Crec’h pour éviter que fleurissent à nouveau ces panneaux indiquant aux visiteurs de passage, désireux de se soulager à même le point du point de vue, qu’il y a un danger à baisser culotte en ce lieu puisque vipères il peut y avoir dans les talus. Jean-Baptiste Courtol n’est plus de ce monde.

     

                                                                                                                                     Claude Tarin

                                                                                                                         Jeudi 17 février 2022

     

     

     

     


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    Enfin ! Il aura fallu patienter jusqu'à ce samedi matin pour voir briller, tel un phare,  l’étoile du Berger. Les sites qui nous parlent d’astronomie m’avaient mis l’eau à la bouche en indiquant que, durant ce mois de février, Vénus se présenterait sous ses plus beaux atours. Qui plus est, avec ses dames de compagnie que sont présentement Mars et Mercure, tout aussi matinales. À l’heure où il fait bon mettre le nez dehors pour s’en venir récupérer, dans la boîte aux lettres, le journal nous apportant des nouvelles fraîches, c’est un plaisir, chaque jour renouvelé, que de pouvoir contempler, quand les conditions le permettent,  la voûte stellaire en passe de se dissoudre.

    Satisfaction d’autant plus garantie, nous faisait-on savoir, puisqu’à cette époque de l’année, quand le ciel est débarrassé de tout nuage, on peut avoir également une vision claire et nette de la constellation du Sagittaire. Voir The Tea Pot, la théière en bon français, à  l’heure du petit déjeuner, quoi de plus inspirant en ces lieux. Personnellement, telle qu’elle se dessine, la constellation du Sagittaire, mon signe zodiacal, a plutôt l’allure d’une cafetière. À l’heure du p’tit déj, j’ai une nette préférence pour le qahwa*, ceci peut expliquer cela. En tout cas, pouvoir tracer du regard des lignes entre Kaus Australis, l’étoile la plus brillante de la constellation, et Kaus Medius en passant par Nunki et Ascella est un exercice visuel et mental qui relève de la méditation.

     

    A l’heure de la cafetière

     

    Depuis le début de la semaine, les conditions météorologiques auront tué dans l’œuf la magie de ces instants qui peuvent se savourer individuellement, tel un privilège. Ce samedi matin, les nuages étant allés se faire voir ailleurs, j’ai bu du petit lait, imagination aidant, en découvrant au-dessus de la ligne d’horizon du sud-est cette cafetière céleste. Les lève tard l’ignorent peut-être encore, niché sur les hauteurs de l’estuaire du Trieux, le hameau, pays du soleil levant aux équinoxes, est tout au long de l’année le pays du matin calme. C’est un grand moment de zenitude auquel nous convie la nature.

    À chacun sa façon de mettre le pied à l’étrier. Vous, vous êtes peut-être accro des matinales de la radio, si ce n’est des bulletins télé. Lire un journal demande du temps et le temps vous fait peut-être défaut. Ayant désormais, quant à moi, la chance de faire partie de cette cohorte de gens pouvant  prendre le temps de laisser tiédir le café (ou le thé) dans le bol,  je préfère désormais affronter la problématique des temps présents en feuilletant, sans bruit de fond,  « mon » journal**.

    Nouvelles fraîches, ai-je dit ? Il me faut ici préciser ma pensée. Même si c’est dans l’urgence qu’il a fallu, quelques heures auparavant insérer quelques informations de dernière minute, un journal quotidien, soucieux de préserver sa crédibilité, nous garantit une information maîtrisée, c’est-à-dire soumise en amont aux règles déontologiques qui prévalent dans ce domaine. Nous avons la chance, en Bretagne, d’avoir des quotidiens qui s’inscrivent pleinement dans une démarche qui nous protège de la délation et nous évite d’avoir à digérer de la fausse information.

    Cette appréciation ne discrédite en rien, bien évidemment, le travail des journalistes qui nous informent sur les ondes, mais avec le journal papier on peut prendre le temps de faire des allers et retours entre la Une et la dernière page, quitte parfois à relire un article qui nous a titillé les neurones au fil d’une première lecture.

    La tâche d’informer exige de la rigueur. Que ce soit pour traiter des menaces de guerre sur le front ukrainien, de la situation dans les Ehpad ou des enjeux climatiques et de la préservation de la biodiversité des océans, thèmes récurrents ces temps ci, le journaliste doit conjuguer complexité et vulgarisation, en sachant s’appuyer sur des esprits éclairés et des convictions multiples. Sans tomber dans le piège des manipulateurs. Une exigence accrue alors que s’ouvre une campagne électorale, période ô combien fortement agitée de notre vie démocratique, propice aux chausse-trapes.

    Les prévisions météorologiques étant ce qu’elles sont, ce dimanche matin, à l’heure du journal, il ne sera pas possible de mettre le nez sur la cafetière. Que les amoureux se rassurent, le jour de la Saint Valentin, ils pourront flâner en passant à travers les gouttes. Mais ne comptez pas sur moi pour maudire ces nuages qui pourraient s’avérer extrêmement généreux en pluie. La planète bleue, tout comme la cafetière, a autant besoin d’eau que de soleil. Nous le savons tous pertinemment.

     

                                                                                                                                      Claude Tarin

                                                                                                                       Samedi 12 février 2022

     

    *Le qawha, tel qu'il s’écrit dans la péninsule arabique et que nous avons transformé en Kawa. Il m’a semblé préférable ce jour, pour une raison qui va vous sauter aux yeux, de m’en tenir à l’orthographe originale.

     

    ** Ce lundi 7 février, le journal, son journal, nous annonçait le décès de Jean-Pierre Le Boubennec. Son journal, car Jean-Pierre Le Boubennec l’aura, de longues années durant, glissé dans nos boîtes aux lettres alors que nous étions  peut-être encore sous la couette. Autour des journalistes et correspondants gravitent d’autres « serviteurs de l’information ». À l’heure de l’information à temps zéro, captée sur nos écrans, on ne peut que se réjouir de savoir que l’information dûment soupesée puisse nous parvenir encore de cette manière. Le portage du journal prend, pour des lieux de vie comme le nôtre, l’allure d’un service d’intérêt public. Hommage doit être rendu à ces hommes et ces femmes qui assurent ce service. Nos plus sincères condoléances à la famille de Jean-Pierre Le Boubennec

     

    Morituri

     

    « Ave Cæsar, morituri te salutant ! « Salut César, ceux qui vont mourir te saluent ! ». On peut ne pas avoir appris le latin et connaître cette formulation tombée dans le langage courant. Les débats qui viennent de se tenir à Brest sur le thème de la sauvegarde de l’océan ont fait remonter en moi le souvenir d’un tableau sur lequel est inscrit Morituri. Ce tableau a été peint au lendemain du naufrage du pétrolier Amoco Cadiz, tristement célèbre. Il est l’œuvre d’André Guégan, artiste peintre originaire de Trébeurden.

    Ce tableau a été exposé peu après au Centre International de Paris. Avec pour armes ses pinceaux, André Guégan faisait alors ressurgir l’indignation qui avait été à la sienne quand, onze ans plus tôt, la côte de granit rose avait été, une première fois, souillée par le pétrole du Torrey Canyon. Dans ce cloaque visqueux, les oiseaux de mer étaient les victimes apparentes de ce désastre.

     

    A l’heure de la cafetière

     Morituri d'André Guégan (1978). Peinture sur bois, milieu sur toile et agrégats, enduit universel

     

    La Bretagne, terre de marins par excellence, aura eu le triste privilège d’ouvrir la liste des catastrophes pétrolières. Tanio, Erika, des noms de sinistre mémoire. Aujourd’hui, c’est le Mare Doricum, navire battant pavillon italien, qui vient d’inscrire son nom. Le 15 janvier dernier, en pleine opération de déchargement dans une raffinerie péruvienne proche de Lima, le tanker a été victime d’une forte houle consécutive à l’éruption volcanique des îles du Tonga, « des centaines de fois plus puissantes que la bombe d’Hiroshima » selon la Nasa.

    A Brest, divers engagements ont été pris pour espérer réussir à mettre en place des stratégies d’exploitation des potentialités marines, susceptibles d’en protéger la biodiversité. Ne reste plus maintenant qu’à espérer que de la parole aux actes, il n’y aura pas une dilution des belles intentions.

    Cela dit, l’avenir de cet océan, qui nous est familier et si cher, dépend aussi de nous. Nous sommes tous éco responsables. Cela peut s’avérer insignifiant et pourtant, quand l’Amicale nous donne rendez-vous pour le traditionnel nettoyage des grèves, nous prenons notre part dans un combat qui ne peut pas reposer que sur les seules épaules de nos élus et des décideurs économiques. Une simple goutte d’eau, certes, mais une illustration parmi d’autres du nécessaire engagement citoyen.

     

     

     Le hameau bel et bien « pangrammé »

     

    Précédemment, je vous invitais à vous mesurer à ce jeu de l’esprit qui consiste à écrire un pangramme, c'est-à-dire une phrase intelligible comprenant toutes les lettres de l’alphabet ; si possible la plus courte possible. J’y ajoutais la nécessité d’y incorporer le nom de Kermouster,  ce qui au passage règle d’emblée l’utilisation du k.

    Claudie et Claudine ont été les deux seules à inscrire le fruit de leurs cogitations dans la case commentaire de la précédente chronique

    À ce petit jeu, Claudie décroche assurément la palme avec :

    Venez ! J'ai fixé sur le web le glyphe du coq de Kermouster …

    Le pangramme de Claudine, quoique plus long, a une égale charge poétique.

    Voyez, à Kermouster, ces bernaches et ces goélands qui jouent avec de pulpeux kiwis et les huîtres fines du Trieux.

    Ce jeudi soir, un troisième « larron », prénommé Guy, a abattu ses cartes en me faisant parvenir directement par courriel un pangramme fleurant le tapis vert.

    Ces jeux de  bridge ou whist,  à Kermouster, ne vous y qualifiez  pas!

    Du coup, j’ai passé une mauvaise nuit, car je ne pouvais être en reste. Faute de concentration, peut-être, je n’avais pas encore réussi à résoudre la quadrature du cercle. Et là, je tiens à rassurer Thérèse. Elle n’est pas la seule à avoir appris ce qu’était un pangramme. J’en étais personnellement au même niveau avant d’avoir lu le livre qui a fait l’objet de la précédente chronique. Mais, je ne puis l’encourager qu'à persévérer ; message à l’adresse de bien d’autres que je sais, par ailleurs, grands amateurs de mots croisés ou de scrabble.

    Pourquoi ne pas ajouter à notre « traditionnelle » rubrique du Haïkerm (quelque peu délaissée ces dernières semaines) une rubrique que nous pourrions intituler Le pangramme du jour. Il n’est pas dit que nous ayons déjà épuisé toutes les possibilités en y conservant Kermouster. J’en fournis moi-même l’exemple avec ce pangramme concocté après le p’tit déj de ce samedi matin. 

    A Kermouster, ce jour, payez vous un, voire  deux bons et forts qahwas. Dégustez les !

    Kermouster ayant trouvé ainsi matière à apparaître, on peut d'ores et déjà élargir le champ de nos investigations sans y faire obligatoirement référence.


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    Quoi que puisse laisser penser ce titre, je ne viens pas ce jour évoquer les désagréments que le chantier de rénovation du pont Saint Christophe va générer, peu ou prou, sur notre quotidien. Disons que ces travaux, dont la nécessité ne peut être mise en doute, vont avoir pour effet de renforcer l’aspect esseulé de notre lieu de vie entre Trieux et Jaudy. À défaut de pouvoir s’en réjouir, il nous faut admettre qu’il en va de notre propre sécurité. Nous ne pouvons avoir oublié la vive émotion provoquée par l’effondrement du pont de Gênes, en Italie (14 août 2018, 43 morts), puis par celui, certes beaucoup moins dramatique mais tout aussi dommageable, du pont  de Mirepoix sur Tarn, en Haute Garonne (18 novembre 2019), un pont suspendu comme celui qui enjambe la ria qui sépare le Goëlo du Trégor. C’est d’ailleurs cette dernière catastrophe qui a amené les autorités françaises à vérifier l’état de tous ces ouvrages, entre terre, mer et ciel, qui facilitent nos déplacements. Que tout soit mis en œuvre pour que la durée de ce chantier n’aille pas au-delà des délais annoncés. Faisons confiance aux hommes de l’art !

    C’est tout simplement la lecture d’un livre, ô combien passionnant, qui m’a inspiré cette entrée en matière. Ce livre, Au bonheur des fautes, a été écrit par Muriel Gilbert, écrivaine et animatrice, sur RTL, de l’émission Un bonbon sur la langue.  Avec une corde de plus à son arc, puisqu’elle exerce le métier de correctrice au sein du journal de référence qu’est Le Monde. Elle nous invite à la suivre dans les arcanes de ce métier confronté, lui aussi, à la concurrence grandissante de l’intelligence artificielle pour ce qui concerne le traitement des textes.  Je ne puis que déplorer, tout comme elle, que cela risque, à plus ou moins long terme, de porter un coup fatal à ces vigiles du bien écrit. Le Monde est l’un des rares journaux à avoir maintenu ce service dû aux lecteurs. La qualité de ce service s’en trouve sauvegardée, comparée à nombre de gazettes. Je ne puis que vous inciter à vous procurer ce livre. Il est gouleyant comme du bon vin.

     

    Presqu’île…esseulée

     

    Pour vous mettre simplement de l’eau à la bouche, un extrait qui touche à notre environnement immédiat puisqu’il s’agit d’évoquer le cas spécifique du mot oiseaux. Ne sont-ils pas nos compagnons du quotidien ? Ils sont souvent au cœur de nos échanges. Ne doit-on pas, ce jeudi, nous inquiéter de savoir que la grippe aviaire sévit dans le secteur ? Deux pingouins torda, porteurs de ce virus, ont été  trouvés morts, ce mercredi, sur une plage d’Erquy. En janvier c’est un chevalier cul-blanc que l’on découvrait atteint du même mal sur cette côte toute proche du Penthièvre.  

    Ce mot oiseaux, nous dit Muriel Gilbert, présente deux particularités. C’est à la fois le mot le plus court de la langue française contenant toutes les voyelles ; sauf à considérer que le y est aussi une voyelle. C’est aussi le plus long dont on ne prononce aucune des lettres. « Un vrai casse-tête pour les étrangers » souligne cette « dompteuse des mots », comme elle se qualifie elle même.

    Je ne vous apprends rien si vous êtes déjà fidèle à Un bonbon sur la langue. Ce n’est pas mon cas. Ce livre me fait découvrir une auteure qui rend aux mots toute leur saveur et gomme habilement l’effet repoussoir que l’on peut éprouver face aux difficultés de la concordance des temps. Comme cela pouvait se comprendre dans la précédente chronique, je porte le deuil d’Alain Rey qui anima, treize ans durant, les matinales de France Inter avec sa chronique Le mot de la fin. On ne peut que se réjouir d’apprendre que ce grand lexicographe a fait des émules sur les ondes.

    Je dois aujourd’hui à Muriel Gilbert de savoir que presqu’île est le seul mot de la langue française qui contraint le mot presque à s’élider. Comment ai-je pu, depuis le jour où la presqu’île m’a adopté, ignorer cette règle lexicale ? Je ne m’étais jamais arrêté sur cette particularité. L’élision est l’effacement d’une voyelle en fin de mot devant la voyelle commençant le mot suivant. Ce qui fait que presqu’île cultive cette particularité d’être unique et esseulé dans le vaste océan du vocabulaire. Les dictionnaires français les plus complets regroupent, nous dit-on, quelque 90000 mots, dont 12000 nous sont plus ou moins familiers.

    Voici donc ce qui a justifié le titre et le contenu de cette nouvelle « critique littéraire ». Je me garde bien évidemment de multiplier les exemples qui mettent en lumière les pièges dans lesquels nous tombons souvent, le plus souvent par inadvertance, lorsque nous transcrivons nos pensées. Découvrez les perles de ce livre par vous-même ! J’en extirpe simplement une dernière.

    Si écrire est une chose, parler en est une autre. Que de liaisons « mal t’à propos » sur le bout de la langue ! À commencer par celle qui fleurit quand s’en vient l’heure de plumer les cocos. J’ai évidemment sursauté quand j’ai découvert que Muriel Gilbert, pour illustrer l’épineuse question du h aspiré, écrit les z’haricots alors que nous nous en sommes tenus aux zaricots dans le recueil de mémoires des anciens élèves de l’école de Kermouster. Que l’on ne me demande pas de trancher entre les deux écritures !

    Plonger dans ce livre c’est s’offrir un agréable rafraîchissement. Il ne s’agit en rien d’un livre « punitif ». Bien au contraire. Muriel Gilbert nous invite, tout simplement, à jouer avec les mots tout en cherchant à mieux les maîtriser.

    Vous connaissez certainement les subtilités des anagrammes, mais pourriez vous donner instantanément, sans recourir à cette intelligence artificielle qui entend avoir réponse à tout, le nom qui caractérise ce type de phrase : « Portez ce vieux whisky au juge blond qui fume » ?

    Cette phrase, nous dit Muriel Gilbert, est la plus célèbre en son genre. J’ai vainement entrepris d’en construire une du même type, avec pour mot clef Kermouster. Si vous y parvenez, faites nous partager votre « exploit » ! Vous aurez droit à la considération des autres « followers » de L’humeur du jour..

     

                                                                                                                                        Claude Tarin

                                                                                                                            Jeudi 8 février 2022

     

     


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     Pensées volatiles autour de l’échalote

     

    Qu’une pensée chasse l’autre, rien de bien étrange à cela. Il suffit parfois d’un mot, d’un bruit, d’une odeur  ou de tout autre stimulus pour vous faire oublier ce sur quoi portait votre attention quelques instants auparavant. Un exemple (illustré) datant déjà de quelques jours : émoustillé depuis la veille par la présence d’une Lune bien ronde dans un ciel commençant à virer bleu nuit, je m’étais mis en tête d’accoucher, un matin, d’une humeur rendant hommage à Molière dont on vient de fêter, cela ne peut vous avoir échappé, le 400ème anniversaire (de sa naissance). Histoire de commencer l’année en mettant de la distance avec les préoccupations du moment.

    Bien que connaissant, par bribes, quelques unes de ses pièces, je suis infichu d’établir le degré d’influence qu’a eu la Lune sur les œuvres de Molière. Le déclic avait cependant opéré car, ce soir là, au même moment, à l’ouest, tout là-bas au-dessus du Finistère, le Soleil tirait sa révérence derrière un rideau de nuages roses. Il n’en fallait pas plus pour que germe l’idée d’une chronique qui lui soit dédiée. Ne fut-il pas le chouchou de Louis XIV, le Roi Soleil ?

     

    Pensées volatiles autour de l’échalote

     

    Après avoir souligné l’an passé, à maintes reprises, le talent de notre fabuliste, Monsieur  Jean de La Fontaine, j’avais là l’opportunité de saluer le retour sur scène d’un auteur, par ailleurs talentueux comédien à ce qu’il en est dit, qui, entres autres mérites, fut un des forgerons de notre langue nationale. Qu’importe s’il n’a pas eu l’heur d’installer ses tréteaux sur cette terre bretonne où, indéniablement, il aurait eu bien du mal à se faire comprendre et se faire applaudir. Le temps a fait son œuvre.

    Il aura fallu une autre photo pour que je change brusquement mon fusil d’épaule. Cette photo (chronique précédente) nous rappelait que c’est en 1942 qu’a été construite la digue qui mène à l’île à Bois. Je n’ai plus eu alors qu’une seule idée en tête : évoquer ce fait qui a marqué l’histoire locale, cela va faire quatre-vingts ans tout rond. Molière, ce ne sont pas les occasions d’en parler qui manqueront dans les semaines ou les mois à venir.

    Ce jeudi, c’est sur un autre registre que j’ai pu constater combien nos pensées peuvent être volatiles. Lors de la quasi traditionnelle balade digestive de l’après-midi. ; sous un ciel lumineux à souhait ; entrecoupée par un arrêt prolongé devant une scène de vie digne d’être couchée sur la toile par un peintre réaliste, tout aussi talentueux que Jean-François Millet.

     

    Pensées volatiles autour de l’échalote

     

    Cette photo illustre le plaisir éprouvé en ces instants. À chacun son regard. Elle a le mérite de fixer un bon moment de méditation.

    Pour ce qui me concerne, dès que je pense agriculture, c’est toujours l’image de L’ Angélus de Millet qui me revient immédiatement en tête. Cette image est incrustée dans mon subconscient depuis la petite enfance. L’ Angélus ? Un tableau de référence pour la famille puisque des cousins à mes parents avaient baptisé leur pâtisserie L’ Angélus. Tout simplement, parce qu’ils s’appelaient Millet.

     

    Pensées volatiles autour de l’échalote

     

    L'Angelus, huile sur toile, de Jean-François Millet (1857-1859), Musée d'Orsay

     

    Évidemment le spectacle qui s'est offert à nous ce jeudi, par contrecoup, confère à ce célèbre tableau un aspect terriblement décalé, même si, nonobstant la présence d’un tracteur, c’est à la main que ces travailleurs de la terre plantaient, un à un, les bulbes d’échalote. Là aussi le temps a fait son œuvre. Le monde de la paysannerie a bien changé depuis que Jean-François Millet a peint cette scène en souvenir de ces instants où sa grand-mère, entendant sonner la cloche, ne manquait jamais de lui dire d’arrêter sa besogne « pour dire l’angélus ».

    De cet intermède, ô combien poétique,  a soudain surgi l’ardente nécessité, tout le reste de la balade, de chasser un doute. Échalote ou échalotte ? Toute honte bue, je dois avouer que je n’étais plus sûr de rien et qu’il m’aura fallu attendre d’être revenu à la maison pour pousser un ouf de soulagement. Le doublement des consonnes : un véritable casse-tête.

    Un seul t à échalote bien évidemment ; contrairement à la carotte. Depuis le temps que je sais que l’on doit mettre un x et non pas un s à chou quand on l’écrit au pluriel, il m’a été donné de constater – je ne suis certainement pas le seul  dans ce cas - que le vocabulaire légumier n’échappe en rien aux subtilités de la langue de Molière. Ce qui n’altère en rien la satisfaction que j’éprouve à déguster les Amarydilacées, ces plantes herbacées sans lesquelles la gastronomie n’aurait pas son entière saveur.

    Vous vous doutez bien, que tenant chronique, je demeure un ardent défenseur de cette langue. Même le Père Noël n’est pas sans connaître cet esprit de résistance qui m’anime, tout en restant cependant conscient qu’une langue ne peut que s’enrichir au fil du temps. Pour preuve, des cadeaux se rapportant, quasiment tous, à ce goût prononcé pour la chose écrite.

     

    Pensées volatiles autour de l’échalote

     

    Cette année, sur les souliers au pied du sapin, comme de coutume, des livres, dont un rendant hommage au linguiste Alain Rey, décédé le 28 octobre 2020 (Salut Alain ! Éditions Le Robert). Dans le cercle familial, on n’est pas sans connaître la priorité que j’accorde, quand je bute sur une expression ou sur l’orthographe d’un mot, au Grand Robert de la langue française, dont Alain Rey a été le directeur,

    Je laisse, ici, la parole à Mona Ozouf (désormais mieux connue de tous les Kermoustériens*) pour nous décrire cet « immortel » jongleur des mots. « S’il y a un ciel pour les linguistes, écrit-elle dans la contribution qu’elle apporte à cet hommage, Alain, assis entre les anges, doit s’agacer de voir partout célébrées son érudition, sa mémoire prodigieuse, sa force de travail. C’est oublier de dire qu’il y avait chez cet homme si vif, si rebondissant, si bon vivant, si bienveillant, un gamin qui n’avait pas, disait-il, perdu l’esprit d’enfance (…) Pas de conférence d’Alain Rey qui ne s’achève sur la relation d’une rencontre cocasse avec les mots, d’une allusion burlesque à l’actualité et qui font rire la salle ».

    Cette bienveillance me rassure car elle me permet d’oser, dans le droit fil de cette digression sur l’échalote, d’adresser à feu Alain Rey un petit reproche posthume. Pourquoi cher Alain Rey n’avoir pas fait  figurer « la course à l’échalote » dans la liste des expressions se rapportant à l’analyse de ce mot ? L’édition de ce dictionnaire qui trône dans la bibliothèque datant de 2001, ceci peut expliquer cela. Le manque peut avoir été comblé entre-temps. Il n’empêche – un comble ! – ce n’est qu’après en être passé par les algorithmes de Wikipedia que j’ai obtenu confirmation que cette expression populaire, dont l’origine remonterait à 1930, qualifie une compétition dans laquelle on essaye de gagner par tous les moyens. Fera-t-elle florès dans les commentaires des gazettes tout au long de la période qui va nous conduire jusqu’aux marches de l’Élysée ? Point n’est besoin de lire dans le mare de café pour prédire qu’il en sera ainsi.

    Voyez où on en arrive quand on laisse sa plume dériver au gré de ses pensées volatiles ! On saute du coq à l’âne. Je n’ai pas, cependant,  le cœur à me justifier car cette affaire me préoccupe toujours au plus haut point. D’autant plus, qu’entre temps, j’ai appris que l’échalote a pris la place de l’oignon dans cette course. L’oignon, désignant en fait les fesses, il s’agissait (dixit Wikipedia)  d’attraper quelqu’un par le pantalon ou de le courser de très près, comme pour le dépasser et arriver premier. Reste donc maintenant à savoir quelle est la partie du corps qui s’apparente à l’échalote.

     

    Pensées volatiles autour de l’échalote

    Le déjeuner d'huîtres,

    huile sur toile de Jean-François de Troy (1735), Musée Condé, Chantilly

     

    Conscient que cette dérive lexicale doit commencer à vous lasser, il me faut conclure. Je m’y attelle, mais en vous invitant à  partager un point de vue :

    Dans Le Grand Robert de la Langue Française, on met en exergue l’extrait d’un récit (Les Nuits d’octobre) où Gérard de Nerval (1808-1855) parle de l’échalote. Autant le dire d’emblée, les grandes plumes, hormis celle là, n’ont guère accordé d’importance  à ce légume. Faute de goût évidente. Mais, lisons  Gérard de Nerval !

    « Il ne faut pas se dissimuler  que c’est là le restaurant des aristos. L’usage est d’y demander des huîtres d’Ostende avec un petit ragoût d’échalotes découpées dans du vinaigre et poivrées, dont on arrose légèrement lesdites huîtres

    De mon point de vue : totale hérésie. Comment peut-on ainsi dénaturer le goût naturel de l’huître, qu’elle soit d’Ostende où de Lanmodez ? 

    J’entends déjà les réprobations : « Avec la sauce mignonette  (c’est ainsi que l’on appelle ce condiment réalisé avec des échalotes hachées, du poivre concassé et du vinaigre) on offre aux papilles un savoureux contraste entre les fruits de la terre et ceux de la mer. N’est-ce pas là la vertu première de la gastronomie ? ».

    Qui puis-je ? L’échalote se fait ici, selon moi, complice d’un crime de lèse majesté. Je doute même de l’intérêt du jus de citron, soi disant révélateur de la fraîcheur du mollusque.

    Et vous, qu’en pensez-vous ?

     

     

                                                                                                                                          Claude Tarin

                                                                                                                           Dimanche 23 janvier 2022

     

    * Tous les exemplaires du  livre Kermouster 1945-1983, Sur le chemin de l’école, que Mona Ozouf a eu la gentillesse de préfacer, ont été vendus.


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