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    Madeleine Jacques nous a quittés à l’aube de son quatre-vingt-dix-huitième printemps. Elle était la doyenne du hameau. Avec Bernard, son époux, ces Parisiens avaient fini par jeter leur dévolu sur ce village niché au bout du monde, découvert aux cours des vacances de l’été 1976. C’est ici que tous les deux ont pu trouver le terrain pour bâtir et aménager, par eux-mêmes, une maison grande ouverte aux senteurs océanes. Ils y coulaient ensemble une retraite paisible depuis 1987 ; après avoir sillonné la France et beaucoup voyagé à travers le monde, comme l’avait rappelé Marcel Turuban, lors de leurs noces de platine, fêtées en mairie le 4 août 2018. Un an plus tard, Marcel Turuban aura eu une nouvelle occasion de montrer l’attachement de la commune à ce couple si naturellement attachant. Le 25 août de cette année 2019, Bernard Jacques devenait officiellement le doyen de la commune.

    Madeleine Jacques s’est éteinte à l’Ehpad Les Mouettes de Lézardrieux. Elle venait tout juste d’y prendre pension, en tout début d’année.

    C’est en l’église Saint-Jean-Baptiste, ce mardi, en tout début d’après midi, que se sont déroulées ses obsèques, entourée de l’affection de son mari, de ses cinq enfants, petits-enfants et arrière petits enfants, de quelques amis, dont un certain nombre de Kermosutériens. Marcel Turuban, Maryvonne Le Berre, qui fut en charge des affaires sociales sous son mandat,  et Henri Paranthoën étaient présents pour un dernier hommage de la commune.

     

    Peu enclins à affronter la raideur de la côte menant à l’île à Bois, compte tenu du grand âge et de problèmes de santé grandissants, Bernard et Madeleine Jacques s’étaient faits, ces dernières années, de plus en plus rares dans le paysage. Cependant, ils mettaient toujours un point d’honneur à se joindre aux festivités du hameau, ne manquant jamais, tout particulièrement, le rendez-vous du goûter de fin d’année. En ces instants, il leur était plus facile de dialoguer en pays de connaissances.

     

    De Madeleine Jacques nous garderons le souvenir d’une dame pétillante, aimant beaucoup tenir conversation malgré une ouïe ô combien dégradée. C’est au sein de la société Chanel qu’elle a exercé sa profession de comptable. Peut-être nous faut-il regretter de n’avoir pas su prendre le temps de lui faire raconter sa vie au sein de cette société. La Maison Chanel est à elle seule une page d’histoire.

     

    Il semble acquis que Madeleine Jacques se soit définitivement assoupie sans savoir que cette société, sa société, se trouvait elle aussi au cœur de la tourmente. Une semaine tout juste après l’invasion de l’Ukraine, la maison de la rue Cambon, où, en 1910, une jeune couturière s’apprêtait à révolutionner la mode féminine, venait de décider « temporairement » de suspendre ses activités en Russie ; un marché du luxe de première importance.  

     

    C’est en 1948 trois ans après la 2ème guerre mondiale, que Bernard Jacques et Madeleine Houisse unissaient leurs destins. Madeleine, qui avait alors 24 ans, n’aura pu que conserver le souvenir douloureux de cette guerre et, tout comme nous, elle n’aurait pu, si elle en avait encore eu la faculté, qu’être sidérée de voir qu’une telle monstruosité puisse à nouveau avoir lieu sur le vieux continent.

     

    Permettez moi, en votre nom, de renouveler, ici, nos plus sincères condoléances à Monsieur Jacques et à toute sa famille.

     

                                                                                                                                             Claude TARIN

                                                                                                                                  Jeudi 24 mars 2022

                                                                                                                                  

    Madeleine était notre doyenne

    Bernard et Madeleine Jacques, 5 septembre 2019 (photo Ouest-France)

     

    Haïkerm de l’équinoxe de printemps

     

    Madeleine était notre doyenne

     

    On ne peut se lasser d’un tel spectacle. Grand merci une nouvelle fois à Filipe Mota de nous faire partager ce lever de soleil d’après équinoxe de printemps. Comme chaque année à cette époque, le soleil se lève entre la pointe de l’Arcouest et la côte sud de Bréhat. Il a accompagné Madeleine dans son dernier voyage ; il va continuer sa ronde. Bien que faisant peser la menace  d’un réchauffement climatique dévastateur, il nous permet de conserver l’énergie de l’espoir

     

    Accroché au fil

    L’astre de la lumière

    L’espoir ne meurt pas

     

    Madeleine était notre doyenne


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    Les jours heureux…si

                                                                                                                                                      (Photo Catherine Frey)

     

    Il a fait bon, ce dimanche, partager le goûter que l’Amicale de Kermouster a (enfin) pu organiser. Un dimanche de retrouvailles en quelque sorte, après deux longues années de confinement. Ce jour là, le ciel était aux couleurs de la fête, nous offrant au fil des heures de réjouissants arcs-en-ciel ; un spectacle dont on ne peut se lasser. Seule ombre de taille au tableau : la tragédie qui se noue  en Ukraine, à quelque 2500 kilomètres de chez nous, à vol d’oiseau. L’inquiétude d’un désastre humanitaire a tout naturellement pesé sur ces retrouvailles sans, toutefois, en altérer totalement la convivialité.

    Si de l’Ukraine il a beaucoup été question, les Kermoustériens présents ont apprécié tout particulièrement l’initiative prise par Isabelle Matthieu et François Bienfait de Port Manac’h ; celle-ci consiste à regrouper des dons qui seront acheminés, via les réseaux de solidarité qui se sont spontanément constitués dans la région pour venir en aide aux réfugiés. Voici une liste non exhaustive des besoins : lits de camp, couvertures thermiques, sacs de couchage, plaids, matelas, oreillers ; gels douches, dentifrice, brosses, couches, serviettes en papier, antiseptique, alcool, masques, médicaments, rasoirs ; serviettes en microfibre, sels de vaisselle réutilisables, piles, bougies, torches, rallonges, projecteurs, lumières ; aliments instantanés, barres énergétiques, fruits secs, noix, conserves, pâtes, céréales et des bouteilles d’eau.

     

    Les jours heureux…si

     

    N’étant pas sans connaître l’extrême sensibilité d’Isabelle et de François pour tout ce qui se rapporte à la condition animale, éleveurs, par plaisir, de chèvres notamment, nous n’avons guère été surpris d’entendre François Bienfait nous dire qu’il fallait également ajouter à  ces produits de première nécessité pour les hommes, les femmes et leurs enfants, qui ont tout perdu, des croquettes, des laisses, des colliers, des couvertures et paniers de transports et tant d’autres fournitures pour leurs animaux de compagnie. Le tout, dans des cartons solides. Pour tout renseignement : 06 50 72 16 79.

    L’Ukraine encore avec la confirmation d’une décision prise par la mairie de Lézardrieux. L’annonce en a été faite lors du dernier conseil municipal. La commune met à disposition un logement vacant qui se trouve au-dessus de l’école du centre bourg. C’est la préfecture qui va gérer le choix et l’accueil des réfugiés. Initiative heureuse !

     

     « Déballage village »

     

    Le présent étant ce qu’il est, il ne pouvait cependant pas être question de sombrer dans le plus profond pessimisme. Malgré moult incertitudes, il y aura bien un avenir.

    Un goûter de l’Amicale, c’était dans le monde d’avant Covid, à l’approche des festivités de fin d’année, l’occasion de tirer le bilan des actions menées quelques mois auparavant durant la belle saison. Pour cause de pandémie, il aura fallu attendre la mi-mars de cette année pour organiser ce traditionnel rendez-vous.

    Avec deux tours d’horloge complets d’avance sur la levée officielle de la contrainte du masque, les Kermoustériens ont pu enfin s’attabler les uns à côté des autres, tous se sachant être dans les clous sur le plan de la sécurité sanitaire. Trente six personnes ont honoré l’invitation de l’Amicale qui, par ailleurs, a tenu à associer celles et ceux qui n’ont pu se déplacer en leur distribuant crêpes - excellentes de l’avis général – et beignets ; signe évident d’une envie d’agir en commun pour que le hameau puisse couler à nouveau des jours heureux partagés.

    La sortie du tunnel pandémique n’étant plus une chimère, il est désormais possible de tirer des plans sur la comète. C’est ce qu’ont fait les responsables de l’Amicale, charge pour le président, Jean-Pierre Rougié, de nous faire part des projets

     D’ores et déjà un date à retenir : le traditionnel nettoyage des plages aura lieu le 27 juin.

    Pour ce qui est de la brocante, léger changement d’amure puisque l’on parle d’un « déballage village ». « Une formule alternative à la traditionnelle brocante du parking, dira Jean-Pierre Rougié en précisant « les Kermoustériens qui ont des choses à vendre déballeraient devant chez eux de façon coordonnée et médiatisée."

    Ce « déballage » pourrait se dérouler le samedi 30 juillet, la veille du traditionnel pique-nique des Kermoustériens.

    Pour ce qui est des festivités du pardon (dimanche 28 août) l’Amicale entend mettre tout en œuvre pour assurer le succès de la Kermesse et des trois journées de concours de boules.

    À l’issue de l’assemblée générale fixée au vendredi 27 mai, toutes les précisions seront apportées. On en saura notamment un peu plus sur les modalités de ce « déballage village ».

     

    Ballade musicale en novembre

     

    Refrain connu : en France tout finit par des chansons. À Kermouster ce goût pour le chant se concrétise désormais par un rendez-vous annuel. L’année dernière, les Kermoustériens ont été au diapason de la guitare de Brassens ; il fallait impérativement marquer le coup ; et cela fut fait de fort belle façon ; d’où l’idée de donner une suite à ce micro sillon du vivre en bonne intelligence.

    Comme l’an passé, ce sont Pierrick et Françoise Auger qui seront au pupitre. Ce dimanche, un nouvel appel a été lancé pour que les Kermoustériens leur fassent connaître leurs desiderata en la matière, qu’ils veuillent par eux-mêmes donner de la voix ou tout simplement tendre l’oreille pour entendre les chansons qui leur parlent.

    Cette année,  la chanson française devrait être mise à l’honneur. À défaut, la thématique pourrait glisser sur la mer.

    Il semble acquis que ce rendez-vous musical ne pourra pas se tenir avant novembre. De ce fait, je suggère d’inclure dans le programme la Ballade en novembre, merveilleuse chanson d’Anne Vanderlove. Mais que les fans de Gérard Lenorman ne s’inquiètent pas ! S’ils font connaître ce souhait, Kermouster pourra chanter Les jours heureux.

    Les jours heureux ? Le printemps montre le bout de son nez ; les mimosas ont perdu de l’éclat mais les jonquilles ont pris la relève ; les arbres dénudés vont progressivement enfiler leur tenue verte d’été. Les jours heureux, c’est pour demain…si…

     

     

                                                                                                                                             Claude Tarin

                                                                                                                                  Mardi 15 mars  2022

    Les jours heureux…si

    Les jours heureux…si

    Les jours heureux…si

    Les jours heureux…si

    Les jours heureux…si

                                                                                          (Photos Catherine Frey)


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    Depuis quand les peuples ont-ils éprouvé de l’émotion à se retrouver sous les couleurs d’un drapeau ? Les plus anciennes représentations de « drapeaux » seraient chinoises. Elles dateraient du deuxième millénaire avant notre ère. C’est aussi aux Chinois, souligne-t-on, qu’est attribuée l’invention de la soie tissée, et donc des premiers véritables drapeaux semblables à ceux d’aujourd’hui.

    Sans être directement partie prenante dans le conflit que la Russie a pris l’initiative d’engager en Ukraine, tout laisse à penser que la Chine ne peut y voir que son intérêt à long terme. Une Europe disloquée, donc encore plus affaiblie qu’elle ne l’est, ne pourrait que lui faciliter la mise en place de ses routes de la soie, dont l’une passe par ce pays qui, depuis deux semaines, se bat pour l’honneur de son drapeau. Que le « tsar » du Kremlin ne se fasse cependant aucune illusion, vainqueur ou non de cette guerre qu’il a provoquée : il est déjà le vassal de l’Empire du milieu.

     

    Réponse à un Ukrainien

     

    Concernant le drapeau ukrainien, je n’apprends rien, bien évidemment, à l’Ukrainien qui, suite à la précédente chronique, a placé un commentaire sous forme de question. Ce drapeau jaune et bleu qui flotte aux vents mauvais de la guerre a été hissé en 1918, lors de la création de la République nationale ukrainienne. Sous domination des Soviets dès 1920, l’Ukraine a recouvré son indépendance et son drapeau en 1991. À ce lecteur « anonyme », il est tout aussi inutile de rappeler le pourquoi de ses couleurs. Elles symbolisent le ciel bleu sur les champs de blé dans les steppes. Il n’ignore pas, bien évidemment, le sort que Joseph Staline a réservé aux travailleurs de la terre de son empire et tout particulièrement à ceux qui ont fait de l’Ukraine le grenier à blé de l’Europe.

    J’imagine, si Ukrainien de cœur il est vraiment, qu’il aimerait maintenant nous confier la tristesse qui ne peut qu’être la sienne quand remonte le souvenir de l’Holodomor. Vladimir Poutine n’a pu tromper son monde en invoquant un génocide ukrainien pour justifier sa volonté d’annexer ce pays. L’Holodomor ou fléau de la famine, lui, a été un véritable génocide provoqué par la seule volonté du Père du peuple. Il y a tout juste quatre-vingt-dix ans, la collectivisation et les réquisitions excessives des denrées alimentaires auprès des paysans allaient engendrer une « extermination par la faim », même dans ces territoires où la terre sait se faire nourricière. La famine a provoqué la mort de 2,5 à 5 millions de morts de 1932 à 1933.

     L’Ukraine, redevenue indépendante, a, en 2006, officiellement qualifié l’Holodomor de génocide, ce que la Russie conteste encore. Deux ans plus tard, le Parlement européen a qualifié cette tragédie de « crime contre le peuple ukrainien et contre l’humanité », jugeant qu’il s’agissait d’une famine provoquée.

    Ayant pris le temps de me replonger dans ces horreurs de l’histoire, je ne puis que renforcer la réponse à laquelle cet interlocuteur ne pouvait que s’attendre. Oui, compte tenu de l’urgence et l’ampleur du désastre, il faut porter secours à ces gens que cette guerre insensée pousse à l’exil. À Kermouster, comme ailleurs. À chacun d’agir en conscience. Nul ne doit se sentir coupable si les possibilités d’hébergement font défaut. Il est réconfortant de savoir que les mairies de la presqu’île se sont, elles aussi, inscrites dans ce mouvement pour épauler cette nécessaire solidarité.

     

    Réponse à un Ukrainien

                                                                                                      (Photo Thibaud Moritz/AFP)

     

    Une maison de la Solidarité

    Soupçonnant l’Ukrainien de ne pas avoir découvert Kermouster…l’humeur du jour la semaine dernière, il n’a peut-être pas oublié la suggestion que j’avais émise  début février 2018. Sous le titre « Migrants : du Monde à la Commune », je développais cette idée que chaque commune de la taille de celle de Lézardrieux devrait mettre en place les moyens d’accueillir ne serait-ce qu’une famille, qu’elle vienne de Syrie – autre désastre humanitaire auquel Poutine a largement contribué -  d’Ukraine ou d’ailleurs. La famine et la guerre font hélas des ravages sur d’autres parties du monde. Et nous sommes partie prenante de ce monde.

    Une Nation comme la nôtre, pour l’honneur de son drapeau, ne peut camper dans l’indifférence et dans le rejet. Une maison de la Solidarité dans chaque petite commune ne pourrait que concourir à irriguer de la fierté aux quatre coins du pays et, par extension, de l’Europe démocratique.  Il ne peut s’agir, bien évidemment, « d’accueillir toute la misère du monde » comme l’a dit Michel Rocard, alors Premier ministre, avant d'ajouter : « mais elle (la France) doit prendre sa part de cette misère. »

    L’hébergement chez l’habitant ne peut être qu’une réponse à l’urgence ; elle n’a pas vocation à s’inscrire dans la durée. Ces maisons de la Solidarité offriraient à ces gens, qui ont tout perdu, un abri et une tout aussi nécessaire intimité. Ce serait un sas de décompression en attendant un possible retour au pays ou un tremplin pour une intégration et assimilation ayant ainsi toutes les chances de réussir.

    Aujourd’hui, on ne peut qu’être Ukrainien comme nous sommes devenus et demeurons « Charlie ». 

     

                                                                                                                                              Claude Tarin

                                                                                                                                Mercredi 9 mars 2022

     

    Merci Monsieur Fernand Raynaud

     

     

    Réponse à un Ukrainien

     1955, 36 Chandelles. L'humoriste Fernand Raynaud, ici en compagnie de Georges Brassens et Jean Nohain la'nimateur de cette émission de variétés que les antennes de RTF Télévision ont diffusé du 27 octobre 1952 au 7 juillet 1958 (Photo DR)

     

    En Ukraine, le souvenir de l’Holodomor a renforcé le caractère sacré du pain. Comme chez nous, il se prête à satisfaire les palais de multiples façons : pain de seigle, pain complet, pain de blé, pain blanc, pain de céréales et même un pain spécial, le Karavaï. Certes l’Ukraine n’a pas le monopole de ce pain festif que l’on déguste dans tout le monde slave, Russie comprise, à l’occasion d’un mariage, mais, là-bas, il est le couronnement suprême d’une terre à blé.

    C’est ce symbole qui a fait ressurgir le souvenir de Fernand Raynaud (1926-1973). Ses sketches ont égayé plusieurs générations durant les Trente Glorieuses. Ce sont les circonstances qui m’amènent à rappeler celui de L’Étranger.

    Tout en sachant qu’il vous serait préférable de bifurquer vers Youtube pour voir et entendre Fernand Raynaud vous glisser, lui-même, dans l’oreille un message d’altérité, délivré en 1972,  il y a tout juste cinquante ans. Un message qui s’inscrit dans la même veine que celui que nous a délivré Georges Brassens, citoyen d’honneur de notre commune, avec L’Auvergnat.

     

    L’Étranger

     

    J'suis pas un imbécile moi, j'suis douanier.


    J'aime pas les étrangers, ils viennent manger l'pain des français... ouais !
    C'est curieux : comme profession, j'suis douanier, et puis j'aime pas les étrangers... Hein ?


    Quand j'vois un étranger qui arrive, puis qui mange du pain, j'dis : "ça c'est Mon pain !"
    Puisque j'suis français, et puis il mange du pain français, donc c'est MON pain à moi.


    J'aime pas les étrangers parce que moi je suis français, et je suis fièr d'être français.
    Mon nom à moi, c'est Koularkientensky du côté de ma mère... et Piazzano-Venditti du côté d'un copain à mon père.
    C'est pour vous dire si j'suis français !


    J'aime pas les étrangers, ils viennent manger l'pain des français...


    Dans le village où on habite, on a un étranger, alors, quand on le voit passer, on dit : "Tiens, ça, là, ça - c'est l'étranger".
    On l'montre du doigt, comme un objet... On n'a pas de respect.
    Quand on a du respect pour un être humain, on ne dit pas "ça", là, non. On dirait : "Ce monsieur"...


    C'est un étranger, il vient manger l'pain des français...
    Quand sa femme passe, la tête basse, avec ses p'tis enfants qui baissent la tête; on dit :
    "Ça, ça là, c'est des étrangers : ils viennent bouffer l'pain des français."


    L'autre dimanche, dans mon village, j'avais été - c'était à la sortie de la messe de dix heures - j'avais été communier au café d'en face.
    Y a l'étranger qui a voulu me parler. Moi, j'avais autre chose à faire, pensez, parler avec un étranger !
    J'avais mon tiercé à préparer... Je suis douanier. Je suis pas un imbécile.
    Enfin, du haut de ma grandeur, étant fonctionnaire, j'ai daigné l'écouter, cet imbécile (il est étranger, forcément)...
    Il m'a dit, euh :


    « Ne pensez vous pas qu'à notre époque, c'est un peu ridicule de traiter certaines personnes d'étrangères, nous sommes tous égaux.
    Voilà ce que j'avais sur le cœur, je voulais vous dire ça, Monsieur le Douanier, vous qui êtes fonctionnaire et très important, vous qui avez le bouclier de la loi... Nous sommes tous égaux. On peut vous le prouver : quand un chirurgien opère un cœur humain, que ce soit au Cap, à Genève, à Washington, à Moscou, à Pékin, il s'y prend de la même manière : nous sommes tous égaux. »


    Pauvre andouille va ! Venir me déranger pour dire des inepties pareilles !!!


    Il a poursuivi... Ils sont tellement bêtes ces étrangers, ils viennent manger l'pain des français.
    Y m'a dit... euh ... :
    « Est-ce que vous connaissez une race où une mère aime d'avantage ou moins bien son enfant qu'une autre race ? »


    Là, j'ai rien compris à ce qu'il a voulu dire... J'en ai conclu, qu'il était bête...
    En effet, lorsque quelqu'un s'exprime et que l'on ne comprend pas ce qu'il dit, c'est qu'il est bête !
    Et moi je peux pas être bête, .... je suis douanier ... : "Vas-t-en, étranger !"
    Il m'a répondu: « J'en ai ras-le-bol, moi. Votre pain, et votre France. Je m'en vais. »


    Il a pris sa femme, sa valise, ses enfants, ils sont montés sur un bateau, ils ont été loin au delà des mers, lououain...
    Et, depuis ce jour là, dans notre village, eh ben on mange plus de pain, dit !

    Il était boulanger !!!

     

     


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     « L’Églantine était blanche avec une carène verte. Sa quille profonde ne l’empêchait pas de se coucher sur l’eau dès que le vent fraîchissait; mais cela ne faisait apparemment que stimuler l’ardeur de la conversation entre les passagers. Le Capitaine, vêtu de son éternel costume de laine blanc rayé de fines raies bleu marine surmonté de son éternel chapeau  mou  de  toile  blanche,  ne  prenait  jamais  la  barre.  C’était  le «père Rousseau» qui barrait et pilotait, sans carte, à travers tous les rochers et à toutes les hauteurs d’eau de ce pays à très fort marnage. Le mousse, c’était François,  son fils, que je devais revoir bien plus tard, dans la Marine, avec toujours en lui cette  pureté  de  sentiment  si  typiquement  bretonne.  Parfois,  si  le  vent  tombait, c’est avec grand peine que le noble bateau devait regagner le mouillage  à  la godille,  ou  péniblement  remorqué  par  le  canot,  si  celui -ci  avait  été  utilisé  pour un débarquement. Cela faisait partie des imprévus qui donnent leur charme aux vacances. Du   reste,   ils   ne   manquaient   pas,   ces   imprévus,   au   cours   des   multiples promenades rendues possibles par la variété de la côte, cette côte aux criques si découpées,  aux  îles  innombrables,  que  l’absence  de  plages  renommées protégeait des intrus, en réservant aux seuls initiés le secret de l’envoûtement dans  lequel  ils  étaient  plongés. Seul le redoutable vent d’Est avait le pouvoir d’interdire  toute  sortie  en  mer,  et  l’on  voyait  alors  le  Capitaine  remettre l’appareillage à des jours meilleurs, bougonnant, depuis le matin, «Vent d’Est ! Vent d’Est !» en  taillant  ses  massifs  de fleurs, dont aucun œillet n’irait, cette fois-ci, décorer la poitrine ou la chevelure de la plus belle passagère »

     

    Dans le sillage de « l’Églantine »

     

    Ces quelques lignes sont extraites d’un livre Souvenirs d'un enfant de la France Libre écrit par Georges Louis Jean Lapicque, capitaine de frégate et écrivain, dont on peut prendre l’entière connaissance en cliquant sur Internet. Le 25 février dernier aura marqué la dixième année de son décès, à l’âge de 90 ans. Jean de Lost Pic – son nom de plume- était le fils du peintre Charles Lapicque et d’Aline Perrin, fille du physicien Jean Perrin. Le mousse François dont il est question n’est autre que le père de François Le Rousseau auquel il rend ici un bel hommage que, nous autres Kermoustériens, subodorons pleinement justifié, puisque tel père tel fils.

    Ce sont les tragiques événements en Ukraine qui ont réveillé, par juxtaposition d’idées, le souvenir d’une récente  conversation avec François Le Rousseau. Au cours de cet impromptu, François m’apprenait qu’il a grandi auprès de la famille Lapicque, donc, par ricochets, dans l’univers de Sorbonne Plage, de l’autre côté de l’estuaire, sur les hauteurs de la baie de Launay.

    Le Capitaine dont il est question est Charles Seignobos. Né en 1854 à Lamastre, en Ardèche, cet historien de renom fut l’un des premiers à jeter son dévolu sur la pointe de l’Arcouest. Il y a côtoyé le physiologiste Louis Lapicque, le mathématicien Émile Borel, le géologue Charles Maurain puis les physiciens Jean Perrin et Marie Curie et bien d’autres personnalités du monde intellectuel et scientifique parisien. Dans un deuxième temps, Frédéric Joliot s’amarrera à cette communauté au sein de laquelle aura grandi son épouse Irène Curie, la fille de Pierre et Marie Curie.

    Nous sommes encore dans la première moitié du XXe siècle. L’Églantine de Charles Seignobos est, au sortir de la Première Guerre mondiale, un tremplin pour l’évasion de toutes ces têtes pensantes. Ses voiles furent familières des abords du Trieux. Le 24 avril prochain cela fera quatre-vingts ans que le Capitaine a tiré sa révérence. Charles Seignobos, dreyfusard et pacifiste, se trouvait alors en résidence surveillée dans sa maison de Ploubazlannec. Cette fois, la nouvelle grande guerre avait placé la Bretagne sous le joug de l’ennemi.

     

    Dans le sillage de « l’Églantine »

    Charles Seignobos dansant la farandole à la fête annuelle de l'Arcouest dans les années 1920 - photographie de C. Howard © domaine public / Archives familiales Howard-Beneyton

     

     Gageons qu’il se trouvera quelques gazettes pour marquer l’événement et nous rafraîchir la mémoire ! Dans le sillage de Charles Seignobos il y a beaucoup à apprendre. Mais ayant évoqué les noms d’Irène et Frédéric Joliot-Curie, les vents mauvais qui soufflent de l’Est depuis une semaine nous rappellent que pour ces savants, Prix Nobel en 1935, la scission de l’atome ne leur est pas étrangère. Depuis six ans déjà Frédéric Joliot-Curie et son épouse travaillaient à l’Institut du radium. Ils ont fait partie des pionniers dont les recherches, à leur corps défendant, ont débouché sur la bombe atomique.

    Les 6 et 9 août 1945, deux noms s’inscrivaient tragiquement dans la conscience universelle : Hiroshima et Nagasaki

    Pendant l’été 1945, pour la première fois depuis l’été 1939, les Joliot se reposaient en Bretagne. C’est alors que survint la nouvelle du bombardement atomique sur la ville japonaise d’Hiroshima. « Celui qui avait consacré les deux années précédant la défaite de la France, en 1940, à des travaux sur la réaction en chaîne dans l’uranium avec l’espoir de libérer l’énergie contenue dans le noyau, se trouva en effet engagé, en 1945, dans un défi dont le caractère ambigu n’allait se révéler que progressivement : vouloir, en créant le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) à la Libération, replacer la France dans la course à la domestication de l’« énergie atomique » - comme on disait alors - alors que la formidable puissance contenue dans l’atome venait d’être révélée au monde par les bombardements de Hiroshima et Nagasaki ».  

    « La sagesse ne peut pas entrer dans un esprit méchant, et science sans conscience n'est que ruine de l'âme ». Cette sentence nous la devons à François Rabelais. Elle est inscrite dans son œuvre majeure, Pantagruel. Nul ne doit douter que cet homme et cette femme de science, comme tous ceux qui les ont entourés, étaient des humanistes. Ils furent eux aussi terrifiés par les tragédies d’Hiroshima et de Nagasaki « Il fut (Frédréric Joliot-Curie) très déprimé par la nouvelle et avait, écrit Michel Pinault, l’impression d’avoir été pris au piège, et d’être en partie responsable à cause de ses travaux d’avant-guerre. Pour lui, l’utilisation de l’énergie nucléaire ne pouvait se justifier que pour le bienfait de l’humanité » rapporte Michel Pinault

    À nouveau, je ne puis que vous inciter à cliquer sur Internet pour, à travers la lecture de l’autobiographie écrite par Michel Pinault, spécialiste de l’histoire des sciences, vous faire une idée plus précise de ce qu’a fait et voulu Frédéric Joliot-Curie

     

    Dans le sillage de « l’Églantine ».

                         Irène et Frédéric Joliot-Curie à la fête laïque de l'Arcouest, le 14 juillet 1936. Photo Musée Curie (coll. ACJC)                                                                                             

     En 1945, les Joliot-Curie seront nommés au nouveau Commissariat à l'énergie atomique (CEA) créé par de Gaulle et le Gouvernement provisoire de la République française. Irène meurt à Paris le 17 mars 1956 d'une leucémie aigüe  liée à son exposition au polonium et aux rayons X, la même maladie qui avait emporté sa mère. Frédéric Joliot-Curie décèdera trois ans plus tard. Tous les deux eurent droit à des obsèques nationales.

    Leur alter ego américain, le physicien Julius Rober Oppenheimer (1904-1967), le concepteur de ces bombes qui allaient contraindre les Japonais à la capitulation, ne sera pas totalement indifférent aux conséquences dévastatrices de ses recherches. Celui que l’on considère comme le père de la bombe atomique, même s’il dira que les États-Unis auraient dû transmettre plus d’avertissements au Japon, sera cependant resté partisan de l’usage de cette arme ravageuse. Frédéric Joliot-Curie signera, quant à lui le 19 mars 1950 l’appel de Stockholm, une pétition contre l’arme nucléaire. Nous sommes alors en pleine guerre froide. Cet appel a été lancé pas des membres du Partie Communiste, dont les Joliot-Curie furent membres et sympathisants, et des intellectuels pétris de pacifisme.

     

    Dans le sillage de « l’Églantine »

    Le Pont de Lézardrieux, Charles Lapicque 1969

     

    Le voilier Églantine de Charles Seignobos a disparu depuis bien longtemps du paysage, mais les voiles de la Liberté ont repris possession du plan d’eau. Les tableaux de Charles Lapicque (1898-1988) ont, dans les décennies d’après-guerre, forgé par leurs couleurs vives l’espoir d’un avenir radieux, dont ce Pont de Léardrieux peint en 1969. Au regard de ce qui se noue sur l’ancienne terre des cosaques, nous nous devons de relativiser les petits ennuis que nous rencontrons actuellement pour le franchir. Charles Lapicque et son épouse ont été reconnus « Juste parmi les nations » pour avoir caché des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.

    Reste maintenant à savoir si le sinistre et cynique Picrochole** du Kremlin ne mettra pas sa menace à exécution. Les missiles nucléaires ont une charge destructrice énormément plus forte que les premières bombes atomiques Le dernier modèle russe nommé Satan 2, équipé d’une technologie furtive pour tromper les radars ennemis, peut porter à lui tout seul 12 têtes nucléaires.

    Vade retro satana ! Exorcisons nos peurs ! Ouvrons nos portes et nos cœurs à ces femmes et enfants en quête de survie, tandis que leurs maris, leurs pères et grands-pères se battent pied à pied pour défendre leur liberté.  Poignante illustration du courage extrême !

     

                                                                                                                                           Claude Tarin

                                                                                                                               Jeudi 3 mars 2022

     

    ** Picrochole est, dans le roman de François Rabelais "Gargantua", le roi qui attaque le royaume de Grandgousier. Emporté par un caractère revanchard et belliqueux et par une folie mégalomane, il provoque pour des raisons futiles un conflit avec le royaume de Grandgousier. Finalement, la guerre de conquête qu'il a lancée contre son voisin se finit pour lui par une déroute totale. Espérons que l’histoire se répète.

     

     

    Après le pangramme, le tautogramme

     

     L'actualité internationale est terrifiante et toutes les occasions d'espérer et de sourire sont bonnes à prendre. C’est ainsi que Claudine Vanlé nous invite à nous mesurer, après les pangrammes (nos précédentes éditions) aux  tautogrammes: tous les mots du texte doivent commencer par la même lettre. En voici un de son cru :


    La lune lointaine,laiteuse, lascive, luit, lorgnant la lande languissante.

    On peut aussi se contenter, ajoute Claudine; d'appliquer la règle aux seuls noms, verbes, adjectifs et accepter des entorses pour les prépositions.


    Gare aux gouvernants glaçants
    Gare aux généraux gonflés de grades et de gloire
    Gare aux garnisons galvanisées
    Gardez-nous du guêpier des guerres
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    Quand passent les cigognes…

     

    Au plaisir des yeux…Quoi de plus déstressant que de pouvoir prendre le temps de regarder les bernaches cravants à la frontière mouvante entre terre et mer ? De fait, ces petites oies marines ont la double nationalité puisqu’elles partagent leur temps entre la Sibérie et, pour certaines d’entre elles, les rivages du Trégor Goélo. Elles sont l’image même d’un monde apaisé. Sous un ciel enfin libéré des sautes d’humeur d’Éole, la sérénité engendrée par le spectacle de ces volatiles, se partageant souvent les richesses de l’estran avec des tadornes du belon, des mouettes et des aigrettes garzettes, sous le regard bienveillant de nos corbeaux et goélands, cette sérénité s’est vite évaporée dans la froidure. On ne peut pas s’abstraire totalement des réalités humaines de ce monde qui ne s’apparente en rien à ce paradis terrestre auquel il nous arrive de rêver. Un autocrate – un parmi tant d’autres -  vient, à son tour, de balayer bien des illusions.

    Certes, depuis la chute du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989, les secousses n’ont pas manqué, mais nous pensions, peut-être trop naïvement, que l’esprit des Lumières recouvrait de l’intensité sur cette partie du plateau continental que l’on appelle l’Europe ; cette Europe unifiée à laquelle aspirait Victor Hugo ;  cette Europe de l’Atlantique à l’Oural, comme s’est plu à la décrire le général De Gaulle. Nous voulions croire que la raison l’emporterait.  

    Peut-être partagez vous le souvenir de Quand passent les cigognes. Cinq ans après la mort du sanguinaire Père du Peuple (Joseph Staline), ce film recevait, en 1958, la Palme d’or du Festival de Cannes. Le jury de la Croisette couronnait une œuvre symbolisant un véritable premier signe de dégel entre l’URSS et le reste de l’Europe.  C’est de cette époque que remonte la notion d’un « communisme à visage humain ».

    Cette société idéale puisque soi-disant égalitaire, les tenants de l’idéologie communiste, dont le paimpolais Marcel Cachin (décédé l’année de cette consécration cinématographique), y ont cru ; pour la majorité d’entre eux, en toute sincérité ; mais il leur a fallu très vite déchanter et se soumettre aux vieux démons du totalitarisme. Entendre aujourd’hui Poutine qualifier les autorités ukrainiennes de nazisme est intolérable. L’empire russe qu’il rêve de reconstruire ne s’est-il pas montré, durant le XXe siècle, tout aussi terrifiant que l’Allemagne alors dirigée par les affidés d’Hitler ? L’ancien officier du KGB gomme trop facilement ce passé génocidaire, si ce n’est ses propres responsabilités.

     

    Quand passent les cigognes…

    Tatania Samoloïva (Veronika) et Alexeï Balatov (Boris), acteurs principaux de Quand passent les cigognes, film primé au festival de Cannes de 1958

     

    Quel âge avais-je quand je suis tombé sous le charme de Tatiana Samoïlova, l’actrice principale de ce film soviétique qui nous brosse une dramaturgie sur fond d’une guerre encore toute récente? Quatorze ? Quinze ? Seize ans ? Qu’importe ! Au-delà des sentiments que peut m’avoir inspirés cette belle et émouvante actrice, c’est une scène particulière à laquelle il m’est arrivé souvent de penser ; les événements tragiques dont nous sommes les spectateurs atterrés  viennent d’en raviver ce souvenir.

    Cette scène, comme bien d’autres, on peut la visionner en passant par le canal de Youtube. Elle nous montre Boris, le fiancé de Veronika (Tatiana Veronika) s’écroulant, frappé mortellement par une balle perdue alors qu’il portait secours à un camarade, dans une zone marécageuse où s’élève une cathédrale de bouleaux. Ici, le réalisateur (Mikhail Kalatozov), par un jeu subtil de caméras, novateur pour l’époque, replace l’individu au centre du récit, au-delà de toutes considérations patriotiques. Aucune propagande subliminale à dénoncer dans ce long métrage !

    Ne me souvenant plus vraiment de l’intrigue, j’ai bien évidemment farfouillé dans Wikipedia, cette encyclopédie des temps modernes, pour essayer de comprendre ce qui me rattachait plus précisément à ce film. Avec une question subsidiaire en tête : que viennent faire les cigognes dans ce drame ?

    N’en déplaise peut-être à ces Alsaciens qui viennent de manifester, par consultation citoyenne, leur désir de faire sécession avec la région du Grand Est, ils n’ont pas le monopole des nids de cigognes. Cet échassier n’a rien d’un sédentaire. Tout comme la bernache cravant, il navigue dans le ciel et se pose régulièrement, plus ou moins longuement, dans ses différents ports d’attache, pas seulement sur la rive ouest du Rhin. De fait, le réalisateur de Quand passent les cigognes s’est inspiré d’une pièce de théâtre (Éternellement vivants) écrite en 1943, alors que son auteur, Victor Rozov, est hospitalisé suite à une blessure de guerre.

    Victor Rozov, lui-même, a puisé dans l’œuvre de son célèbre prédécesseur Anton Tchékhov (1860-1904). Peut-être peut on y déceler un apparentement avec la pièce La Mouette de ce dramaturge, puisqu’il y est question d’une femme qui meurt comme une mouette, tuée par une balle au bord d’un lac où elle savourait le plaisir de vivre. Dans une autre de ses pièces ( Les trois sœurs) Anton Tchékhov écrit : « Vivre et ne pas savoir pourquoi les cigognes passent dans le ciel, pourquoi les enfants naissent, pourquoi ils représentent des étoiles au firmament du ciel… » Je tenais là un élément de réponse à la question du pourquoi des cigognes, si familières dans l’imaginaire russe.

    Dans ce propos, une simple digression de circonstances ; pour rappeler, cependant, que la Russie fut et demeure un pôle inséparable de notre civilisation. Nous nous sommes abreuvés à la source de ses grands écrivains que furent Pouchkine, Dostoïevski, Tolstoï, Tchékhov puis, plus tard, de Soljenitsyne, pour ne parler que d’eux. Ils furent, dans ce domaine,  les figures de proue d’un peuple que l’on sait, par ailleurs, riche de ses talents.

    Deux jours après la première brèche, c’est un violoncelliste virtuose russe qui était venu, au pied de ce mur transpercé, faire chanter les cordes de la liberté recouvrée. Mstislav Rostropovitch, déchu de sa nationalité par Leonid Brejnev et vivant en exil aux États-Unis depuis 1974, aura été un grand serviteur des célèbres compositeurs de son pays, mais aussi du grand répertoire européen. La musique se contrefiche des frontières, comme les oiseaux migrateurs. À Berlin, c’est une cantate de Johann Sebastian Bach qui fit vibrer les cœurs.

     

    Quand passent les cigognes…

    La bibliothèque de Voltaire conservée à Saint-Pétersbourg

     

    L’invasion de l’Ukraine par la Russie de Poutine a, chez nous, mais nous n’en avons certainement pas l’exclusivité, soulevé un débat que des esprits révisionnistes se sont empressés de polluer. Oui, tout comme ces falsificateurs de l’histoire, on ne peut que reconnaître le rôle important que ce grand pays a joué dans notre propre histoire ; cela ne peut pas, ne doit pas être jeté aux oubliettes. Mais il nous faut aujourd’hui se convaincre que les Russes, dans leur grande majorité, subissent plus qu’ils n’approuvent les menées de ceux qui, par la terreur, les dirigent actuellement. Leur donner une once de crédit ou tenter de légitimer cette agression d’un dictateur s’en va-t-en guerre, c’est cautionner le mal en personne.

    Si vous avez eu la chance de séjourner à Saint-Pétersbourg, vous conservez peut-être le souvenir de votre rencontre avec Voltaire et Didetot. C’est dans cette cité au passé prestigieux que « reposent» les bibliothèques de nos deux grands philosophes. C’est après sa mort que la Grande Catherine, comme son nom est inscrit dans l’histoire, acheta celle de Voltaire. Diderot, notre encyclopédiste en chef, fit, quant à lui, le voyage jusque Saint Pétersbourg pour échanger directement avec l’impératrice Catherine II et lui vendit sa bibliothèque de son vivant. Deux points d'histoire qui soulignent que la Russie fut aussi une terre ouverte aux idées.

    Poutine est né à Léningrad et l’ancien membre actif du KGB coiffera la casquette d’adjoint à la mairie quand la cité fondée par Pierre Le Grand redeviendra Saint-Pétersbourg en 1991. Englué dans ses fantasmes et obsessions, il n’ a certainement pas su prendre le temps de lire le Traité sur la tolérance Voltaire. Il y a des mots qui sonnent mal aux oreilles des dictateurs.

    La Grande Catherine, elle-même, n’aura cependant pas tardé à faire tomber le masque. La Révolution française, forte de ses principes d’égalité, de liberté et de fraternité, l’amènera à reconsidérer son attachement à notre pays, tout comme bien d’autres souverains de cette époque. Catherine II fut indubitablement une despote…éclairée, si tant que l’on puisse accoler un tel qualificatif à une souveraine assoiffée de pouvoirs. Après avoir pratiqué la tolérance, elle rétablit le servage et autorisa la torture de ses adversaires. Les Polonais n’ont pas oublié qu’elle fut celle qui dépeça leur pays et, de là où elle repose, elle ne peut qu’approuver Poutine d’avoir remis la main sur la Crimée qu’elle avait enlevée aux Turcs.

    Cela ne nous fait en rien oublier cette folie des grandeurs qui poussa un certain Napoléon Bonaparte à vouloir être le maître absolu de ce vieux continent. Conquérir, asservir, pour inscrire son nom dans l’histoire. C’est au fil de ces tragédies, car toute guerre est une tragdie,  que le vieux continent a façonné son image.

    L’histoire jugera, a-t-on coutume de dire. Pour Poutine, la condamnation est désormais sans appel.                                                                                                               

     

                                                                                                                            Claude Tarin

                                                                                                                    27 février 2022

     

    Haikerm hivernal

     

    Quand passent les cigognes…

     

    Le casse-tête amusant du pangramme (précédentes chroniques) n’a en rien émoussé l’autre plaisir que l’on éprouve quand on cherche à exprimer sa pensée par un haïkerm. L'internaute qui s'étant échoué pour la première fois sur ce blog se doit de retenir que le haïkerm est un haïku local. Du « fait maison « en quelque sorte.

    Cette très belle photo de Claudie Missenard a, par elle-même, une indéniable charge poétique. La vasière est glacée commente Claudie. Pas de quoi réchauffer une atmosphère déjà fortement conditionnée par des préoccupations d’une toute autre nature.  Cela dit, le froid peut avoir des effets revigorants quand on l’évoque  de cette manière.

    Hiver songe à s’en aller

    Lever de soleil

    Sur une vasière glacée.



     

     


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