• L'hymne à la joie : chanson populaire universelle

     

    La chanson populaire fait nation. C’est sous ce titre que Jean-Michel Djian, journaliste et écrivain, a couché sur le papier, dans un éditorial de Ouest-France (Vendredi 24 mai), une réflexion sur le pouvoir que peuvent exercer sur nous des paroles, parfois sans autre prétention que d’assurer la rime, accrochées à des notes noires et blanches, rondes ou croches. Ici, pas besoin de connaître le solfège, ni d’avoir pris des cours de chant, pour, toute timidité bue, se sentir à l’unisson, en famille, avec des amis, dans un chœur, dans un stade ; magie aidant, la chanson peut alors se faire patriotique voire, malheureusement trop souvent dans des rendez-vous de masse, chauvine à l’excès.

    Jean-Michel Djian évoque Le France de Michel Sardou. Une chanson qui stigmatise le naufrage économique d’un paquebot qui, douze ans durant, a fait la fierté de tout un pays. « Dans ce vaisseau, nous saluons l'une des grandes réussites dont présentement la technique française fait hommage à la patrie, que ce soit sur terre, sous terre, sur mer ou dans les airs. Cette cérémonie ajoute à la fierté que nous avons de la France. Et maintenant que France s'achève et s'en aille vers l'océan pour y voguer et pour y servir » clamera le Général De Gaulle lors de son lancement par les Chantiers de Saint-Nazaire, le 11 mai 1960.

    Qu’importe si tout le monde ne pouvait se permettre financièrement de franchir la coupée de ce paquebot ; qu’importe ce manque de prospective économique sur un mode de transport qui commençait à subir la concurrence de l’avion ; France, 3ème du nom, prenait le sillage d’autres paquebots prestigieux ; le France (1912-1932), Le Paris, l’Île de France, le Normandie). Au tout début du XXème siècle, d’autres navires arborant le pavillon tricolore (Gascogne, Savoie, Provence, Lorraine) ont transporté, plusieurs décennies durant, des immigrants par milliers. Au bout de la traversée, la statue de La Liberté éclairant le monde, autre source de fierté nationale.

    Deux ans avant sa vente en 1974 à un armateur norvégien (il deviendra Norway) le monde goûtait à sa première crise pétrolière. France était trop gourmand. Mais rien n’y fit, qu’on aime ou qu’on n’aime pas Sardou, chanter Le France faisait effectivement nation. Haut les cœurs ! Et, Jean-Michel Djian d’écrire : « Même La Marseillaise avec son « sang impur » et ses « féroces soldats », murmurée dans un stade par des sportifs disciplinés face à des millions de téléspectateurs, continue de provoquer le frisson. »

    Je n’ai pas dit autre chose dans une précédente chronique (Allons enfants de la Patrie, 20 janvier 2024) et je note, avec intérêt, les guillemets que l’éditorialiste glisse dans son texte. Sauf à mal interpréter sa pensée, je crois, que tout comme moi et bien d'autres, il perçoit un fort anachronisme dans le maintien de ces notions à connotation guerrière d’un autre âge. La situation dans laquelle se débat présentement la planète devrait aiguiser la réflexion pour une refonte appropriée du texte original…sans toucher bien évidemment au fond patriotique et à la partition.

    xxx

    La chanson populaire fait nation, soit, mais peut-elle confiner à l’universel ?

    C’est à cette ambition que s’était attaché Eugène Pottier en 1871 lors de la répression de la Commune de Paris, sous forme d'un poème à la gloire de l'Internationale ouvrière. La musique sera composée par le belge Pierre Degeyter à Lille en 1882. Quoi de plus populaire qu’un chant révolutionnaire. Ce n’est pas Rouget de lisle qui me démentira.

     

    Qu'enfin le passé s'engloutisse !

    Qu'un genre humain transfiguré

    Sous le ciel clair de la Justice

    Mûrisse avec l'épi doré !

     

    Traduite dans de très nombreuses langues, L'Internationale deviendra le chant symbole des luttes sociales à travers le monde. La version russe a même servi d'hymne national à la République socialiste fédérative soviétique de Russie, puis à l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) de sa création en 1922 jusqu'en 1944. Mais si on continue ici et là à chanter L’Internationale, le souffle d’universalité n’y est plus. La Lutte finale a fait long feu.

    Ce n’est pas le monde des ouvriers que Poutine s’en vient défendre en attaquant l’Ukraine, mais celui des oligarques sans foi ni loi, sachant se mettre au service de dirigeants qui, pour se maintenir au pouvoir, mettent tout en œuvre pour assouvir « le » peuple.

     

    Si tous les gars du monde décidaient d'être copains

    Et partageaient un beau matin leurs espoirs et leurs chagrins

    Si tous les gars du monde devenaient de bons copains

    Et marchaient la main dans la main, le bonheur serait pour demain

     

    Tout juste sorti de la petite enfance, je raffolais d’entendre les Compagnons de la chanson nous chanter Si tous les gars du monde. Cette chanson, extraite du film éponyme de Christian-Jaque, sorti sur les écrans en 1956, est un message de solidarité universelle. Elle aussi a fait, le tour du monde.

    Le film raconte une chaîne d’entraide au secours de marins pêcheurs de Concarneau en difficulté dans la mer du Nord, malades de botulisme après avoir consommé du jambon avarié. Ce film fait fi des préjugés anti musulman ; un seul homme à bord de ce chalutier est de cette confession et n’a donc pas consommé ce jambon ; un temps durant il va être injustement soupçonné d’empoisonnement par le reste de l’équipage. Un radio amateur (Jean-Louis Trintignant) va être le point central d’un vaste réseau d’aides et de bonnes volontés du monde entier qui vont réussir à faire passer les médicaments nécessaires de France jusqu’en Norvège via Berlin, et au bateau et son équipage…en pleine guerre froide. Ce film et cette chanson datent de 1956. 4 novembre 1956, les chars russes rentrent dans Budapest. Personne ne pouvait alors franchir le Mur de Berlin.

    Ce mur est tombé, mais depuis lors d’autres murs, d’autres rideaux de fer ont été érigés, révélateurs d’un monde qui ne retient pas les leçons de l’histoire, encalminé qu’il est dans des patriotismes étriqués, dépourvus de toute altérité.

    xxx

    6 juin 1944…Ce jeudi nous allons commémorer le 80ème anniversaire du jour où les Forces alliées ont fait une brèche dans le Mur de l’Atlantique. Vous y serez peut-être, moi non, mais sachez que je vous envierai si vos pas vous ont conduits le lendemain à Saint-Lô ou le samedi 8 jusqu’à la plage d’Utah Beach.

    Je dois à Dorothée Barba, l’animatrice de Carnets de campagne - excellente émission de France Inter - d’avoir pris connaissance de cet événement, car événement ce sera. Les Normands de chœur interprèteront des chansons clamant la paix et l’amour, des chansons du répertoire international allant de la variété au classique en passant par la pop musique : John Lennon, Jean-Louis Aubert, Balavoine, Queen, Calogero, ou Téléphone, pour ne citer qu’eux. Le 16 juin, ils chanteront dans le chœur de la cathédrale de Coutances et onze jours plus tard au Zénith de Caen.

    Mais alors que s’ouvre une semaine cruciale pour l’Europe, je retiens tout particulièrement le rendez-vous que nous fixent ces Normands de chœur sur la plage d’Utah Beach. Ce jour-là, accompagnés par l’orchestre philarmonique de Baden Baden, l’une des plus vieilles formations musicales d’Europe, ils incluront dans leur programme L’Hymne à la joie, adaptation vocale du final de la 9ème Symphonie de Ludwig van Beethoven, l’hymne de l’Union européenne. Je ne puis penser que les chaîne de télévision ne seront pas au rendez-vous. De là où je serai, j’entends ainsi être le témoin d’un grand moment de fraternité.

    Créée voici tout juste 200 ans, cette ode à la joie a vocation universelle, même si ce 8 juin, sur cette plage du Cotentin, elle symbolisera surtout la réconciliation entre Allemands et Français. Comme l’expliquait Rémi Delekta, directeur artistique du "Grand Choral pour la Paix", au micro de Dorothée Barba, les 250 choristes qui constituent ce groupe ne sont pas tous rompus à l’exercice mais, encadrés par des voix assurées, ces chanteurs de « salle de bain », selon ses dires, ont relevé le défi ; un an de travail pour atteindre un niveau d’excellence et, surtout, pour pouvoir chanter en plusieurs langues (allemand, anglais, italien, latin, français). Pour l’Hymne à la joie, ce sera tour à tour en allemand puis en français. On ne peut que souhaiter des versions dans les autres langues de la Communauté européenne puis, dans un second remps, à l’ensemble des langues vernaculaires du monde.

    Au lendemain de ce concert « sur la plage », nous serons appelés à déposer notre bulletin dans l’urne. À en croire les sondages, l’Europe pourrait faire grise mine à l’issue du scrutin. Trop nombreux sont des compatriotes qui semblent acquis aux thèses des « révisionnistes », des y-a-k’a-mikazes n’ayant qu’un slogan à la bouche : la chasse aux immigrants, autrement dit l’épuration de la nation.

    Ce dimanche, le journal nous apprenait qu’un ancien membre du Front National et de l’Union des patriotes, fondés par Jean-Marie Le Pen, s’est dressé lors d’une réunion publique à Rosporden pour, le bras tendu, crier un « Heil Hitler ! ».

    Quatre-vingts ans après le Débarquement…on a peine à croire que cela soit possible. Mais cela est…

     

                                                                                                           Claude Tarin

                                                                                                    Dimanche 2 juin 2024

     


  • Commentaires

    1
    Qui d'autres
    Lundi 10 Juin à 16:29

    yessleepet et et ...

    2
    Qui d'autres
    Lundi 10 Juin à 17:34

    Oui mais non ! non mais oui ! ...et et et en même temps commémorez histoire de ... yessleep                                                                                                       De Gaulle à propos du débarquement des anglo-américains : " Le débarquement du 6 juin, ç'a été l'affaire des Anglo-Saxons, d'où la France a été exclue. Ils étaient bien décidés à s'installer en France comme en territoire ennemi !  Comme ils venaient de le faire en Italie et comme ils s'apprêtaient à le faire en Allemagne ! Ils avaient préparé leur AMGOT, qui devait gouverner souverainement la France à mesure de l'avance de leurs armées. Ils avaient imprimé leur fausse monnaie, qui aurait eu cours forcé. Ils se seraient conduits en pays conquis.   C'est exactement ce qui se serait passé si je n'avais pas imposé, oui imposé, mes commissaires de la République, mes préfets, mes sous- préfets, mes comités de libération ! Et vous voudriez que j'aille commémorer leur débarquement, alors qu'il était le prélude à une seconde occupation du pays ?  Non, non, ne comptez pas sur moi ! Je veux bien que les choses se passent gracieusement, mais ma place n'est pas là !" A.Peyrefitte "C'était de Gaulle" - tome II - chapitre 14.                

                                                                                                        

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    3
    Qui d'autres
    Lundi 10 Juin à 17:39
    4
    Qui d'autres
    Lundi 10 Juin à 17:50
    5
    Qui d'autres
    Lundi 10 Juin à 22:21

    ....et et et ...voir Macron avec Zelensky patron du bataillon Azov qui porte la Wolfsangel de la division "Das Reich", ça n'a pas forcement dû plaire du côté de Tulle et d'Oradour ... Il y a quand même des limites à l'indécence...yessleep.

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