• Le Roi Soleil et la petite vérole

    « Je sais que je ne sais rien ». On prête ce propos à Socrate. Ce matin, j’ai fait mienne cette maxime. Pour, qui sait, rassurer celles et ceux qui lisent ces chroniques tissées au fil des jours, à un rythme soutenu depuis la mi-mars, pour cause de pandémie. Je le précise à nouveau : écrire aura été et demeure en quelque sorte un moyen thérapeutique pour évacuer le trop plein de questionnement que cette pandémie a engendré. Au-delà de l’aspect médical, sur lequel je ne me suis pas hasardé à jouer le donneur de leçons, laissant aux hommes de science le soin de nous éclairer, ce sont surtout les circonvolutions sociétales qui ont pesé sur l’entendement. Et, pourquoi le taire, mon appréhension sur ce que sera demain demeure.

    Si j’en viens à évoquer Socrate, c’est parce qu’il me semble utile de faire partager le bien fondé de cette maxime. Socrate nous laisse entendre que face au vaste champ des connaissances, il nous faut sans cesse nous courber pour cueillir les fleurs du savoir. Cela ne veut pas dire que l’on est ignare en tout. Cela nous oblige, jour après jour, à faire l’effort d’en savoir un peu plus sur ce monde dont nous ne sommes pas des figurants mais des acteurs.

     

    Le Roi Soleil et la petite vérole

     Statues de Socrate (à droite) et de Platon devant l'Académie d'Athènes

     

    Dans la précédente chronique, j’ai rappelé que nous avions, grâce à Internet - cette encyclopédie qui ne dit pas son nom - un moyen d’éclairer notre lanterne. Il va de soi qu’il ne s’agit que d’un moyen parmi tant d’autres et que ce faisant, il nous faut savoir en user avec à-propos et  clairvoyance.

    Ce moyen : partir de la date du jour que l’on vit pour se réapproprier l’histoire et en tirer les leçons. Ainsi, hier, partant du décret de la création de l’Institut Pasteur, dont j’aurais été, avant, infichu de donner la date, cela a débouché sur une réflexion concernant la vaccination, avec au passage hommage rendu à Molière l’Immortel. Ce jour, vendredi 5 juin, c’est un de ses contemporains prestigieux qui porte secours à la nécessaire inspiration : Louis XIV, le Roi Soleil en personne.

    Ce vendredi, le moins que l’on puisse dire c’est que le Roi Soleil qui aura éclairé le mois de mai se fait plutôt boudeur. Peut-être n’apprécie-t-il pas de se voir préféré dame la Lune dans les gazettes. Les souverains prennent facilement ombrage. En effet, à compter de 19h45 et ce jusque 23h, la Lune va capter tous les regards en s’habillant de rose, le temps d’une éclipse partielle. C’est un phénomène qui se reproduit tous les ans à pareille époque et que les amoureux des potagers connaissent sous le nom de Pleine Lune des fraises. Pour la raison suivante : c’est la pleine saison de la récolte des fraises. Voici un savoir que je ne possédais pas avant le lever de ce jour.

     

    Le Roi Soleil et la petite vérole

     

    Mais concernant Louis XIV, il aura fallu que je m’en aille chercher à connaître les faits marquants de notre histoire liés à cette date du 5 juin, pour apprendre que c’est le 5 juin 1662,  très précisément, qu’il s’est choisi pour emblème le Soleil. Avec à la clef une devise, qui révélait déjà chez cet homme de 24 ans une très haute opinion de lui-même : Nec pluribus impar, à nul autre pareil ou au-dessus de tout.

    Le roi lui-même participa à un carrousel, spectacle équestre, dans le jardin des Tuileries, devant des milliers de courtisans. Pourquoi le soleil ? Evidemment, pour son éclat, pour la lumière qu’il communique, par le bien qu’il fait, produisant la vie, la joie et l’action, puisque son mouvement est sans relâche.

    Tout en espérant ne pas fâcher celles et ceux qui idolâtrent encore ce monarque, force est d’admettre que sa prétention à être le grand de ce monde ne l’empêchera pas de devoir composer avec sa condition de simple mortel, même s’il bénéficia d’une longévité exceptionnelle pour l’époque.

    Le jeune Louis, surnommé Dieudonné, est déjà Roi de France et de Navarre à cinq ans, Louis XIII étant décédé en 1643. Quatre ans plus tard, tout le royaume est en effervescence. Le jeune roi est atteint de la petite vérole, c’est-à-dire la variole. Les pustules qui marbrent le visage ne laissent aucun doute. Dix-huit jours de combats au rythme des saignées, sous la vigilance ininterrompue de la régente, la reine mère Anne d’Autriche. Le Roi n’est pas mort. Vive le Roi !

     

    Le Roi Soleil et la petite vérole

     Devant les bustes des rois Henri IV et Louis XIII, la duchesse de Ventadour, gouvernante des enfants royaux, le duc d'Anjou (qui deviendra Louis XV), le Grand Dauphin, Louis XIV et le duc de Bourgogne. Huile sur toile de Nicolas de Largillere (1656-1746). Wallace Collections, Londres.

     

    Mais les voies du Seigneur sont impénétrables puisque la variole va venir contrecarrer les plans du Roi Soleil, concernant sa succession. Au début des années 1710, alors qu’il vient de fêter son 73ème anniversaire, la petite vérole (et la rougeole) continue à faire des ravages et les grilles du château de Versailles ne pourront endiguer la vague qui va s’abattre cette année là sur la lignée des prétendants.

    14 avril 1711: Louis de France, le Grand Dauphin, fils de Louis XIV succombe à une forme foudroyante de la variole.

    12 février 1712 : Marie-Adélaïde de Savoie, duchesse de Bourgogne, décède, à 37 ans, dans de terribles souffrances. On parle ici d’une septicémie. La Dauphine est la mère de Louis XV à qui rien ne laissait encore prévoir qu’il accéderait au trône.

    17 février 1712 : cinq jours après sa femme, le duc de Bourgogne, le fils du Grand Dauphin, s’éteint à son tour. On évoque une rougeole avec complications.

    8 mars 1712 : le fils aîné du duc et de la duchesse de Bourgogne, le duc de Bretagne, devenu Dauphin, meurt de la rougeole. Il n’avait que 5 ans. Son frère cadet, le duc d’Anjou, le futur Louis XV, bien qu’atteint du même mal alors qu’il n’est âgé que de deux ans, survivra. Mais le 10 mai 1774, la variole se rappellera au bon souvenir de la Cour. Ayant contracté le virus, Louis XV, âge de 64 ans,  rejoindra son arrière grand-père dans l’Histoire.

    Pour mémoire on retiendra que la variole, comme le Covid 19, se jouera des frontières puisque d’autres têtes couronnées en seront les victimes: Marie II d'Angleterre (1694), l'empereur Joseph 1er d'Autriche (1711), le roi Louis 1er d'Espagne (1724), le prince Léopold d'Anhalt-Köthen (1728), le tasr Pierre II de Russie 1730), la reine Urike Eléonore de Suède (1741).

    La liste des personnalités ayant, à cette époque, contracté la variole est longue. Je vous en épargne la lecture pour ne retenir que les noms de Mirabeau, Danton, Robespierre, mais aussi Mozart, Beethoven, Voltaire et Goethe qui, eux, ont survécu à la maladie.

     

    Le Roi Soleil et la petite vérole

     

     Mais comme pour la rage il nous faut retenir le nom de Louis Pasteur, concernant la variole, hommage doit être rendu à Edward Jenner (1749-1823), Le 14 mai 1796, ce médecin de campagne anglais va soigner un jeune garçon en lui injectant du pus récolté sur la main d’une fermière infectée par la vaccine, la variole des vaches, une maladie apparentée à la variole, mais bénigne. Trois mois plus tard, il inocula la variole à l’enfant, qui y résista, se révélant ainsi immunisé contre ce virus lequel, comme le Covid 19, se transmettait au travers d’éternuements, de toux ou par le contact des mains.

    Se transmettait, car le 8 mai dernier, en pleine pandémie du Covid 19, l’Organisation Mondiale de la Santé a fêté le 40ème anniversaire de l’éradication officielle de la variole.

    Cette maladie aura causé la mort de 300 millions de personnes rien qu’au XXe siècle.

    Eradiquée? Soit!  Mais des stocks de virus variolique, dixit l’OMS, sont encore conservés dans des laboratoires de confinement renforcé.

    Sait-on jamais !

    Considéré comme le père de l’immunologie, Edward Jenner aura cependant dû, comme le montre la caricature ci-dessus, affronter l’hostilité de ses concitoyens. Nombreux étaient ceux qui croyaient qu'en se faisant vacciner des cornes leur pousseraient sur la tête et sur d'autres parties du corps.

    Comme souligné précédemment, les bienfaits de la vaccination sont, deux cent vingt ans après, toujours contestés, bien qu’ayant été validés par les faits. 

     

                                                                                                                                        Claude Tarin

                                                                                                                          Vendredi 5 juin 2020


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