• Le maquereau sur le gril

     Si nous accordons, ce jour, toute notre attention au  Scomber scombrus, le maquereau commun, c’est parce que ce poisson pélagique ne semble pas répondre pleinement à l’attente des nombreux pêcheurs plaisanciers du secteur. Il se fait moins abondant que par le passé. Les mitraillettes ne déversent pas autant de prises sur le pont des bateaux.

    Cela nous a été confirmé, samedi dernier, sur le parking de l’île à Bois où les pêcheurs plaisanciers de Lézardrieux et ceux de Pleubian faisaient table commune  pour une soirée grillades. Du maquereau, il n’y en avait d’ailleurs pas la queue d’un à l’heure où nous sommes passés par là. Les cagettes venaient tout juste d’être soumises aux flammes. Le charbon de bois commençait à peine à rougir. Prémices cependant rassurantes. Les apparences n’étaient que trompeuses  Le maquereau se cachait encore dans les glacières. Trois centaines passeront sur le grill ce soir là. De quoi régaler la grosse centaine de convives.

    Mais les effluves de ce samedi 11 juillet n’ont pas suffi à gommer ce sentiment que cette année le maquereau n’est pas vraiment au rendez-vous. Pourquoi ? Par quel mystère le poisson au « dos strié de brunissures verdâtres et aux flancs nacrés » (Zola, Le ventre de Paris)   rompt-il  avec la tradition ? Le stock de la mer Celtique  serait-il menacé ?

    Ce n’est pas ce qu’indiquent les avis des scientifiques. Les TAC (totaux autorisés de capture) et les quotas ont été revus à la hausse à la fin de l’année dernière pour les pêcheurs professionnels européens. Et qu’importe si les pêcheurs islandais et féringiens veulent se préserver la plus grosse part du gâteau, le maquereau, lui, se fiche complètement des réglementations que les hommes ont mises en place. Son seul souci : éviter de croiser le chemin de prédateurs et les engins des pêcheurs, professionnels ou non.

    Le bruit courrait dernièrement sur les pontons que cette rareté, somme toute relative de notre point de vue, serait due à la présence de bancs de dauphins. On a même signalé des orques en baie de Saint-Brieuc. Les phoques sont également mis en cause. Mais qui peut dire  que ces mammifères marins sont les seuls responsables. ? Ne faut-il pas voir là aussi l’influence du réchauffement climatique ?  Le dimanche 26 juillet, l’association des Tadormes organise à son tour une soirée grillades. D’ici là, la situation peut peut-être se modifier du tout au tout.

     

    Le maquereau sur le gril

    Le maquereau sur le gril

    Le maquereau sur le gril

     

    « L’un des plus beaux

    et un des plus courageux poissons »

     

    Le maquereau sur le gril

    Un an avant sa mort, Alexandre Dumas écrivit un dictionnaire de cuisine. Il séjournait alors à Roscoff

    Le maquereau de nos côtes hiverne au sud de la Cornouaille anglaise et sur le bord du plateau continental. Au mois de mars, il se reproduit dans le golfe de Gascogne, en mars avril au sud de l’Irlande, en mai juin à l’ouest de l’Irlande et au nord-ouest de l’Ecosse  Chaque femelle pond entre 350000 et 450000 œufs. Ces précisions relèvent du suivi scientifique de l’Ifremer, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer. Elles corroborent pour l’essentiel les observations recueillies, de manière empirique, plusieurs décennies auparavant et qu’un certain Alexandre Dumas (1802-1870) a couchées noir sur blanc dans son fameux Grand dictionnaire de cuisine.

    Nous ne résistons pas à l’envie d’en publier l’extrait consacré au maquereau, non sans avoir préalablement indiqué que ce célèbre écrivain a écrit cette ouvrage  en 1869 alors qu’il séjournait à Roscoff, autant dire à deux pas d’ici..

     Cédons lui la plume !

     

    « Un des plus beaux et un des plus courageux poissons qui existent. Lorsqu'il passe vivant de la ligne à la barque, il semble fait d'azur, d'argent et d'or. 

    Souvent le maquereau s'attaque à des poissons beaucoup plus forts que lui et même à l'homme. Un historien de la Norwége raconte qu'un matelot qui se baignait disparut tout à coup, et, lorsqu'on le repêcha, dix minutes après, il était déjà dévoré en grande partie par des maquereaux. 
    Ces poissons se rassemblent annuellement pour faire de grands voyages ; vers le printemps, ils côtoient l'Islande, le Hittland, l'Ecosse et l'Irlande, et se jettent dans l'océan Atlantique, où une colonne, en passant par devant le Portugal et l'Espagne, va se rendre dans la Méditerranée, pendant qu'une autre colonne entre dans la Manche, en avril et en mai, et passe de là, en juin, devant la Hollande et la Frise.

    On les trouve dans toutes les mers en quantités innombrables ;ils passent l'hiver dans la mer Glaciale, la tête enfoncée dans la vase et les fucus ; voilà ce qu'on croyait autrefois du moins ; mais Bloch,  Lacépède et d'autres pensent qu'il en est de l'émigration des maquereaux comme de celle des thons et des harengs, et que ceux-là comme ceux-ci se retirent simplement dans la profondeur des eaux, à la surface desquelles on les voit reparaître au printemps. »

     

    A la manière d’un Jules Verne, Alexandre Dumas aura su s’entourer des travaux d’experts pour accoucher d’une œuvre littéraire, pour le moins hors du commun. Ici, il s’appuie sur les travaux de Marcus Elieser Bloch (1723-1799), un médecin et naturaliste allemand, l’un des principaux connaisseurs du monde des poissons du XVIIIe siècle, et sur ceux de Bernard-Germain Lacépède (1756-1825), zoologiste français.  Notons que ce Grand dictionnaire de cuisine a été écrit un an avant sa mort. L’ouvrage sera publié à titre posthume en 1872. On peut le consulter sur Internet.

     

    Les recettes d’Alexandre Dumas

     

    Au risque « d’allonger la sauce » , ce qui n’est pas obligatoirement hérésie en matière de cuisine, nous prolongeons cette chronique en publiant les recettes de maquereau selon Alexandre Dumas qui, là encore, aura puisé aux meilleurs sources de son époque : les grands restaurateurs de Paris « et même de province » et surtout son vieil ami Vuillermot. L’auteur des Trois mousquetaires avait un sacré coup de fourchette. C’était une fine gueule. Son grand-père Charles Labouret avait été maître d'hôtel du duc d'Orléans et tenait auberge sur la route de Soissons

    Nous ne jurons pas que les recettes ci-dessous fassent atteindre à notre maquereau les sommets de la gastronomie, mais nous pensons qu’elles offriront une alternative aux amateurs des grillades quand le maquereau aura pris de l’embonpoint. Et puis pouvoir se dire que l’on déguste un plat selon Dumas, ça ne manquera pas de sel.

     

    Maquereaux à la maître d'hôtel. 


    Que vos maquereaux soient bien frais ; choisissez-les d'égale grosseur, afin que les uns ne soient pas plus cuits que les autres ; coupez-leur le bout du bec et le bout de la queue ; mettez-les sur un plat de faïence ou de terre, saupoudrez-les d'un peu de sel fin, arrosez-les d'huile, avec du persil, des ciboules, et retournez-les dans cette marinade une bonne demi-heure avant de servir, ou davantage s'ils sont très gros, et de crainte que leur ventre ne vienne à s'ouvrir, couvrez-les d'une feuille de romaine ; cette précaution est pour éviter qu'ils ne perdent leur laite ; retournez-les ; pour achever leur cuisson, posez-les sur le dos ; leur cuisson achevée, dressez-les avec une cuiller de bois, mettez-leur une maître-d'hôtel voir Sauce froide dans le dos, forcée de citron, et saucez-les d'une maître-d'hôtel liée, et servez. 

    Maquereaux à l'anglaise. 


    Prenez trois ou quatre maquereaux de la plus grande fraîcheur, videz-les par l'ouïe, tirez-leur le boyau, ficelez-leur la tête, coupez le petit bout de la queue, et ne leur fendez point le dos. Mettez une bonne poignée de fenouil vert dans une poissonnière qui ait sa feuille, et vos maquereaux dessus ; mouillez-les d'une légère eau de sel, faites-les cuire à petit feu. Leur cuisson faite, tirez votre feuille, égouttez-les, dressez-les sur votre plat, saucez-les d'une sauce de fenouil voir Sauce, ou de celle dite à groseilles à maquereau. 

    Maquereaux à la flamande. 


    Préparez vos maquereaux comme ceux à l'anglaise, sans leur fendre le dos ; maniez un morceau de beurre, avec échalotes, persil et ciboules hachées, du sel et un jus de citron ; remplissez-en le centre de ces maquereaux, roulez-les chacun dans une feuille de papier d'office beurrée, liez-la par les deux bouts avec de la ficelle ; mettez griller vos maquereaux sur un feu doux et égal, environ trois quarts d'heure. Leur cuisson faite, ôtez-les du papier, dressez-les sur votre plat, et servez. 

    Maquereaux à l'italienne.

     
    Préparez et faites cuire trois ou quatre maquereaux, comme les vives à l'italienne ; leur cuisson achevée, saucez-les d'une italienne blanche voir sauce italienne blanche, dans laquelle vous incorporerez un morceau de bon beurre. 

    Filets de maquereaux à la maître d'hôtel. 


    Levez les filets de trois maquereaux ; coupez ces filets en deux, parez-les ; faites fondre du beurre dans une sauteuse, et posez-y vos filets du côté de la peau ; saupoudrez-les d'un peu de sel, recouvrez-les légèrement de beurre fondu, couvrez-les d'un rond de papier, mettez-les au frais, jusqu'à l'instant de vous en servir, et préparez la sauce suivante : 
    Mettez deux cuillerées de velouté réduit dans une casserole, persil et échalotes hachés et lavés ; faites bouillir votre sauce, ajoutez-y la valeur de trois petits pains d'excellent beurre et un fort jus de citron ; prenez vos laitances, faites- les dégorger, blanchir et cuire avec un grain de sel ; au moment de servir, mettez vos filets sur le feu, faites-les roidir, retournez-les. Leur cuisson faite, égouttez-les, en épanchant une partie du beurre ; dressez vos filets en couronne sur un plat auquel vous aurez fait une bordure de petits croûtons frits dans du beurre ou de l'huile;passez votre sauce, et servez. 

    Maquereaux au beurre noir. 


    Préparez ces maquereaux comme ceux à la maître-d'hôtel ; faites-les cuire de même. Leur cuisson faite, saucez-les d'un beurre noir où vous aurez mis sel, vinaigre et persil frit. 

     

     

     


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