• Chapeau l'artiste !

    Capeau l'artiste!

     Le chnteur poète Gérard Pierron à la Cambuse, accompagné par l'accordéoniste Ptrick Fournier

    « Fragilité, source de poésie, de tendresse et de profondeur ». C’est gageure que de vouloir se définir soi-même devant un auditoire que l’on a cherché à convaincre. Mais rassurez vous, Monsieur ! Quand vous avez prononcé ces mots à l’issue de votre tour de chant, la vingtaine de personnes venues vous entendre n’y a trouvé rien à redire. Ces mots sonnaient justes. Point de fausse modestie sous-jacente. Tout au plus une tentative d’explication pour excuser les quelques scories qui ont pu peser sur la nécessaire concentration. Comme si vous pouviez être tenu pour responsable des bruits de comptoir et de l’effet Larsen ! La Cambuse a du charme, mais il faut faire avec les us et coutumes et les contraintes des murs.  Le retour micro n’y est pas toujours du meilleur cru.

    Oui, Monsieur, votre fragilité est bien réelle, mais ô combien source de talent.  Poète vous l’êtes et la tendresse vous colle à la peau. Quant à la profondeur, nous l’avons ressentie tout au long de cette soirée, ce jeudi 8 juin. Tout au plus, étions nous en droit de nous étonner d’apprendre qu’un artiste de votre trempe puisse avoir jeté son dévolu sur ce troquet du bout du monde. C’est peut-être mal vous connaître !

    Capeau l'artiste!

    A en croire vos amis paimpolais qui, en avril dernier, vous ont fait découvrir Kermouster et son panorama, vous avez pris d’emblée la décision d’y revenir pour chanter. Vous vous êtes trouvé immédiatement en phase avec l’esprit des lieux. Et c’est une bien grande satisfaction que d’avoir pu vous découvrir, Monsieur, vous qui collectionnez les enregistrements de CD et les prix de l’Académie Charles Cros

    Vous êtes de la race des sculpteurs d’alexandrins et d’octosyllabes, même si votre qualité première est de savoir les mettre en musique. Avec Patrick Fournier vous avez trouvé, en cela, un bon compagnon de route. Son accordéon est au diapason de la sonorité des textes.

    Pour nous, ce fut donc une découverte. Nous ignorions votre existence jusqu’à ce jour. Faute assurément de n’avoir pas su tourner la page  après avoir connu l’âge d’or de la chanson à texte! Georges Brassens, Jacques Brel, Serge Reggiani, Boris Vian, Barbara, Félix Leclerc, Georges Moustaki et tant d’autres, que de bons souvenirs enfouis au Panthéon de la culture l. C’est peut-être faire injure à celles et à ceux qui ont, comme vous, dans leur sillage, œuvré pour maintenir à flot la belle chanson, mais on a l’âge de ses artères et le cœur reste souvent fidèle à ses seuls premiers amours.

    Mais c’est une chance d’avoir pu être là, ce jeudi soir. Que dis-je ! Une double, une triple, une quadruple, une quintuple chance. Car vous n’êtes pas venu seul. Vous nous avez révélé des auteurs dont nous ignorions tout, ce qui, comme vous pouvez le supposer, ajoute à notre confusion. A La Cambuse vous nous avez fait, notamment, apprécier les poèmes de Gaston Couté (1890-1911), dont la route aura croisé celle de Théodore Botrel, mais qui, lui, se sera engouffré dans le courant libertaire, sans renier ses racines et le patois de la Beauce. Libertaire, Eugène Bizeau (1883-1989) l’a été aussi Il était poète et vigneron. On n’aura jamais autant chanté les vertus et les maléfices du vin que ce soir là à La Cambuse. Eugène Bizeau avait 103 ans quand, en 1986, vous avez reçu le prix Charles Cros pour votre spectacle ‘Les cent printemps des poètes » que vous avez créé, au Printemps de Bourges, autour de ses poèmes, avec d’autres amis compositeurs.

     Libertaire, vous l’êtes  vous-même assurément. On n’épouse pas une telle prose sans s’en imprégner. Même si comparaison n’est pas raison, j’ai cru, par instants, revoir en vous le Léo Ferré des poètes « maudits ». Son ombre semblait se détacher sur le mur de l’arrière salle du bistrot. Mais ce n’était qu’illusion !  Oui, bien sûr, votre gestuelle vous est propre ! Vous n’imitez pas ! Votre manière d’être est empreinte d’authenticité. Mais qu’y puis-je si je vous trouve une ressemblance ?

    Capeau l'artiste!

     

      Vous êtes né à Thouars, dans les deux Sèvres. Votre port d’escale (Les Rairies) est dans le Val d’Anjou, à quelques encablures de la Loire, et c’est sur mer que vous avez d’abord cherché à vous construire. Sur les navires de la Havraise Péninsulaire. Je précise car ici nous sommes en terre de marins et le nom de cette compagnie est inscrit dans les gènes. Aussi comment ne pas s’interroger ? Qu’est-ce qui fait qu’un électricien de bord en soit venu à chausser les souliers du saltimbanque ? Votre réponse tient en un mot : la passion. Celle des beaux textes. Votre don inné de musicien,  que vous découvrez presque à votre insu, vous y a poussé. Il vous fallait mettre sac à terre.

    Il est possible que, lors de votre première escale à Kermouster, en avril dernier,  vous ayez ressenti à nouveau un besoin de mer en regardant vers Bréhat. « Raconte moi la mer, dis moi le bruits des vagues » a chanté Jean Ferrat. Ce grand large qui fait tant rêver aura été aussi source d’inspiration pour un artiste un peu plus jeune que vous, dont vous aurez su déceler, tout comme Jean Ferrat d’ailleurs, mais avant bien d’autres, l’extrême sensibilité. A La Cambuse, vous lui avez rendu implicitement hommage en interprétant quelques unes de ses chansons dont vous avez écrit la mélodie. Cet artiste, c’est Allain Leprest (1954-2011). Lui aussi a marqué son temps. Les quinquas quadras sont mieux à même que moi pour en parler. Question de génération?

    Anecdote croustillante, que vous nous avez révélée concernant ce rêveur aux « deux chansons par jour », qui aimait fixer l’éphémère en dessinant sur un coin de table. Alors qu’il se trouvait chez vous, aux Rairies, il avait écrit au dos de cinq ou six tickets de caisse les paroles d’une chanson que ses admirateurs ont bien en tête. « La chanson qui chavire ». Il y est question de chalutier, de Saint-Nazaire. « La mer, la mer, toujours recommencée ! » a écrit Paul Valéry.

    Voilà ce qu’il convenait de vous dire, Monsieur Gérard Pierron. Pour vous remercier d’avoir su nous faire naviguer sur l’océan des mots. Repasserez vous par là après avoir battu l’estrade sous d’autres cieux ?

    Vous n’êtes pas sans savoir qu’un certain Georges Brassens a jeté l’ancre dans le Trieux. Ce jeudi 8 juin, à La Cambuse, nous n’étions qu’une petite vingtaine.  Je suis persuadé que vous pourriez remplir la grande salle de Lézardrieux que l’on a dédiée à ce chanteur poète qui repose désormais sur les hauteurs du port de Sète. Sûr que ce soir là, vous nous ramèneriez à la belle époque de Bobino, auquel Brassens a donné toutes ses lettres de noblesse.. Au pays de la boule bretonne, il serait bon qu’un plus large public vous entende déclamer  ce magnifique poème qui rend hommage à la « boule de fort », un jeu traditionnel du Val de Loire. Preuve s’il en est que la poésie n’est que reflet de la vie.  Vous en êtes un grand témoin. Chapeau l’artiste !

     

    Capeau l'artiste!

      Dessin d'Allain Leprest, extrait d'un livre conçu pour l'exposition "Couleur Leprest".


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