• Arrêt sur images!

     

    « Ô temps ! Suspends ton vol et vous, heures propices,

    Suspendez votre cours !

    Laissez nous savourer les rapides délices.

    Des plus beaux de nos jours ! »

     Le  plan d’eau de la baie de Pommelin et l’estuaire du Trieux n’ont qu’un lointain rapport avec le lac du Bourget dont Lamartime s’est inspiré pour traduire, en quatrains, un souvenir douloureux, mais ils sont bien souvent, pour nous qui avons la chance de pouvoir nous les approprier quotidiennement, source d’émotions. Par ces temps incertains, qui ne sont certainement pas nos jours les plus beaux, ils nous offrent cette faculté de pouvoir nous évader « à domicile ».

    Echapper au conditionnement du confinement est, en effet, gageure pour qui n’a que seul horizon la longue chaîne des immeubles d’en face. Mais, cela dit, même dans de telles situations, l’évasion reste possible à qui sait puiser dans son univers intérieur pour transcender les difficultés du moment.

    Si avec le yoga on est dans un cheminement intérieur, par la maîtrise de son corps, de sa respiration et du temps, la contemplation, elle aussi, est une voie qui atténue le stress et apaise les peurs. Il faut savoir saisir ces instants éphémères qui brisent des chaînes invisibles et vous transportent vers cet ailleurs qui vous est propre.

    Ce jeudi 2 avril, ce sont Filipe Mota, sa fille Ivana, et Anne Sophie Pommere, son épouse, qui donnent à cette énième chronique sa coloration. Vous apprécierez tout comme moi ces photos qu’ils ont accepté de mettre à disposition. Une invite à partager un ressenti.

    Filipe et Anne Sophie nous ont rejoints l’an passé. Leur coup de foudre pour le hameau remonte à plus loin. Ils n’étaient pas encore mariés quand ils ont découvert Kermouster. Ils y vivent désormais à demeure, avec vue plongeante sur le Ferlas.

     Ils étaient des nôtres quand l’Amicale nous avait réunis pour le traditionnel goûter de fin d’année. Personne à ce moment là n’était en mesure de savoir que les amours interdits entre des chauves-souris et des pandolins, sur un marché de Wuhan, allaient générer une telle pandémie. 

     

    « Nuits de Chine, nuit câlines, nuits d’amour

    Nuits d’ivresse, de tendresse

    Où l’on croit rêver jusqu'au lever du jour ! »

     

    On ne rêve plus. Les rejetons de ces accouplements ont quitté l’Empire du Milieu. Ils nous empoisonnent la vie. De ce mal, naîtra-t-il un bien ?

    « Depuis bien longtemps, nous dit Filipe, je savais que notre monde ne tournait pas rond. Cette course effrénée à la consommation, au paraître, à la rentabilité, n'avait plus de sens pour moi, ni pour mon épouse. Ce confinement malgré les contraintes de liberté qu il nous impose, nous le vivons bien et nous savons qu'il est nécessaire pour vaincre cet ennemi qui nous menace. Il nous permet également de retrouver certaines valeurs bien souvent oubliées : l’entraide, le partage, la bienveillance de nos voisins. J’aime à croire qu'à l’issue de notre victoire,  face à ce dénommé Covid-19,  une nouvelle histoire sera à écrire et j espère qu'elle sera bien plus joyeuse et humaine que ces dernières décennies. »

    Cet espoir, il convient de le partager. A tous les niveaux de notre organisation sociétale, il faudra tirer les leçons de cette épreuve. Mais, sans attendre, qui que nous soyons, là où nous sommes, on peut déjà y réfléchir. Rien ne nous l’interdit. Tout nous y pousse.

    Nous n’avons pas l’excuse, hormis celles et ceux qui sont engagés physiquement dans ce combat contre l’intrus qui ne leur laisse aucun répit, pour repousser aux calendes grecques cette nécessaire remise en question. Nous pouvons le faire posément, en ne s’arc-boutant pas sur des rancoeurs et des a priori et des préjugés d’hier. Le séisme est de forte magnitude. Il met à bas bien des certitudes dogmatiques. Il faudra reconstruire.

    Mais à cette réflexion collective que l’on peut espérer fructueuse, peuvent et doivent s’ajouter ces moments de contemplation qui, comme je viens de l’affirmer,  nous sont, pour nous-mêmes, salvateurs.

    Filipe, Anne-Sophie et Ivana nous prouvent qu’avec un peu d’imagination, on peut donner au réel une charge poétique. Par le jeu de la photo. Comme ce poisson d’avril confiné dans le bouchon d’une dame-Jeanne. Arrêt sur image !

     

    Arrêt sur images!

                                                                            Photo Ivana Mota

     

    Autre image qui donne à la réalité un relief particulier. Là encore, il aura fallu en avoir l’idée. Ici, il s’est agi de mettre en synergie les optiques d’un smartphone et d’un télescope.

    A l’œil nu, nous pourrions les distinguer à l’occasion d’une sortie autorisée qui nous ferait passer par le point de vue sur l’estuaire, mais grâce à cet accouplement d’objectifs, de chez eux, la famille Mota nous offre un instantané dont la charge symbolique n’est pas des moindres. Avec ce Coronavirus qui va les empêcher de relever l’ancre, les vedettes de Bréhat ne vont pas pouvoir s’abreuver au flot des touristes. Cette année il n’y aura pas de vacances de Pâques. Service minimum entre l’île aux fleurs et le continent.

     

    Arrêt sur images!

                                                                         Photo Filipe Mota

     

     Bien des activités se trouvent ainsi figées mais pour autant nous pouvons apprécier l’abnégation de celles et de ceux qui sont dans l’action pour assurer des lendemains qui chantent.

    Ce mercredi 1er avril, un tracteur tractant une grosse remorque a fait un demi tour devant la terrasse d’Andréa. Il  était venu déverser un chargement de compost de déchetterie sur un champ des alentours. Il faut nourrir la terre. Non loin de là, un ouvrier poursuivait, seul, la construction d’un espace attenant à La Cambuse.

    Ce jeudi matin, j’aurais aimé pouvoir fixer l’instant où les éboueurs s’en viennent saisir la poubelle. Mais je ne les ai pas entendus . La catastrophe sanitaire à laquelle nous sommes confrontés serait amplifiée sans leur intervention. Ces hommes et ces femmes ont eux aussi droit à notre entière reconnaissance.

     

                                                                                                            Claude Tarin

                                                                                                   Jeudi 2 avril 2020

     

    Arrêt sur images!

    Arrêt sur images!




     

     

     

     


  • Commentaires

    1
    Elisabeth
    Jeudi 2 Avril 2020 à 13:16

    Merci Claude pour ton article quotidien  et merci à Filipe pour ces belles photos, à vous deux, on passe des moments très agréables tous les jours.

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