• Annick Le Briand s’en est allée…  

     

    « La mort, la dure  loi  de la mort ». Sous la voûte de l’église Saint Jean-Baptiste, ce lundi matin, il aura fallu à nouveau essayer de trouver les mots de réconfort tout en sachant combien le décès d’un proche est une épreuve pour tous ceux qui l’ont accompagné dans la vie. Annick Le Briand s’en est allée le jour de l’Ascension. À mille lieues de penser que cette énième balade avec Yves, son mari, et Bernard, leur fils aîné, allait être celle qui mène au trépas. Loguivy-de-la-Mer, un balcon qui ouvre large sur l’estuaire du Trieux ; une autre façon d’apprécier Kermouster niché sur l’autre rive. Kermouster, le village d’enfance d’Yves. Une terre de repli naturellement incontournable pour ressourcer une vie de couple après une carrière professionnelle qui vous en a éloigné durant plusieurs décennies.

    Les paupières définitivement closes, Annick s’en est allée vers cet au-delà dont nul ne peut véritablement définir le contour, si ce n’est qu’espérer qu’il puisse être conforme à ce qu’il est supposé être. Un nouveau jardin d’Eden pour Annick dont on nous a rappelé les convictions religieuses ? Puisse-t-il être semé de fleurs, elle qui les aimait tant. Une passion partagée avec Yves. Kermouster sait combien on leur doit à tous les deux d’avoir toujours été au rendez-vous des saisons pour donner au hameau son aspect coquet.

    Fabienne, pour la famille, Patricia, Elisabeth, Christine et Régine, ses plus proches voisines, sont venues tour à tour nous parler d’une mère au foyer attentive au bien-être de ses proches, qui n’aspirait qu’à une seule chose : vivre en ces lieux, en toute sérénité, en toute discrétion. Non pas qu’il s’agissait d’une volonté d’effacement, d’un total repli sur soi ; Yves et Annick ont aimé se nourrir des bienfaits du dépaysement, à travers des séjours sous d’autres horizons, partagés avec des amis. Dans leur port d’attache, la porte de la maison était grande ouverte à qui voulait en franchir le seuil.

    Ce lundi matin, il y a eu le temps de la parole, puis cette longue plage de silence qui vous fait communier par la pensée avec sa famille et tous ces voisins et amis venus honorer celle qui nous a quittés. Quelle que soit notre façon d’aborder le grand questionnement, nul n’aura pu, non plus, rester insensible à cette musique transcendantale de l’Ave Maria de Schubert.

    Il me semble maintenant nécessaire de céder à Pierre de Ronsard le soin d’exprimer, à travers ce poème Comme on  voit sur la branche (1560) notre indicible mais réelle émotion collective qu’une séparation aussi soudaine qu’imprévisible a engendrée.

     

    Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose,
    En sa belle jeunesse, en sa première fleur,
    Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
    Quand l’Aube de ses pleurs au point du jour l’arrose;

    La grâce dans sa feuille, et l’amour se repose,
    Embaumant les jardins et les arbres d’odeur;
    Mais battue, ou de pluie, ou d’excessive ardeur,
    Languissante elle meurt, feuille à feuille déclose.

    Ainsi en ta première et jeune nouveauté,
    Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté,
    La Parque t’a tuée, et cendres tu reposes.

    Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs,
    Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,
    Afin que vif et mort, ton corps ne soit que roses.

    Comme la musique, la poésie est un viatique qui peut nous aider à canaliser nos états d’âme, ne serait-ce que pour rendre la dure loi de la mort plus acceptable.

     

                                                                                                                                                  Claude Tarin

                                                                                                                                      Mardi 18 mai 2021

     


  • Commentaires

    1
    Ber-The
    Dimanche 23 Mai 2021 à 09:24
    Bel hommage.
    Merci Claude
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