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    Surpris ? Pas vraiment ; mais sonné; vingt-quatre heures durant. Profondément affecté, en pensant d’abord aux Américains ; mais  plus que ça : atterré par le séisme qui vient de frapper les États-Unis d’Amérique et dont la planète entière ne va pas tarder à subir les néfastes et prévisibles conséquences. Le triomphe du roué et fantasque Trump est incontestable. Plus c'est gros, plus ça passe. Il est réélu Président. Les urnes ont parlé. Dont acte.

    Il y a un an tout juste, après une longue période de silence, je décidais de remettre à flot ce blog, en le dotant d’un nouvel intitulé. J’expliquais alors la référence faite à ces navires météo, assurant également le contrôle du trafic aérien, qui s’en venaient faire le bouchon au Point K (pour Kilo), au cœur de l’Atlantique (chronique du 20 novembre 2023).

    Un mois après l’horrible massacre du 17 octobre 2023, opéré par le Hamas lors d’un festival de musique en Israël, l’Argentine confiait, tout aussi démocratiquement, les clefs du pouvoir à Javier Milei, un économiste d’extrême droite ayant fait campagne une tronçonneuse à la main. La coupe était pleine ! Il me fallait expulser cette peur grandissante m’amenant à penser que notre monde allait être victime d'un dérèglement démocratique. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Le monde, notre monde, risque fort d’être dirigé par des mégalos démagos tendance suprémacistes. La démocratie génère sa propre destruction.

    Ce jour est empreint d’une grande inquiétude. Rien n’arrêtera plus la vengeance aveugle de Benyamin Netayahu. À Moscou, Vladimir Poutine se frotte les mains. La survie de l’Ukraine ne tient plus qu’à un fil. Un an après l’élection de Javier Milei, les Argentins connaissent des conditions de vie dégradées. Quid de l’Otan ? Quid de l’Europe, elle aussi confrontée à ce dérèglement démocratique illustré par la montée du populisme, autrement plus ravageur à court terme pour sa survie que le dérèglement climatique ? Ce n’est pas la fin de la coalition gouvernementale en Allemagne qui s’en vient nous rassurer sur l’avenir de notre vieux continent.

    On connaît les difficultés qu’éprouvent les États, depuis plusieurs années, à trouver une solution acceptable par tous pour contrer les conséquences prévisibles à plus ou moins long terme de l’effet de serre. La prise de conscience est réelle, mais les climatosceptiques sont à la manœuvre, souvent en ayant beau jeu de se voir opposer une rhétorique culpabilisante et un dogmatisme ne prenant pas suffisamment en compte le pouls des populations et les efforts que chacun a déjà accomplis.  Le prochain et ancien locataire de la Maison Blanche ne brille pas, dans ce domaine comme dans tant d’autres, par sa lucidité. Le court terme est son credo. Seule l’image qu’il se donne de lui-même compte. Pour nombre de ses électeurs, ce sera comme un miroir aux alouettes.

    Sur le plan international, le chacun pour soi va devenir la règle. Les alliances d’un jour vivront ce que vivent les roses.  Il est à craindre qu’il n’y ait plus autour de la table que des adeptes du poker menteur, dépourvus du moindre sentiment humaniste. Certes le soleil continuera à éclairer nos jours, mais nous entrons de plain-pied dans une période de nuit et brouillard. 

    Dans un reportage d’avant élection, le témoignage d’un citoyen américain d’origine arabe a retenu particulièrement mon attention. Cet homme expliquait les raisons qui l’amèneront à ne pas voter pour Kamala Harris – le conflit en Palestine – mais il ne se faisait aucune illusion sur la capacité de Trump à peser de tout son poids pour que cesse ce qui s’apparente bien à un génocide. Son seul espoir : que ce deuxième mandat soit une catharsis, une purgation pour un pays que Trump a lui-même fracturé. Puisse cet Américain désenchanté avoir raison.

    Sonné, atterré, je le suis incontestablement. Terrassé ? Abattu ? Non. Comme la grande minorité des Terriens croyant mordicus aux vertus de la démocratie fondée sur le socle de la solidarité et de la tolérance, je conserve l’espoir que ce n’est qu’un mauvais moment de plus à passer; que la flamme de La Liberté éclairant le monde retrouvera l’éclat nécessaire pour corriger cette dérive démocratique et nous éviter le pire. Alea jacta est !

     

                                                                                                                                       Phylactérix

                                                                                                                              Jeudi 7 novembre 2024


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    « Comment rendre plus claire la nuit du monde. ? Cette question, Pierre Jacerme*, nous la pose… à toutes fins utiles…à la toute dernière ligne de son nouveau livre : Visages du Japon**. Pour ce professeur de philosophie émérite, le Japon est une terre inspirante. Ce livre est un invite à la méditation. Je m’y suis plongé… par réflexe.

    Le Japon ? Rien qu’à l’énoncé de ce nom, ce sont des vagues de souvenirs qui s’en viennent agiter la boîte crânienne ; un tsunami de regrets.

    Le Japon ? Je n’y suis jamais allé et ce n’est pas faute de l’avoir désiré.

    Le livre de Pierre Jacerme ne fait que renforcer mes regrets. Il nous mène au cœur de l’intime, entre visible et invisible. Son livre n’est pas une somme d’impressions ressenties à la va-vite ; c’est le fruit d’un savoir, d’un regard éclairant, de successives immersions dans ce pays du Soleil levant.

    Dans un précédent ouvrage***, essai philosophique par nature, Pierre Jacerme, dans les pas d'Héraclite d’Éphèse traitant de l’harmonie, évoquait déjà la superposition de l’invisible sur le visible. Visages du Japon en donne l’illustration. L’harmonie va au-delà de ce que l’on voit

    Dans son retour sur lui-même, Pierre Jacerme nous parle de ses compagnons de voyage. Des cinéastes (Akira Kurosawa, Teinosuke Kinugasa), des écrivains (Robert Guilain, Jacqueline Pigeot, Nicolas Bouvier, Lafcadio Hearn, Marguerite Yourcenar, Paul Claudel), de penseurs et philosophes japonais (Daizetz Teitaro Suzuki, Isaku Yanaihara). Ce dernier, nous apprend Pierre Jacerme, a posé pour l’artiste-peintre Giacometti en 1956.

    Pour ce qui me concerne, je dois ce désir du Japon à une série d’estampes consacrées à la vague.

    La vague ? Belle et féroce, consubstantielle dès ma naissance puisqu’ayant eu la chance de naître dans une échancrure du littoral breton. Dès lors, irrésistible attirance pour l’œuvre de Katsushika Hokusaï, peintre, dessinateur et graveur du XVIIIème. Comme tant d’autres, happé par la puissance de la Grande vague de Kanagawa, l’estampe la plus connue.

    Une vague gigantesque qui semble défier le Mont Fuji. Oui, c’est pour cette vague, que le Japon imprime en moi, mais, c'est surtout, pour pouvoir voir de mes yeux ce mont sacré - qui demeure, comme le souligne Pierre Jacerme, « le foyer central autour duquel tournent, et se tournent, les pas des Japonais » - que j’aurais aimé assister au lever du soleil de l’autre côté de la planète.

    Une vie ne peut suffire pour s’imprégner de tout ce qui fait la beauté de ce monde ; car ce monde cruel est, paradoxalement, beau, de par la diversité de ce qu’il nous donne à voir, de par la diversité de ces sources culturelles qui nous conduisent à penser l’universel, telles celles qui jaillissent du substrat géologique pour s’en venir épouser l’océan. Le Japon, tant par son histoire que par sa propre culture, cultive particulièrement ce paradoxe. Il est à lui seul un substrat philosophique. C’est ce que l’on retient après avoir contemplé ces visages que Pierre Jacerme nous convie à mieux connaître.

    Dans son narratif, l’auteur dévoile d’emblée sa passion pour le cinéma qu’il découvre, en Tunisie, dans les années cinquante, au lendemain de la guerre. Cette passion fut la mienne et c’est elle qui me fait revoir le visage de Sessue Hayakawa. Quel âge avais-je quand le terrifiant colonel Saïto m’a sauté au visage ?  Quand il tient son rôle dans le film culte Le Pont de la rivière Kwaï, produit en 1957, Sessue Hayakawa est âgé de soixante-huit ans ; il a derrière lui une longue carrière, notamment dans le cinéma muet. Selon un de ses biographes, le Français Gilles Jacob****, il était l’égal de Charlie Chaplin.

    Sous la caméra du réalisateur anglo-américain David Lean, Sessue Hayakawa  incarne un commandant d’un camp de prisonniers anglais et américains en Thaïlande. L’image fausse du Japonais dominateur, sans état d’âme apparent, inflexible, insensible, ne disparaîtra pas de sitôt ; Hirsohima, Nagaski n’étaient elles pas la conséquence logique de cette caractéristique de l’identité japonaise : une froide condescendance ?  Entre 100000 et 300000 morts, anéantis les 6 et 9 août 1945 par le souffle de la bombe atomique. Sans parler des irradiés qui ont survécu. La prise de conscience finira par balayer tout justificatif circonstancié.

    Le Japon de Pierre Jacerme, auteur d’un essai intitulé L’éthique à l’ère du nucléaire publié en 2005, n’élude pas, bien évidemment, l’impact de ces drames défiant l’entendement. Six ans après la publication de cet essai sur le nucléaire, ce sera la catastrophe de Fukushima. La vague destructrice d’un séisme. Le combat sans fin engagé par la mer. La nature imposant sa loi à l’homme.

    À la croisée d’un chemin, nous voici conviés, par Pierre Jacerme, à faire la connaissance d’Amaterasu, la déesse du Soleil et du tissage dans le shintoïsme. Takachiho, un village de montagne, célèbre pour sa cascade, ses sanctuaires et ses grottes, nous précise notre guide. C’est ici qu’Amaterasu, excédée par la jalousie et la violence de son frère Susanoo, le dieu des tempêtes, a décidé de s’enfermer à tout jamais dans une grotte céleste. Il faudra toute l’ingéniosité d’Ame-no-Uzume, déesse de l’aube, de la gaieté, de la méditation, des réjouissances et des arts pour la convaincre de redonner le jour. « Dans l’interprétation de Paul Claudel*****, écrite en 1902 (La délivrance d’Amaterasu), le drame résulte de l’égoïsme de l’homme qui oublie de rendre grâce à l’épiphanie solaire, à laquelle, pourtant il doit la vie » nous dit Pierre Jacerme.

    Alors ! Comment rendre plus claire la nuit du monde ?

    En ces temps de Toussaint, le soleil se montre généreux au-dessus des cimetières et monuments aux morts bretons.

    Pierre Jacerme connaît bien la presqu’île sauvage qui défie l’océan entre Trieux et Jaudy ; pour y séjourner plusieurs fois par an. Le rapprochement peut cependant le surprendre, mais il m’arrive parfois, tout particulièrement aux équinoxes d’automne et de printemps, d’avoir l’âme japonaise. Il suffit alors de porter ses pas jusqu’au lieu-dit de Kermouster où un point de vue offre un plan large sur l’estuaire du Trieux. Entre l’île de Bréhat et la pointe de l’Arcouest, le lever de la déesse Amaterasu n’est alors que ravissement.

    Ce rapprochement, je ne suis pas le seul à le faire. Lorsque qu’il a découvert les côtes du Japon en avril 1914, l’artiste peintre Mathurin Méheut, auquel on doit de nombreux visages japonais, semblait naviguer entre joie et déconvenue. « On dirait une baie bretonne ». Qu’importe s’il faisait alors allusion à la baie de Douarnenez et ses sardiniers gagnant le large, à l’heure même où la déesse Amaterasu s’en allait se reposer derrière la ligne d’horizon.

    C’est à cause de la guerre que Mathurin Méheut a dû abréger son séjour au Japon, pour s’en revenir défendre son pays dans les tranchées du nord-est de la France. C’est également la guerre qui a nourri les pensées de Pierre Boulle, l’auteur du roman publié en 1952 que David Lean va porter à l’écran cinq ans plus tard. C’est en Indochine, contre l’occupation japonaise, que Pierre Boulle s’est engagé. Mais Vichy mettra fin à ses agissements en l’incarcérant à Saïgon en 1942.

    Comment rendre plus claire la nuit du monde ?

    Vaste sujet d’actualité ! La guerre est à notre porte ; elle enflamme le Proche Orient ; ravage des États africains ; sourd sous d’autres pays. Dans huit jours les États-Unis se donneront un nouveau chef. Un président ? Une présidente ? C’est peu dire que l’éclat de La Liberté éclairant le monde ne porte plus comme il le faudrait. Selon le choix des électeurs de la première puissance mondiale, c’est notre propre avenir qui va se nouer. L’élection de Donald Trump sonnerait le glas des espoirs des partisans de la démocratie et de la paix.

    Vous vous souvenez peut-être de cette chanson qui a accompagné la sortie du film Le Pont de la Rivière KwaÏ. Dans un monde impitoyable, la Marche du colonel Bogey, vieille chanson écrite et composée en 1914, était un hymne à l’espérance, popularisée par la voix d’Annie Cordy dans une version française : Hello, le soleil brille, brille , brille

    Puisse la déesse Amaterasu, tout au long de cette dernière semaine, éclairer le vote des citoyens américains n’ayant pas encore arrêté leur choix… pour que nous puissions, à son lever, le 6 novembre prochain, chanter à tue-tête ce refrain.

    L’espoir n’est pas mort…Le soleil brille encore.

                                                                                                        Phylactérix

                                                                                               Lundi 28 octobre 2024

     

     

    *Pierre Jacerme,  né en 1938 à Alger1, a longtemps enseigné la philosophie en classe de khâgne au Lycée Henri-IV. Il a consacré de nombreux travaux à la pensée de Martin Heidegger (1889-1976), philosophe allemand. Il est l’auteur de plusieurs essais : René Descartes, Discours de la méthode (1990), La folie. De Sophocle à l'anti-psychiatrie (1992), L’éthique, à l’ère nucléaire (2005) et Monde, déracinement, présence des dieux (2009).

     

    **Visages du Japon, Éditions Conférence, 23€

     

    ***Introduction à la philosophie occidentale : Héraclite, Parménide, Platon, Descartes, Paris, Pocket, coll. « Agora », 2008

     

    **** Un homme cruel, Éditions Grasset (2005

     

    ***** Paul Claudel est nommé ambassadeur au Japon le 1er janvier 1921. Il gagne son poste le 19 novembre et le quitte le 17 février 1927. Tout le monde au Japon le surnomme « poète-ambassadeur »

     

     


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    « Y a plus de monde à cause du beau temps ». Plein soleil ce mardi ; jour de marché. Le marché ? Théâtre populaire, au sens noble du terme ; noble de noble ; théâtre dont nous sommes tous acteurs sans le savoir ; quoique. « C’est ti qu’ils sont bios tes artichauts ! » La fidélité entre le vendeur et le client balaye les bonnes règles oratoires. Chacun dans son rôle triture à souhait le vocabulaire ; sourire aux lèvres ; histoire d’oublier tous les problèmes ; le temps d’un échange. Que dis-je ? D’une négociation. « Un kilo, t’a dit ? Y a trente grammes en plus. Ça t’va ! » « T’as toujours la main lourde. C’est bon pour moi… t’as eu le temps d’aller à la marée ? ». « J’chuis pas à la retraite comme toi ! ». Ça ne vole pas haut, mais est-ce le bon moment pour prendre de la hauteur ? Tailler une bavette au ras des pâquerettes pour le simple plaisir d’échanger, c’est bon pour le moral.

    « Y a plus de monde à cause du beau temps ».  Du monde, il y en avait en effet ce mardi matin. Ça sentait comme qui dirait les vacances scolaires ; même s’il n’y avait pas de gamins à se faufiler entre les échoppes. Un marché en semaine, c’est surtout le rendez-vous des cheveux gris. Surtout…à cause du soleil. Mais pas que. Ce mardi, ça cause même étranger. La cause ? Le soleil ; incontestablement. Un été indien ? L’étoile du jour s’est faite désirée cette année. Malgré que...Non ! Pas de que après malgré ; sauf à une exception près ; mais passons ! Soleil rare…à cause du réchauffement climatique. Allez comprendre !  

    « Y a plus de monde à cause du beau temps ». C’est à cause de cet à cause que j’en suis à pondre quelques lignes. Pour me moquer ? Que nenni ! D’abord, parce que souvent je me surprends moi-même dans une conversation à commettre cette faute de langage ; laquelle, après avoir écorché l’oreille du maître, m’aura souvent valu remontrance, assortie parfois d’une bonne gifle. Fallait qu’ça rentre à cette époque qui frise ses trois quarts de siècle. Par la porte ou par la fenêtre. Il m’arrive encore de la laisser glisser sur l’écran de l’ordinateur ; à cause…de ces doigts qui se mélangent les pédales sur les touches du clavier. Ô vieillesse ennemie…

    Parler. Le bien parler. Je ne viens pas ce jour tirer à boulets rouge sur tous ces compatriotes, instituteurs, professeurs, acteurs, comédiens qui ont veillé et veillent encore à ce que la langue de Molière ne s’écorche pas plus qu’il ne le faut. Pour qu’elle puisse, à l’instar des poètes, comme l’a si bien chanté Léo Ferré, « continuer à mettre des couleurs sur le gris des pavés ».

    Ce n’est pas un langage châtié que l’on perçoit sur la place du marché, mais de la poésie qui ne dit pas son nom. Elle cause du bien être ; même si on met sous silence tout ce que l’on a sous la langue.

     La politique, par exemple. Là il faut être sûr que la personne avec qui l’on cause épouse la même cause ; au moins à quelques variantes près. Mais surtout, bien se garder d’élever le son de la voix. Disons qu’à regret, il s’entend de plus en plus ouvertement des propos que l’on pensait devoir jamais ne plus entendre dans ce pays qui sait où aurait pu le conduire le totalitarisme si des gens, ne parlant pas la même langue que nous, nous avaient pas donné un sérieux coup de main. Pour l’heure ce sont des hommes et des femmes coiffant la calot républicain qui veillent à ce que chacun trouve son plaisir à farfouiller dans les dédales du marché. Y souffle encore le vent de la démocratie. Pourvu que ça dure !

    Le marché, théâtre populaire. La comédie humaine y a également toute sa place. Le peuple, même quand il parle la même langue, n’est pas un, il est multiple. C’est ce qui fait qu’on a tant de difficultés à se comprendre. Faute d’efforts réciproques. Mais là, il ne s’agit pas d’un problème de règle grammaticale. Cela relève d’un vécu, du tempérament, de l’âge et que sais-je encore. Sachons causer ! Causons ! Écoutons-nous ! Comprenons-nous !

    Je ne pouvais conclure cette chronique mercuriale sans parler de ce mot, de ce verbe dont j’ignorais tout jusqu’à présent. À cause…de n’avoir pas voulu, su ou pu prendre le temps de lire tout le dictionnaire. C'est chose faite à cause…Non grâce à France Inter, à Nicolas Stoufflet, animateur ô combien sympathique du Jeu des Mille Euros, mais surtout à cette auditrice de Sainte-Consorce, commune du Rhône, qui a posé une sèche aux deux candidats du jour. La question était celle-ci : « De quel verbe vient le participe passé issu ? ».

    Comme des millions d’auditeurs me voici riche d’un nouveau savoir. Il s’agit du verbe Issir, verbe supplanté au XVIème siècle par Sortir. Un verbe qui ne se conjugue pas au présent, mais au passé composé, plus-que-parfait, passé antérieur ou futur antérieur

     

    Je suis issu,

    Tu es issu

    Il est issu

    Elle est issue

    Nous sommes issus

    Vous êtes issus

    Ils sont issus

    Elles sont issues

     

     

    Je m’autorise à relayer. Il n’y a pas de droit d’auteur. À cause…de la marche du temps au cours de laquelle des mots usuels s’essoufflent. À Ayguemorte-les-graves, en Gironde, où a été enregistré ce radio-crochet, les candidats malchanceux ont été vivement applaudis quand Nicolas Stoufflet nous a donné la réponse. Issir, anciennement Sortir. Tout le monde, loin s’en faut, n’est pas lexicologue. Merci à cette auditrice de Sainte-Consorce.

     Il ne nous reste maintenant qu’à espérer que nous serons, sans trop attendre, issus de ces temps anxiogènes.

    Tout dépend maintenant de l’issue des élections aux États-Unis, pays clef dans les relations internationales. Il ne faudrait pas qu’à cause…

     

     

                                                                                                                                                 Phylactérix

                                                                                                                                  Mardi 22 octobre 2024

     


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    Il me fallait un bon prétexte pour sortir d’une longue plage de silence, pour ne pas dire des sables mouvants balayés par le vent de la consternation, si ce n’est celui de la résignation. La chaîne France 2 m’a offert ce prétexte ce mardi 8 octobre en diffusant les deux premiers chapitres de Notre histoire de France.

    Prompt à me plaindre de la récurrente médiocrité des programmes de fin de soirée - hélas, même sur les chaînes de service public - je ne peux que me réjouir de cette initiative. Vercingétorix, Gergovie, Alésia, puis Clovis, Charles Martel, Poitiers, Pépin Le Bref… Plus de cinq siècles en deux gorgées ; le programme d’une année scolaire en deux tours de cadran pour la grande aiguille de l’horloge ; intéressant, rafraîchissant, parfois surprenant pour l’ancien potache que je suis. À espérer que les générations de téléspectateurs en deçà de la cinquantaine, celles qui vont avoir à écrire l’histoire du XXIe siècle, auront été séduites par la méthode et convaincues du bien-fondé qu’il y a à donner de temps en temps un coup d’œil dans le rétroviseur.

    Oui, cette histoire imagée nous parle bien de notre histoire. Sans moins de filtres assurément ! Une histoire qui s’est construite au fil de l’épée, souvent pour des motifs n’ayant guère à voir avec le récit national qui nous a été dispensé sur les bancs de l’école au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. La guerre, la guerre, toujours la guerre…Pour être Franc…navrant, désolant. Mais les faits sont là, solidement établis, incontestables. Qu’a-t-on retenu de nos leçons d’histoire ?

    Cette série télévisée s’est construite sur le socle des savoirs et qui sait si l’intelligence artificielle n’a pas aidé ses concepteurs à chasser toutes les scories accumulées au fil des siècles. Le Vercingétorix sans moustache, portant sayon et braies, qu’il nous a été donné de voir, ne ressemble guère à la représentation qu’en a faite Auguste Bartholdi avec sa statue équestre de Clermont-Ferrand. Ce n’est qu’un détail parmi d’autres, mais l’iconographie ancrée dans les neurones a quelque peu été malmenée au cours de la projection.

    « Je suis las de guerre : las des sayes (tuniques de guerre) et hocquetons (casaques portées par les hommes d'armes). Citant ici Rabelais, c’est bien de « guerre las » que l’idée de mettre fin à cette chronique m’est venue à l’esprit alors que l’on nous invitait à vivre la trêve olympique.

    Il y a tout lieu de se réjouir que cette entre parenthèses sportive a porté ses fruits, au-delà même de toute espérance ; mais nous ne pouvions nous bercer d’illusions. Sur plusieurs points de la planète, en Ukraine, au Proche-Orient, au plus près de nous, les principes de base de la fraternité étaient bafoués et la flamme olympique n’aura pas été un contre-feu suffisant pour ramener les hommes à la raison. Notre humanité est défaillante au plus haut point.

    La télé éteinte, je me suis surpris, poussé par un intense besoin de dérision - je ne vais en rien vous surprendre - à penser aux Gaulois d’Henri Salvador, les Gaulois ayant eu l’honneur d’ouvrir cette série historique.

     

    Nos ancêtres les Gaulois

    Cheveux blonds et têtes de bois

    Longues moustaches et gros dadas

    Ne connaissaient que ce refrain-là

     

    Faut rigoler

    Faut rigoler

    Avant qu'le ciel nous tomb' sur la tête

    Faut rigoler

    Faut rigoler

    Pour empêcher le ciel de tomber

     

    Si, pour l’heure, il ne nous faut craindre que les seules rafales et trombes d’eau, notre pays demeurant à l’abri des turbulences guerrières, meurtrières, mortifères, la séquence politique que nous traversons actuellement ne nous aide pas à recouvrer le moral. Ce n’est pas rigolo du tout.

    Même si le Premier Ministre que le Président de la République a sorti de son chapeau ne correspond pas vraiment au profil que je souhaitais, je me garderai de lui en faire, à lui seul, le reproche. Comme il est impossible de résoudre la quadrature du cercle, venant d’où il vient, il va lui être bigrement difficile de résoudre la quadrature de l’hémicycle. Pas de potion magique à portée de la main. Et de cela, je ne m’en réjouis pas.

    Va-t-il être en mesure de convaincre que la purge budgétaire qu’il entend nous administrer aura des vertus curatives et ne masque pas des effets secondaires désastreux, honteux, pour un pays qui prétend encore être celui des Droits de l’homme ?

    Si Michel Barnier, fort de sa réputation forgée par l’Union européenne, souhaite apparaître sur le plan national comme l’homme ayant réussi à nous éviter le pire, je ne saurais trop lui conseiller, ainsi qu’à son ministre de l’Intérieur, d’aller se recueillir quelques instants au Panthéon, devant la plaque de Nicolas de Condorcet. La plaque ? Parce que les cendres de cet acteur clef de la période révolutionnaire, victime de la Terreur, ont été déposées dans une fausse commune d’un cimetière dont on a perdu la trace.

    Grâce soit rendu à ces historiens qui ont su nous rappeler l’exemplarité de ce personnage. Il est à espérer que les réalisateurs de Notre histoire de France n’en resteront pas à Jeanne d’Arc et à Henri IV ; qu’ils sauront judicieusement démêler cette période charnière et cruciale de la Révolution française et qu’eux aussi rendront justice à celui que l’on peut considérer comme l’héritier et dépositaire de l’esprit des Lumières.

    La quadrature du cercle, ce mathématicien, célèbre pour ses travaux sur les statistiques et probabilités, ne pouvait prétendre la résoudre, mais il est incontestable qu’il aura essayé de faire entendre raison à ses congénères de la salle versaillaise du Jeu de Paume, qu’ils soient jacobins, girondins ou montagnards. Comparaison n’est pas raison, soit ! Mais qu’est-ce qui a véritablement changé au pays de nos ancêtres gaulois ?

    Alors, oui…il y a urgence à remettre Condorcet au cœur de nos réflexions. « Un homme qui a ajouté à une conviction philosophique, à une valeur incomparable, une conviction républicaine, jusqu’au martyre » dira de lui Jules Ferry. Et, sans attendre une nouvelle série télévisée, prendre le temps de puiser aux meilleures sources, parmi lesquelles il me faut citer le Dictionnaire critique des la Révolution française, une œuvre collective dirigée par Mona Ozouf et François Furet, ainsi que Condorcet (1943-1794) : un intellectuel en politique, d’Élisabeth et Robert Badinter, publié chez Fayard en 1988 et réédité en 2001 dans la collection Livre de poche. Condorcet fut un opposant à la peine de mort.

    L’ouvrage des époux Badinter, dès l’année suivante de sa publication, donna lieu à une série télévisée, avec Pierre Arditi dans le rôle-titre. Il y aurait urgence à ce que le service public nous remette en mémoire cette évocation de Condorcet, un homme politique qui fait rimer la France, avec connaissance, bienveillance…et tolérance. Cette France qu’il nous faut sauvegarder.

     

                                                                                                                Phylactérix

     

                                                                                                       Vendredi 11 octobre 2024

     

     


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    Au lendemain du soulagement, la classe politique ne brille pas dans sa capacité à comprendre ce qui s’est passé ; elle manque, à l’évidence, de sang-froid.

    Derrière les fenêtres élyséennes : tempête sous un crâne. Qui choisir ? À qui confier les clefs de Matignon ?

    Après la dramaturgie des semaines passées, les Français aspirent à l’apaisement. Aussi, sans trop jouer la montre, le Président doit prouver qu’il a bien compris le message que les électeurs lui ont adressé. Ils veulent du consensus et rien ne serait pire que d’entretenir les chicayas qui détériorent encore plus l'image de la classe politique.

    Si j’étais Président, je choisirais un homme ou une femme pouvant remplir toutes les cases indispensables pour tenir la fonction. J’ai, pour ma part, un nom à lui proposer…Jean-Yves Le Drian.

    Ce socialiste a un passé qui parle pour lui.

    Maire de Lorient de 1981 à 1988

    Plusieurs fois député entre 1978 et 2007

    Président du Conseil régional de Bretagne à deux reprises entre 2004 et 2017

    Secrétaire d’État à la Mer dans le gouvernement d'Édith Cresson entre 1991 et 1992. Il aura notamment mené à son terme la difficile réforme du statut des dockers.

    Durant la présidence de François Mitterrand, il devient président de la Conférence des régions périphériques maritimes d’Europe en 2010.

    En 2012, il est nommé ministre de la Défense dans le premier gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Il sera maintenu dans ses fonctions dans les gouvernements Ayrault II, Valls I, Valls II et Cazeneuve, soit durant la totalité du quinquennat de François Hollande.

    Ayant quitté le PS après y avoir milité plus de quarante ans, il œuvre pour un rassemblement des socialistes autour du président Emmanuel Macron,

    En 2017, il devient ministre de l'Europe et des Affaires étrangères dans le gouvernement Édouard Philippe. Il conservera son ministère au sein du gouvernement Jean Castex jusqu'à son terme, en 2022.

    Le 7 juin 2023, Emmanuel Macron l’a nommé « envoyé personnel pour le Liban ». Il est chargé de contribuer à la formation d'un consensus politique au Liban pour l'élection d'un nouveau président de la République libanaise.

    Consensus…Jean-Yves Le Drian est consensuel par nature. « Jacques Delors était la référence de ma vie » a-t-il déclaré. Il a incontestablement l’Europe chevillée au corps.

    C’est assurément un homme de dossiers, peu enclin à courir pour un oui pour un non sur les plateaux de télévision.

    Loyal, vis-à-vis des trois Présidents,  Jean-Yves Le Drian a surtout pour lui d’avoir su éviter les pièges de la verticalité.

    Avec un tel Premier ministre, les régions, les départements et les maires seraient au cœur de ses préoccupations.

    Le Menhir, comme on se plait à l’appeler en Bretagne, n’est pas hors-sol. Depuis plusieurs années il préside le Breizh Lab, un club qui rassemble des progressistes bretons.

    Bien que retiré officiellement de la politique, le Menhir est toujours debout ; bien ancré dans les problématiques du moment.

    Tel serait mon choix, si j’étais le Président.

     

                                                                                                                 Phylactérix

                                                                                                        Jeudi 11 juillet 2024


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