• Mère, Mairesse et Mer

    J’espérais que les nuages ne seraient plus là ce vendredi soir et que je pourrais me délecter à contempler la Lune des fraises. Hélas ! A l’heure où le Roi Soleil (chronique précédente) s’éclipsait, Dame Lune ne put se mettre en scène totalement. C’est tout juste si elle daigna sortir, par intermittence, des coulisses, pour nous dire qu’elle était là et bien là. Mais, bien malin celui ou celle qui pourra affirmer l’avoir vue dans sa robe rose. Ce samedi matin, la déception restait vive, d’autant plus que je m’étais mis en tête de revenir sur cet événement pour vous offrir une nouvelle élucubration. Fort heureusement, la lecture du journal à l’heure du petit déjeuner m’a permis de remettre un projet sur les rails.

    Accaparé par cette histoire de Lune des fraises, j’en avais oublié que c’est ce dimanche 7 juin que nous sommes conviés à fêter les mères. Hélas ! Nos mères, à mon épouse et moi-même, ne sont plus là pour partager ces instants de fête, mais qu’à cela ne tienne, j’avais là matière à accoucher d’une nouvelle chronique, autour d’une idée mère.

    Cette idée mère consiste à associer trois notions dont la prononciation ont la même résonance phonétique : celle de la Mer, notre mer nourricière à tous, celle de la Mère, à l’honneur ce dimanche, et celle du Maire donc de la Mairesse. Ne restez plus qu’à mettre en forme cette « idée lumineuse » !

    Pour commencer, priorité à nos mères. Avec cette question, à laquelle je vais vous apporter immédiatement la réponse, dès fois que vous l’ignoreriez encore : A quand remonte l’idée de fêter les mères ?

    Les historiens nous disent que les mères étaient déjà à l’honneur dans la Grèce antique lors des cérémonies printanières en l’honneur de Rhéa, la mère des dieux, notamment de Zeus. Côté Romains, le 1er mars on fêtait les matrones, les mères de familles. Bien plus tard, au XVe siècle, ce sont les Anglais qui honoreront les mères avec le Mothering Sunday, un dimanche de Carême. Mais c’est à la fin de la Première Guerre mondiale que le principe du  Mother’s Day a diffusé sur la planète. Avec le corps expéditionnaire du général John Pershing.

    En mai 1918, ce général va ordonner de distribuer à tous les soldats sous son commandement, certains sont Anglais, Néerlandais, Belges et Français, des cartes postales d’hommage à envoyer. C'est à cette époque, ne l'oubions pas, qu'aura sévi la terrible et foudroyante grippe espagnole dont, cent ans plus tard, on n'a jamais pu établir avec exactitude le nombre de victimes.

     

    Mère, Mairesse et Mer

    Arrangement en gris et noir n°1, par James Abott McNeill Whistler, huile sur toile (1871), Musée d’Orsay, Paris. 

     

    La fête des mères, telle qu’elle se pratique désormais à travers le monde, puise d’ailleurs sa source aux Etats-Unis. C’est une institutrice de la petite ville de Grafton, en Virginie occidentale, qui est officiellement reconnue comme étant celle qui en a eu l’idée.

    Anna Marie Jarvis (1864-1948) était la fille d’Ann Maria Reeves Jarvis. C’est cette dernière qui avait fréquemment émis le vœu de voir la création d’un jour de fête en hommage à toutes les mamans. Anna Marie Jarvis, le 12 mai 1907, deux ans après la mort de sa mère, lança, avec succès, une campagne pour créer une fête des mères officielle.

    Les connaisseurs en art seraient peut-être les mieux à même d’en parler, mais l’idée d’Anna Marie Jarvis a inspiré un peintre, lui aussi Américain. James Abott McNeill Whistler (1834-1903). Il n’est certainement pas le seul artiste peintre à avoir honoré sa mère de cette façon, mais, ce tableau, peint à Londres, symbolise le lien indéfectible qui doit unir l’enfant, devenu adulte, à sa mère.

    Ce tableau, Arrangement en gris et noir n°1, dit aussi Portrait de la mère de l’artiste ou La Mère de Whistler est conservé au musée d’Orsay à Paris. La poste américaine a émis en 1934 un timbre reproduisant ce tableau en l’honneur des mères aux Etats-Unis.

    En France, l’idée d’organiser une fête des mères aura également germé dans les esprits à la fin du XIXe siècle. Mais avec une préoccupation bien ancrée : faire face à la baisse des naissances. Une préoccupation que le romancier Emile Zola aura saisie pour écrire Fécondité. Il s’agit là du premier opus d’un cycle romanesque portant sur Les Quatre Evangiles, selon son auteur. Ces quatre évangiles sont : Fécondité, Travail, Vérité et Justice, ce dernier chapitre étant resté au stade de l’ébauche, Zola étant décédé.

     

    Mère, Mairesse et Mer

    Raymond Tournon, affiche créée pour la parution de Fécondité en feuilleton dans lL'Aurore, en 1899.

     

    N’ayant pas lu Fécondité, je me reporte à des commentaires critiques. L’auteur du célèbre J’accuse, article publié dans L’Aurore le 13 janvier 1898, se pose ici en adversaire de la contraception et de l’avortement. A sa décharge, la France vit encore le traumatisme de la guerre de 1870. Or l’Allemagne, qui nous a enlevé l’Alsace et la Moselle, voit sa population s’étoffer. Il n’en fallait pas plus pour que les esprits s’en viennent à prôner la famille nombreuse.

    C’est un village de l’Isère qui revendiquera d’avoir été le berceau de la fête des Mères en France. A Artas, le 10 juin 1906, deux mères de neuf enfants reçurent ce jour là un prix de « Haut mérite maternel », un diplôme créé par un certain Prosper Roche, fondateur de l’Union fraternelle des pères de famille. Prosper Roche était instituteur dans ce village.

    Vingt ans plus tard, la fête des mères va obtenir du gouvernement d’Aristide Briand sa véritable reconnaissance officielle. Le 20 avril 1926, la France célèbre ‘La journée des mères de familles nombreuses ».

    Cet état d’esprit aura perduré bien au-delà de la Seconde Guerre Mondiale. Avec son slogan Travail, Famille, Patrie, le maréchal Pétain s’en tiendra à cette conception de la femme, en la confinant dans son rôle de mère pourvoyeuse d’enfants. Et si les femmes obtinrent le droit de vote à la Libération, il leur faudra encore attendre quelques décennies pour obtenir une plus haute considération, sans que la Fête de mères disparaisse. Même si, dès 1945, certaines communes s’honorent de s’être donné pour maire une femme.

     

    A quand une mairesse à Lézardrieux?

     

    Mes recherches ne m’ont pas permis de trouver une commune ayant fait ce choix dans le département. Mais la Bretagne n’a pas été la dernière à se mettre en marche. Elle le fut même dans l’entre deux guerres, avec Joséphine Pencalet (1886-1972), une ouvrière d’une conserverie de Douarnenez, élue en 1925 comme conseillère municipale sur la liste présentée par le Parti Communiste Français. Mais son élection sera invalidée par le Conseil d’Etat car, à l’époque, les femmes ne sont pas en droit ni électrices ni éligibles.

    Aujourd’hui encore les femmes ne représentent que 20% des maires. A quand une mairesse à Lézardrieux ? Au prochain mandat ? Alors que nous vivons « l’entre deux maires », compte tenu du recours déposé par le maire sortant, reconnaissons leur le mérite à tous les deux d’avoir pensé à être secondés par une femme. Il ne reste donc plus qu’une marche à franchir.

    Mer, Mairesse…et la Mer ?

    Pour m’en tenir à cette idée « lumineuse », quoi de mieux que de s’en aller à Mer, dans le Loir et Cher. Pourquoi un tel nom en plein cœur de la Beauce ? J’ai vainement cherché la réponse. Par contre, les Merois et les Meroises vont devoir se choisir le 28 juin un maire ou une mairesse.

    Dans cette ville de  plus de 6000 habitants, le scrutin va se jouer dans un mouchoir de poche, la liste de la Gauche ayant obtenu 42,39% des votes contre 41,10% à celle menée par une femme sous le sigle Agir au cœur  d’un territoire d’avenir. Tout va dépendre des électeurs du Rassemblement National. Leur candidat (16,50%) se maintenant, ses électeurs lui resteront-ils fidèles ou se porteront-ils sur l’une ou l’autre liste? Quid des abstentionnistes ? Au premier tour, entre autres pour cause ce coronavirus, le taux de participation n’avait pas atteint les 50%.

    Avant de quitter Mer, pour conclure cette chronique, un coup d’œil sur la façade de la Halle aux grains nous rappelle que c’est dans cette commune qu’est né le sculpteur Pierre Loison (1816-1886). Sur le fronton ouest de ce bâtiment l’artiste a gravé dans la pierre une scène intitulée L’Agriculture distribuant des couronnes aux enfants de Beauce et de Sologne. Un hommage à cette Terre nourricière dont on a pu mesurer toute l’importance première durant ces derniers temps.

     

    Mère, Mairesse et Mer

     L'Histoire et la Vérité, sculpture de Pierre Loison, Musée du Louvre

     

    De  la Terre nourricière à la Mer nourricière, il n’y avait donc qu’un bras de mer à franchir.

    Cet été, la mer ne sera pas, quant à elle, à la fête. Tous les grands rassemblements sont, du moins à ce jour, annulés pour cause de Covid 19. Il en va ainsi pour les Vieux Gréements de Paimpol. Mais sans nul doute, les vacances étant autorisées, les plages et les sentiers de randonnée permettront à grand nombre de gens de venir s’y ressourcer. Et peut-être de mieux saisir les enjeux dont le Grand Bleu est le théâtre.

    Cette Mer nourricière est elle aussi confrontée aux évolutions du climat. Sera-t-elle autant nourricière que par le passé ? Et puisque nous avons vue sur la Manche, comment ne pas penser aux effets que va avoir le Brexit sur le monde professionnel de la pêche. Il est à craindre que des notions du type Trafalgar s’en viennent à refaire surface.

    Pour conclure, j’aurais pu m’attarder sur la statue de La Navigation que Pierre Loison, qui fut l’élève de David d’Angers (1788-1856) a sculptée pour le Louvre, mais je lui ai préféré L’Histoire et la Vérité, une sculpture qui encadre un œil de bœuf sur un pavillon du Louvre. Pour la raison suivante : les vérités et contre-vérités s’accumulent au fil des jours. L’histoire, si elle est le fait d’historiens appliquant leur discipline avec rigueur, se chargera, comme on ne peut que le souhaiter, d'établir une vérité incontestable sur l’histoire vraie de la pandémie dont il nous faut désormais contenir les effets boomerangs.

    Mais que cette préoccupation ne vous empêche pas de vivre, l’esprit tranquille, cette fête des mères !

     

                                                                                                                                                Claude Tarin

                                                                                                                                  Samedi 6 mai 2020

     

     

     Les mers de la Lune

    A défaut d'avoir pu digresser sur la Lune des fraises, comment ne pas évoquer maintenant les mers de la Lune. Des mers "inventées", certes, mais qu'il n'est pas inutile de mieux connaître. La Lune reste à découvrir. L'homme y a déjà posé son pied. Là aussi, les Chinois ont montré leur savoir faire, en posant un engin sur la face cachée.

    Alors que tous les yeux sont désormais braqués sur Mars, la Lune rentre à nouveau dans le jeu de la compétition spatiale. Puisse l'humanité en tirer un réel profit !

     

    Mère, Mairesse et Mer


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