• Les mots du jour : chute, uchronie et rétropédalage  

     

    Dernier tour de piste en Bretagne ce mardi pour les déjà nombreux éclopés du Tour de France. Au lendemain d’un deuxième tour de scrutin qui confirme un niveau inquiétant de l’abstention, auquel s’ajoute la défaite de l’équipe de France de football, le mot du jour est bien celui de « chute ». Chutes à répétition de l’Armor à l’Argoat, chute d’un favori de l’Euro 2021 devant un adversaire ne devant pas a priori poser de problème, nouvelle chute d’une participation citoyenne tout aussi prévisible qu’incompréhensible, si ce n’est inadmissible, dans une démocratie telle que la nôtre.  Ce n’est pas le crachin de ce mardi matin qui aura pu vous aider, si tant est que vous partagiez ce ressenti, à recouvrer le moral. J’aimerais cependant pouvoir, sous un ciel encore chagrin à l’heure d’écrire ces lignes, vous persuader, en me persuadant moi-même, qu’il y aura des lendemains qui chantent. Sans toutefois verser dans l’uchronie.

    Après l’oculus de la précédente chronique, n’allez pas croire que je me pose en lexicologue fier de pouvoir glisser systématiquement des mots peu usités dans le langage commun, mais c’est cette actualité morose  qui m’amène à utiliser ce néologisme d’uchronie.  Au passage, j’en profite pour dire ma reconnaissance à une personne qui m’est très chère, qui se reconnaîtra si elle plonge dans cette Humeur du jour, de m’avoir fait connaître ce mot d’où elle a tiré, pour elle-même, une réflexion philosophique. Pour faire court, l’uchronie est une réécriture de l’histoire à partir de la modification d’un fait réel. 

    Prenons l’exemple du coronavirus, dont il nous faut, hélas, encore nous méfier ! Aussitôt apparu sur le marché de Wuhan, tout a été mis en place pour contrer sa propagation. Les autorités chinoises ont d’emblée joué cartes sur table. La solidarité internationale a fait le reste. Seuls les habitants de la ville de Wuhan auront été contraints au confinement. Ces longs mois cauchemardesques que nous pensons avoir vécu n’ont été qu’un mauvais rêve et ce matin c’est le football suisse qui est en berne.

    Quant au scrutin des élections régionales et départementales, tous les commentaires sont unanimes à souligner, qu’en France, la démocratie est bien vivante. Rien qu’à Lézardrieux, on se bousculait dimanche, dès les premières heures, pour pouvoir atteindre les urnes ;  pas de masque obligatoire ; le taux de participation y a atteint un niveau exceptionnel. Du jamais vu ! Les élus ne peuvent que s’en réjouir. Leur légitimité est pleine et entière. Mais, hélas, c’est une toute autre réalité qu’il nous faut digérer.

     

    Les mots du jour : chute, uchronie et rétropédalage   

     Les marmottes sont apparues sur la chaîne de télévision France 3 en 2005. Elles sont les enfants de l'agence de communication Dream On. À défaut de pouvoir nous faire rêver, elles ont, au fil de courts intermèdes, la capacité à faire sourire. Un humour d'une extrême finesse.  C'est toujours bon à prendre!

     

    C’est la troisième fois, sauf erreur de ma part, que le Tour de France a enjambé le pont du Trieux. La première fois en 1954, puis en 1995, mais à chaque fois, contrairement à cette année, dans le sens Est Ouest. Aussi rapidement que le passage du peloton sur la route menant au pont Saint-Georges, la fête du vélo à elle-même tourné bien court. N’ayant pas fait partie, comme certains d’entre vous, des spectateurs du bord de route, je ne peux qu’avouer un sentiment de frustration.

    Je pensais me régaler du spectacle, bien calé dans un fauteuil, devant l’écran de télévision. Je m’attendais, en bon Lézardrivien, à un regard circulaire de l’hélicoptère montrant qu’il n’y avait pas que Bréhat à valoir le coup d’œil. Mais point de caméra à remonter le lit de la ria et point d’images montrant les six échappés entre les haubans du pont. C’est tout juste si on a pu, deux minutes plus tard, y repérer le maillot jaune. Mais bon, nombre de communes ayant mobilisé les énergies pour honorer le rendez-vous pourront, elles aussi, trouver un peu maigre le retour télévisuel sur investissement.

    Cette frustration vélocipédique aura donc également pesé sur le reste d’une journée dominicale aux allures de débâcle. Difficile de faire comme si de rien. D’où  ce rétropédalage chargé d’interrogations, si ce n’est d’inquiétudes.

    Je ne sais pas si j’ai un petit vélo dans la tête, mais le langage du cyclisme est riche en expressions pouvant coller à l’atmosphère du moment. Tout en quittant le domaine de la glorieuse incertitude inhérente à toute épreuve sportive, me cantonnant sur celui de notre engagement citoyen, je me demande si ce bon vieux pays, qui se gargarise, parfois avec arrogance, d’avoir inventé la démocratie, ne pédale pas dans la choucroute ou dans la semoule. J’ai l’impression qu’il est en train de perdre les pédales et qu’à force d’avoir le nez dans le guidon, c’est-à-dire peu enclin à penser le long terme, on ne file pas droit dans le mur.

    Ce désenchantement ne date pas de ces dernières soixante-douze heures. Il m’est arrivé bien souvent de déplorer, à cœur ouvert, cette dérive citoyenne. Au lendemain de ce scrutin de dimanche, elle est patente, pour ne pas dire abyssale. Mais comment en discerner les causes ?

    Tout mettre sur le dos du politique est une facilité à laquelle je ne me résous pas. J’aurais plutôt tendance à dire que l’on mérite les politiques que l’on a. Les plus méritants ne sont pas toujours ceux qui se bousculent pour apparaître au fenestron. Je pense  que dans leur grande majorité ces hommes et ces femmes qui après avoir réclamé et obtenu notre confiance font tout ce qu’ils peuvent pour conjuguer conviction et réalisme, quitte à devoir trop souvent nous révéler à nos propres incohérences.

    Certes, il y a des travers qui ne peuvent qu’agacer.  On en voit déjà le reflet. Les vieux réflexes du monde d’avant jouent encore. Le scrutin de dimanche n’était pas encore clos que certains quittaient les routes départementales et régionales pour lancer un sprint sur la quatre voies menant aux marches de l’Élysée. Promis juré, ils feront mieux que l’actuel locataire et tout en fustigeant les électeurs de l’autre bord sauront réunir ce peuple et lui rendre la fierté qu’il semblerait avoir perdu selon certains. Ils oublient un peu vite que le matelas de la citoyenneté manque cruellement de ressorts et qu’il faudra plus qu’un catalogue de promesses pour se retrouver en phase avec des citoyens du monde d’après qui bientôt feront majorité.

    Pour ma part, je fais incontestablement partie des citoyens du monde d’avant et je ne puis cacher ma légitime déception de voir que la relève n’entend plus s’en tenir aux mêmes règles du jeu démocratique. Oui, il m’en a coûté parfois d’aller aux urnes en sachant que mon candidat n’était plus dans la course, mais il fallait malgré tout montrer son attachement à cet exercice républicain qu’est la dépose de son bulletin dans l’urne. Alors ? Le vote électronique ? Est-ce la voie démocratique de demain ?

    J’essaye de me persuader que mon pessimisme repose sur une mauvaise évaluation de la capacité qu’auront nos jeunes à redonner, avec les moyens qui seront les leurs, du souffle à cette citoyenneté, sans laquelle il ne peut être question de bâtir une société du vivre ensemble. Qu’ils évitent le piège de ces gourous des réseaux sociaux qui se payent de mots pour, par eux-mêmes, leur propre capacité d’analyse, confronter leurs convictions au regard des enjeux planétaires, climatiques, géopolitiques et sociaux. Qu’ils le sachent, une mutation de l’exercice du politique n’est pas la fin de la politique. À eux de lui redonner toute sa noblesse.

    Alors, quitte à endosser le costume du vieux papi qui n'a en rien oublié ces circuits tracés à même le sable pour y faire s'affronter, derrière la bille, des petits coureurs en plomb, je leur glisse ces trois conseils : mettez vous en selle, mais si vous changez de braquet, c’est bien pour mouiller le maillot.

     

     

                                                                                                                               Claude Tarin

                                                                                                                      Mardi 29 juin 2021

     

     

     


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