• Les coquillages "en majesté" de Sophie Le Merdy

    Combien existe-t-il d’espèces de coquillages marins ?  Aux dires des naturalistes, plus d’un millier. Mais cette estimation, fruit de longs siècles d’observation, ne donne qu’une vague idée de ce qui se cache réellement sous la surface des océans. Aux quelques coquillages que nous avons, ici, loisir de cueillir, à mains nues sur l’estran, avant d’éprouver le plaisir de la dégustation, s’ajoute une  multitude de gastropodes brouteurs et de bivalves filtreurs qui tapissent les fonds marins de la planète bleue. Et nombreux sont ceux qui, à défaut de n’offrir aucun intérêt alimentaire, sont récoltés pour la beauté de leur forme et de leur manteau, sous lequel se cache souvent la nacre, objet de bien des convoitises.

    Pour Sophie Le Merdy, qui expose des créations à Kermouster (22-28 juillet), le coquillage est simplement source d’inspiration.

     

    Les coquillages "en majesté de Sophie e Le Merdy

     

    Faut-il encore présenter Sophie Le Merdy ? C’est un visage familier,  une signature, une personnalité déjà bien connue sur la Presqu’île. Anciennement productrice documentaires pour l’Education nationale et la Télévision, elle assure la correspondance, depuis cinq ans, pour La Presse d’Armor sur Lézardrieux, Pleudaniel, Pleumeur-Gautier, Tréguier et Minhy Tréguier.

    « Quand j’ai pris ma retraite, j’ai souhaité pouvoir trouver une occupation  qui me permette de maintenir le contact avec les réalités du secteur. La Presse d’Armor m’a offert cette opportunité.» Nantaise d’origine, Parisienne de longues années durant de par sa profession, Sophie Le Merdy, qui  demeure désormais à Camarel, a, ainsi, renoué avec ses racines profondes, puisque sa branche familiale s’est développée non loin de là, à Tréguier. « Mais c’est avant tout l’esprit de ce pays et la  beauté des paysages qui ont déterminé ce choix. »

     

    Les coquillages "en majesté de Sophie e Le Merdy

    Sophie Le Merdy

    Son exposition, Coquill’art, a pour premier mérite de nous faire toucher des yeux une approche artistique fort originale. C’est une exposition qui nourrit les neurones du visiteur. Certes, Sophie Le Merdy ne fait ici que prendre le sillage d’artistes artisans qui ont donné au coquillage, au fil des siècles, sa robe de noblesse. Tant dans la joaillerie que dans la décoration. En se mirant devant de grands miroirs encadrés de coquillages ramenés par ses marins, Louis XIV devait, de Versailles, éprouver le sentiment narcissique d’être le roi soleil éclairant la mer. Si Sophie Le Merdy met le coquillage « en majesté », elle ne le fait que pour assouvir sa passion.

    Cette passion s’est cristallisée lors d’une visite du jardin de Kerdalo en Trédarzec. « Le jardin en continu » comme l’a défini, voilà une dizaine d’années, l’écrivain académicien Eric Orsenna. Dans cet écrin de verdure, Sophie Le Merdy a, quant à elle, porté un regard tout particulier à la grotte couverte de fresques représentant des personnages marins réalisés à partir de coquillages. Le prince Peter Wolkonsky, propriétaire des lieux, s’était alors inspiré des jardins italiens où la grotte est un point de rencontre, si ce n’est de passage, entre l’univers aquatique et le terrestre. «  C’est après avoir contemplé ces fresques que l’idée m’est venue de dépasser le stade de l’intention. » résume Sophie Le Merdy

    En donnant corps à sa passion, tout d’abord au travers de ce travail d’orfèvre qui consiste à donner aux miroirs une valeur artistique,  Sophie Le Merdy n’a pour seul objectif que de se faire plaisir et si, de cette exposition, elle tire la certitude qu’elle en procure à d’autres, cela ne pourra que l’encourager à élargir le cadre de ses créations.

    Elle nous en révèle déjà un aspect avec une série de têtes qui ne sont pas sans rappeler les tableaux du peintre italien Guiseppe Arcimboldo (1527-1593). On doit à ce peintre toute une série de portraits caricaturaux formés de plusieurs fruits, légumes et végétaux, dont ses célèbres Quatre saisons. Les visages de Sophie Le Merdy vous immergent dans un face à face avec des êtres du monde de l’imaginaire.

     

    Les coquillages "en majesté de Sophie e Le Merdy

     

    Des êtres inquiétants ou rigolos, selon le regard qu’on leur porte. Comme celui-ci aux sourcils d'un vert ombrageux, façonnés avec des moules de Nouvelle-Zélande (Perna canalicula) et le crâne couronné de couteaux (Solen marginatus). Pour d'autres ce sont des coquilles d’huîtres (Ostrea gigas) ou des coquilles Saint Jacques (Pecten maximus) qui dessinent le contour du visage. Nez droits et larges  à base de Conus blancs. Bouches en Cypraea , laissant apparaître, sous un rictus, la pensée de celui que vous regardez. Toutes les créatures de Sophie Le Merdy vous interpellent. Elles  portent en elles la beauté d'une nature profonde.

    Mais s’il serait prétentieux, pour ne pas dire ridicule, pour ce qui me concerne, d’étaler ici un savoir qui, de fait, ne se limite qu’à pouvoir faire la distinction entre les familles des Littorines, dont fait partie notre célèbre bigorneau, des  Pectinidés (coquilles et péttoncles), des Ostreidae (huîtres) , des Mytilida (moules) et autres Veneridés (palourdes, praires).

    Cette multitude d’espèces inconnues de nos rivages nécessiterait un savoir encyclopédique qui m’est hors de portée. Et s’agissant de parler d’une exposition d’œuvres d’art, totalement superfétatoire.

     

    Les coquillages "en majesté de Sophie e Le Merdy

     

    Contentez vous, si ce n’est déjà fait, de retenir que ces visages,  dont le regard émerge d’ orbites nacrées à travers des iris en forme d’olive colorée , ont pour noms Poséidon, Gaspard, Papagena, Pleine Lune, nommée ainsi pour sa rondeur, et Anémone ! Rien à voir, pour cette dernière, avec l’anémone de mer, qui, elle, est dépourvue d’exosquelette. « J’ai voulu simplement rendre hommage à l’actrice que j’appréciais beaucoup » souligne Sophie Le Merdy.

    A raison, l’artiste ne se lance pas dans des explications par trop savantes. Ses coquillages, elle les « pêche » en flânant sur les grèves, dans les brocantes, où certains se séparent d’une collection bâtie au fil de leurs pérégrinations lointaines. Mais pour toutes les espèces en provenance du Pacifique, des mers d’Asie ou des Caraïbes, elle sait trouver sur le grand filet du Net celles qui lui conviendront, en couleur et en taille.

     

    Les coquillages "en majesté de Sophie e Le Merdy

     

    Une précision s’impose ! Sophie Le Merdy ne peint pas les coquillages. Elle les assemble sans y ajouter un coup de pinceau. Donc, la robe verte des moules de Nouvelle Zélande et de ces deux gros "bigorneaux" qui reposent sur le front de Pleine Lune n’est que le fruit de la nature. C’est ainsi que ces Turbo crasus cultivent leur différence au sein de la grande famille des Turbinadae. Le Turbo crassus est un mollusque des Philippines.

    Cette exposition est en quelque sorte une invitation pour un voyage de rêve dans le monde des abysses.

     


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