• Le Sillon de Jean-Charles Paranthoën

    Dans une semaine, le jeudi 12 septembre, cela fera dix ans, jour pour jour, que Jean-Paul André a cessé de se promener sur les bords du Trieux, source d’une de ses plus belles compositions. Adieu les goélands bleutés, les pins ombrageux et l’horizon couleur pastels ! Mais la voix de ce chantre ne s’est pas définitivement éteinte, grâce à la magie des temps modernes qui nous permet de réentendre à volonté cette mélodie de 1980. Jean-Paul André n’avait pas encore franchi le cap de ses soixante ans quand ses narines n’ont plus frémi à l’odeur de la marée.

    Le Trieux, son estuaire, Jean Paul André n’aura pas été le seul compositeur du Goélo à y chercher l’inspiration. Vingt ans plus tôt, le Briochin François Budet nous avait livré Loguivy de la Mer et les « carcasses de ses bateaux morts », aujourd’hui au sommet du répertoire du chant de marins..

     

    Le Sillon de Jean-Charles Parenthoën

    1989: Défi des ports de pêche à Louivy-de-la mer

     Les Kermoustériens se souviennent peut-être d’avoir été les spectateurs privilégiés d’un beau spectacle qui se déroulait, fin avril 1989,  de l’autre côté de l’estuaire. Loguivy-de-la-Mer accueillait le Défi des ports de pêche. Pour avoir emporté la première édition de cette régate disputée au Croisic l’année précédente, par des équipages composés de pêcheurs professionnels et plaisanciers, ce sont les Loguiviens qui avaient eu la charge et le plaisir d’organiser la deuxième édition. Vingt-cinq autres ports de métropole y furent représentés. C’est à cette occasion que la chanson nostalgique de François Budet a définitivement conquis le coeur de tous les marins français, pour ne pas dire du monde.

    Si j’en arrive à évoquer le souvenir de ces deux artistes à travers deux chansons fétiches cela tient à une agréable circonstance. Par un beau matin de cet été, je me suis retrouvé à discuter de choses et d’autres avec Jean-Charles Parenthoën. Nous conversions tous les deux à même le site du point de vue. Après avoir évoqué quelques souvenirs se rapportant à la dernière guerre - un frère de Jean-Charles Paranthoën est au nombre des victimes de Crec’h Maout - nous avons dérivé vers les eaux de la passion que cultive cet ancien marin de la marine marchande : la chanson.

    On ne présente plus Jean-Charles Paranthoën, un gars de Larmor bien amarré à Kermouster. Sous son éternelle casquette, l’âme d’un poète. Qu’importe s’il n’a pas, quant à lui, une renommée au-delà des rives de la Presqu’île. Il se contente du plaisir qu’il éprouve et qu’il donne, par la voix ou au son de son harmonica, son compagnon de toute une vie. « Je ne connais pas la musique », dit-il, et bien sûr, à 80 ans, « le plus dur c’est de souffler ».

     

    Le Sillon de Jean-Charles Parenthoën

     

    Pour cet ancien marin de commerce ayant franchi plusieurs fois le cap de Bonne Espérance, sous les couleurs de la compagnie Louis Martin, son pays est source d’ inspiration. Le Ferlas scintillait sous les rayons du soleil quand Jean Charles s’est mis à fredonner une chanson de sa composition, Le Sillon du Talbert, pendant et après la guerre. C’est à ce moment là que s’est produit le déclic. Je n’ai pu que l’encourager à aller jusqu’au bout de cette chanson d’amour. Car c’est bien par amour pour son Sillon que Jean Charles Paranthoën l’a composée

    D’aucuns se souviennent très certainement de cette belle chanson que Michel Tonnerre (1949-2012) avait consacré à ce Sillon « qui montre du doigt l’Angleterre ». L’homme de l’île de Groix, ancien élève du lycée Kersa à Paimpol, aura mené une vie de bourlingue, parsemée d’un florilège de chansons sentant bon la marée. Son Sillon du Talberg résiste à la force du temps.

    De facto, Jean-Charles Paranthoën s’inscrit dans son sillage, mais pour en appeler aux bonnes volontés. Le marin accompli connaît la force de la mer, mais il ne la tient pas pour seule responsable de la dégradation de ce cordon de sables, galets et goémon. Les mains de l’Homme y ont largement contribué. Lors de ces douloureuses années de guerre récemment évoquées (chronique du 16 août dernier), mais également tout au long des décennies qui ont suivi. Une chanson d’amour, certes, mais une chanson d’un amour blessé, comme un cri d’alarme. Mais laissons la parole à l’auteur :

     

     « Le Sillon du Talbert était une digue naturelle,

    Dans les eaux maritimes du territoire de Pleubian,

    Formée par les vents, la mer et les courants,

    Constituée de sable, galets, gravillons, renforcée de goémon.

     

    Il luttait vaillamment contre les vents et la mer……

     Et d’était bien longtemps avant cette maudite guerre.

    Mais aux dernières années noires de l’occupation,

    Ces gens venus d’ailleurs, de lui ont eu raison.

     

    En prenant de son dos le meilleur, le plus bon

    Servant à la fabrication des abris de canons,

    Transporté par wagons sur sa moitié en long,

    Tracté par de nobles chevaux : Percherons et Bretons.

     

    Sur ce lieu il n’y avait pas de bulls, de tractopelles,

    Mais beaucoup de main d’œuvre et de travail manuel.

    Comme outils : barres à mines, marteaux, masses, pioches et pelles.(bis)

     

    Si on lui remettait ce qu’on lui a volé,

    Ces assauts de la mer, il pourrait p't-être les contrer.

    Il faudrait pour cela de la bonne volonté,

    De ceux qui décident et ont l’autorité.

     

    Avec l’aide des descendants de ceux qui l’ont mutilé,

    Puisque l’Europe à présent est formée de nations alliées.

    Et admettre avant tout que c’est la vérité,

    Oui, admettre avant tout que c’est la vérité !

     

    C'est  l’histoire pendant la guerre du Sillon du Talbert,

    Oui,’histoire pendant la guerre du Sillon du Talbert,

    Pour ceux qui ne savaient pas

     

    Enfin, la guerre terminée, la liberté retrouvée,

    Ce n’est pas pour autant qu’il a été épargné.

    Ce sont les gens de chez nous, d’ailleurs, d’à côté,

    Autorisés à le puiser par petites quantités.

     

    Bien sur, plus pour fabriquer des abris de canons,

    Mais pour d’autres travaux dont garages, salles et maisons.

    Et cela a duré pendant plusieurs années

    Avant qu’on s’aperçoive que l’erreur était causée.

     

    Ce n’est pas le vent ni la mer qui l’ont blessé,

    Mais ce sont bien les hommes afin d’y bénéficier.

    Si on ne lui remet pas ce qu’on lui a volé,

    Les assauts de la mer finiront par le balayer !

     

    Un jour probable viendra où la Presqu’île sera inondée.

    La Presqu’île inondée et ses voisins d’à côté.

    Oui, il faudrait lui rendre ce qu’on lui a volé.

    Peut-être alors on se rendrait compte de son utilité.

     

    Il faudrait pour cela de la bonne volonté,

    De ceux-là qui décident et ont l’autorité,

    Et admettre avant tout que c’est la vérité,

    Oui admettre avant tout que c’est la vérité

     

    C’est l’histoire après guerre du Sillon du Talbert.

    C’est l’histoire pendant et après guerre du Sillon du Talbert. »

    Pour ceux qui ne savaient pas........."

     


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