• Le Pardon de l’abbé Yves Ndecky

    Le Pardon de l’abbé Yves Ndecky

     

    « Vingt dieux ! » Que n’avais-je dit là en ce dimanche matin du 25 août, jour du pardon de Kermouster ! La cloche de la chapelle n’avait pas encore appelé les fidèles que, déjà, j’ouvrais, par inadvertance en m’exclamant ainsi, le grand débat. Celui qui secoue la planète depuis la nuit des temps et auquel, seuls les croyants de toutes les religions disent avoir trouvé la bonne réponse.

    Epuisé par un effort inhabituel à cette heure de la journée et surpris par son intensité, je laissais échapper ainsi un désarroi passager devant une personne très appréciée qui, aussitôt, me répliqua : « Vingt ! Pourquoi vingt ? Encore faudrait-il qu’il y en ait un. » Pour un renégat de mon acabit, je trouvais là, si ce n’est un réconfort, matière à partager une inébranlable conviction. Mais l’heure n’était pas à la digression philosophique, ni théologique. Je ne me doutais point alors qu’il me faudrait, deux heures plus tard, défendre mon point de vue face à une autre personne, à la rhétorique charpentée, affichant ouvertement  sa totale adhésion aux préceptes de l’Eglise.

    Le verre à la main, celui que nous offrait le maire de Lézardrieux à même la terrasse de La Cambuse, nous en sommes arrivés, dans un brouhaha bon enfant, à deviser sur le thème de l’existence ou non d’un guide suprême. Arguments contre arguments. Dans une écoute réciproque. Sincérité toutes voiles dehors, alors que sous nos yeux, dans le cadre majestueux de l’estuaire du Trieux, se disputaient les dernières manches de la 41ème régate des Lilas blancs. Bataille était alors livrée dans les parages du phare de La Croix, le bien nommé en cette circonstance, lequel, ayant été endommagé en 1944, à la fin de la guerre, éclaire le navigateur à trente kilomètres à la ronde (19 milles) depuis 1949, date de sa remise en état.

    C’est sur cette belle image, assortie d’une question piège,  que notre échange s’est achevé. « Ne peut-on voire la main de Dieu dans cette beauté  qu’il nous est donnée de contempler? » Le chanoine Kir, force est de le constater, ne m’aura été d’aucun secours en cet instant. Pour autant, si l’estoc a pu sembler imparable, que mon interlocuteur le sache : être pris de court ne veut pas dire que le coup a fait mouche.

    Promesse ayant été faite, viendra l’heure où nous pourrons reprendre cette conversation qui s‘apparente de fait à une régate au long cours où seule compte, pour l’un et pour l’autre, la certitude qu’il existe ou n’existe pas un port d’accostage appelé Paradis.

     Le Phare ! La Croix ! Alors que le hameau fêtait Saint Maudez, il n’est pas inutile d’abuser de la métaphore maritime pour cadrer ce fameux grand débat que nos humbles personnes ne pouvaient espérer clore. Chacun menant sa barque à sa façon, cet échange aura au moins permis d’établir un premier consensus. Que l’on ait ou non la certitude qu’il y a un autre monde après la mort nous impose de naviguer de conserve entre deux balises, celle du respect mutuel et de la tolérance. 

    Pour en revenir à l’office religieux de ce dimanche 25 août il est à constater que les fidèles auront été moins nombreux que lors des précédentes éditions. Point de biniou et bombarde au sortir de l’office pour accompagner le cantique dédié à ce saint que les bretonnants appellent Zant Vaodez. Un pardon tout en sobriété donc, ce qui n’a, en rien, atténué la ferveur des croyants.

     

    Le Pardon de l’abbé Yves Ndecky

    Le Pardon de l’abbé Yves Ndecky

     

    En ce jour du 21ème dimanche de la période que l’Eglise qualifie de « temps ordinaire », réminiscence d’une éducation reçue dans la paroisse de la petite enfance, le rite s’appuie sur un écrit du prophète Isaïe, un extrait d’un livre de l’Ancien Testament traitant justement de l’accès au royaume de Dieu. Mais il semble que c’est plutôt la manière avec laquelle le père Yves Ndecky a officié qui nourrira le souvenir de ce pardon.

    Cela fait six ans que ce prêtre vient épauler l’abbé Caous, en charge de la paroisse Saint Tugdual de Tréguier, paroisse qui regroupe vingt-six clochers dont celui de Kermouster. C’est à Diohine, une commune du diocèse de Dakar, dont ce village de 3000 habitants est distant de 140 kilomètres, que Yves Ndecky assure sa mission évangélique le reste de l’année. Il faut croire qu’il y applique la même méthode que celle qui a valu aux présents de réciter plusieurs Je vous salue Marie,  pour s’être montrés indisciplinés, c'est à dire trop lents à taire leurs palabres au début de l’office. Ce qui n’est pas sans me rappeler les trois ou quatre Notre Père et trois ou quatre Je vous salue Marie , qu’il me fallait ânonner au sortir du confessionnal pour effacer mes pêchés, selon leur gravité.   

    Mais, avec un sens affirmé de l’humour, joignant parfois le geste à la parole, l’abbé Ndecky aura su, tout en abordant des sujets aussi sensibles que la fidélité au mariage ou le respect dû aux parents, très vite faire preuve de clémence, s’en venant même par un tonitruant   « Ma Doue koulskoude »  (Mon Dieu cependant) à s’exprimer dans une langue qui sonne bien aux oreilles de Trégorrois de souche.

    Notre amie Huguette n’aura certainement pas été la dernière à se féliciter de voir que même en dessous du tropique du cancer sa langue maternelle continuait à faire des émules. Et que dire de cette satisfaction qu’elle éprouve désormais  en sachant qu’il y a au moins deux voire quatre paires de bras pour faire sonner la cloche à sa place.

     

    Le Pardon de l’abbé Yves Ndecky

    Le Pardon de l’abbé Yves Ndecky

     

    xxx

     

    Je vous salue Marie

    Me ho salud (deoc’h) Mari

     

    Paradis

    Baradoz

     

    La Croix

    Ar croaz

     

    Sonner la cloche

    soniñ ar c'hloch

     

     

    Et pour conclure, voici le refrain du cantique dédié à Zant Vaodez et sa  traduction :

     

    Zan Vaodez, patron karet,

    Chilaouet pedennou

    Ho pugale daoulinet

    Dirak ho relegou.

     

    Saint Maudez, patron bien aimé,

    Ecoutez les prières,

    De vos enfants à genoux,

    Devant vos reliques.

     

    Le Pardon de l’abbé Yves Ndecky

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    Le Pardon de l’abbé Yves Ndecky

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    Pour suivre: concours de boules en demi-teinte

     


  • Commentaires

    1
    Anne Le Guen
    Lundi 2 Septembre 2019 à 20:28

    Je pars demain matin pour Lourdes , accompagnant un groupe de 20 personnes de La Zone de Lannion ( Perros , Lannion , Treguier ) . Tous les habitants de cet adorable village , aussi accueillant,  seront avec moi et je penserai à chacun d'entre vous et , en particulier , ceux qui pourraient avoir des problèmes de santé  . Bises à vous tous .

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