• Jeux de mots entre deux maux

     

    « Ah ! Combien l’oncle et la tante ! ». Traduction : « Combien longue est l’attente !». Ce confinement, qui nous contraint à nous évader par la pensée, m’amène à évoquer ce souvenir d’enfance. C’était un de ces jeux de mots qui avaient cours autour de la table familiale. Cela faisait rire les parents. Pourquoi le nier, moi aussi. J’en éprouve une certaine nostalgie.

    L’ombre de la guerre n’en finissait pas de se dissiper. Elle s’invitait surtout à l’occasion des repas un peu plus festifs qu’à l’ordinaire. La famille vivait encore rassemblée. Elle s’étoffait les jours d’été quand débarquaient les cousins de Paris, des Bretons pure souche mais ne vivant plus déjà dans le même monde. Ah ! Paris !

    Alors que les vaches maigres n’étaient plus de saison, il était de bon ton pour les parents, en jouant parfois avec les mots, de nous rappeler qu’ils en avaient bavé durant l’Occupation. Il fallait alors montrer patte blanche pour se déplacer. Gare à celui qui n’avait pas en poche son « ausweis » quand il partait, à bicyclette, chercher le lait et les œufs dans les fermes environnantes. Certes, dix ans après la Libération, objet d’une très longue attente, voire d’un vain espoir plusieurs années durant, on en avait fini avec les tickets de rationnement. Le rutabaga ne mijotait plus sur la cuisinière à charbon. Mais toujours cette piqûre de rappel  qui nous valait réprimande si on se permettait de ne pas vider son assiette.

    Côté piqûres, les vraies, celles des seringues qui provoquaient la terreur, on vaccinait contre la poliomyélite, le tétanos. Je ne me souviens plus précisément de la date de la première injection du BCG, le vaccin contre la tuberculose, mais j’en suis certain, ce jour là ce n’est pas la grippe qui m’aura donné le frisson. Dieu qu’elles étaient longues et angoissantes  ces files d’attentes dans la salle du dispensaire!

    L’attente. Nous voici tous, simultanément, confrontés au problème. Combien de temps va-t-il falloir vivre dans nos murs sans pouvoir venir sonner à la porte des voisins ? Qui peut répondre à cette question ? Force est de le constater, personne n’est, ce mardi, en mesure de le dire. Il nous faut ronger notre frein d’impatience, faire preuve de civisme. Il y a mille et une façons de « tuer ce temps contraint ». Chacun a sa méthode. Cette chronique en est une.

    Pour lutter contre l’impatience et le stress du Covid19, j’en viens à suggérer ceci : le Coronavirus étant là, recourons au haïku ! Même si je sais que l’on ne m’a pas attendu pour s’adonner à cette façon de faire de la poésie, je me dis qu’il y a là matière à s’occuper l’esprit pendant plus de temps que ne laisse supposer la longueur du poème.

    Si vous ne vous êtes pas encore confronté à cet exercice, je ne puis que vous encourager à le faire. Comme tsunami (vague du port), le haïku est un mot d’origine japonaise. Pour tout savoir sur cet art de maîtriser les mots, il vous suffit d’un ou deux clics. Retenez déjà que sa transposition dans notre langue débouche sur un poème de trois lignes comprenant respectivement 5, 7 et 5 syllabes. A première vue, cela peut paraître « fastoche », mais vous êtes assurés, si vous vous en tenez aux règles, de passer quelques minutes à vous creuser la tête. C’est déjà ça de gagné.

    Certes, il y a bien d’autres jeux mots  pour échapper à l’emprise de ces deux maux que sont l’impatience et l’angoisse. La grille des mots croisés, par exemple, est un espace au travers duquel l’esprit s’échappe des contingences.

    Mais vous ayant fait cette suggestion, je me devais de montrer que j’ai, pour moi-même, décidé de jouer le jeu. Voici donc le résultat d’une première cogitation qui, sans l’avoir mesurée dans le temps, m’a offert un bon moment d’évasion

     

    Coronavirus

    Confinés dans la maison

    L’éveil du printemps.

     

    Vous pouvez tout comme moi partir des cinq syllabes du Coronavirus, mais bien évidemment il serait peut-être plus sage de ne pas lui accorder tant d’honneur.

     

     

                                                                                                                   Claude Tarin

                                                                                                               Mardi 31 mars 2020


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