• Etrange atmosphère place du Crec’h

    « Atmosphère ! Atmosphère ! Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ? » Si je rebondis sur cette célèbre réplique d’Arletty face à Louis Jouvet dans L’Hôtel du Nord, film de Marcel Carné sorti en 1938, ce n’est pas pour dérouler, dans la foulée de la précédente, une nouvelle chronique sur le cinéma. Mais c’est cette réplique qui m’est venue  en tête après m’être rendu, salle Ti Skol, pour découvrir la première exposition de l’été. Car le moins que l’on puisse dire, c’est que, sur la place du Crec’h, l’atmosphère a de quoi faire « tirer la gueule » à plus d’un. Excusez la trivialité du propos, mais celui-ci illustre bien des états d’âmes du moment !

    Malgré un ciel lumineux, éclairant de fort belle façon l’estuaire du Trieux; malgré ce vent d’Est rafraîchissant qui peut freiner l’envie d’y aller  plonger une tête dans l’eau;   malgré les contraintes sanitaires qu’il nous faut bon gré mal gré accepter; le hameau affiche en son cœur un esprit chagrin. Arrêt sur image :

     

    Etrange atmosphère place du Crec’h

     

    Pour cette  première exposition, Kermouster accueille deux artistes liés par une très longue amitié. Côté peinture,  Michel Champion, un habitué des lieux, nous propose, avec une douzaine de tableaux, une rétrospective de son cheminement de ces dernières années. Dominique Fumée associe, quant à elle, céramique et vannerie.

    Cette enseignante, passionnée par son art, nous vient de Bazoches-sur-Guyonne, petite commune accrochée sur les coteaux nord du massif forestier de Rambouillet. Mais elle ne compte plus les étés passés au bord de la baie de Pommelin. Il lui aura fallu attendre cette année pour débarquer sur les hauteurs de l'estuaire et s’en venir, dans le sillage de Michel Champion, exposer son savoir faire. Manque de chance pour ces deux artistes : ils essuient les plâtres d’une saison qui risque de s’avérer tristement exceptionnelle. L’exposition a ouvert ses portes le jour même où le gouvernement prenait la décision d’imposer le masque dans tous les lieux clos.   

    Certes, quand on visite une exposition, tout est dans le regard que l’on peut porter sur ce qui nous est présenté. Mais il est toujours bon de pouvoir dialoguer avec les créateurs. Le masque n’empêche pas la parole de satisfaire le questionnement, mais il manque ce petit quelque chose  qui vous permet d’établir sereinement, au travers d’un sourire, une passerelle entre votre curiosité et le souhait affiché de l’artiste de vous faire comprendre les subtilités de son art.

    Je pourrais développer, mais je ne vais pas m’attarder sur les peintures de Michel Champion. Tout Kermoustérien sait de quoi il en retourne avec cet ancien maître copiste, auteur d’un nombre incalculable de copies de tableaux célèbres, mais qui, tout au long de ces dernières années a manié le pinceau pour s’exprimer par lui-même.

     

    Etrange atmosphère place du Crec’h

    Causerie avec Michel Champion, maître copiste, sur l'art de la copie à l'occasion de l'exposition Le Lézardrieux des peintres, en août 2013

     

    Je ne résiste pas cependant à la tentation de remettre en mémoire ce bon moment que nous avions partagé avec lui, sur la terrasse de La Cambuse, à l’occasion de l’exposition Le Lézardrieux des peintres, d’août 2013. Michel Champion manie aussi bien la parole que le pinceau. Ce jour là il nous avait éclairé sur le métier de copiste dans une ambiance on ne peut plus chaleureuse. Un erstaz d’université d’été ô combien sympathique!

    Avec Dominique Fumée, on change totalement de registre. Ici il s’agit d’associer le végétal à la terre cuite. Délaissant l’osier, la pousse de saule qui est le matériau de base de la vannerie traditionnelle, elle habille ses céramiques avec de la clématite des haies, du lierre, de la ronce ou du roseau à massette. Parfois avec un seul morceau de bambou noir. Cela confère à ses poteries une indéniable originalité. On s’attardera aussi sur ses compositions réalisées selon la technique dite de « vannerie aléatoire », technique qui rompt avec le tressage dessus dessous des paniers en osier.

     

    Etrange atmosphère place du Crec’h

     Une première exposition à Kermouster pour Dominique Fusée (marinière rayée)

     

    Ce n’est pas cette contrainte du masque qui vient gâcher le plaisir que l’on a de retrouver le cycle des expositions, mais bel et bien le cadre dans lequel la salle d’exposition a ouvert ses portes.

    La place du Crec’h porte toujours les stigmates de la longue période de confinement. Les chantiers de réfection de La Cambuse et des toilettes publiques attenantes sont comme en suspens. On doit y voir, d'abord, une conséquence des mesures administratives prises pour enrayer la pandémie.

     

    L'esprit "Jean Monnet"

     

    Lors du conseil municipal du 10 juillet, il a été clairement annoncé que pour ce qui est de la fosse septique tout serait mis en ordre avant la fin du mois de juillet pour permettre à La Cambuse de sauver ce qui peut l'être de la saison estivale et d’être, dès l’automne, en mesure de travailler au rythme de la saison creuse. Mais il semble, et la presse de ces dernières semaines nous en a donné un aperçu, que ça coince sérieusement entre les gérants de la crêperie et la nouvelle équipe municipale.

    Peut-on reprocher à cette nouvelle équipe de reconsidérer un projet pour lequel l’ancienne municipalité a engagé une somme rondelette : environ 250000 € ? Non, bien évidemment. Les gérants sont-il en droit de contester cette remise en question ? Oui, bien évidemment. Tout repose désormais sur les actes notariés dûment signés. Mais il semble que Kermouster hérite d’une situation qu’il ne pensait pas devoir connaître quand a été lancé ce projet de réfection de ce cadre de vie qui assurait un lien solide de convivialité entre les résidents et les visiteurs du hameau.

    L’idée d’une nouvelle campagne électorale court toujours puisque le maire sortant a déposé un recours. Il est clair que, dans cette éventualité,  cet imbroglio pèsera lourd dans la balance. D’une intention louable, nous sommes passés à une situation que l’on découvre conflictuelle et qui altère l’ambiance au point de donner à la place du Crec’h cette étrange atmosphère à laquelle je faisais allusion. 

    La Cambuse ouvrira-t-elle ses portes avant la fin de la saison estivale ? Rien n’est moins sûr si on en croit la rumeur. De notre point de vue il serait temps, sans attendre l’hypothétique campagne électorale, que toutes les parties concernées jouent cartes sur table, à ciel ouvert. Bas les masques en quelque sorte !

    Ayant évoqué Bazoches-sur-Guyonne, il me paraît judicieux d’en appeler à l’esprit de Jean Monnet (1888-1979) qui résida dans cette commune des Yvelines. Après avoir œuvré dans le cadre du Plan Marshall durant les années immédiates d’après-guerre, Jean Monnet aura été un inspirateur de la création de la Communauté économique européenne et du Marché Commun européen. Il se féliciterait certainement de voir que cette Union Européenne a enfin, et en cela le Covid 19 se sera avéré bénéfique, réussi à conjurer les égoïsmes nationaux.

    Comment ne pas souhaiter que l’esprit de conciliation, qui permet aux gens de bonne volonté de trouver les voies d’un consensus acceptable pour la population,  s’en vienne à chasser les miasmes qui polluent l’atmosphère sur ce petit bout du monde. Kermouster ne demande qu’à rester lui-même dans la marche du temps ! Eté, comme hiver. Vive les quatre saisons !

     

                                                                                                        Claude Tarin

                                                                                            Mercredi 22 juillet 2020

     

     

     

     

     

     

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :