• Conserver, retrouver, acquérir le goût…des mots  

     

    Je n’aurai de cesse de le dire : nous  ne pouvons que tirer bénéfice d’un dialogue constant et respectueux. Confronter ses idées en y associant une écoute attentive à l’autre est gage d’enrichissement personnel. Cela peut se faire oralement et, bien évidemment, par l’écrit. D’ailleurs, c’est peut-être l’écrit qu’il faut privilégier. Ecrire, c’est d’abord réfléchir ; c’est prendre le temps de peser ses mots. Une vérité que je sais, hélas, bien mise à mal au travers des tweets et consorts, mais passons !

    Les mots ont un sens, donc une saveur particulière. Il convient de les utiliser à bon escient. Je dois à Claudine d’avoir trouvé l’inspiration pour cette nouvelle chronique, dans le commentaire qu’elle a glissé à la suite de la précédente rédigée sur le thème du goût et de l’odorat que le coronavirus Covid 19  risque de mettre à mal.  Avec le mot tapuscrit, dont j’ignorais qu’il existât, j’ai trouvé matière à disserter sur le goût… et la saveur des mots.

    La plupart des dictionnaires français évaluent le nombre de mots du notre vocabulaire à  quelque 60 000. Seul Le Grand Robert évoque le chiffre de 100 000. Quoi qu’il en soit,  cela place le Français loin derrière l’Anglais, riche quant à lui, de 200 000 mots. Un rapport de force découvert ce jour après consultation de différents sites se préoccupant de ces questions linguistiques.  

    Soyons beaux joueurs ! Accordons à nos amis d’Outre Manche, car ils le resteront quoi qu’il advienne, l’avantage du nombre ! Mais qu’ils acceptent, en retour, cette idée selon laquelle notre langue est mille fois plus riche de saveurs, comme cela est également le cas quand on compare le contenu nos assiettes respectives. Cocorico !

     

    Tapuscrit

     Sapristi ! Comment ai-je pu ignorer jusqu’à ce jour que j’étais devenu un adepte de ce mode de communication. Ce mot, là encore selon certaines sources du Net, serait tombé dans le langage courant au début des années 80. Quarante ans que ça dure, et je ne le savais pas ! Merci Claudine !

     

    Conserver, retrouver, acquérir le goût…des mots   

    En surfant sur la Toile, j’ai appris qu’il existait même des ouvrages tel que celui-ci : Gare à la maîtresse ( http://www.abcaider.fr/tapuscrit-adapte-gare-a-la-maitresse/ ) conçu par l’autrice Blandine Aubin, illustré par Philippe Diemunsch (Editeur : Milan). Cet ouvrage destiné à la jeunesse a vocation à permettre aux élèves éprouvant des difficultés avec la lecture d’y accéder plus facilement. Ce goût des mots, en effet, qui doit être le plus largement partagé, se forge dès le plus jeune âge. Cela dit, il n’est jamais trop tard pour le retrouver si tant est qu’on l’ait un peu laissé de côté

    Référence faite à manuscrit, on n’a guère de mal à comprendre ce qui a donné naissance à ce mot que je trouve, comme Claudine, plutôt laid. Mais les mots nouveaux qui s’introduisent dans une langue vivante finissent parfois par nous surprendre.

    J’ai voulu vérifier si notre très honorable Académie française, dont on connaît l’importance qu’elle attache aux mots, avait introduit tapuscrit dans son dictionnaire. Hélas ! La mise en ligne de sa toute dernière édition (la 9ème) sur Internet n’en est qu’à la lettre S et après avoir tapé le mot tapuscrit dans la case recherche j’en tire la conclusion que les académiciens ne lui ont pas encore donné ses lettres de noblesse.  

    Cette vénérable institution, créée en 1694, vit avec son temps et entend mettre à la disposition du grand public tout un savoir accumulé depuis cinq siècles. Les neuf éditions seront un jour numérisées sur ce portail auquel on peut déjà accéder gratuitement. Mais sous la célèbre coupole, on s’empresse souvent à rappeler les vertus de la lenteur. C’est bien parce qu’ils en bavent peut-être à faire le tri que nos penseurs à l’habit vert préfèrent avancer à la vitesse des escargots.

    Que nos augustes défenseurs de la langue française ne prennent pas ombrage de cette appréciation ! Je partage ce goût de la lenteur, surtout quand il s’agit d’asseoir une réflexion. Cela dit, j’ai cherché à vérifier si d’autres mots générés, quant à eux,  par la pandémie, avaient déjà reçu la bénédiction académique.

    Bien avant l’apparition du Covid 19, quatorzaine et résilience avaient droit d’usage. Ce qui n’est pas le cas pour présentiel, septaine et reconfinement ; ni pour cluster, lequel souffre certainement d’être un anglicisme.  Quant à coronavirus, totale surprise ! La case recherche reste désespérément vide. Or, selon certaines sources, ce mot scientifique, construit  à partir de la notion de couronne, serait apparu dans les années 1960. Là, les vertus de la lenteur semblent poussées à l’extrême.

     

    Coronavirus

     Ayant dit ma reconnaissance à Claudine pour m’avoir appris l’existence du mot tapuscrit, je dois également à Louis, lui aussi Kermoustérien, d’avoir su, en ces temps figés par les contraintes sanitaires, remettre les pendules à l’heure. A tort, je pensais que le mot coronavirus avait, depuis belle lurette, reçu l’onction des linguistes, dont la bible reste le Latin. Mais Louis est tombé des nues lorsque, au cours d’une discussion, ce mercredi après-midi, autour d’une bière blonde dont je peux citer le nom si ce n’est de rappeler qu’elle a eu les faveurs d’un Président de la République, je lui ai dit que je ne connaissais pas le célèbre Coronavirus. Et pour cause, j’ai fait l’impasse sur Astérix et la Tansitalique, le trente-septième épisode de la célèbre bande dessinée créé en 1959  par René Goscinny et Albert Uderzo.

    On ne peut pas tout lire, du moins tout acheter, mais là, je me suis trouvé pris en flagrant délit de trahison d’une cause nationale. Astérix, Obélix et tous les personnages de ce village gaulois, dont je persiste à penser qu’il a été inspiré par le site de Kermouster, sont des héros qui portent à travers le monde entier les valeurs de nos gauloiseries. Les successeurs respectifs de Goscinny et Uderzo, Jean-Yves Ferri et Didier Conrad ont visiblement repris le flambeau avec succès. 

     

    Conserver, retrouver, acquérir le goût…des mots   

     

    Dans Astérix et Transitalique, que je vais me procurer sans tarder, c’est un conducteur de char romain dénommé Coronavirus qui, associé de son co-aurige (cocher) Bacilius, dispute la vedette à Astérix et Obélix. Précision ô combien accablante: cet album a été publié le 19 octobre 2017, c’est-à-dire bien avant que le Covid 19 ne s’en vienne faire son tour de piste dans l’Hexagone.

     

    L’Anomalie

     

    Puisque ce jour l’heure est aux remerciements, je me dois d’associer à Claudine et à Louis, Pierrick et Françoise, même si les concernant, cela  n’a pas été coton de trouver les mots pouvant traduire à la fois reconnaissance et déception.

    Ayant eu vent que je venais de franchir le cap des 75 ans, ce qui m’octroie le privilège d’aller me faire vacciner dans les tout prochains jours, Pierrick et Françoise ont pensé, à juste raison, que rien ne pourrait me faire plus plaisir que de m’immerger dans L’Anomalie, le Prix Goncourt 2020, véritable tsunami littéraire. Bingo ! Je m’apprêtais à l’acheter, intrigué que j’étais par le fait que ce livre d’Hervé Le Tellier, publié par Gallimard, a pulvérisé le plafond des prix Goncourt avec plus de  800 000 exemplaires. J’en salivais à l’avance.

    Las !  Après le plaisir du cadeau, aussitôt lu, L’Anomalie m’est resté sur l’estomac.

     

    Conserver, retrouver, acquérir le goût…des mots   

    Le prix Goncourt 2020 : Hervé Le Tellier © AFP / Joel Saget

     

    Ai-je abordé la lecture  de la meilleure façon qu’il soit ? Je ne saurais le dire, mais le résultat est là. Je me suis noyé dans une narration très particulière, dont je n’ai visiblement pas su décrypter les codes.

    Je ne suis donc pas en état de plébisciter la lecture de ce nouveau Goncourt. Suis-je un oiseau rare sur un océan de commentaires laudatifs ?

    Si vous qui l’ayant lu avez un avis contraire (ou similaire)  à formuler, vous savez ce qu’il vous reste à faire. La case commentaire sert à cela. Vous pouvez même dépasser ce cadre et nous offrir votre humeur du jour. 

    Je le répète : l’échange, le dialogue, la confrontation des points de vue donnent du tonus au lien social et conférerait à ce blog tout son sel.

    Je ne le connaissais pas, mais pour avoir entendu Hervé Le Tellier s’exprimer sur les plateaux télé, je me dis que je n’ai peut-être pas su le comprendre et qu’il faudrait que je me plie à une relecture. Sans attendre cet autre moi qui est mien sans que je le sache, c'est-à-dire mon double à venir, puisque tel est le registre sur lequel est basé ce récit.

    L’Anomalie a incontestablement bénéficié d’un alignement des planètes. Si côté spectacles vivants et cinémas la culture est mise à mal par le Covid 19, le livre s’en sort assurément mieux Dans un premier temps, les libraires ont craint le pire, mais ce virus « couronné », qui a propulsé Hervé Le Tellier sur l’orbite de la célébrité, a, plus généralement, redonné le goût de la lecture aux confinés que nous sommes.

    D’autres auteurs ne sont pas sans tirer profit, eux aussi, de cet alignement des planètes. Au moins une conséquence heureuse de celui que Bernard Pivot a appelé Crocovid. (cf. chronique Le Crocovid et ceux qui ont de l’âge).

     

     

    Le mot le plus long

     

    L’ancien journaliste animateur d’Apostrophe, qui affiche ses quatre-vingt-cinq  ans, revient d’ailleurs sur les rayons des libraires avec une réflexion sur le thème du vieillissement (Mais la vie continue, Ed. Albin Michel). Si vous avez ouvert votre poste ces derniers jours vous ne pouvez l’avoir manqué, toujours identique à lui-même, c'est-à-dire pétillant d’esprit. Bernard Pivot n’a pas attendu de faire partie de la génération « à vacciner sans attendre » pour aborder ce thème de la vieillesse.

    A l’occasion de la mise en ligne de la chronique sur Crocovid , j’avais joint un texte où il disait que vieillir c’est chiant. Il maintient ce qualificatif, mais en indiquant bien que cela n’empêche en rien d’être heureux. L’essentiel est de rester curieux.

    Ce n’est pas Eric Orsenna dont le Cochons, Voyage aux pays du Vivant (Ed. Fayard/Stock) est appelé, lui aussi, à connaître un succès d’audience, qui le démentira. Ils viennent d’ailleurs de chanter en chœur ce credo lors d’une récente émission de La Grande Librairie, l’académicien ayant été invité à venir rejoindre Bernard Pivot sur le plateau.

    Je ne puis ce jour faire écho à tous ces livres qui comme ceux que je viens de citer ont eu droit « aux honneurs de la presse ». Je me satisfais ce jour d’apprendre par le journal que le confinement, auquel nous contraint la pandémie, a eu un autre effet bénéfique : donner là un grand nombre de personnes l’envie d’écrire, de se frotter au tapuscrit. Par nécessité thérapeutique d’abord. Si ce n’est déjà fait, empressez vous de vous mettre à la tâche ! La satisfaction est à portée de main(s).

    C’est sur cette note optimiste qu’il me faut conclure. Mais je ne puis le faire qu’après vous avoir dit que je dois à notre ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance, le besoin de prolonger  cette déjà longue digression sur le goût des mots. Ce n’est pas la première fois que Bruno Le Maire montre qu’il porte en lui le besoin d’écrire. Lui aussi, vient de faire le tour des plateaux de télévision pour défendre son nouveau livre tout juste sorti de presse ce jeudi 14 janvier (L’Ange et la Bête, Mémoires provisoires, également publié par Gallimard). Si j’en viens à y faire référence, cela tient aux propos qu’a tenu le ministre lors d’un entretien. Bruno Le Maire se dit favorable à une transformation du Conseil Constitutionnel.

    A peine avais-je entendu le mot constitutionnel j’ai cherché à savoir si notre anticonstitutionnellement était toujours le mot le plus long de la langue française. Curiosité  satisfaite, il me faut là encore reconnaître que j’ai manqué quelques épisodes dans le feuilleton Une langue si vivante.

    L’Académie française vient de le faire savoir. C’est désormais intergouvernementalisation qui fait office de mot le plus long. Au pluriel, ce mot pulvérise à lui tout seul notre alphabet avec un total de vingt-sept lettres. Mais attention, il y a mieux si on prend malin plaisir à mettre son nez dans le lexique médical.

     

    Conserver, retrouver, acquérir le goût…des mots   

     Dans le domaine médical, l'alchimie a donné naissance à des mots difficilement prononçables, si ce n'est compréhensibles, dans une conversation courante

     

    Dans les publications qui abordent ce domaine, il y a pléthore de mots dépassant ce chiffre de vingt-sept. Ainsi dans le dictionnaire de chimie de Clément et Raymonde Duval, on trouve un mot de quarante et une lettres : cobaltidithiocyanatotriaminotriéthylamine.

    Amusez vous à le prononcer ! Très bon entraînement pour les muscles de la bouche.

    Dans un article du quotidien Le Figaro, datant de 2017, que l’on peut consulter sur le Net, on peut lire ceci : « Désolé donc pour les hippopotomonstrosesquippedaliophobiques, qui ont la peur des mots trop longs, mais il existe bien pire que notre «anticonstitutionnellement» et que cet «intergouvernementalisations». Nos voisins allemands possèdent d'ailleurs un sacré monstre (aujourd'hui désuet) composé de soixante-trois lettres, un mot qui signifie « loi sur le transfert des obligations de surveillance de l'étiquetage de la viande bovine» :

     « Rindfleischetikettierungsüberwachungsaufgabenübertragungsgeset »

    De mon apprentissage  de la langue Tchèque, qui me ramène à bien loin dans le temps, je n’ai (malheureusement) retenu qu’une seule phrase « Strč prst skrz krk », que l’on peut traduire par « Mets un doigt au fond de ta gorge ». Pourquoi évoquer cela ? Parce que dans cette langue slave il existe des mots et des phrases sans voyelle. Là ce n’est pas tant la longueur du mot qui pose problème, mais bien la prononciation.  On peut approximativement se faire comprendre en Tchéquie en prononçant cette phrase ainsi : "Streutch preust skreuz kreuk "

     C’est à ce genre de précisions que l’on mesure, à la fois, la difficulté mais l’exigeante fierté que les pays de l’Union européenne ont à vouloir parler d’une seule voix.

     

                                                                                                                                   Claude Tarin

                                                                                                                   Vendredi 15 janvier 2021

     

     

               L'acrostiche, l'autre façon de jouer avec les mots

     

    Ecrire c’est aussi jouer avec les mots. L’acrostiche est à ce titre un exercice de tout premier plan pour goûter au plaisir des mots. Alors que l’on ne cesse de nous rappeler combien il est utile de nous laver les mains, je vous laisse apprécier l’acrostiche rafraîchissant de Claudine Vanlerenberghe. A nos désormais célèbres haïkerm, cette façon de versifier complète donc l’arsenal avec lequel nous pouvons conjurer les effets pesants de la pandémie par les jeux d'esprit.

     

    Gare au virus.

    Et protégez-vous.

    La menace est énorme

     

    Halte au covid

    Y ferons-nous tous face?

    Derrière les masques, les sourires se figent,

    Résignation ou révolte?

    Oscillation entre ces sentiments contraires

    Attente des vaccins, attente des contraintes

    La liste des angoisses est bien longue.

    Chacun de nous doit s’explorer, se réinventer

    Oublier ses petits soucis

    Ou du moins essayer

    Lépreuve n’est pas finie

    Il faut tenir….

    Quand retrouverons-nous un peu d’insouciance? 

    Une devise peut-être pour survivre:

    Espoir, énergie, confiance.

     

     

     

     

     

     

     

     

     


  • Commentaires

    1
    Claudine
    Vendredi 15 Janvier 2021 à 15:12
    Merci pour ce travail de recherche toujours enrichissant
    2
    Le Guen Anne
    Samedi 16 Janvier 2021 à 08:37

    Merci , Claude pour tous ces mots , francais et étrangers qui nous surprennent . Ton texte  pourrait etre

     transmis aux fabricants de question pour les jeux télévisés ...!!! Il est également interressant de comparer les mots des différentes langues et de voir , comment , les liens entre les peuples , ont influencé nos mots ou nos noms de villes et villages . Les mots du nord de l'Europe , par exemple ...que l'on retrouve , partout , avec peu de différences dans l'écriture .

    Bonne réflexion à tous pour en trouver .

    3
    Elisabeth
    Samedi 16 Janvier 2021 à 18:57

    Avec cet article, j’ai appris de nouvelles choses. Merci Claude....

    4
    Louis
    Lundi 18 Janvier 2021 à 18:39

    Tout ça à cause d'une bonne bière

    Sacré Claude, tu a de la suite dans les idées

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