•   A quoi peut-on penser quand, du jour au lendemain, on endosse la capote que l’on portait dix ans plus tôt, lors du service militaire ? Eprouve-t-on de la fierté à porter de nouveau le képi et ce pantalon rouge garance qui sied tant au commandement depuis le Second Empire ? Se sent-on un autre homme ? Pense-t-on, comme cela semble être une opinion largement partagée, du moins dans le propos, que l’on reverra bien vite le Trieux épouser l’océan ? Bien sûr, il y a la cause, bonne comme il se doit, mais cela suffit-il pour apaiser toute crainte ?  Le 9 août 1914, Yves Ernot est dans le train qui va le conduire de Guingamp à Rethel via Paris.

      Rethel, si proche de Sedan, la ville qui vit l’armée française capituler devant les Prussiens, le 3 septembre 1870. A Kermouster, comme dans tous les coins reculés de France et de Bretagne bretonnante, c’est un nom et une date  qui ont de la résonance. Depuis plus de quarante ans la chanson  Vous n’aurez plus l’Alsace et la Lorraine a nourri l’esprit de revanche. Le grand jour, c’est pour demain.

      D’autres gars du pays du 248e régiment d’infanterie sont embarqués pour ce transfert vers le front. Il y a là notamment Yves Marie Le Cleuziat, qui a lui aussi des attaches à Kermouster, des collègues de Lézardrieux, de Pleubian, de Kerbors, de Pleumeur-Gautier, de Pleudaniel. Le 248e régiment d’infanterie est, dans sa grande majorité, composé par des recrues de Bretagne nord. Il est intégré à la 60e division de réserve au sein du Xe corps d’armée. Ce corps fait partie de la Ve armée placée sous le commandement du général Charles Louis Marie Lanrezac.

      Quarante huit heures après avoir quitté Guingamp, Yves Ernot met le pied sur le quai de la gare de Rethel. Son régiment est composé de deux bataillons. Deux trains auront été nécessaires pour transférer les 2061 poilus et 122 chevaux.

      Si, comme on se plaît à le dire, l’affaire va être vite réglée, Yves Ernot espère-t-il pouvoir fêter son trentième anniversaire en famille, le 8 novembre prochain ? Avec ses cinq frères ?  Eux aussi ont tous été mobilisés. Et surtout, être de retour au pays le plus vite possible, ne serait-ce que pour épauler les parents à la ferme de Pen an Guer. Yves est le fils aîné de Guillaume Ernot et Rosalie Perrot.  La famille compte également quatre filles.

      Espoirs on ne peut plus vains car, sur la ligne de front, rien ne va se passer comme prévu. L’'impréparation des armées françaises est flagrante, notamment s'agissant de l'absence d'artillerie lourde. Lanrezac se rend compte très vite que son armée risque de se faire encercler par trois armées allemandes.  Premier combat, premières victimes, et, aussitôt, ordre de repli. Le 22 août, environ 27000 soldats français ont été tués en une seule journée. Ce sera donc plus dur que prévu. Et surtout plus long.

     

    Yves Ernot, le « dormeur du val » de Tourteron

    La bataille des Ardennes, aquarelle de Nestor Outer (1865-1930), Musée gaumais, Virton (Belgique)

     

      Le mercredi 26, du début de l’après-midi à la tombée de la nuit, le combat a encore atteint une violence extrême. Dans le bois de Saint-Aignan, au sud de Sedan. C’est là-bas qu’est tombé au champ d’honneur Antoine Eugène Berthou. Un Lézardrivien de la même classe qu’Yves Ernot. Ils avaient vingt ans en 1904

      Le samedi 29, le 248e marche vers Tourteron sous une chaleur torride. Il a dû, depuis la bataille de Saint Aignan, lâcher à nouveau du terrain. Il se replie vers l’Aisne. Nouvel assaut des troupes du Kaiser.

      Le lendemain, au lever du soleil, l’ordre est donné de couvrir ce village pour permettre la retraite du XIe corps d’armée. A midi, le 248e  doit lui aussi battre en retraite, cette fois sous la pluie et sous un déluge d’obus de l’artillerie allemande. Yves Ernot vient de vivre son dernier jour dans les Ardennes.

     

    Yves Ernot, le « dormeur du val » de Tourteron

     

      Niché sur une crête, Tourteron se flatte aujourd’hui d’être sur une route qui honore la mémoire de deux grands poètes français, Arthur Rimbaud et Paul Verlaine. Ils avaient tous deux de profondes racines dans cette région. C’est à Roche, dans un hameau proche de Tourteron, qu’Arthur Rimbaud a écrit, à même la ferme familiale,  Une saison en Enfer et Le bateau ivre.

      Evoquer le souvenir d’Yves Ernot, laissé pour compte sur le champ de bataille, ne peut que nous amener à égrener les vers de son célèbre poème, Le dormeur du val

     

    C'est un trou de verdure où chante une rivière
    Accrochant follement aux herbes des haillons
    D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
    Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

    Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
    Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
    Dort ; il est étendu dans l'herbe sous la nue,
    Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

    Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
    Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
    Nature, berce-le chaudement : il a froid.

    Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
    Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
    Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

     

    Extrait du recueil Les cahiers de Douai, Le dormeur du val a été écrit en 1870, au lendemain de la défaite de Sedan. Natif de Charleville, Rimbaud, qui n’est alors âgé que de 16 ans, a vraisemblablement, tout en dénonçant les horreurs de la guerre, voulu rendre hommage à tous ceux qui venaient de perdre la vie.

      Le 30 août 1914, un gars de Kermouster, peut-être plus tout à fait aussi jeune mais dans la force de l’âge, a rejoint, dans le bruit et la fureur, le silence éternel. Un parmi tant d’autres dont Ernest Louis François Marie Guillou et François Marie Le Pivaing de Pleubian, deux camarades du 248e RI.

     

    Yves Ernot, le « dormeur du val » de Tourteron

     

    Dans le petit cimetière, en contrebas du village, une quarantaine de croix blanches rappellent qu’en ce lieu la Grande Guerre a jeté l’effroi. Mais aucune ne porte le nom d’Yves Ernot. On n’a jamais retrouvé son corps comme tant d’autres Poilus. Sa disparition ne sera actée que le 29 avril 1920, en mairie de Lézardrieux, un mois avant celle d’Antoine Eugène Berthou, lui aussi porté disparu.

     Combien de temps aura-t-il fallu pour ce cette nouvelle redoutée parvienne jusqu’au village ? Nous ne saurions le dire. D’ici on ne peut entendre le bruit des canons. La guerre, elle pèse bien évidemment dans les esprits. Six fils sous les drapeaux. Le manque de bras se fait sentir à la ferme. Les quatre filles sont à la tâche. C’est déjà cela la guerre. Mais les journaux soulignent aussi l’horreur qui sévit à l’autre bout de la France. Et puis la désillusion commence à se faire sentir. Cruellement, car on est sans nouvelles des garçons.

    « Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle,

    Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre (…)

    Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles,

                                                         Couchés dessus le sol à la face de Dieu. »

      Quand il écrit Eve, en 1913, un long, très long poème en alexandrins, qui évoque les guerres du sièce dernier, Charles Péguy est loin de penser qu’il va bientôt être heureux. Ecrivain et mystique, Charles Péguy est une voix qui porte en ce début de siècle.

    Yves Ernot, le « dormeur du val » de Tourteron

    Le rêve (1888), huile sur toile d'Edouard Detaille (1848-1912), Musée d'Orsay

      Dans les mois qui précèdent la guerre, l’officier de réserve, la quarantaine passée a appelé à la revanche contre l’Allemagne, de tous ses vœux et de tous ses vers.

    Le 5 septembre 1914, une balle en plein front, à Villeroy, en Seine et Marne, fauchera le lieutenant de la 19e compagnie du 276e régiment d’infanterie, alors qu’il venait d’exhorter ses hommes à ne pas céder un pouce de terre à l’ennemi.

    Heureux ?

    La mort d’Yves Ernot est le premier malheur généré par une guerre qui touche en plein cœur Kermouster.

     

    A suivre :

    Hippolyte Ernot : l’ultime crête de Thiepval

     

     

     


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  •   « Ar bresel ! Ar bresel ! ». Simultanément avec  le tocsin, c’est sur ce cri que Kermouster fait son entrée dans la Grande Guerre, le samedi 1er août 1914, sur les coups de 4h de l’après-midi. « Ar bresel », la guerre. Bien sûr, il y a belle lurette, ici, que l’on parle le Français. Le village n’est doté d’une école que depuis cinq ans, mais les longues périodes de service militaire ont déjà fait sauter la barrière de la langue. Pour autant, dans la vie courante on échange toujours en Breton. Spontanément.

      « Ar bresel ! Ar bresel !.» En soi, la nouvelle ne surprend pas. La presse évoquait chaque jour l'éventualité d'une guerre. Depuis le 28 juin dernier, jour de l’attentat de Sarajevo, qui avait coûté la vie à l’archiduc François Ferdinand, héritier de l’empire austro-hongrois, et de son épouse, la duchesse Sophie Chotek,  la tension n’avait fait que monter d’un cran au fil des semaines. Pour autant, l’espoir que l’on pourrait éviter le pire demeurait. Mais en un peu moins de quarante huit heures, tout s’est accéléré.

      La veille, Jean Jaurès a été, à son tour, assassiné. Par Raoul Villain, un étudiant en archéologie lecteur passionné de l’Action française. Jaurès n’avait eu de cesse, depuis l’attentat de Sarajevo, de mener campagne contre la guerre, soulevant une profonde hostilité, même dans les rangs des intellectuels de sa sensibilité politique, hostilité confinant à la haine chez les  bellicistes et les nationalistes. La tension est à son comble. A son paroxysme !

      Ce samedi 1er  août 1914, c’est sous un chaud soleil, températures estivales, que l’on a pu travailler au champ. Après une longue période perturbée par des pluies fréquentes, voire abondantes, mieux valait profiter à plein de cette belle journée pour travailler la terre et moissonner. Mais alors que les nuages font leur retour, le son des cloches génère d’emblée de sombres perspectives. « Ar bresel ! Ar bresel ! » De  Ker Camf, à l’île à bois, de Pen an Guer à Kerarzol, du Crec’h à Pont ar Manac’h, l’angoisse s’est propagée. Comme une traînée de poudre.

      Le matin, à Paris, le conseil des ministres s’était réuni en urgence. Pour le gouvernement, il ne s’agissait plus de tergiverser. L’Allemagne venait de déclarer la guerre à la Russie. Il n’y avait plus guère d’illusions à se faire. A l’issue du conseil, l’appel à la mobilisation a, aussitôt, été transféré à tous les maires de France par télégraphie sans fil. Et, dès réception, relayé par les cloches des beffrois et des églises. « Ar besel ! Ar bresel ! ». Tous les hommes encore en âge de combattre sont  concernés. Cela ne fait que renforcer l’inquiétude.

      Dans ces grandes familles paysannes, de nombreux fils sont déjà sous les drapeaux. Depuis la loi Barthou du 7 août dernier, le service militaire a été prolongé d’un an, portant ainsi la durée d’incorporation à trois ans. Désormais, c’est à 20 ans et non plus 21 ans que l’on est en devoir d’endosser l’uniforme. Dans les fermes, on ne pourra même plus compter sur les permissionnaires, mais, pis que ça, même les fils plus âgés vont manquer à la tâche. Des bras en moins sur une plus longue période. Et pour combien de temps ? Faut-il croire ceux qui disent que l’affaire va être vite réglée ?

      Pour les poilus de la Presqu’île, deux centres de recrutement à proximité : la caserne Charner à Saint-Brieuc et celle de La Tour d’Auvergne à Guingamp. Pour d'autres, notamment  les inscrits maritimes qui vont eux aussi devoir prendre du service, c’est vers Brest qu’ils vont être dirigés. Depuis vingt ans, presque jour pour jour, Paimpol est relié à  Guingamp par voie ferrée. Les réseaux de chemins de fer sont désormais placés sous contrôle militaire. Le train de la compagnie des Chemins de fer de l’Ouest va dès lors assurer de nombreuses navettes vers ce qui est le grand centre de regroupement  pour les gars de la presqu’île.

      La mobilisation prenant effet immédiatement, les appelés vont dare-dare se mettre en route, en n’oubliant pas, comme cela est chaudement recommandé, d’emporter deux chemises, un caleçon,, deux mouchoirs, une bonne paire de chaussures et des vivres, au moins pour un ou deux jours. Autre recommandation à ne pas négliger : se faire couper les cheveux.

      Dimanche 2 août : départ des premiers mobilisés. L'Allemagne n'a pas encore déclaré la guerre à la France, mais ce n'est plus qu'une question d'heures. Tout le monde en est cette fois convaincu. Les craintes en viennent à être submergées par un fort enthousiasme patriotique. La foule est énorme devant la gare de Paimpol. L’émotion est grande. Chaque homme a dans son livret militaire son fascicule de mobilisation.

       Au bout du voyage, la caserne et l’uniforme. Le képi, la veste, la capote, le pantalon, les bretelles, les chemises, la cravate, les guêtres, les brodequins à clous, le ceinturon, les trois cartouchières et le porte épée baïonnette. Dans le havresac, une musette, un bidon, un peigne, deux mouchoirs, quatre brosses, un savon, une trousse à couture, des pansements, une gamelle, une cuillère, une fourchette, un quart, douze pains de guerre, soit 1,5 kg pour deux jours, une boîte de conserve, 200 g de riz, 72 g de café, 64 g de sucre, 40 de sel.

      Et puis, il y a cette plaque ovale en aluminium qu’il va falloir conserver autour du cou. On y a gravé le nom, le prénom, la classe, la subdivision de région et le numéro de matricule. En quelques tours d’horloge le paysan est devenu un autre homme. Tout de bleu et de rouge vêtu, il s’en va vers l’inconnu. Il sait d’où il vient. Il ne sait pas où il va.

      Côté mer, le moins que l’on puisse dire, c’est que rien n’est prêt. Bien sûr, les 19 cuirassés qui composent l’essentiel de la force navale ont aussitôt été mis en alerte. Les chaudières sont réactivées. Pour les marins qui font carrière sur ses navires, la guerre va avoir le bleu de la Méditerranée et de l’Adriatique.

     Pour l’heure on n’évoque guère la menace sous-marine bien que le danger ne soit en rien ignoré. Les voiliers caboteurs qui ont Paimpol, Tréguier et Lézardrieux pour ports d’attache  continuent comme si de rien à assurer un service de cabotage, même avec les ports de la Cornouaille et du Devon. Certes, d’aucuns regrettent que la marine française n’ait pas le rang qu’elle devrait avoir, mais on peut compter, notamment en Manche, sur la Royal Navy. Les Britanniques sont les mieux à même de contrer l’ennemi sur mer.

      Certains ne sont pas, ici, sans se souvenir du projet d’installation d’un port militaire sur le Trieux, projet qui  a fait long feu. De ce projet datant de 1887, il ne reste  qu’un ancien aviso, le Trieux, ex Fulton transformé en navire charbonnier pour le ravitaillement de la marine nationale, qui tire sur son ancre dans l’anse de Coatmer. C’est dans l’urgence que vont être alors réquisitionnés des chalutiers, pour servir comme dragueurs de mines auxiliaires. Car à la menace encore imprécise des torpilles va s’ajouter à coup sûr celle des mines.

      Le principe de réalité s’impose donc à Kermouster, comme dans toutes les campagnes de France. « Ar bresel ! Ar bresel ! » Il va falloir se retrousser doublement les manches pour assurer l’avenir et le quotidien. La moisson n’est pas complètement achevée.. Il faudra ensuite penser au battage. Et puis, il n’y a pas que les maris ou les fils qui sont partis faire la guerre. Les chevaux, les ânes, les mulets ont été réquisitionnés. A la forge, chez les Hervé, on n’est pas sans s’inquiéter de cette évaporation.

     

    1er août 1914 : « Ar bresel ! Ar bresel ! »

     Moisson à Kermouster (1914). Huile à bord de Maximilien Luce.

     

      A plus haut niveau, on a pris conscience qu’il va également falloir se soucier de ce qui se passe à l’arrière, dans les campagnes. Ne serait-ce que pouvoir assurer la pitance des hommes du front.

       Jeudi 6 août, le Président du Conseil, René Viviani adresse aux femmes françaises un appel en ces termes :

       « La guerre a été déchaînée par l’Allemagne malgré les efforts de la France, de la Russie et de l’Angleterre pour maintenir la paix. A l’appel de la patrie vos pères, vos fils, vos maris se sont levés et demain ils auront relevé le défi.

      Le départ pour l’armée de tous ceux qui peuvent porter les armes laisse les travaux des champs interrompus ; la moisson est inachevée, le temps des vendanges approche. Au nom du Gouvernement de la République, au nom de la Nation tout entière groupée derrière lui, je fais appel à votre vaillance, à celle des enfants que leur âge seul et non leur courage dérobe au combat. Je vous demande de maintenir l’activité des campagnes, de terminer les récoltes de l’année, de préparer celles de l’année prochaine. Vous ne pouvez pas rendre à la patrie un plus grand service.

      Ce n’est pas pour vous, c’est pour elle que je m’adresse à votre cœur. Il faut sauvegarder votre subsistance, l’approvisionnement des populations urbaines et surtout l’approvisionnement de ceux qui défendent la frontière  avec l’indépendance du pays, la civilisation et le droit.

      Debout donc, femmes et françaises ! Jeunes enfants, fils et filles de la patrie ; remplacez sur le champ du travail ceux qui iront sur le champ de bataille. Préparez-vous à leur montrer demain la terre cultivée, les récoltes rentrées, les champs ensemencés.

      Il n’y a pas dans ces heures graves de labeur infime ; tout est grand qui sert le pays. Debout ! à l’action, à l’œuvre ; il y aura demain de la gloire pour tout le monde. »

      Pour les familles Turuban, Seguillon, Ernot, Perrot, Briand, Le Goaster, Loas, il ne reste plus qu’à s’exécuter, avec ce qui reste de chevaux, tout en comptant sur la solidarité des plus fortunés qui disposent déjà d’une moissonneuse-lieuse.

     

    A suivre :.

    Yves Ernot, le « dormeur du val » de Tourteron

     

     

     

     

     

     


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  • La cloche de la chapelle sonnera à la volée le dimanche 11 novembre prochain, à 11 h tapante. Simultanément avec toutes celles des alentours. Alors qu’au bourg, devant le monument aux morts, Marcel Turuban, le maire, rendra hommage aux victimes de la Guerre 14 18, son premier adjoint, Loïc Cordon déposera une gerbe devant la plaque de marbre sur laquelle sont gravés les quatorze noms de poilus et marins ayant eu un lien affectif avec Kermouster. Dans toute la presqu’île comme dans toutes les villes et villages de France, le jour sera venu de commémorer le Centenaire de l’Armistice. Il me plaît d’espérer que ces quelques instants de recueillement seront partagés bien au-delà de nos frontières, dans tous les pays qui ont pris part à ce conflit, quel que fut leur engagement,

     Avant cela, une messe du souvenir aura été célébrée en l’église de Pleumeur-Gautier. Mais dès le jeudi 8 jusqu’au samedi 10 à midi, nous aurons été invités à nous rendre à la salle de l’Ermitage pour visionner les souvenirs se rapportant à ce douloureux et terrible moment de notre histoire. Cette exposition de Lézardrieux va concerner toutes les communes de la presqu’île. D’ores et déjà, il est fait appel à celles et ceux qui ont pu conserver des objets, des photos, des lettres, des carnets de guerre, de les confier pour donner à cette exposition tout le relief souhaité.

     C’est dans cette perspective que je vous invite, dès ce jour,  à consulter quotidiennement ce blog, durant tout le temps qui nous sépare de la commémoration du Centenaire. Bien que n’ayant pas la maîtrise d’un historien, ni la plume d’un romancier, je me suis mis en tête d’être au rendez-vous, au travers d’un récit qui place notre village dans la tourmente.

     

    Kermouster dans la Grande Guerre

    Il ne s’agit pas de s’inscrire dans un repli identitaire. En plaçant Kermouster au cœur de ce narratif, j’ai, bien évidemment, voulu en premier lieu, rendre hommage  aux quatorze jeunes hommes qui n’ont pas eu l’heur de revoir le clocher de leur chapelle, mais, à travers eux, il s’agit aussi d’honorer la mémoire de tous ceux qui ont écrit, avec leur sang, cette longue, trop longue page d’histoire. D’ailleurs, c’est en pensant à mes propres grands-pères, que m’est venue cette idée. L’un était artilleur, artiflot dans le langage du poilu, l’autre marin. Tous deux ont été mobilisés. Tous deux sont revenus de l’enfer, mais comme des milliers de survivants. C’est-à-dire portant en eux le traumatisme de ces angoisses éprouvées à la force de l’âge, avec profondément ancrées au fond d’eux-mêmes des images où l’absurde se dispute l’horreur.

     Les circonstances m’ayant amené là où je suis, il m’a cependant paru judicieux d’élargir mon propos. D’autant qu’à partir de ces seuls Kermoustériens, il y avait matière à raconter la Grande Guerre, comme on la qualifie par un doux euphémisme, tant dans sa durée que dans sa chronologie, de l’enfer des tranchées à la menace sous-marine.

     Raconter la guerre, c’est aussi rendre hommage à ceux qui ont survécu. Quatorze morts à Kermouster, mais combien de survivants ? Ils se comptent par dizaines.  Je ne pourrai pas, hélas, en préciser le nombre, faute d’avoir pu, à temps, réveiller les mémoires de celles et ceux qui, ici, seraient mieux à même de parler en leur nom. Une seule certitude : dans ce qui  n’était alors qu’un village rassemblant des cultivateurs, les cellules familiales étaient étoffées. Dans chaque ferme, à de rares exceptions près, la fratrie comptait, souvent,  pas moins de dix enfants. Au lendemain de la déclaration de la guerre, le 3 août 1914, Kermouster aura commencé à être saigné à blanc. Tous les hommes en âge de combattre ont dû, dans les jours qui ont suivi, rejoindre leur caserne de recrutement, laissant leurs parents et leurs sœurs face au travail harassant mais incontournable des champs.

     C’est donc en pensant aux morts, à ceux qui en sont revenus, mais aussi à celles et ceux qui n’ont eu de cesse de craindre de voir arriver le maire, écharpe tricolore croisée sur le costume, s’en venir leur annoncer la mort d’un fils, d’un frère ou d’un mari, que j’ai engagé ce travail de mémoire. Tous ses acteurs et témoins de ce conflit mondial sont désormais réunis dans l’au-delà. Ne reste bien souvent d’eux que quelques photos jaunies, quelques, mais trop rares écrits.  

     D’emblée, il me faut ici indiquer que sans les recherches effectuées, voici déjà plusieurs années, par François Souquet, un ancien chef mécanicien de la marine marchande, membre du Souvenir français (1), je n’aurai pas réussi à nourrir la trame de ce récit. Je n’ai eu qu’à puiser dans l’inventaire qu’il avait établi, regroupant tous les morts de Lézardrieux, pour penser un narratif  qui va se décliner en plusieurs épisodes, tous liés à un de ces quatorze disparus. Il faut imaginer ce qu’a pu être le travail de François Souquet qui, certains ici s’en souviennent certainement, aura demeuré quelque temps durant à Kerarzol. Il ne pouvait donc qu’être sensible à cette initiative. Je le remercie chaleureusement. 

     Certes, aujourd’hui on bénéficie d’un outil qui facilite les recherches. Pour ce qui est de la Guerre 14 18, citons notamment  « Mémoires des hommes », « Chtimiste », « Geneawiki ». Mais il y a désormais sur la toile bien d’autres sites pour arriver à redonner de la chair à tous ceux qui ont vécu cette tragédie. Pour autant, la nécessaire rigueur qui doit accompagner une telle initiative vous oblige à passer au peigne fin toutes les informations recueillies. Ne serait-ce que pour corriger les erreurs qui sont gravées dans la pierre ou dans le marbre. La plaque qui est scellée dans la chapelle en est un exemple frappant.

     Sur cette plaque on y trouve le nom et prénom de deux François Mével. Il aura fallu de nombreux recoupements pour s’apercevoir que l’un s’appelait François Marie Félicien Le Mével et l’autre François Le Mével et apprendre qu’ils n’étaient en rien de la même famille. Comme cela s’avère être souvent le cas lorsque l’on consulte les registres paroissiaux, autre source de première importance quand on veut chercher un acte de naissance, de mariage ou de décès,  l’article « le » qui  précède le nom peut avoir été oublié. Le graveur ou le préposé à la rédaction  de l’acte n’ayant été trahi que par lui-même. Ce « le » que l’on ne prononce guère dans un pays où l’on parle breton, peut ainsi avoir tout naturellement disparu. Ainsi sur cette même plaque du souvenir, il convient de lire Le Cleuziat et non Cleuziat, Le Luron et non Luron.

    Mais l’erreur peut se nicher aussi dans l’orthographe même du nom. Alors que sur le monument aux morts du centre bourg de Lézardrieux et sur celui de l’église Saint Jean Baptiste le nom d’Alexandre Auguste Leblouch est correctement écrit, celui-ci devient Leboulc’h à Kermouster. Allez comprendre !

     A ce premier type de chausse-trappe s’ajoutent aussi celles que génèrent l’absence de toutes précisions concernant le lieu et l’instant où sont tombés au champ d’honneur tous ces braves. Bien que disposant de fiches faisant état de leurs états de services durant la guerre, celles-ci n’offrent pas toujours toutes les précisions requises.

     Connaître le régiment est une chose, mais connaître la compagnie ou l’escouade en est une autre. Même quand on lit le compte-rendu officiel, rédigé par les soins de l’armée, on n’arrive pas toujours à positionner le fantassin, voire le matelot, au moment de sa mort. On se doit d’avoir en tête l’incommensurable pagaille qui régnait sur le champ de bataille. Il y a alors tout un monde entre la stratégie mise au point par l’état-major et la dure réalité du terrain.  Des bataillons, des compagnies entières ont été décimées. Les survivants se sont souvent retrouvés à poursuivre le combat sous les couleurs d’un autre drapeau.

     Ces remarques préliminaires ont pour but d’attirer votre attention sur le fait que ce récit peut souffrir de quelques erreurs. Pour autant, je me suis attaché à ne pas sombrer dans le romanesque pour gommer le manque de précisions. Mais, n’ayant pas pu, de ce fait,  conférer à ces morts toute la densité voulue, faute d’écrits circonstanciés,  j’ai choisi de leur donner des compagnons d’infortune qui ont pour eux d’avoir connu la célébrité.

     C’est pourquoi, chaque épisode, nous remettra en mémoire plusieurs extraits de livres écrits par des écrivains, français, allemands, américains, anglais et autres ayant été, eux aussi, au feu. Même si leurs chemins n’ont pas croisé ceux de ces jeunes compagnons d’armes,  voire ennemis,  de Kermouster, c’est aussi d’eux qu’ils ont parlé dans leurs carnets de route devenus best-sellers, parfois sous la forme d’un roman.

     Puisque, comme je viens de le souligner, ce récit souffrira de quelques imperfections, je ne puis déjà que vous inviter à une lecture attentive des textes qui auront, peut-être, le tort d’être trop longs. Je compte sur votre compréhension et espère vos observations, si ce n’est vos rectificatifs. Nourri par une documentation, de moi inconnue à ce jour, ou par des souvenirs jusque là enfouis au fin fond de votre mémoire, je me propose de remettre sur le métier tout ce travail et de lui donner une forme autre, par une mise en page moins linéaire. Mais ce sera pour après la commémoration.

     Pour conclure cette introduction, je me dois de remercier Andréa, Marie-Thérèse, Marie-Hélène, Huguette, Mimie, Marie-Jo, Marie-Claire, Danièle, Elisabeth, Yves, Pascal,, Yfic, Rémy, Marcel, Jean-Pierre de m’avoir accordé quelques instants d’attention pour dépasser le stade de l’intention. Je me reproche simplement d’avoir tardé à mettre en œuvre ce travail et d’avoir omis d’aller sonner à d’autres portes.

     Je salue au passage Alain Bohée dont son ouvrage consacré à la défense des ports de ce secteur de la côte nord de Bretagne (2) m’a permis d’enrichir mes propres connaissances pour ce qui concerne la guerre sur mer.

     Mais ces remerciements vont également à ces personnes qui œuvrent au plus près de tous ces morts. Je veux parler ici de ces hommes et femmes qui travaillent au sein des pôles de sépultures. Quoi de plus émouvant dans une nécropole que de pouvoir lire sur une croix, parmi des centaines voire des milliers d’autres croix, le nom d’un de ces combattants tombés au champ d’honneur. Leur concours a été précieux.

     Mais pour un corps retrouvé et identifié, combien de disparus ?

     1)       Le Souvenir français est une association créée en 1887 qui garde le souvenir des soldats morts pour la France par l'entretien de tombes et de monuments commémoratifs.

    2)      « La défense des ports de Lézardrieux-Paimpol-Tréguier et la fortification de ce front de mer du 17e au 20e siècle ».

     

    Dimanche 28 octobre :.

      1er août 1914 : Ar bresel ! Ar bresel !

     

     

     

     


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  • Plein soleil pour la balade à bord du Passeur du Trieux

    Samedi 20 octobre, le soleil était au rendez-vous à l’embarquement des onze aventuriers invités par l’Amicale de Kermouster à naviguer sur le Trieux, à bord du  Passeur du Trieux.

     

    Son capitaine, Sébastien, nous accueille chaleureusement et commente avec humour les beautés de notre périple.

     

    Certains de “nos anciens “ connaissent bien le fleuve et ses rives, d’autres le découvrent et s’enthousiasment. L’EAM et la maison de Brassens, juste après avoir quitté le ponton, Coatmer et l’épave du Ludwig Janssen ensuite, puis Roc’h an onn et l’île à bois, et nous voilà en mer !

     

    Nos vaillants navigateurs suivent aux jumelles un envol de bernaches, qui viennent d’arriver sur nos côtes et repartiront en avril vers le grand Nord, lèvent la tête pour admirer la collerette rouge du phare de la Croix, s’emmitouflent dans les plaids distribués par Sébastien, car le vent se fait frais au large !

     

    Cap sur Loguivy-de-la-mer et son port de pêche, la vedette rouge et verte de la SNSM, puis vite à l’abri le long de la rive droite du Trieux, la Roche aux Oiseaux et ses eaux émeraudes dans les rayons doux du soleil d’automne, la maison de Henri Rivière cachée dans les pins parasol,… nous sommes déjà de retour à Lézardrieux.

     

    La promenade a duré deux heures, mais personne ne s’en est aperçu !

     

    Jacques, Madeleine, Pierre, Mimi, les deux Yves, et les deux Annick, Bernard, Louis, Anne, tout le monde débarque et retrouve Andrea, Huguette et Maria au restaurant de Maudez et Dominique Le Corre, l’Auberge du Trieux, pour reprendre des forces.

     

    Un joyeux et délicieux repas, où chacun raconte ses souvenirs de Kermouster, l’île à bois avant “le pont “, avant la guerre, l’arrivée au village pour les non natifs, c’était en 1950, ou en 1988, le café de la place, la salle de l’Oiseau bleu et son bal d’inauguration jusqu’à l’aube qui avait vu passer 800 personnes, le cinéma tous les mercredis… Ah quelle époque !

     

    Et quelle belle journée !

                                                                                                                                     Catherine

                                                                                                                                 Photo: Jean-Pierre

     


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  • "Je trouverai le titre après..."

                                                                                                                          Photo Olivier Carrad

     

    Marion ne nous en voudra pas pour ce plagiat. Chanteuse compositrice, poétesse, elle sait par nature ce que c’est le « trou d’air », le manque d’inspiration. Même si nous n’avons pas la prétention, ici, de faire œuvre, il n’en va pas toujours comme d’une lettre à la poste pour écrire un billet et lui donner un titre, suffisamment accrocheur pour donner l’envie de le lire.

     Disons, qu’en ce matin du 14 octobre de l’an 2018, alors que la pluie s’invite après deux jours de vent venu directement du Sahara, nous nous sommes laissés aller à la facilité. Alors pourquoi pas utiliser le titre que Marion Cousineau a elle-même choisi pour son recueil de poésies ? Et cela, pour signaler qu’elle vient d’engager un nouveau tour de France, la guitare basse au bout des bras.

     Pour ceux, impardonnables, qui l’auraient oublié, rappelons que Marion passe désormais le plus clair de son temps au Canada, dans la Belle Province. Et que c’est au pays des érables qu’elle s’est décidée à « brûler les planches » pour tracer sa route.

     Ce dimanche 14 octobre, Marion est à Paris. Elle se produit dans le cadre des « Journées Brassens ». Dans un peu moins d’une semaine, ce samedi 20 octobre, elle sera à Plourhan, autant dire à une vingtaine de kilomètres d’ici à vol d’oiseaux. Pour un concert « à la ferme ». Puis elle s’envolera vers d’autres destinations pour se poser, le 18 novembre prochain, à Ivry-sur-Seine à l’occasion du « Forum Léo Ferré ». Pour en savoir plus, cliquez sur son blog :

     

    https://www.marioncousineau.com/

     ,                                                                     Pourquoi Plourhan ?

     Tout commence par un clic sur la souris !

     Annie et Jean-Paul Corbel sont exploitants agricoles. Ils élèvent des volailles à Plourhan, plus

    précisément à proximité de Lantic. Ils sont spécialisés dans la vente directe. Bien évidemment, quand ils allument l’ordinateur, c’est bien souvent pour une raison professionnelle. Internet est un outil de gestion indispensable. Mais il peut être aussi, comme pour toute personne en quête d’un ailleurs, un tremplin pour l’évasion, pour le changement d’air.

    Or Annie et son mari cultivent la passion du beau chant. Désormais, l’écran de l’ordinateur vous ouvre de larges horizons sur la création artistique. Et c’est ainsi, chemin faisant, qu’ils ont découvert le style et la prose de Marion.

     Un deuxième clic, pour savoir si elle accepterait de venir chanter à même l’exploitation. Connaissant Marion, elle n’a pas du hésiter trop longtemps pour donner son accord. Le concert chez l’habitant, c’est dans ses cordes.

     Souvenez-vous ! C’était également un samedi, le 19 août 2017. Marion nous avait offert ce jour là un tour de chant à même la terrasse de La Cambuse. Qu’importe le vent glacial qui soufflait de jour là, Marion avait chaleureusement révélé sa propension à faire corps avec son public, quel qu’en soit l’importance. Mais il est vrai que ce jour là elle chantait devant des « inconditionnels » de la première heure. Hélas ! Mille fois hélas ! Elle ne pourra pas repasser par Kermouster. L’an prochain ? Qui sait ?

     A Plourhan, Marion aura à se produire devant soixante à soixante-dix personnes tout au plus. C’est à quelques unités près la capacité d’accueil du site. La soirée n’a d’ailleurs aucun but lucratif. Pour Annie et Jean Paul, il ne s’agit pas d’une première. Ils organisent au moins une fois par an ce type de concert.

     Ces soirées à la ferme sont placées sous le signe de l’échange, avec à la clef le partage des mets que chacun aura apporté. Le poulailler devient alors auberge espagnole.

     Alors si l’envie vous tenaille d’aller caqueter intelligemment ce samedi, voici les coordonnées où vous pouvez joindre Annie et Jean-Paul. Pas question d’arriver à l’improviste, compte tenu de la relative exiguïté de l’espace concert. Il ne saurait être question de perturber le royaume du cocorico. Même s’il ne fait aucun doute là-dessus : la voix douce de Marion ne peut qu’avoir des effets bénéfiques sur son environnement d’un soir. Il se dit même qu’on y glousse déjà de plaisir.

     Tiens donc ! Cela aurait pu donner matière à un bon titre…

     02 96 71 94 90

     Une précision : la participation est libre, il s’agit d’un concert « au chapeau ».

     

     


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