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    Hautbois et musettes résonnent déjà dans les cœurs. Les sapins sont décorés et la magie de Noël s’empare des esprits, petits et grands. Doit-on se sentir coupables de se laisser porter par cette tradition religieuse, en faisant fi des tragédies qui se nouent autour de nous ? Non, bien évidemment. N’est-ce pas tout au plus s’accorder un répit salutaire, une soupape de décompression avant de replonger dans l’atmosphère délétère d’une Terre qui ne tourne plus rond ? Mais a-t-elle déjà tourné rond, depuis ce fameux big bang auquel j’ai été amené à faire allusion dans ma précédente chronique ? Depuis la nuit des temps, la planète a été le théâtre de luttes intestines, bien avant l’apparition de l’homme. Cela n’a fait qu’empirer et les religions ne sont pas étrangères à ce regrettable état de fait ; loin s’en faut. La tragédie qui se noue sur les rives du Jourdain en est la énième illustration. Intégrisme contre intégrisme, fanatisme contre fanatisme... Et Dieu dans tout cela ?

    Hautbois et musettes sonneront très forts dans des chaumières ce lundi prochain, comme cela a été le cas depuis que les responsables de l’Église catholique ont décidé de célébrer la naissance du « divin enfant » chaque 25 décembre ; un « divin enfant » qui, quelques années plus tard, si on se réfère aux auteurs des Évangiles, n’aura eu de cesse de distiller ce message : « Aimez-vous les uns les autres ! » Force est de constater que cet « homme remarquable », comme le qualifiera le philologue Ernest Renan (1823-1892), n’a pas encore été entendu.

    Homme remarquable ? Donc en aucun cas fils de Dieu ; tout au plus un simple prophète parmi tant d’autres, mais qui, à l’instar de Moïse ou de Mahomet, pour ne parler que des religions monothéistes, peut se targuer d’avoir quand même réussi à imposer son emprise sur des pans entiers de l’humanité.

    Je n’ai pas attendu de lire Vie de Jésus de Renan pour rompre avec les dogmes de l’Église catholique - le destin m’ayant fait naître dans une paroisse - et n’ai eu depuis aucune intention d’adhérer à ces autres courants de pensées religieuses qui nous font croire, eux aussi, à un après enchanteur, sous le regard bienveillant d’un Créateur. La rupture s’est faite progressivement, par intuition, par empirisme, comme mû par la nécessité de se libérer d’un carcan.

    Avais-je commis un grave pêché pour avoir communié alors que je n’avais pas encore digéré le petit déjeuner ? Combien de fois suis-je rentré dans le confessionnal en essayant de me trouver une faute « mortelle » ou, pour le moins « vénielle », à avouer ? Assurément, un nombre incalculable de fois. Le confessionnal ? Un passage contraint au sortir duquel, immanquablement il fallait ânonner, à haute voix, trois « Notre Père » et trois « Je vous salue Marie », le prix à payer pour se sentir de nouveau en phase avec des principes supposés intangibles.

    Pour autant, s’agissant de ce rendez-vous de Noël, je ne peux nier avoir conservé le souvenir prégnant de cette voix qui s’élevait sous la voûte de l’église paroissiale, lors de la messe de minuit, pour annoncer la venue de « l’homme Dieu », le « Rédempteur ». À bien des égards, interprétant Minuit Chrétien, la voix du boucher du village, Ange, le bien nommé, ami d’enfance de mon père, aura eu plus d’impact que celle de l’incontournable Tino Rossi que distillait sur leurs antennes les stations de radio et que l’on recycle chaque année. Le lieu, l’église, n’y étant pas pour rien.

    Je n’ai pas non plus oublié l’émotion qui fut mienne quand, quelques décennies plus tard, je me suis retrouvé devant la tombe de Franz Xaver Gruber (1787-1863), creusée devant chez lui, à Hallein, ville du land de Salzbourg, en Autriche. Nous lui devons cette émouvante mélodie du Stille Nacht, Heilige Nacht, notre Douce Nuit, Sainte Nuit. Ce sera un plaisir renouvelé pour mon âme d’enfant – seule subsistance de mon éducation religieuse- que de l’entendre dans les heures qui viennent. Le 21 décembre 1914, dans les parages d’Ypres, en Belgique, des soldats allemands, du fond de leur tranchée, allumèrent des bougies et entonnèrent ce chant, aussitôt repris par des soldats anglais ; quelques heures durant les armes se turent…L’histoire va-t-elle se répéter sur les rives du Donest ? Des soldats russes oseront-ils braver les ordres du Kremlin en faisant ainsi entendre leur désarroi d’être conduits à faire usage de leurs armes contre les Ukrainiens, anciens frères d’arme de feue l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques ; une agression qui, ne l’oublions pas, a reçu la bénédiction des plus hautes autorités de l’Église orthodoxe russe ? Le sabre et le goupillon continuent à faire bon ménage. Et Dieu dans tout cela ?

    Je suis de ceux qui regrettent que l’on n’ait pas accordé suffisamment d’importance à cette année du bicentenaire de la naissance d’Ernest Renan. Ce grand penseur du XIXème siècle, ancien séminariste « défroqué », a pour lui d’avoir bâti une œuvre construite autour de cette idée d’un Dieu universel, débarrassé de tous les oripeaux des Églises temporelles. Certes, qu’importe cette notion d’anniversaire, la pensée demeure, mais il aurait été bon d’y revenir compte tenu de cette déflagration qui ensanglante la planète plus de vingt siècles après la naissance du « divin enfant ». Les Religions, mais aussi la Nation, la Démocratie, la Science, sur toutes ces thématiques Renan est une voix qu’il faut à nouveau entendre et, surtout, bien comprendre, sans lui faire dire ce qu’il ne dit pas.

    Bien évidemment, il n’est pas le seul, ni le premier, à avoir contesté la véracité des écrits bibliques. Dans sa toute dernière livraison, le romancier José Rodriguez dos Santos n’hésite pas à titrer : « Spinoza, L’homme qui a tué Dieu » ; un récit « romanesque » (Ed. Hervé Chopin) s’appuyant sur la vie de ce philosophe que d’aucuns considèrent comme le précurseur de la contestation des dogmes religieux. De fait, Baruch Spinoza (1633-1677) sera exclu de la communauté juive pour avoir émis le doute sur la véracité de la bible hébraïque et sera contesté par les Calvinistes dans son pays d’accueil, aujourd’hui Pays-Bas. Sa famille d’origine portugaise avait été amenée à fuir l’Inquisition qui régnait alors sur la péninsule ibérique. Là encore, il ferait bon de se ressourcer à ses écrits. Mais a-t-il vraiment tué Dieu ? Et si oui, lequel ?

    Dieu pour les chrétiens, Elohim, pour les juifs, Allah pour les musulmans…Un seul et même dieu ? Il est clair que pour une grande partie de l’humanité, l’idée d’un Dieu suprême demeure, mais, selon les sources auxquelles ils se réfèrent, les croyants n’interprètent toujours pas son message de la même façon. Inquisition, croisades, pogroms, génocides, guerres de religions, Saint-Barthélemy…que de massacres et de crimes contre l’humanité a-t-on commis au nom de cet être suprême invisible et visiblement indifférent.

    Depuis la monstruosité de l’acte commis par le Hamas et ses horribles conséquences, l’humanité replonge dans ses errements. Cette loi sur l’immigration qui vient d’être adoptée, qui n’honore pas un pays qui se vante d’être le berceau des droits de l’Homme, masque à peine la peur que génèrent les thuriféraires des sourates de Mahomet (570-632) ; non sans raison ; mais faut-il céder à la peur ? Les terroristes du Hamas peuvent se féliciter de nous avoir ramenés aux ténèbres. Dans le sillage d’Al-Qaïda et Daesh, ils sont devenus les porte-drapeaux d’un djihad revanchard et ont réveillé les vieux-démons du racisme anti-arabe.

    Pourquoi ce Dieu, dont les chrétiens vont fêter le fils, a-t-il voulu qu’il en soit ainsi ? L’agnostique que je suis, fortement athéiste, ne peut qu’émettre cette idée selon laquelle la foi n’a rien à faire dans la conduite du monde. On peut vivre sans un dieu, dans le respect de l’autre. C’est à chacun de s’en persuader.

     

                                                                                                                                         Claude Tarin

                                                                                                                    Samedi 23 décembre 2023


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       Éric Lagadec…Avant ce 21 novembre 2023, je ne connaissais ni d’Éve ni d’Adam cet astrophysicien capable de vous parler, avec des mots compréhensibles, de la création de l’Univers ; comme s’il était aux premières loges quand le Big Bang s’est produit, il y a 13,8 milliards d’années. D’emblée, lorsque son visage est apparu sur l’écran de la télévision, il a su capter mon attention. Ce soir-là, il était l’invité d’Élisabeth Quin, journaliste animatrice de l’émission 28 minutes ; je ne dirai jamais assez combien ce rendez-vous et cette chaine font honneur au monde de l’information, parce qu’on y prend le temps de décortiquer la complexité de notre vie collective en faisant venir au micro, devant la caméra, dans un esprit de dialogue constructif, respectueux, tout en étant instructif et distrayant, des personnes qu’il serait souhaitable que tout le monde entende. Éric Lagadec est de cette lignée. Dix minutes durant, c’est le pourquoi et le comment de son livre, L’Odyssée cosmique (Éditions du Seuil), qui a nourri le jeu des questions réponses. Éric Lagadec, une passion rayonnante teintée d’une grande modestie nous invitait à entrer, comme l’indique le sous-titre de son livre, dans l’intimité des étoiles. C’est aujourd’hui chose faite en ce qui me concerne et je ne suis pas déçu du voyage.

       Certes, ce Breton sevré de Voie lactée, contemplée, dès l’adolescence du haut de Roc’h Trévézel, point culminant des Monts d’Arrée, n’est pas le premier vulgarisateur à relever ce défi qui consiste à nous expliquer l’incommensurable - nous avons tous en tête le nom d’Hubert Reeves cet astrophysicien d’origine québécoise qui vient de rejoindre la constellation des Bienfaiteurs de l’Humanité, le 13 octobre de cette année – mais, sur ce plateau d’Arte, Éric Lagadec, après avoir rendu un hommage appuyé à son prédécesseur, a su à son tour, de par la clarté de ses réponses et son évidente honnêteté intellectuelle, me convaincre qu’il fallait lire son livre ; que cela m’aiderait à y voir un tout petit peu plus clair même si, comme il le laissait entendre, tout reste à faire pour connaître la matière noire et l’énergie noire dans laquelle et avec laquelle se meuvent les étoiles et leurs planètes, donc notre Terre. C’est ce à quoi va s’attacher le télescope spatial Euclide de l’Agence spatiale européenne, lancé le 1er juillet dernier et qui tourne sur son orbite depuis octobre, à 1,5 million de kilomètres au-dessus de notre tête.

      La quarantaine passée, Éric Lagadec, a déjà derrière lui vingt ans de bourlingue à travers le monde des observatoires ; il est aujourd’hui, dans son domaine, une sommité ; son cœur de cible : la mort des étoiles ; car dans l’espace sidéral tout se transforme dans un mouvement perpétuel. « J’essaye de comprendre comment les étoiles meurent et disparaissent en poussière » écrit-il en s’empressant d’indiquer : « Ma contribution est modeste ».

       Sommité il l’est incontestablement - président de la Société française d’astronomie et d’astrophysique de 2020 à 2022 – mais dans son narratif, Éric Lagadec n’oublie jamais d’associer le ou les collègues, hommes et femmes, qui lui ont permis d’atteindre ce haut niveau de connaissances. La recherche astronomique ne connaît pas les frontières ; elle se nourrit de nos diversités ; le sens du collectif est sa première caractéristique. Nous ne sommes pas tous aptes à percer les mystères de notre Univers sidéral large d’au moins 93 milliards d’années-lumière et contenant mille milliards de galaxies. Sachons faire confiance à ces chercheurs scrutateurs de l’infini, les mieux à-même d’interpréter ce qu’ils contemplent au bout de leur lunette télescopique !

       Je ne puis donc que vous inciter à lire L’Odyssée cosmique, si tant est que cela ne soit pas déjà fait, puisque c’est de nous, donc de vous, dont il est finalement question. Notre Terre est déjà vieille de 4,6 milliards d’années ; il lui resterait encore quelque 5 milliards d’années à tourner autour du Soleil, son étoile, condamnée, elle aussi, à se dissoudre à cette échéance.  En multipliant les anecdotes, Éric Lagadec nous met en condition de décomplexifier ce qu’il nous invite à comprendre.

       Pour vous mettre en appétit, si vous ne m’avez pas encore mis vos pas dans les siens, je me limite à citer un seul exemple, celui de la nébuleuse de l’Œuf au plat, une découverte capitale dans sa trajectoire personnelle. « Nous avons découvert un monstre » écrit-il et ce monstre avait, auparavant, un nom barbare : IRAS 17163-3907 ; cette étoile avait déjà été observée dans les années 1980 par le premier grand satellite infrarouge IRAS. Vu le nombre pharamineux d’étoiles que cette sonde a découvert, on en est le plus souvent resté à cette nomenclature sans saveur et sans chaleur.  L’Œuf au plat n’a peut-être pas la même charge poétique de Castor et Pollux, de Bételgeuse ou d’Aldébaran, mais c’est cette image qui lui est venue à l’esprit quand, en 2009, l’IRAS 17163-3907 est venu lui chatouiller la rétine ; l’intellect a fait le reste.

       Que sait-on alors d’IRAS 17163-3907, qui se trouve être dans notre galaxie ? Pas grand-chose ; pour ainsi dire rien ; mais ce soir-là, dans l’observatoire du Cerro Parana, au Chili, dans le désert de l’Atacama, émanation de l’Observatoire européen austral, c’est le nuage de poussière qu’elle traîne avec elle qui a intrigué Éric Lagadec. Durant les deux années qui vont suivre, avec des collègues à travers le monde entier, têtu comme l’est tout Breton, notre astrophysicien ne va plus lâcher d’une semelle cette étoile, pour en arriver à ce constat : l’Œuf au plat est une étoile aux dimensions titanesques. Elle est à 1200 années-lumière de la Terre, brille comme 500 000 Soleils.

       « Si on la centrait sur le Soleil, elle recouvrirait le système solaire en entier. » Mais, précise Alain Lagadec : « C’est un astre agonisant … Aujourd’hui, on connaît des milliers de nébuleuses. On sait que parmi ces astres, il y a des étoiles qui éjectent des gaz en mourant, des nuages qui s’effondrent pour former des étoiles, des amas d’étoiles et aussi des galaxies. » Nous n’en voyons guère les effets nous autres qui avons déjà tant de mal à comprendre la complexité de notre propre monde, mais l’espace est le théâtre sans fin de combats de Titans. La galaxie Andromède, proche de la nôtre, fonce vers nous à la vitesse folle de presque 500 000 kilomètres par heure, mais elle n’entrera en collision avec notre Voie lactée que dans quatre milliards d’années environ. Ça nous laisse un peu de temps…Reste à savoir, si d’ici là, le pire ne sera pas arrivé.

       Ce n’est qu’après avoir achevé la lecture de son livre que j’ai appris, en lisant la quatrième de couverture, qu’Éric Lagadec dispensait son savoir sur un compte Twitter X, autrement dit chez Elon Musk. De ce rapprochement sur la galaxie numérique avec cet individu, à des milliers d’années-lumière de son approche humaniste, il n’en a point été question lors de cette émission sur Arte. A posteriori, je le regrette, car il aurait été intéressant de l’entendre parler de ce mégalo se drapant dans la toge du sauveur programmé des Terriens. Mars, qu’il le veuille ou non, ne sera, si tant est que son rêve puisse déboucher sur du concret, qu’une alternative sans lendemain, puisqu’elle aussi liée à l’avenir du Soleil. Mais Musk, apôtre de cette idée que l’on peut, grâce à X, se sentir libre comme l’air, qu’importe si on y grave des pensées haineuses, n’est pas le seul à générer de l’inquiétude. S’appuyant sur des savoirs scientifiques, d’autres grands de ce monde, appellation ô combien dépourvue de tout sens, nous construisent, en silence, un espace miroir de notre incapacité à vivre en fraternité.

       Aussi, à peine avais-je tourné la 190ème et dernière page de L’Odyssée cosmique, il m’a fallu composer de nouveau avec une réalité plus terre à terre. L’émerveillement n’aura duré que trop peu. Mais, très vite, j’ai cherché à reprendre de la hauteur. Fort heureusement Le Petit Prince sommeillait sur une étagère.

       Quand avais-je lu pour la dernière fois ce livre d’Antoine de Saint-Exupéry ? Je ne saurais le dire, mais l’idée de m’y replonger a aussitôt germé, pour devenir irrésistible. Je ne sais pas si ce livre, plus précisément ce conte philosophique agrémenté de dessins de l’auteur, continue à briller dans ce monde des Mangas, mais si dans votre entourage vous voulez offrir une part de rêve à un enfant qui ne demande qu’à s’émerveiller, n’hésitez pas à en faire un paquet cadeau que vous déposerez au pied du sapin. Publié en 1943 et traduit en cinq cent trente-cinq langues et dialectes différents, Le Petit Prince, quatre-vingts ans après, n’a rien perdu de sa fraîcheur. Mais le monde des adultes n’a visiblement pas compris le message que son auteur nous a adressé.

       Là encore, je ne peux que vous inciter à retrouver vôtre âme d’enfants ; lisez vous-même ou relisez Le Petit Prince ; suivez ce petit bonhomme dans son saute-moutons des planètes qu’il a découvertes avant de surprendre Saint-Exupéry, au pied de son avion, en panne en plein désert ; des planètes pas plus grandes que la sienne, mille fois plus petites que des astéroïdes, perdues peut-être dans un autre galaxie, peut-être poussières d’une étoile encore plus grande que L’Œuf au plat. Pour ma part, je me suis attardé sur la planète du Réverbère, la plus petite de toutes. Une planète qui fait un tour complet sur elle-même en une minute, ce qui contraint l’allumeur du réverbère à l’allumer puis à l’éteindre sans pouvoir prendre du repos. De tous les personnages rencontrés, l’allumeur du réverbère sera le seul dont le Petit Prince aurait aimé se faire un ami, « parce qu’il s’occupe d’autre chose que de soi-même ». Mais voilà, sur la planète du Réverbère il n’y avait pas de place pour deux.

       31 juillet 1944, pour une raison inconnue – hypothèse la plus probable mais non étayée : abattu par un chasseur allemand – le bimoteur P-38 Lightning, aux commandes duquel se trouve, seul, Antoine de Saint-Exupéry, s’enfonce dans la mer, au large de Marseille. Ce jour-là, l’auteur du Petit Prince effectuait une mission de reconnaissances photographiques devant servir à la préparation du débarquement des troupes alliées en Provence, fixé au 15 août suivant. Le Petit Prince, publié voilà tout juste un an à New York, où il s’est réfugié après la défaite de 1940, sera le dernier opus de Saint-Exupéry. En pleine guerre mondiale, il nous adressait un message crypté. Je partage cette idée que son dessin d’une planète envahie par trois baobabs dénonçait la sauvagerie des trois forces de l’Axe que sont alors l’Allemagne nazie, l’Italie fasciste et le Japon.

       D’autres forces de cette même engeance ont ressurgi depuis lors. Elles assombrissent l’avenir de notre planète bleue. Il faut remettre Le Petit Prince dans toutes les mains et dans tous les cœurs. 

     

     

                                                                                                                                                    Claude Tarin

     

                                                                                                                                      Lundi 4 décembre 2023

     


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     Les circonstances m’ont amené (précédente chronique La planète des Fous) à annoncer plus rapidement que prévu, après quasiment un an de silence, mon intention de redonner vie à ce blog sous un nouvel intitulé. Le Point K n’était destiné à naître sur les cendres de Kermouster…l’humeur du jour que dans le courant de la mi-décembre ; avec pour premier thème de réflexion : le message en déshérence de la Symphonie du Nouveau Monde d’Antonin Dvořák, une symphonie, la neuvième de ce compositeur Tchèque, qui chaque fois que je l’écoute, a le don de me transporter dans un « autre monde », celui où règne la concorde universelle.

       Pour avoir consulté la programmation du Carnegie Hall, le grand auditorium new-yorkais où elle a été exécutée pour la première fois le 16 décembre 1893, j’ai constaté, à regret, que le pays de L’oncle Sam n’allait pas être au rendez-vous du 130ème anniversaire. C’est dans cette mythique salle de concert new-yorkaise qu’un tel anniversaire se devait d’être fêté…même si, fort heureusement, elle fait depuis lors partie des « incontournables » du grand répertoire, à travers le monde. Il n’en reste pas moins vrai que le pays qui l’a vu naître n’est pas celui qui colle le mieux à l’humanisme qui suinte entre les notes de cette merveilleuse et envoûtante partition.  

       C’est à cela que je pensais ce lundi dernier quand, découvrant le visage hilare du vainqueur de l’élection en Argentine, je n’ai pu retenir mon envie d’expulser, sans plus attendre, cette angoisse qui ne me lâche plus depuis que je suis contraint de reconnaître que la volonté du peuple, dans des pays dits démocratiques, peut encore, au XXIème siècle, nous amener au pire.

       Sans un excès de naïveté, pour m’en tenir au pays qui s’honore d’avoir accueilli en son sein la statue de La Liberté éclairant le monde, j’ai longtemps voulu croire, que de ce côté-là de l’Atlantique, ce message humaniste d’Antonin Dvořák, portait enfin ses fruits ; mais l’élection à la Présidence des Etats-Unis de Barak Obhama aura été un trompe l’œil ; elle a masqué les réalités sociétales, minées par le racisme, que ce compositeur européen aura découvert par lui-même le 27 septembre 1892 en mettant le pied sur ce continent, quatre cents tout juste après Christophe Colomb.

       Ce n’est pas sans se faire prier que Dvořák, modeste fils de boucher dont la célébrité sur le plan musical n’était déjà plus à faire, a répondu favorablement à la demande qui lui était faite de venir sur place prendre en charge un tout nouveau conservatoire, tout en mettant à profit son contrat pour composer une symphonie typiquement américaine, la plus possible dégagée du carcan de la musique allemande ; n’avait-il pas réussi, alors que son pays demeurait soumis à la tutelle politique et culturelle autrichienne, à se libérer de cette prégnance, tout en restant admiratif et humble face à ses célèbres prédécesseurs germaniques que sont Beethoven et Wagner, pour ne citer que ces deux grands symphonistes. Mais l’Amérique, c’était loin, c’était s’éloigner trop de temps de cette terre natale qu’il aura chérie plus que tout. Il finira par accepter et honorera les espoirs mis en lui.

       Dans l’entretien qu’il a accordé au New York Herald, au lendemain de cette création, Antonin Dvořák  explique en ces termes le sens de sa démarche : « Je pense que la musique des Noirs et celle des Indiens, sont pratiquement identiques aux modèles européens utilisés par Mendelssohn, les anciens modes ecclésiastiques, Félicien David dans sa Symphonie «Le Désert», Verdi dans «Aïda » et moi-même dans ma Symphonie en ré mineur. J'ai donc étudié attentivement un certain nombre de mélodies indiennes qu'un ami me donna, et m'imprégnais complètement de leurs caractéristiques…en fait de leur âme. »

       Profondément croyant, Dvorak a jeté un regard lucide et sans a priori sur ce Nouveau Monde où il va séjourner trois ans durant. Mais la salve des applaudissements qui a salué sa Neuvième Symphonie ne peut faire oublier qu’il se trouva d’autres éditorialistes et d’autres compositeurs pour dénigrer et regretter qu’il ait donné la parole à ce que d’aucuns considèrent alors comme des êtres n’appartenant pas à ce peuple américain, si ce n’est de races inférieures.

       Bien avant ces deux journées du sacre,  Dvořák  avait annoncé la couleur : « Je suis à présent convaincu que le futur de la musique de ce pays devra prendre sa source dans ce que l’on appelle les mélodies nègres » avait-il déclaré courant mai 1893 au New York Herald.

       Depuis son arrivée à New York, Dvořák avait pu apprécier cette musique à travers la voix de Harry Burleigh (1866-1919), un jeune élève noir du Conservatoire dont il avait été appelé à diriger la programmation musicale. Et il y avait déjà plusieurs années qu’il avait en tête une œuvre du grand poète américain Henry Longfellow (1807-1882). Le chant de Hiawatha est un élément clef de sa neuvième symphonie.

       Cette première déclaration aura heurté une opinion empreinte de préjugés racistes car Dvořák laissait déjà entendre que l’on peut créer une école nationale américaine fondée sur un héritage non européen Dans l’édition du New York Daily Tribune du 7 janvier 1894, Henry Krehbiel balaye, d’un trait de plume acéré, le propos tenu par le compositeur américain George Chadwick reprenant cette idée que de « telles mélodies ne peuvent devenir la base d’une école américaine de musique ». « Ces chants, lui rétorque Henry Krehbiel, quoiqu’ils contiennent des intervalles et des particularités rythmiques d’origine africaine, sont le produit des institutions américaines, mais aussi d’un environnement social politique et géographique où ont été placés les esclaves noirs […]. Le matériau brut peut bien être étranger, le produit fini est natif de l’Amérique ».

       Aujourd’hui, cent trente ans après la création de cette symphonie, nul ne peut contester que Dvořák a été un précurseur. L’Amérique a donné naissance à de talentueux compositeurs qui ont su plonger dans les jeunes racines de ce Nouveau Monde. Ils ont incontestablement contribué à jeter des passerelles entre les diverses composantes de ce grand pays. Toute œuvre musicale digne de ce nom doit déboucher sur une transcendance.

       Hélas, le message de ce qui aurait pu devenir la symphonie de référence pour les Etats-Unis est aujourd’hui en déshérence, notamment dans ce pays d’où il a émergé  

       Je me console en me disant que ce vendredi soir France Musique fera entendre sur son antenne cette Symphonie du Nouveau Monde, en deuxième partie d’un concert de l’Orchestre symphonique de Radio France, dirigée par une jeune chef finlandaise de tente ans, Emilia Hoving.

     

    ·         SourcesAntonin Dvořák  , Guy Erismann, (Editions Fayard), Dvořák in America, Joseph Horowitz Ed. Cricket Book) ; Antonin Dvořák , Philippe Simon, (Coll. Mémophiles,Ed. Papillon)

     

                                                                                                                                   Claude Tarin

                                                                                                                     Kermouster 23 novembre 2023


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    De Kermouster…l’humeur du jour au Point K, pourquoi une telle métamorphose ?

    Avant d’en arriver là, j’ai, de longs mois durant, soupesé l’intérêt de la chose. Fallait-il reprendre la plume et s’imposer ce changement d’échelle, car, avec le Point K, je m’affranchis totalement du confort (somme toute très relatif) de la proximité ?

    Pour avoir dix ans durant souligné aux voisins et amis les bénéfices que l’on peut tous tirer en s’adonnant à l’exercice (maîtrisé car réfléchi) qui consiste à écrire pour être lu, je romps unilatéralement ce contrat moral qui m’a, de facto, lié à ce hameau du bout du monde, durant une décennie, et ce, pour la raison suivante : au travers de ce blog repensé, je me mets tout bonnement dans la peau du gars qui lance des messages sur la Toile comme ceux que l’on glisse dans une bouteille pour les confier à l’océan, en espérant que celui-ci soit porteur.

    Tout en restant bien évidemment Kermoustérien de fait et de cœur, je rangerai le costume dans l’armoire au gré de mes humeurs pour enfiler, d’une façon plus affirmée, celle du citoyen du monde. Même si mon Point K est enraciné dans ce coin de la Presqu’île dite sauvage, je ne veux plus en aucune façon prendre le risque d’apparaître, peu ou prou, comme le porte-parole d’une communauté ayant la chance de vivre dans un paysage de rêve. Ce qui s’écrira dans ce blog ne sera que l’expression de mes états d’âme et qu’importe si certains y voient les divagations d’un ego. Ecrire est une nécessité. Et si ce que laisseront transparaître mes pensées génère le débat, je ne peux qu’inciter les lecteurs de ce blog à y participer ; en tenant compte de cette règle intangible : respect et tolérance.

    Est-ce bien nécessaire de le préciser : sans coiffer la casquette du Commandeur, mes écrits se mettront au service de la Démocratie, sociale, républicaine, européenne et mondiale.

     

    Pourquoi Le Point K ?

     

    En choisissant ce titre, je rends un hommage tardif à tous ces marins et scientifiques qui armaient des navires venant se positionner sur des points fixes dans l’océan pour assurer un service météo. A l’origine de ce service, début des années 1920, l’Office national météorologique de France, l’ancêtre de Météo France. Le point K (pour Kilo) se situait en Atlantique, au large du golfe de Gascogne.

    Ces navires, qui faisaient le bouchon durant plusieurs jours d’affilée, souvent au cœur même des dépressions qu’ils nous annonçaient, sont devenus obsolètes dans les années 1980 ; les océans sont désormais peuplés de bouées météorologiques en liaison avec la constellation satellitaire quand elles remontent à la surface.

     

    Pourquoi ce jour ?

     

    Si l‘ampleur des dégâts des tempêtes et inondations de ces jours derniers défrayent encore la chronique, on ne peut que reconnaître les progrès accomplis dans le domaine des prévisions ; la connaissance des humeurs océanes y est pour beaucoup ; des progrès, il y en aura d’autres. Mais ce ne sont pas ces stigmates encore mal refermés qui me font quitter cette longue plage de silence.

    Depuis plusieurs semaines, fort des secousses géopolitiques, dramatiquement illustrées par le conflit isréaëlo-palestinien, je cherchais à trouver les mots pour exprimer mon désarroi. Qui suis-je pour pouvoir prétendre faire entendre ma voix ? Assurément une simple goutte d’eau, mais comme celles de la mer, pouvant libérer son grain de sel, s’ajoutant ainsi à celles qui partagent cette inquiétude tout en essayant de conjurer le pire, noyées qu’elles sont dans cet univers où l’image et la désinformation font peser une chappe de plomb sur l’esprit des Lumières.

    Or, ce lundi matin, en ouvrant l’ordinateur à l’heure de l’Angélus, la digue qui retenait la plume s’est effondrée : sur l’écran, le visage hilare du vainqueur des élections en Argentine…

    Un démagogue de plus à qui le peuple "dans sa grande sagesse" confie le pouvoir. Cela nous pose question !

    Les scientifiques nous alertent depuis longtemps sur la menace que font peser nos façons de vivre sur le climat. Le plus désespérant c’est que cela se conjugue avec le cancer populiste qui ronge la Démocratie. Sommes-nous condamnés à vivre sur la planète des fous ?

     

     

                                                                                                                                                Claude Tarin

     

                                                                                                                           Kermouster 20 novembre 2023

     

     

     


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    Il ne faisait pas un froid de canard, en ce premier jour de l’an ; mais une double menace perçait dans la grisaille humide du ciel ; tout portait à croire que nos « hirondelles de mer » ne seraient pas au rendez-vous, ce qui aurait pour cruelle conséquence de faire tomber à l’eau le traditionnel vin chaud que ces téméraires baigneurs et baigneuses souhaitent pouvoir partager avec moult amis susceptibles de venir les encourager. C’était douter des capacités des uns et des autres à se jouer des caprices du temps. Une belle poignée de Kermoustériens a pu, ainsi, ouvrir le chapitre 2023 de la vie du hameau.

    Chaque jour qui passe nourrit nos journaux de bord respectifs ; celui du Nouvel An a, pour tous, force de symbole ; Porteur d’espoirs - qu’illustre chaleureusement l’échange collectif des vœux - il s’apparente à un cap que l’on vient de franchir.

    Franchir un cap, ce n’est pas tourner le dos à la réalité. La veille, à peu près à la même heure, les Kermoustériens étaient rassemblés pour accompagner jusque sa dernière demeure Yves Le Briand ; un homme profondément estimable dont tout le monde a pu apprécier la capacité à faire face jusqu’à son dernier souffle ; une séparation définitive qui est venue s’ajouter à bien d’autres durant l’année passée. Il est heureux, que cette fois-ci encore, ce soit en la chapelle de Kermouster qu’aient pu être célébrées ses obsèques. Cette chapelle l’a vu naître et grandir ; alors puisque tel était son vœu et celui de sa famille…

    2023 n’efface en rien 2022, ni le passé, mais à défaut d’être un bain de jouvence, le désormais traditionnel rendez-vous sur la grève de l’Île à bois a été, comme les fois précédentes, on ne peut plus revigorant, même pour celles et ceux qui se sont bien gardés de mettre un pied dans l’eau.

    Si nous ne pouvons prédire l’avenir, même si nous ne sommes pas, cependant, sans savoir qu’il y a de sérieux récifs dans un avenir proche, nous avons en nous la capacité à tenir bon. Il suffit parfois de se rafraîchir les idées, de relativiser et, si possible, de positiver.

    Ainsi, pour accompagner toutes ces photos d’un bon moment de partage, je suis allé à la pêche de quelques proverbes nous mettant en rapport avec la mer et avec cette période des vœux. Avec en guise de conclusion un haiku d’un maître zen, le japonais Santoka Taneda (1882-1940). Un zest de poésie dans l’océan tempêtueux de nos états d’âme peuvent nous aider grandement à affronter sans crainte excessive les déferlantes.

     

                                                                                                                                          Claude Tarin

                                                                                                                              Lundi 2 janvier 2023

     

    Nos « hirondelles de mer » étaient au rendez-vous…

      “C'est en allant vers la mer que le fleuve reste fidèle à sa source.” (Jean Jaurès)

     

    Nos « hirondelles de mer » étaient au rendez-vous…

    “Certaines âmes vont à l'absolu comme l'eau va à la mer. » (Henri de Montherlant)

     

    Nos « hirondelles de mer » étaient au rendez-vous…

    Nos « hirondelles de mer » étaient au rendez-vous…

      “La vie, c’est comme la mer, elle ne porte que ceux qui remuent.” (Hervé Bazin)

     

    Nos « hirondelles de mer » étaient au rendez-vous…

    Nos « hirondelles de mer » étaient au rendez-vous…

     “La voix de la mer parle à l’âme. Le contact de la mer est sensuel, et enlace le corps dans une douce et secrète étreinte.” (Kate Chopin)

     

    Nos « hirondelles de mer » étaient au rendez-vous…

      “L'amour est une mer dont la femme est la rive.” (Victor Hugo)

     

    Nos « hirondelles de mer » étaient au rendez-vous…

     "Nous arrivons tout nouveaux aux divers âges de la vie, et nous y manquons souvent d'expérience malgré le nombre des années" (François de La Rochefoucauld)

     

    Nos « hirondelles de mer » étaient au rendez-vous…

     “Les souvenirs sont façonnés par l'oubli comme les contours du rivage sur la mer.”

    (Marc Augé)

     

    Nos « hirondelles de mer » étaient au rendez-vous…

    Nos « hirondelles de mer » étaient au rendez-vous…

     "Il ne faut pas chercher à rajouter des années à sa vie-mais plutôt essayer de rajouter de la vie à ses années" (Jack Kennedy)

      

    Nos « hirondelles de mer » étaient au rendez-vous…

     « J'ai renoncé à croire que les années soient nouvelles et puissent apporter un bonheur qui est désormais derrière moi. Mais cela ne me fait pas désirer moins vivement que soient heureux ceux que j'aime » (Marcel Proust)

     

    Nos « hirondelles de mer » étaient au rendez-vous…

     

    Me voilà

    là où le bleu de la mer

     est sans limite

     

     

     

     

     


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